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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Hendaye - San Sebastian avec Euskotren

Une frontière technique encore marquée

Bien que située sur un corridor de premier ordre au plan européen, la traversée du Pays Basque reste particulièrement difficile sur le plan ferroviaire. Hormis un TGV Paris – Irun (pour le service de base), le pont sur la Bidassoa reste une frontière ferroviaire assez fermée pour le trafic voyageurs. Certes, il faut gérer la dualité d’écartement des voies. Certes, les tensions d’alimentation et les systèmes de signalisation sont différents. Mais la liaison Hendaye – Irun témoigne de la forte persistance de blocages techniques pour faciliter l’interopérabilité des réseaux ferroviaires. Pourtant, entre Hendaye (15 000 habitants) et Irun (66 000 habitants), le trafic automobile est intense… et là, pas d’obstacles techniques pour la circulation. A plus large échelle, la quasi-continuité urbaine de Bayonne à San Sebastian devrait constituer un véritable projet pour les collectivités françaises et espagnoles.

Depuis la France, Euskotren pallie l’absence de liaison ferroviaire régionale sur les réseaux de la SNCF et de l’ADIF, mais les correspondances entre l’Euskotren et les TER vers Bayonne sont des plus médiocres : non seulement les TER sont généralement reçus sur une voie en impasse à l'extrémité nord de la gare, mais en plus, les horaires ne procurent pas de correspondances commode, si bien que les 60 km entre San Sebastian et Bayonne par train peuvent nécessiter 2 à 3 heures… En matière d'information, on ne trouve qu'un distributeur de billets dans la gare SNCF. La miniscule gare Euskotren, régulièrement saturée le week-end et lors des ferias d'Irun, de San Sebastian et de Bilbao, est tenue par du personnel généralement bilingue, mais ce n'est que sur place que le voyageur aura connaissance du service. Bref, hormis le site Euskotren, en espagnol ou en basque, peu d'informations... On comprend pourquoi le réseau routier reste passablement encombré.

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Hendaye - 30 juin 2016 - Franchissant la Bidassoa, une automotrice UT900 Euskotren pénètre en France. On aperçoit derrière la voie ferrée internationale et les ateliers du matériel de la RENFE. On compte pas moins de quatre ponts sur la Bidassoa : celui depuis lequel est prise la photo, l'ancien pont routier au premier plan, désormais quasiment piéton, celui de l'Euskotren et celui des lignes SNCF-ADIF. © transportrail

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Hendaye - 25 mars 2012 - Photo prise approximativement sur le trait de la frontière. Une rame UT900 s'apprête à entrer en gare de Hendaye, réduite à sa plus simple expression. Le cadencement au quart d'heure va changer la donne. Et pendant ce temps, les voies française et ibérique en arrière-plan sont toujours aussi peu utilisées ! (cliché X)

Hendaye : trois écartements

Heureusement, il existe un autre moyen ferroviaire de franchir la frontière. Parmi les 177 km du réseau régional Euskotren, la ligne Hendaye – San Sebastian propose un cadencement à la demi-heure depuis Hendaye et renforcé au quart d’heure à partir d’Irun. Certes, la pénétration en France se limite à quelques centaines de mètres pour venir, très discrètement, dans la cour de la gare de Hendaye, mais le service existe et connaît un succès grandissant. Cette ligne à voie métrique vient donc régler les problèmes d’incompatibilité entre les réseaux français (à écartement UIC) et espagnol (à écartement large).  

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Hendaye - Février 2009 - L'actuel terminus de la ligne du Topo, nichée entre un mur de soutènement et la cour de la gare, avec une seule voie, un seul quai au demeurant étroit : le projet de généralisation du cadencement au quart d'heure imposera la transformation de ce site. Une UT200 entre en gare, et la foule est déjà nombreuse pour prendre le train. La circulation des voyageurs à quai n'est pas simple.© B. Borras

Surnommée El Topo, « la taupe », en raison d’un nombre important de tunnels, la ligne longue de 21,3 km comprend en effet 4 viaducs et 14 tunnels, totalisant 5972 m en souterrain... et c'est loin d'être fini.

