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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Pour un Métrazur de nouvelle génération

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Villeneuve Loubet - 7 mai 2017 - Les Régio2N constituent le matériel le plus moderne du parc TER PACA, mais il semble trop polyvalent pour répondre correctement aux besoins du RER azuréen tout comme ceux des liaisons Intervilles Marseille - Nice. En arrière-plan, symbole d'une Côte d'Azur bétonnée à l'excès, la marina d'Antibes... (cliché X)

Métrazur, c'était le nom de la nouvelle desserte entre Saint Raphaël et Vintimille créée à l'été 1970, dans le sillage de Métrolor, entre Nancy et Metz. Une appellation un brin désuète sinon kitsch, mais le concept est bien celui d'une desserte ferroviaire à haute fréquence et grande capacité sur une Côte d'Azur qui étouffe sous une urbanisation incontrôlée et une circulation automobile toujours plus dense.

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Cannes - 1er octobre 2017 - Cachée sous la dalle accueillant une voie rapide, encore une, la gare de Cannes et ses 3 voies accueille ici un TER pour Saint Raphaël assuré par une TER2Nng quadricaisse. Un matériel mieux motorisé mais lui aussi trop polyvalent pour les besoins d'un RER dans une conurbation plus que millionnaire en habitants. © transportrail

Pour le coup, point d’étoile ferroviaire complexe mais un réseau linéaire, tout au plus avec une ramification vers Grasse : le territoire d’études de ce dossier de transportrail sur le RER azuréen est pour le moins simple, mais il faut quand même en définir le périmètre. A l’est, Vintimille, frontière technique et ferroviaire sur laquelle il faudra revenir. A l’ouest, c’est assurément Saint Raphaël. Au nord donc, on intègrera évidemment la ligne de Grasse. Sur ce périmètre, un maillage dense du territoire avec un nombre de gares élevé : 30 gares de Saint Raphaël à Vintimille sur le seul axe littoral, soit en moyenne une gare tous les 3 km.

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Nice – Breil et les Chemins de fer de Provence joueront leur rôle, mais il est de rang inférieur par leurs spécificités intrinsèques : la première est à voie unique et non électrifiée, tandis que la seconde cumule ces deux caractéristiques en y ajoutant une troisième, la voie métrique et l’absence de connexion avec le reste du réseau ferroviaire.

Le littoral azuréen, coincé entre mer et montagne, a été urbanisé de façon frénétique depuis les années 1950 ce qui s’est traduit par une explosion des déplacements, le plus souvent automobiles. L’autoroute surplombant les gares de Cannes et de Nice en est peut-être l’incarnation la plus flagrante vis-à-vis du domaine ferroviaire.

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Grasse - 3 octobre 2011 - La réouverture de Cannes - Grasse a été évidemment une mesure salutaire, mais un peu trop saucisonnée du fait des contraintes budgétaires de l'Etat et de la Région. Résultat, la première étape a rapidement révélé ses faiblesses et il a fallu une seconde phase de travaux - durant une année ! - pour augmenter la capacité à 2 trains par heure et par sens. © M. Evans

Le bassin de vie polarisé par Nice concentre un million d’habitants sur un espace administrativement très vaste mais qui remonte jusque dans l’arrière-pays. 90% de la population vit sur 10% du Département des Alpes Maritimes. Cette concentration de population sur un territoire très restreint augmente la pression sur les infrastructures de transport. La dépendance à l’automobile est réelle par le retard accumulé par les réseaux de transport en commun, à toutes échelles. Pire, la médiocre qualité du service ferroviaire renforce la propension d’une partie de la population à s’en détourner, même si, depuis 20 ans, la fréquentation a augmenté d’environ 20%, faisant de l’axe littoral une des lignes TER les plus fréquentées de France avec Paris – Chartres, Lyon - Saint Etienne et Lyon - Grenoble. Le succès des autocars interurbains, notamment entre Cannes, Nice et Menton, témoigne de cette situation.

