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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
sncf
23 juillet 2020

Etat - SNCF : premières pistes post-covid

Est-ce l'effet du remaniement ou la surdité sélective qui connaît une accalmie ? L'Etat commence à avancer ses pistes pour soutenir la SNCF, mais continue d'entretenir une certaine confusion.

Pour ce qui est des conséquences du confinement sanitaire sur les pertes de trafic, l'Etat envisage deux solutions qui pourraient être combinées : la recapitalisation de l'entreprise et la reprise de la dette au-delà des 35 MM€ déjà prévus.

Dans leurs déclarations aux médias, la ministre de la Transition énergétique et le ministré délégué aux Transports assortissent cette compensation à des objectifs sur le renouvellement, la fiabilisation et l'augmentation de la performance du réseau. Attention à ne pas mélanger les sujets !

Ces trois points n'ont rien à voir avec les pertes de recettes, estimées autour de 5 MM€, de la SNCF, mais dépendent essentiellement des investissements et donc de l'ambition de l'Etat en la matière, ce qui renvoie à la nouvelle contractualisation, en particulier Etat - SNCF Réseau, le fameux Contrat de (non-)Performance.

Un autre sujet récurrent est en train de sérieusement s'inviter aux débats : le niveau des péages. L'Etat ne dotant pas suffisamment SNCF Réseau pour financer le renouvellement, c'est par une fraction des redevances d'utilisation du réseau que provient le complément. Or la tendance est plutôt à la hausse et dans des proportions jugées trop élevées par les opérateurs et les Régions, qui rappellent que leurs dépenses sont plafonnées par le même ministère des Finances. Une révision de la tarification, pour être plus incitative sur le transport de voyageurs, notamment en heures creuses et le week-end, mais aussi pour le fret (afin d'amorcer une dose de politique de volume) suppose que l'Etat compense par le contrat avec SNCF Réseau de sorte à maintenir la dotation d'investissement. Or celle-ci est fixée à 2,77 MM€ en 2020 (contre 3 MM€ initialement prévus suite au coup de rabot de l'année 2019) et, selon nos estimations, il faudrait qu'elle soit purement et simplement doublée pour être conforme aux déclarations du Président de la République et du gouvernement, que ce soit sur le fret, le réseau structurant et les petites lignes. Une chose est à peu près certaine : le ferroviaire n'obtiendra pas 5 MM€ par an pour le renouvellement de l'infrastructure...

Dernier point, le gouvernement semble esquisser le retour de certains trains de nuit en 2022. On commence à entendre parler du Paris - Nice, voire de liaisons Paris - Savoie. Reste à savoir avec quel matériel car les radiations et démolitions sont allés bon train depuis l'arrêt de ces relations.

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2 juillet 2020

RENFE souhaite 5 allers-retours Lyon - Marseille

La RENFE a notifié à l'Autorité de Régulation des Transports son intention d'exploiter à compter de décembre 2021 des relations Lyon - Marseille à grande vitesse à raison de 5 allers-retours (départs souhaités à 7h06, 11h06, 13h36, 17h36 et 19h36 de Lyon Part-Dieu et à 6h36, 8h10, 12h10, 14h10 et 18h36 de Marseille Saint-Charles), assurés avec des rames S100 similaires aux TGV Réseau. Ces trains desserviraient Avignon TGV et Aix en Provence TGV avec un temps de parcours de 1h40.

La desserte rapide entre les deux métropoles comprend en 2020 14 allers-retours TGV assurés par la SNCF (dont un est dévié sur Lyon Perrache) ainsi que 5 allers et 7 retours Ouigo (toujours par la SNCF) dont 2 desservent les gares centrales (Lyon Perrache ou Lyon Part-Dieu). Certaines demandes de la RENFE semblent incompatibles avec les actuels sillons de la SNCF, comme le montre le tableau ci-dessous, où les Ouigo figurent en bleu (LYS signifiant Lyon Saint Exupéry).

TGV-lyon-marseille-2020

C'est évidemment la - première ? - réplique de la RENFE aux projets de la SNCF en Espagne. Cependant, si l'offre SNCF est assez confuse (avec parfois des successions InOui - Ouigo très resserrées notamment en milieu matinée), le projet de la RENFE, notamment dans le sens Marseille - Lyon, entre en conflit franc avec les circulations existantes de la SNCF. Mais il n'y a pas de droit du grand-père en matière de sillons...

15 juin 2020

Le train à la reconquête des clients

Pas facile de faire revenir les voyageurs dans les trains. Le confinement les a logiquement vidés, mais c'est aussi face à une inquiétude, une peur, une panique qu'il faut lutter. L'analyse a posteriori des origines de la crise sanitaire semble pour l'instant démontrer que les transports en commun n'ont pas été un lieu de contamination (même avant le confinement). Les mesures prises par les exploitants pour renforcer le nettoyage des véhicules et des espaces de ces réseaux réduisent encore un peu plus ce risque qui était faible.

Pourtant, la reprise du trafic est lente. Certes, une partie des salariés continue le télétravail. Les établissements scolaires sont encore ouverts avec parcimonie et les vacances d'été approchent de toute façon. Les étudiants, qui eux n'ont pas repris le chemin des amphithéâtres, comptent parmi les absents. Sur les liaisons longue distance, le retour des voyageurs est beaucoup plus lent qu'il ne le fut après la grève de l'hiver passé. D'où la persistance des inquiétudes. Pas facile d'aller à rebours d'une situation anxiogène et d'un climat de suspicion généralisée. Bilan, c'est le transport individuel qui sort gagnant. A commencer évidemment par la voiture.

La SNCF a déjà pris une première mesure commerciale avec 3 millions de billets sur les TGV et les TET à un prix maximum de 49 € pour essayer de faire décoller les réservations et obtenir un taux de remplissage des trains correct. Néanmoins, elle a dû procéder à quelques suppressions de trains et il faut espérer que les clients reviennent au train pour limiter ces corrections commerciales.

Les Régions et la SNCF lancent également 4 mesures inédites pour inciter les français à utiliser les trains régionaux cet été :

  • 2 millions de billets à moins de 10 € ;
  • un pass pour les jeunes valable sur tous les trains régionaux ;
  • l'extension de la validité des abonnements TER à l'ensemble du territoire (sauf Ile de France évidemment) ;
  • une communication renforcée sur l'articulation train régional - tourisme - patrimoine avec notamment cette carte interactive

Alors, on serait tenté de lancer un slogan :

« Pour vos vacances d’été, les petites lignes vous choisirez ! »

Il faut donc espérer que les trains se remplissent cet été pour limiter autant que possibles les dégâts économiques et financiers. Les mesures annoncées sur le transport régional et le tourisme vont plutôt dans le bon sens et il est presque dommage qu'il ait fallu attendre un tel événement pour valoriser le train dans ce pays qui reste la première destination touristique mondiale et qui peut être le vecteur commun à bien des formes de découverte des territoires. Ne manquerait plus guère qu'une rubrique à TF1 13 heures « Nos petites lignes ont du talent ». Nos dossiers sur le lien entre train et tourisme et sur les lignes régionales sont déjà là pour vous donner des idées si vous en manquez !

Ah si quand même : il faudrait qu'il y ait des trains en nombre suffisant (donc généralement plus nombreux, pour atteindre a minima sur toutes les lignes une cadence aux 2 heures tous les jours de la semaine) sur des infrastructures dans un état correct... ce qui nous ramène à la question pour l'instant sans réponse d'une prise en charge par l'Etat des conséquences économiques et financières du confinement sanitaire sur la situation financière non seulement des opérateurs du groupe SNCF, mais aussi des autres opérateurs (voyageurs et fret), et du gestionnaire d'infrastructures. La perte pour le groupe SNCF est estimée à 4 MM€ dont 800 M€ pour SNCF Réseau entre la réduction du nombre de circulations et les impacts sur les chantiers.

Un sujet de plus pour l'Etat, qui doit aussi réviser le Contrat de (non-)performance Etat - SNCF Réseau avec la question ô combien central de l'engagement de l'Etat sur le niveau d'ambition pour le transport ferroviaire, non seulement pour moderniser les grands axes, mais aussi sur un sujet qui sera central dans l'année à venir avec la perspective des élections régionales : les lignes de desserte fine du territoire. Et pour l'instant, toujours pas de fumée blanche !

5 juin 2020

Le modèle économique du rail français en question

Allô Papa Tango Charly...

Les conséquences de la crise sanitaire sur l'économie des transports ont de quoi inquiéter mais il semblerait que la tutelle regarde ailleurs. La rapidité avec laquelle l'Etat est venu au chevet d'Air France et maintenant de Renault dont il est actionnaire minoritaire, tranche avec ce qui ressemble de plus en plus à une stratégie de l'esquive à l'encontre des entreprises de transport dont il est l'actionnaire unique - la SNCF et la RATP - ou des services hospitaliers pour lesquels il semble comme d'habitude urgent d'attendre.

Chez nos voisins européens, l'Allemagne va aider la DB, qui a fait remonter une perte de 11 à 13,5 MM€ sur l'année et que l'Etat prendrait en charge à 6,7 MM€ : le reste sera couvert par un relèvement du plafond d'endettement qui passera de 25 à 30 MM€ et le groupe ferroviaire s'engage sur une trajectoire de productivité accrue pour résorber l'endettement de l'ordre de 5 MM€. Les opérateurs privés de fret se font entendre pour éviter une distorsion de concurrence.

En Italie, le gouvernement va compenser à hauteur de 115 M€ le manque de recettes de péages de RFI, et lui accorde 155 M€ d'aide qui se traduiront par des remises pour le fret et les activités voyageurs non subventionnées. En outre, il versera 70 M€ en 2020 et 80 M€ de 2021 à 2034 à ces opérateurs aux risques et périls pour compenser les effets économiques directement imputables à la crise sanitaire. Le transport régional disposera d'une enveloppe de 500 M€ cette année pour amortir les conséquences de la chute du trafic. Au Royaume-Uni, les franchises ont été mises en suspens et l'Etat assume le risque commercial à leur place, du fait des mesures de restrictions du trafic imposées par lui-même.

En France, pour l'instant, rien de tout cela et pourtant, pour paraphraser Raymond Barre, il serait particulièrement urgent de mettre un frein à l'immobilisme ! La FNAUT a adressé un courrier au Président de la République, comme le GART, signe que le dialogue avec le Ministère des Transports et avec Matignon semble difficile sinon bloqué.. et que la présidentialisation du régime se poursuit (pour ceux qui ne l'aurait pas remarqué).

La FNAUT demande :

  • le retour de la TVA à 5,5% et de l'appliquer désormais aussi aux liaisons ferroviaires longue distance, dans le cadre d'un rééquilibrage de la fiscalité des modes de transport selon leur empreinte environnementale, avec la réduction des aides au transport aérien (500 M€ par an selon une étude de la FNAUT)
  • de veiller à l'indépendance de SNCF Réseau vis à vis des opérateurs SNCF afin d'assurer une équité de traitement avec les autres entreprises ;
  • d'adapter le niveau des péages aux capacités des opérateurs ;
  • d'accélérer l'ouverture à la concurrence sur le marché intérieur (sur les liaisons longue distance relevant de sa compétence) ;
  • de revoir la politique d'investissements sur les modes routiers (329 km d'autoroute en construction) et aériens (extension de certains aéroports).

De son côté le GART, met en avant les conséquences budgétaires du confinement imposé par l'Etat sur l'économie des transports publics (voir notre article à transporturbain).

La maison SNCF tient... mais jusqu'à quand ?

Auditionné à l'Assemblée Nationale le 20 mai dernier, le président du groupe SNCF, Jean-Pierre Farandou, a exposé les risques à court terme pour l'entreprise ferroviaire... mais il faudrait parler des entreprises car la situation est assez différente entre la partie Opérateur et la partie Infrastructure. Le président de SNCF Réseau a été auditionné le 3 juin dernier.