Alors que faire pour renverser la vapeur ?

Et si on commençait par la tarification ?

Au regard de la densité et d'une quasi continuité urbaine, la situation actuelle a de quoi dérouter : il n'existe pas de tarification multimodale couplant les réseaux urbains, interurbains et ferroviaires. Il est vrai que Lignes d'Azur a fait le choix d'une concurrence frontale avec le train en proposant ses lignes Cannes - Nice et Nice - Menton à un tarif forfaitaire de 2€, surfant sur les problèmes réels de fiabilité du service ferroviaire. Un tel schéma demeure néanmoins déroutant et ne favorise pas in fine la diversification des usages des différents réseaux. La création d'un système multimodal simple, comme instauré sur le territoire de la métropole Marseille - Aix en Provence à compter de septembre 2018, semble s'imposer comme la première action à mettre en oeuvre pour engager une démarche RER avec les réseaux urbains de Cannes, Grasse, Nice et Monaco.

3ème voie : stop ou encore ?

C’était une des opérations symboliques du CPER 2007-2013 : la mise à 3 voies entre Antibes et Nice. Une première étape a été réalisée, sur 8 km entre Antibes et Cagnes sur mer, pour un coût de 109,1 M€ (conditions économiques 2002) emportant la reconstruction des gares de Biot, Villeneuve Loubet et de l’hippodrome de Cagnes, mais aussi la création d’un poste de signalisation à Antibes. Cette réalisation était destinée à une desserte comprenant 2 omnibus et 2 express (Antibes, Cagnes et Nice) par heure.  Il fallut attendre le 15 décembre 2013 pour qu’elle soit mise en service après 7 années de travaux et de perturbations pour les voyageurs… et près de 50 M€ de surcoûts.

La seconde phase, entre Cagnes et Nice est restée en suspens alors que cette opération a fait l’objet de diverses études et procédures depuis le début des années 1990. Le financement a été subrepticement passé à la trappe.

Pour autant, le bilan sur l’exploitation reste moyen : si la desserte a été effectivement renforcée, sa fiabilité reste au mieux médiocre sinon mauvaise. L’effet n’est pas réellement perceptible puisque d’autres facteurs conduisent à des suppressions récurrentes de trains.

Il n’est plus dans l’air du temps de poursuivre le projet initial puisque deux autres projets poursuivent le même objectif de fiabilité et de capacité. Par ordre d’apparition, LNPCA et le renouvellement de la signalisation sur l’axe Marseille – Vintimille avec ERTMS niveau 2.

LNPCA : une interrogation sur le ratio coût/efficacité

Dans le lot d’opérations considérées prioritaires dans la nouvelle configuration de ce projet déjà abordé par transportrail dans ce dossier, la création d’une section nouvelle dédoublant la ligne littorale poursuit moins un objectif de performance, puisque le gain ne serait que de 4 minutes, qu’un gain de capacité en ligne.

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Néanmoins, ce nouveau barreau est amorcé à l’ouest de Cannes. Dans le projet initial, tel qu'illustré ci-dessous, il accessible moyennant l’emprunt d’une section de la ligne Cannes – Grasse qui serait mise à double voie (soit encore une phase de travaux pour celle-ci), donc sans desserte de la gare actuelle de Cannes. Cependant, le projet a évolué depuis avec une orientation envisageant un tracé complètement indépendant de la ligne Cannes - Grasse.

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Le projet prévoit de desservir le secteur par une gare nouvelle située aux abords du technopole de Sophia Antipolis, mais qui ne pourrait réellement être viable que si elle était connectée de façon efficace par des lignes de transports urbains, notamment le projet de BHNS. Dans ces conditions, on peut comprendre l’insistance des élus de Cannes pour envisager une nouvelle gare dans le secteur de La Bocca, afin d’assurer une meilleure intégration de ce barreau LNPCA dans le réseau existant.