La fin des mesures de distanciation, plafonnant le nombre de places vendues dans les trains, a été levée le 2 juin, ce qui a permis à SNCF Voyageurs de rétablir la pleine capacité, accompagnée d'une offre promotionnelle avec 3 millions de billets à 49 € maximum. Mais il faudra analyser le comportement de la population et le rythme de retour au niveau de trafic antérieur... avec de notables interrogations sur les enseignements de la période de confinement et notamment le volume de déplacements d'affaires.

Cette inconnue est de taille car elle concerne au premier chef les TGV. Quel sera aussi l'impact d'un accroissement du télétravail sur les déplacements domicile-travail ? Quel sera le rôle du train dans l'économie des loisirs alors que le gouvernement multiplie les incitations au tourisme estival en France ? Face à ces questions, il apparaît assez nettement que les débats sur le rééquilibrage de l'usage de la voiture et de l'avion sont très liés à l'évolution économique de la demande ferroviaire. En ce sens, l'intégration du levier de transition écologique, notamment par la modération du rôle de l'avion sur certaines liaisons intérieures, serait plutôt de nature à conforter l'économie du ferroviaire.

A propos de l'ouverture à la concurrence, une interrogation a été soulevée sur la pérennité de la logique de financement des Trains d'Equilibre du Territoire par le biais de la Taxe de Solidarité sur les Territoires prélevée sur les activités commerciales de la SNCF c'est à dire essentiellement les liaisons TGV. De façon à peine voilée, c'est un appel de l'opérateur à l'Etat avec à la clé la possibilité de réduire l'offre faute de mesure adaptée. Posture un peu plus complexe pour SNCF Réseau, qui peut voir dans l'ouverture du marché une source de circulations supplémentaires (donc de recettes)... mais qui ne peut pas être trop mise en avant au risque de froisser l'approche du groupe...

Ces questions sur l'évolution du trafic rebondissent tout naturellement sur SNCF Réseau via les péages, et les dividendes versés par le groupe. Les pertes pourraient atteindre 800 M€ selon M. Lallemand. Elles sont d'autant plus préoccupantes que de nombreuses voix convergent pour réaffirmer le rôle du transport ferroviaire et ses atouts dans l'objectif de décarbonation des transports. Or les moyens dévolus à SNCF Réseau ne lui permettent que de stabiliser l'âge des infrastructures, pas de le réduire (toujours les conclusions de l'audit de l'EPFL). Il manque toujours au moins 500 M€ par an pour les besoins du seul réseau structurant. Les évolutions législatives récentes ont néanmoins chargé la barque. La sortie du glyphosate est un noble objectif, mais les solutions alternatives, générant environ 400 M€ par an de dépenses supplémentaires, ne sont pas financées, pas plus que la maintenance des ponts-routes de certaines communes, qui pourrait représenter plus de 100 M€ par an également. Or en 2019, la dotation pour 2020 a décroché par rapport à la trajectoire définie par le législateur qui prévoyait d'atteindre 3 MM€ sur le renouvellement du réseau. Il manque environ 200 M€ par construction budgétaire, qui s'ajoutent évidemment aux centaines de millions ci-dessus. Le besoin minimal serait de 3,5 MM€ (encore l'audit EPFL) et on serait tenté de considérer qu'avec les mesures connexes, ce sont bien 4 MM€ par an qu'il faudrait accorder à SNCF Réseau pour assurer la mission de renouvellement... sans parler des effet de la crise sanitaire sur le coût des travaux (mesures spécifiques, impact des déprogrammations et chute de l'activité).

Néanmoins, M. Lallemand lui aussi a appelé de ses voeux une position forte du transport ferroviaire dans un plan de relance (dont on dit qu'il pourrait émerger en septembre) au regard de ses atouts économiques, écologiques et territoriaux. Le fret devrait y jouer un rôle important... si l'Etat met en oeuvre les moyens d'amélioration du réseau ferroviaire et un soutien de cette activité, y compris par des mesures de rééquilibrage intermodal. Les sénateurs ont d'ailleurs largement souligné le déficit d'interconnexion entre le réseau ferroviaire, la voie maritime et le réseau fluvial en France.

Il n'en reste pas moins que la position de M. Lallemand sur certains points a été jugé évasive par les sénateurs sur des points concernant directement SNCF Réseau. Ce fut le cas sur l'indépendance du gestionnaire au sein du groupe : il s'est retranché derrière l'Autorité de Régulation des Transports, mais les sénateurs attendent une posture pro-active et pugnace de SNCF Réseau. Il leur faudra attendre. Même chose sur la position de SNCF Réseau sur les travaux du secteur Paris Nord : M. Lallemand exécute le contrat sur CDG Express. La Région Ile de France appréciera certainement... modérément.

M. Lallemand met en avant l'accélération de la centralisation de la commande du réseau (les CCR), dont le rythme actuel est tributaire d'une logique financière fondée sur les échéances de renouvellement naturel des installations existantes... qui semble évoluer en fonction des moyens octroyés plus que de la réalité technique. Il promeut également une réduction importante - il serait question d'une première tranche de 3000 - du nombre d'appareils de voie mais qui suppose une analyse de l'utilité réelle des aiguillages, et de la prise en compte des effets sur les installations de signalisation et des postes d'aiguillages, ce qui n'est pas vraiment dans la logique actuelle du Contrat Etat - SNCF Réseau (ne l'appelons plus contrat de performance...). Son appel à une logique économique est en revanche assez logique, soutenant une dimension pluri-annuelle qui faciliterait la réalisation d'investissements dont les effets se font sentir dans un second temps pour réduire dans la durée du coût de possession du réseau. Mais dans le même temps, il n'a pas caché une forme de perplexité sur les projets d'équipement ERTMS sur certaines lignes.

L'audition de MM. Farandou et Lallemand semble avoir plongé certains parlementaires dans un abyme de perplexité : il y a encore besoin de clarifier les ambitions, la stratégie et les moyens, et cela n'était manifestement pas adressé qu'aux dirigeants de la SNCF !