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Pris individuellement, ce barreau reste l’objet de discussions par son coût élevé, ses gains de temps limités… alors que les outils d’évaluation socio-économique privilégient la vitesse sur la fréquence. A une échelle plus large, c’est un peu différent mais c’est le risque du saucissonnage…

ERTMS ou l’effet de la modernisation de la ligne existante

Cependant, un autre ingrédient s’est immiscé dans le débat depuis 2016, fondé sur la stratégie de renouvellement de la signalisation entre Marseille et Vintimille, opération qui doit être menée entre 2025 et 2030, soit à une échéance assez voisine de celle raisonnablement plausible pour LNPCA (du moins ses sections dites prioritaires). SNCF Réseau planche sur l’équipement de cet axe avec ERTMS de niveau 2 et sans signalisation latérale. L’objectif est avant tout de réduire le coût de possession de l’infrastructure, notamment par le biais de la suppression des signaux, l’information étant reportée en cabine.

ERTMS emporte plusieurs opportunités, en lien avec le renouvellement de la voie, notamment des aiguillages, ouvrant la possibilité non seulement à une rationalisation des installations mais aussi à l’amélioration des entrées et sorties de gare, ce qui, sur une ligne sur laquelle la vitesse de fond n’excède guère les 110 km/h sur les zones les plus favorables, pourrait être une source de gain de temps non négligeable. Autre facteur d’influence, les bénéfices sur la fiabilité de l’exploitation, voire la capacité : puisque les disparités de vitesse entre trains rapides et omnibus sont intrinsèquement atténuées par les limites physiques d’une infrastructure sinueuse, le bénéficie pourrait être appréciable…

Si Marseille – Vintimille avec ERTMS devenait la nouvelle situation de référence pour LNPCA, quelle serait la valeur ajoutée résiduelle du projet de ligne nouvelle entre Cannes et Nice ? S’il fallait creuser l’écart, il faudrait peut-être en passer par une extension de la section créée, depuis Le Muy, afin de procurer de substantiels gains de temps de parcours capables d’améliorer la viabilité du projet, mais au prix d’un renchérissement substantiel.

Intégrer la ligne Nice – Breil sur Roya ?

La section périurbaine de la ligne Nice - Breil, jusqu’à Drap-Cantaron n'est pas utilisée au mieux de ses possibilités car, en raison du mauvais état de l'infrastructure et des ralentissements qui en résultent, la desserte est sensiblement allégée : 11 allers-retours sont proposés entre Nice et Breil sur Roya, dont 4 sont prolongés à Tende. Pourtant, en 2012, la signalisation a été modernisée, avec installation d'une commande centralisée de voie banalisée, avec une capacité maximale de 26 trains par jour, le tout sur financement principalement régional via le CPER. Les possibilités de renforcement de l'offre entre Nice et Drap ont donc fait les frais de la dégradation de l'infrastructure et la position de SNCF Réseau quant au retour aux performances nominales de la ligne n'est pas des plus limpides.

Compte tenu de la densité de l'urbanisation dans la vallée du Paillon et des difficultés de circulation qui en résultent, la section périurbaine Nice - Drap-Cantaron justifie de nouveaux investissements pour accroître encore sa capacité, d'autant qu'elle est électrifiée jusqu'en aval de la halte desservant le quartier de l'Ariane. A défaut de pouvoir doubler la ligne, la signalisation devrait pouvoir faciliter la mise en oeuvre d'une desserte au quart d'heure jusqu'à Drap-Cantaron, et au besoin avec un évitement supplémentaire à L'Ariane. L'électrification jusqu'à Drap-Cantaron autoriserait l'exploitation avec des rames à 2 niveaux et une diamétralisation avec une partie des TER venant de l'axe littoral.

Et les Chemins de fer de Provence ?

La ligne Nice – Digne arrive à Nice de façon indépendante du réseau ferré national et on ne peut que regretter le recul de la gare réalisé dans les années 1980, ce qui a posteriori pénalise de nombreux voyageurs en raison d’une correspondance avec la ligne T1 du tramway qui passe devant l’ancienne gare reconvertie en centre commercial.

La desserte comprend en 2018 jusqu’à 24 allers-retours sur la section périurbaine Nice – Colomars dont la moitié poursuivent jusqu’à Saint Martin Plan du Var. Les autorails AMP800 et les SY sont rapidement saturés, d’où le recours à des autorails acquis auprès du réseau de Majorque pour augmenter la capacité sur cette section périurbaine. La Région PACA envisage d’aller plus loin, de concert avec les Chemins de fer de la Corse, et pourrait s’engager en faveur d’une électrification de la section Nice – Saint Martin Plan du Var et une nouvelle augmentation de capacité pour atteindre une cadence au quart d’heure.

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Nice - Boulevard Gambetta - 29 décembre 2015 - La rame Soulé sur une navette périurbaine des CP : le rôle urbain est manifeste jusqu'à Lingostière et a su renforcer son rôle périurbain par les investissements successifs de la Région. Mais son intégration dans le réseau de transport azuréen reste insuffisante. © transportrail

Par ailleurs, la ligne de tramway T3 devrait à terme atteindre la gare des CP à Lingostière, ce qui pourrait renforcer l’attractivité de la ligne à voie métrique puisqu’il sera possible d’accéder plus rapidement au réseau ferroviaire régional et national par la gare de Nice Saint Augustin et naturellement à l’aéroport, futur terminus de T3. Il est presque dommage de ne pas envisager la réalisation de T3 avec une voie à double écartement pour créer une interconnexion entre le tramway et les CP et ainsi proposer des liaisons directes entre le Plan du Var et l’aéroport.

Autre possibilité, certes plus onéreuse, la création d’une section souterraine pour les CP, qui abandonneraient leur actuelle gare pour un terminus plus central, avec desserte de la gare de Nice Ville, voire du croisement entre les deux lignes de tramway sous l’avenue Jean Médecin, afin de procurer un quadrillage optimal. Evidemment, cette perspective n’est pas la plus économique, mais il semble difficile d’envisager durablement l’isolement de la ligne des CP vis-à-vis des autres réseaux de transports de la métropole niçoise.

Alimentation électrique, matériel roulant : des facteurs de progrès

C’est un problème qui dépasse la question ferroviaire : l’alimentation électrique de la Côte d’Azur est tributaire d’une seule ligne à très haute tension. La densification de l’exploitation ferroviaire n’est réellement envisageable qu’à condition d’intégrer en amont le dimensionnement de l’alimentation des rames de sorte à pouvoir retendre les marches et tirer profit des aptitudes procurées par LNPCA et la modernisation de la signalisation.

Certes, les Régio2N sont très moyennement dimensionnés (surtout en version 110 m), ce qui n’est pas le cas des TER2N (première et deuxième génération) qui sont aussi très présentes sur l’axe littoral, antenne de Grasse incluse.

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Nice Ville - 29 mai 2016 - Il en aura fallu du temps pour pouvoir éliminer les rames inox (ici une RIO80) sur la Côte d'Azur : malgré la rénovation, le confort sommaire et surtout l'ambiance fournaise de ces voitures ont largement nourri les critiques des voyageurs sur les prestations de la SNCF sur le littoral... © transportrail

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Nice Riquier - 30 octobre 2012 - Ce n'est pas le tout de renouveler le matériel roulant, mais qu'en est-il des gares ? Situation caricaturale avec les quais de Nice Riquier tellement bas qu'ils imposent un brevet d'escalade aux voyageurs. Dans ces conditions, comment réduire les temps de stationnement ? © transportrail

L’évolution de la desserte vers un véritable RER métropolitain amènera inéluctablement à réinterroger les choix d’affectation de matériel roulant. L’arrivée d’ERTMS serait même une occasion unique. Mais les relations plus que tendues entre Région PACA et la SNCF ne facilitent pas un débat serein pourtant nécessaire au regard des enjeux de vie quotidienne…

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