4 juin 2020

Les opérateurs du fret organisent leur lobbying

Les acteurs du fret ferroviaire français organisent leur lobbying et mettent - au moins temporairement et en façade - en sourdine leur compétition et parfois leurs critiques pour intensifier le lobbying auprès du gouvernement français et de l'Union Européenne en faveur du transport de marchandises par voie ferrée. Le groupement 4F, en quelque sorte la déclinaison de Rail Freight Forward à l'échelle européenne, a été constitué en mars dernier : il regroupe la SNCF et l'AFRA, l'Association Française du Rail constituée des différents opérateurs privés de fret (y compris VFLI, filiale du groupe SNCF)

4F s'appuie sur le souhait de l'Europe de porter la part de marché du rail à 30% dans le domaine des marchandises, contre 18% aujourd'hui (9% même en France) et réclame notamment un rééquilibrage de la concurrence avec la route, une amélioration des conditions d'utilisation du réseau avec un peu plus de flexibilité (tous les marchés ne se planifiant pas 2 ans à l'avance) et surtout une performance accrue, et bien entendu des progrès dans la relation entre les gestionnaires d'infrastructures, les opérateurs et les clients finaux avec en fil d'Ariane la digitalisation des outils.

Les acteurs du transport combiné essaient de profiter du regain d'intérêt envers le fret, qui a été sous le feu des caméras pendant la période de confinement. Durant ces 3 derniers mois, environ 65% des circulations ont pu être effectuées par rapport au programme initial, révisé à la baisse par la chute de la demande de certains clients. Le maillage des installations multimodales est encore perfectible mais les opérateurs essaient de tirer leur épingle du jeu par la flexibilité de cette solution et évidemment la trajectoire des objectifs environnementaux du transport de marchandises. Evidemment, le positionnement de l'Etat est attendu sur le devenir du soutien au transport ferroviaire de marchandises, tant par un programme d'investissement sur les infrastructures qu'un soutien aux acteurs avec la pérennisation de l'aide au coup de pince.

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Uchizy - 19 juillet 2019 - Le fret cherche à sortir de l'ombre. Le transport combiné espère un nouveau souffle. Les opérateurs semblent vouloir d'abord miser sur ce qui les réunit (le développement du mode ferroviaire). Ici, la BB26217 de la SNCF descend un train majoritairement composé de citernes adaptée au transport multimodal sur l'axe PLM. © E. Fouvreaux

L'un des freins du transport combiné, outre la traditionnelle question récurrente de la qualité et de la quantité de sillons, c'est l'appréhension des transporteurs face à la perte de la maîtrise de la logistique du point A au point B. Elle diminuera avec l'augmentation du maillage territorial en installations multimodales, la réactivation d'installations existantes non utilisées, l'amélioration de la qualité de service et de la consistance des offres ferroviaires. Ainsi par exemple, à Miramas une extension du chantier combiné va être mise en service en 2022, représentant un investissement de 23 M€, pour quasiment doubler sa capacité et viser les 100 000 caisses traitées par an.

Si le transport combiné semble vouloir tirer son épingle du jeu, nul doute que les opérateurs des autoroutes ferroviaires voudront aussi profiter de ce contexte : les services sont plus complémentaires que concurrents, car ils ne ciblent pas totalement les mêmes besoins et le maillage des installations d'embarquement des camions sur les trains restent encore limitées. L'autoroute ferroviaire peut être un bon moyen d'amener progressivement les transporteurs routiers vers une solution ferroviaire, notamment sur les longs parcours et pour franchir des obstacles naturels. Outre l'intensification des services existants, il faudra probablement accélérer le processus de création de nouveaux services sur l'axe Atlantique, ce qui fait aujourd'hui défaut.

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Barisey la Côte - 20 avril 2016 - Cet UM de BB27000 remonte un long train bien rempli de l'autoroute ferroviaire entre Le Boulou et Bettembourg composé de wagons Modalohr. Outre certaines difficultés techniques liés au gabarit admissible sur certaines lignes, la focalisation sur la seule solution développée par Lohr semble freiner l'essor de cette offre qui répond à certains besoins logistiques. © R. Chodkowski

Le fret ne se résume pas à ces deux options : les marchés plus traditionnels sont également très demandeurs d'améliorations. C'est en particulier le cas de cette moitié du tonnage actuellement transporté par voie ferrée qui a pour origine et/ou destination une ligne de ces lignes de desserte fine, qu'elles accueillent ou non des circulations voyageurs : la remise en état de ces lignes est indispensable pour ces activités locales qui tissent une maille industrielle locale. On pense aux eaux minérales, aux céréales, à certaines activités sidérurgiques ou chimiques...

Le lobbying doit mener plusieurs fronts en parallèle : des investissements sur le réseau ferroviare pour le moderniser, un soutien fort à la filère (au titre du moindre impact environnemental), des sillons plus nombreux (ce qui est au moins temporairement contradictoire avec de nouveaux travaux), de meilleur qualité et plus commodes à réserver, une tarification soutenable, une concurrence plus équitable vis-à-vis de la route, une coordination à plusieurs Etats car le fret franchit souvent les frontières... La tâche est assez considérable !

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Varennes lès Mâcon - 24 mai 2020 - Elle est pour l'instant unique mais elle ne passe pas inaperçue : l'Eurodual 6001 de VFLI est la première machine bimode de grande puissance circulant en France, tractant ici un train d'eaux minérales entre Vittel et Arles. Un client habituel du rail qui a souvent besoin d'une petite ligne non électrifiée pour assurer ses acheminements. C'est ici le cas entre Vittel et Merrey. (cliché X)

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Verdun sur le Doubs - 7 novembre 2017 - Les feuilles mortes ne tiennent évidemment pas la voie mais on cherche le ballast, d'où la vitesse des plus réduites de ce train, illustrant le rôle de ces lignes presque oubliées (pas de ceux qui en ont besoin !) de la politique ferroviaire. © B. Grandclément

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16 avril 2020

Flixtrain renonce - pour l'instant ? - en France

Pas de lien avec l'effondrement du trafic ou la crise sanitaire. Du moins c'est ce qui est expliqué par la direction de Flixbus France. Le projet de trains classiques de Flixtrain pour 2021, au départ de Paris vers Bruxelles (8 AR), Lyon (5 AR), Bordeaux (2 AR), Toulouse (2 AR) et Nice (1 AR de nuit) est mis en sommeil par l'entreprise. Argument avancé (voir l'article des Echos du 15 avril) : un équilibre économique difficile en raison de redevances d'usage de l'infrastructure trop élevées. De quoi animer les relations entre SNCF Réseau et l'Autorité de Régulation des Transports...

21 février 2020

Partie de poker sur les petites lignes

In extremis : juste avant la période pré-électorale des élections municipales, l'Etat a officialisé 2 protocoles d'accord, avec la Région Centre Val de Loire et la Région Grand Est, pour le financement des lignes de desserte fine du territoire. Le problème... c'est que ces accords ne parlent à aucun moment du financement de ces mesures. Le Secrétaire d'Etat aux Transports reporte le sujet sur le ministère des Finances, qui doit actuellement préparer le nouveau Contrat Etat - SNCF Réseau faisant suite au passage en Société Anonyme de SNCF Réseau et à la reprise de 35 MM€ de dette. Or rien n'est en mesure d'assurer que les conséquences de ces protocoles se traduiront en espèces sonnantes et trébuchantes.

Le principe, issu des travaux du préfet François Philizot, distingue 3 lots de lignes avec chacune leur logique de financement :

  • lot n°1 : financement 100% SNCF Réseau ;
  • lot n°2 : financement dans le cadre des Contrats de Plan Etat-Région puis des nouveaux Contrats de mobilité qui leur succèderont, avec une participation de l'Etat oscillant entre 20 et 40% selon les lignes ;
  • lot n°3 : financement 100% Régions.

Il est intéressant de noter que le dossier de presse rappelle que si les 2/3 des coûts de renouvellement de ces lignes leur incombe dans le cadre des CPER, l'Etat et SNCF Réseau supportent 85% de leurs charges réelles d'entretien, manière - pas forcément élégante - de rappeler aux Régions que les péages ne sont qu'une modeste contribution à la réalité des coûts du système ferroviaire et que l'Etat porte l'essentiel du coût de ces lignes. En réalité, c'est SNCF Réseau, et plutôt par de la dette. On remarque également que SNCF Réseau apparaît de plus en plus intégrée à l'Etat dès qu'il s'agit de financements, ce qui n'est pas forcément des plus compatibles avec son nouveau statut de Société Anonyme.

Ainsi, en Centre Val de Loire, l'Etat prévoit de reporter sur SNCF Réseau l'intégralité du financement du renouvellement de la ligne Bourges - Montluçon. La Région prendrait de son côté la totalité du besoin sur Tours - Chinon, Tours - Loches et Salbris - Valençay. Les autres lignes UIC 7 à 9 resteraient dans le giron des futurs CPER prévus en 2022.

Dans le Grand Est, les sections Blainville - Epinal - Remiremont et Raon l'Etape - Saint Dié passent en financement SNCF Réseau. La Région prendrait en charge les sections Molsheim - Saint Dié, Saint Dié - Arches, Obernai - Sélestat et Jarville - Vittel.

La projection réalisée sur l'ensemble du territoire amènerait à reporter le financement d'une quinzaine de lignes UIC 7 à 9 sur SNCF Réseau, avec un impact évalué à 1,4 MM€ par an, soit tout de même 40% de l'actuelle dotation de renouvellement, qui ne couvre que 15 000 km de lignes environ (les UIC 2 à 6). C'est là que réside le point de blocage : le Secrétaire d'Etat aux Transports précise que cette dépense supplémentaire à charge de SNCF Réseau sera sans impact sur son équilibre économique... mais on se demande comment. A Bercy de trouver le moyen de financer ces protocoles et de mettre à niveau le Contrat de Performance : pas sûr que les deux ministères soient parfaitement alignés. Ce qui est en revanche certain, c'est que SNCF Réseau se retrouve entre le marteau et l'enclume. On a connu position plus confortable...

Les Régions surveillent évidemment ce point de très près : si Bercy n'augmente pas la dotation de SNCF Réseau, le financement de cette quinzaine de lignes ne pourra pas être assuré, sauf à recréer de la dette, ce qui n'est pas possible en SA. En cas de défaillance de l'Etat, SNCF Réseau aura deux alternatives : soit financer à budget constant donc en faisant courir des risques absolument majeurs sur le réseau structurant (vous avez aimé les ralentissements sur les petites lignes ? vous les adorerez sur les grandes !), soit solliciter les Régions... qui, logiquement, se retrancheront derrière la signature de l'Etat. Avec en ligne de mire l'expédient habituellement employé depuis 80 ans : la fermeture de lignes !

Elles seront aussi et enfin très vigilantes sur les futurs contrats avec l'Etat, puisque l'exécution des actuels engagements est très faible : si les Régions ont un taux de l'ordre de 85%, l'Etat n'a mis qu'entre 20 et 25% de ce qu'il avait signé en 2015. En outre, étant appelées à financer 100% du renouvellement de certaines lignes (le lot n°3), mais quand même environ 4000 km sur les 9137 du périmètre en question, les Régions ne manqueront pas de demander à Bercy les ressources correspondantes... surtout dans le cas où elles demanderaient à utiliser l'article 172 de la LOM, sur le transfert de gestion de certaines lignes, qui sortiraient du réseau ferré national. Dans ce cas, une indemnisation devrait être versée, à l'image de ce qui s'est passé sur les voies portuaires il y a quelques années.

L'Etat en profite une nouvelle fois pour mettre en avant la solution des trains légers, en annonçant - sur quelles bases ? - des réductions de coût sur l'infrastructure de 30 à 40% qui nous semblent passablement exagérées.

Autant dire que les prochaines semaines s'annoncent décisives...

22 janvier 2020

Le fret ferroviaire français toujours en dépression

55 milliards de tonnes-kilomètres en 2000, 32 milliards en 2018 et probablement tout juste 30 milliards en 2019, malgré les espoirs nés de la pénurie de conducteurs de poids-lourds en Europe. Le fret ferroviaire français va donc mal. Vous allez dire que ce n'est pas nouveau. Certains en profiteront pour expliquer que c'est la faute de l'ouverture à la concurrence en 2005. D'autres diront que sans l'arrivée de nouveaux opérateurs, la situation serait peut-être encore pire. 2019 s'est mal terminée, avec une grève particulièrement rude à la SNCF qui a affecté l'ensemble des circulations de marchandises... qui avaient déjà eu du mal à encaisser la grève en pointillés du printemps et du début de l'été en 2018. En parallèle, les actions menées dans les ports français sont également de nature à fragiliser leur position, déjà fortement concurrencée par les sites de nos voisins immédiats, et par conséquent l'ensemble des circuits logistiques.

L'AFRA, l'association française des utilisateurs du réseau français autres que la SNCF, rappelle que 25% des trains commandés ont circulé pendant le mois et demi de grève. Le chiffre d'affaires de ces entreprises en France a été réduit de 60 à 90% sur cette période et certaines se retrouvent en grande difficultés financières. La situation de SNCF Fret, Société Anonyme depuis le début de l'année, est d'ores et déjà des plus critiques, au point que certains voient dans les annonces du nouveau président, à propos d'un plan d'économies pour éponger une partie des pertes, une porte ouverte à la cession de certaines branches. A ce jour, aucune certitude, mais il semble difficile de ne pas envisager un reformatage du périmètre du groupe SNCF dans le domaine logistique.

Le trafic est évidemment reparti par la route et regagner la confiance des clients n'est pas une mince affaire surtout avec la persistance d'un climat social instable.

Et pendant ce temps, la Loi d'Orientation sur les Mobilités continue de mettre en avant une stratégie de relance du fret ferroviaire en France : une constante pour tout détenteur du portefeuille ministériel des transports depuis plus de 30 ans, mais globalement sans effet sur le déclin du trafic. Peut-être parce que la relance du fret, au-delà des incantations, se travaille au quotidien et suppose des choix assez structurants, parfois clivants, et de les assumer, tout comme il suppose une certaine constance des actions dans la durée et un climat inspirant confiance. Force est de constater qu'on en est loin.

On peut prendre pour comparaison la situation en Autriche, où le gouvernement régional tyrolien a pris des mesures très strictes pour freiner le trafic routier de transit entre l'Allemagne et l'Italie par la route du Brenner : interdiction du transport par la route de nombreux produits, interdiction du trafic nocturne aux camions de plus de 7,5 tonnes, augmentation des péages... avec en parallèle un renforcement du service d'autoroute ferroviaire. L'Italie ne cache pas son courroux. C'est peu de le dire. Mais cela montre la difficulté à réorienter les schémas de transport de marchandises. Et pourtant, il y a urgence... mais comment le fret ferroviaire peut-il redevenir crédible en France entre le sous-investissement chronique, le plantage régulier des circulations au premier conflit social sur les rails et l'incapacité du pouvoir à assumer des mesures contraignantes à l'égard du transport routier ? Rappelons encore une fois l'abandon de l'écotaxe... et les renoncements sur la taxe carbone...

20 janvier 2020

Bade-Wurtemberg : un modèle précurseur pour l'achat des trains régionaux ?

Concurrence et transfert de la gestion du matériel roulant

Si ce n'est pas le seul à opérer de la sorte, du moins est-ce le plus voyant... et pas seulement par le jaune vif de la livrée régionale : le Land du Bade-Wurtemberg a créé une structure destinée au portage des acquisitions de matériel roulant régional, qui est ensuite mis à disposition des opérateurs une fois désignés après appel d'offres. L'objectif du Land est de maîtriser le coût des contrats de service public, en internalisant une prestation qui serait facturée dans le cadre des appels d'offres, en bénéficiant de la fiscalité d'une structure publique régionale, mais aussi par un groupement de commandes qui permet de négocier les marchés avec les constructeurs.

L'expression de besoins est donc partagée avec les opérateurs mais le pilotage des acquisitions est assuré par la SFBW, Landesanstalt Schienenfahrzeuge Baden-Württemberg, une société publique régionale de matériel ferroviaire, qui les met ensuite à disposition des opérateurs pour la durée du contrat. Juridiquement, ces rames sont louées par la SFBW à l'opérateur et l'amortissement du matériel roulant est supporté directement par cette structure, plutôt que d'être pris en charge par l'opérateur et refacturé au Land par le biais du contrat de service public. Concernant la maintenance, elle peut être assurée soit par l'opérateur, soit par le constructeur, selon la nature des contrats passés avec ces derniers.

Ainsi, ces derniers jours, la SFBW a notifié à Alstom une commande de 19 rames électriques Coradia Continental, en formation tricaisse, pour les besoins de DB Regio autour de Karlsuhe. Un marché de 120 M€, soit 6,3 M€ par rame de 220 places. Elle projette aussi l'acquisition d'environ 200 rames électriques à un niveau, dont une tranche ferme de 100 à 120 rames, à l'horizon 2025, pour les besoins autour de Stuttgart, en lien avec la réalisation de Stuttgart 21.

France : vers une démarche comparable ?

En comparaison avec la France, où les Régions financent un matériel qui aujourd'hui est propriété de SNCF Mobilités, le Land du Bade-Wurtemberg prend en charge la gestion de sa flotte dans la durée, qui est supérieure à celle des contrats d'exploitation. La LOM, désormais adoptée, prévoit le transfert de la propriété du parc aux Régions, mais elles sont pour l'instant toujours dans la logique d'acqusition des trains via SNCF Mobilités, avec les contrats-cadres actuels, tels ceux du Régiolis et du Régio2N.

De facto, le schéma français actuel semble en fin de vie du fait de l'ouverture à la concurrence et appelle une nouvelle page dans l'histoire du transport régional. Elle pourrait concerner SNCF Mobilités, car aujourd'hui, l'ingénierie du matériel roulant en son sein occupe une place stratégique, mais SNCF Mobilités, un opérateur parmi d'autres, ne peut être juge et partie dans un schéma ouvert. Les Régions devront inéluctablement monter en puissance sur ce sujet, soit de façon isolée, mais avec le risque de marchés cloisonnés de faible volume, soit avec une mutualisation nationale pour garder les avantages de principe des actuels contrats. Dans le domaine du transport urbain, une première démarche similaire a abouti en 2011 à la création de la Centrale d'Achat du Transport Public, principalement pour les autobus et les autocars, à l'initiative d'Agir, l'Association pour la Gestion Indépendante des Réseaux de transport public.

6 janvier 2020

2020 et l'avenir ferroviaire français

Parallèlement à la dernière campagne présidentielle, la FNAUT et Mobilettre avaient organisé Rail 2020, une série de tables rondes sur l'avenir du secteur ferroviaire en France. 2020, nous y sommes et transportrail se livre à un petit bilan. Sans surprise, il n'est guère flatteur en dépit de la succession de réformes institutionnelles, qui n'ont qu'à peine masqué l'absence d'une réelle politique industrielle et territoriale.

Des réformes de structure ne sauraient faire une politique des transports et de l'aménagement du territoire

Les réformes se succèdent, sans être réellement abouties ni même parfois comprises. En 2014, le gouvernement de M. Ayrault avait réunifié le système ferroviaire en supprimant RFF et en regroupant l'ensemble des métiers de l'infrastructure dans SNCF Réseau. En lien avec cette réforme et face à la situation des dessertes nationales classiques, l'Etat s'était engagé à définir un schéma directeur des services nationaux de transports de voyageurs dont on n'a toujours pas vu la moindre ébauche. Pire, l'arrivée des Services Librement Organisés d'autocars, à l'initiative de M. Macron alors Ministre de l'Economie, a créé un nouveau secteur d'activité, totalement libre, bousculant encore un peu plus les repères de la population. Plutôt que de miser sur le rail, en revalorisant les dessertes Intercités, la SNCF a préféré investir dans Ouibus (avec quel argent ?) avec pour seul résultat un déficit chronique et un rachat par Blablacar.

Parallèlement, en 2017, les 4 lignes nouvelles validées pendant le quinquennat de M. Sarkozy ont été mises en service et la seule chose qui soit à peu près certaine, c'est que les nouvelles réalisations se feront attendre au moins jusqu'à la prochaine décennie, faute de moyens et d'une ambition stratégique qui ferait encore un peu plus du train une alternative à l'avion.

Sur le réseau classique, si de réels efforts ont été accomplis pour rattraper le colossal retard accumulé dans son renouvellement depuis le milieu des années 1980, la tâche reste importante et suppose une constance de l'action publique. Le Contrat Etat - SNCF Réseau qui n'a de performance que le nom n'a pas réglé les problèmes de dotations de financement. Sanctuarisant en apparence les moyens alloués au rail, son écriture budgétaire et non économique met à mal son efficacité. Le budget 2020 est venu casser l'engagement pris par l'Etat d'atteindre 3 MM€ pour le renouvellement, alors qu'il faudrait probablement en régime nominal de l'ordre de 5 MM€ par an pour pérenniser l'ensemble du réseau, et pas seulement les lignes structurantes.

Sujet particulièrement médiatisé ces deux dernières années, mais qui ont occupé le devant de la scène à plusieurs reprises depuis au moins deux décennies, les lignes de desserte fine du territoire ont au moins temporairement sauvé leur peau : le rapport Spinetta, reproduisant à la virgule près les considérations des argentiers de l'Etat des années 1960, a officiellement été mis à l'écart, mais dans l'arrière-cuisine, le moindre engagement de l'Etat sur une participation au renouvellement d'une de ces lignes nécessite d'âpres négociations. Leur sort est de plus en plus dans les mains des Régions, pressées de financer toujours un peu plus ces lignes, mais dont les capacités sont toujours plus réduites par un Etat recentralisateur qui n'a cesse de transformer des Collectvités Locales en Etablissements Publics Régionaux, bref de revenir à la situation de 1972 : on a connu mieux comme nouveau monde politique...

A ce sujet, il faudra donc statuer et c'est peut-être l'incarnation la plus forte des choix des années à venir : soit l'Etat assume son rôle, puisqu'en reprenant la dette de SNCF Réseau, il a aussi repris l'actif c'est à dire la propriété du réseau (retour à la situation d'avant 1997), et il finance la gestion de son patrimoine ; soit il continue de se défausser sur les Régions et dans ce cas, ces lignes - ou du moins une partie - devront leur être transférées en pleine propriété et donc sortir du réseau ferré national... ce qui suppose que l'Etat rende aux Collectivités Locales une certaine autonomie de ressources.

On en vient à la dernière réforme et on reste sur le dossier des LDFT. La réforme ferroviaire de 2018, transformant le groupe SNCF en Société Anonyme, est une illustration de plus d'un principe de réforme d'abord sur la forme plus que sur le fond... à tel point qu'elle se retourne contre ses propres instigateurs. Les négociations menées par l'habile Préfet Philizot, omniprésent dans le domaine des transports, sur le financement de ces petites lignes cherchent à trouver un compromis. Il apparaît difficile. La tentation est grande de faire de l'affichage à l'approche de 3 années électorales et de ne pas lésiner sur les effets d'annonce : comprendre charger la barque de SNCF Réseau, pour mettre en avant un Etat qui répondrait aux critiques des Régions. Sauf que SNCF Réseau vient de passer en Société Anonyme... et en changeant les règles du jeu, il se prive - en principe - des expédients habituels. L'Etat se retrouve donc coincé par ses propres décisions et devra donc faire une pirouette pour que la SA ne soit pas en défaut dès sa création...

Le passage en Société Anonyme est aussi l'occasion de remettre à plat ce Contrat qu'on dit de performance, signé en 2017 et qui fait l'objet de contestations récurrentes de l'ART (ex ARAFER) : les 2,77 MM€ de dotation pour 2020 pour le seul réseau structurant sont notoirement insuffisants : il manque 230 M€ sur lesquels le gouvernement s'était engagé en 2018, mais aussi le demi-milliard constaté par l'audit EPFL-IMDM... et les 700 M€ annuels pour renouveler les LDFT. Bref, il faudrait porter à au moins 4,2 MM€ annuels la dotation de renouvellement du réseau ferroviaire pour véritablement lui assurer les moyens de sa pérennité et de sa transformation. Sans cela, difficile de donner au chemin de fer la place qui devrait être la sienne... et elle est considérable. Evidemment, face aux 8,6 MM€ annuels accordés à DB Netz pour un réseau 11% plus étendu que le notre... l'ampleur du sous-investissement français est criant.

L'Etat n'a pas su prendre en compte le rôle potentiel du transport ferroviaire dans une nouvelle politique d'aménagement du territoire - expression totalement disparue depuis des années du langage ministériel - et dans la mise en oeuvre de la transition énergétique. Le rail est à la fois une filière d'emplois industriels à large palette, de métiers de main d'oeuvre à une ingéniérie à haute qualification. Il est un outil de structuration des territoires, de composition entre des métropoles dynamiques et des zones rurales parfois marginalisées et peut ainsi être le moyen de remettre du liant et de la complémentarité entre eux. Il est évidemment un puissant levier de transition énergétique non seulement par ses avantages intrinsèques que par sa capacité à intégrer de nouvelles technologies lui permettant de s'affranchir du gasoil. Cette nouvelle politique ferroviaire devrait reposer sur quatre piliers :

  • la modernisation du réseau, avec l'ambition de lignes structurantes à haute débit, incluant la sélection rigoureuse de projets de lignes nouvelles, à commencer par la LGV Bordeaux - Toulouse, la section francilienne de LNPN, les aménagements sur les axes Montpellier - Perpignan et Marseille - Nice, le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise ;
  • la création de RER pour la desserte périurbaine des grandes agglomérations, en lien avec une nouvelle étape de développement des réseaux urbains ;
  • la reconquête des lignes de desserte fine du territoire, soit au sein du réseau national, soit par l'accompagnement financier des Régions pour les lignes qui leur seraient transférées ;
  • une vraie relance du fret ferroviaire ciblée sur l'évolution de l'infrastructure pour la rendre plus disponible et plus adaptée aux besoins des chargeurs, notamment sur la question du gabarit, et en venant en soutien des opérateurs pour l'équipement des locomotives en ERTMS.

Le financement de ces mesures supposera évidemment des ressources nouvelles, sujet douloureux depuis le naufrage de l'écotaxe... qui, rappelons-le, a coûté au moins 800 M€ de recettes annuelles à l'AFITF...

Bref, les réformes de structure ne peuvent masquer l'absence de réelle politique industrielle et de son lien avec une dimension territoriale et naturellement environnementale, conséquence d'une vision uniquement financière et surtout annuelle, par nature antinomique avec un secteur des transports qui s'inscrit dans une temporalité au moins décennale...

L'an 1 de la concurrence ?

Depuis le 1er janvier, les dessertes ferroviaires intérieures échappent au monopole de la SNCF et entrent dans l'ère de la concurrence. Pour autant, pas de révolution depuis le début de l'année car, évidemment, cette nouvelle donne se mettra en place progressivement. Sur les liaisons nationales, plusieurs opérateurs sont déjà sur les rangs. Trenitalia voudrait se faire la main sur la liaison Paris - Lyon - Turin - Milan et prépare ses ETR400. Toujours dans le domaine de la grande vitesse, la RENFE vise les liaisons dans un triangle Barcelone - Lyon - Marseille avec des S100, répondant à l'appétit français pour les liaisons en Espagne. Au chapitre des liaisons classiques, Flixtrain a pris un temps d'avance et manifesté son intérêt pour des radiales depuis Paris vers Bruxelles, Lyon, Nice, Toulouse et Bordeaux.

Du côté du transport régional, PACA pousse ses pions, Grand Est avance avec les Länders voisins, Pays de la Loire devrait sortir du bois dans le courant du premier semestre. D'autres y pensent tandis que quelques Régions n'en voient pas l'intérêt : il est cependant vrai que l'expression des autres Régions incite SNCF Voyageurs à ouvrir des contre-feux pour montrer patte blanche.

Au plus tôt, les nouveaux trains longue distance n'apparaîtront pas avant 2021... et encore, cette échéance semble assez audacieuse. Pour le transport régional, le processus va s'étaler sur les 5 prochaines années pour une première vague. Nul doute que le paysage aura profondément changé à cette échéance, sans même imaginer la fin de la décennie.

Un nouveau patron belge pour le réseau ferroviaire français

C'est donc Luc Lallemand qui va succéder à Patrick Jeantet à la tête de SNCF Réseau. Un quatrième président en 8 ans. Difficle d'être pivot avec une telle instabilité... Jusqu'à présent directeur général d'Infrabel, le gestionnaire du réseau belge, sa nomination fait donc le choix d'un profil extérieur au système ferroviaire français, encore qu'il fut administrateur de RFF de 2007 à 2015 : la situation ne lui est donc pas vraiment inconnue. Il débarquera dans le contexte des négociations apparemment difficiles entre l'Etat et SNCF Réseau, grippées par un différend entre une productivité accrue pour dégager des marges de financement supplémentaires (point de vue du premier) et la nécessité préalable d'obtenir des dotations supplémentaires et un engagement ferme sur la décennie à venir pour engager une politique industrielle efficace (point de vue de la seconde).

Le tout dans un contexte de méfiance (pour rester poli) du régulateur : l'ART considère dans son avis du 13 décembre 2019 que l'indépendance du gestionnaire d'infrastructures n'est pas totalement garantie dans la nouvelle structure du groupe SNCF dont certaines fonctions mutualisées irritent le gendarme des transports.

Autant dire que le nouveau venu arrive dans un contexte ô combien glissant. Que changera le passage en SA face aux injonctions contradictoires de l'Etat qui reste non seulement actionnaire mais aussi décideur in fine ? Quelle sera la marge de manoeuvre de SNCF Réseau face à SNCF Voyageurs et SNCF Fret dans le contexte de marché ferroviaire désormais complètement ouvert ? Comment faire face aux défis sociétaux trop longtemps négligés dans un contexte de pénurie entretenue de moyens ?

Dans ses Mémoires, Louis Armand avait considéré que « s’il survit au 20ème siècle, le chemin de fer sera le mode de transport du 21ème siècle ». Puissent les décisions des prochaines années lui donner raison.

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