Aux origines

L’origine de cette ligne remonte à la construction de l’axe Madrid – Irun des chemins de fer du Nord (espagnol) qui évitait Bilbao et son important bassin industriel, notamment dans le secteur de l’acier. Les industriels locaux ont fortement influé pour obtenir la construction d’un réseau ferroviaire complémentaire. Le développement d’un réseau secondaire mentionna dès 1891 le principe d’une liaison San Sebastian – Hendaye qui ne fut lancée qu’en 1906 par la Compagnie des Chemins de fer Basque.

Inaugurée le 5 décembre 1912 entre San Sebastian et Irun. Le 13 juillet 1913, le tramway espagnol était prolongé à Hendaye, dans la cour de la gare du Midi… mais sans aucune interconnexion avec le réseau de tramways local. En effet, Hendaye disposait d’une ligne à voie de 60 cm depuis 1906, convertie à la voie métrique et électrifiée deux ans plus tard.

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San Sebastian - Gare d'Amara - vers 1920 - Faut-il l'appeler tramway ou train ? Assurément chemin de fer léger, ce convoi composé d'une automotrice et de 2 remorques, aux caisses en bois verni, est en direction de la frontière. (cliché X)

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Hendaye - 1963 - El Topo était à l'origine un tramway dont les motrices ne pouvaient trahir ni leur âge ni l'entretien pour le moins rudimentaire : le terminus était dans la cour de la gare, face au bâtiment SNCF. © J.H. Manara

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Hendaye - 1968 - Traversant le parking, cette motrice manifestement reconstruite porte bien la mention de son rôle entre San Sebastian et Hendaye. Les voies actuelles sont le long du mur de soutènement visible à l'arrière-plan. © J.H. Manara

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Irun - Vers 1965 - Si le cliché est de qualité moyenne, il n'en est pas moins intéressant. Venant de quitter Irun, cette rame longe, comme souvent, les voies de la RENFE. L'électrification du tramway a eu ici recours à des poteaux en bois dont l'alignement semble tout théorique... (cliché X)

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San Sebastian - 1972 - La gare de San Sebastian - Amara dans sa version initiale était des plus rudimentaires. Ici, une composition de grande capacité avec une motrice et une remorque, témoignant de la diversité du parc de la SEFT et de la faiblesse de ses moyens. La photo a été prise à l'époque où la disparition de la ligne était envisagée. © J.H. Manara

Une jonction aurait rendue possible une liaison directe entre Hendaye Plage, Hendaye Ville, Irun et San Sebastian. En outre, en 1925, était achevée la ligne de la Corniche entre Bayonne et Hendaye, d’une longueur de 35 km. Mais il ne fut jamais question d’unifier l’exploitation et de proposer une liaison directe Bayonne – Biarritz – Hendaye – Irun – San Sebastian. Dès 1935, la section Biarritz – Hendaye fut abandonnée et les derniers tramways circulèrent entre Bayonne et Biarritz en 1948. L’automobile n’a pas tardé à reprendre l’espace délaissé…

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Petite parenthèse française avec ces trois cartes postales sur lesquelles apparaissent les tramways du Pays Basque français : d'abord la ligne Biarritz - Hendaye, longeant la corniche, et qui a été pour l'essentiel transformée en route départementale ; ensuite, le boulevard de la plage à Hendaye-Plage ; et enfin le petit tramway urbain de Hendaye, franchissant les voies ferrées du Midi (ligne de Bordeaux à Irun). Aujourd'hui, le site est quelque peu transformée, puisque la tranchée au premier plan a été couverte afin de construire des immeubles, la ligne de chemin de fer a été doublée et le tramway supprimé ! On n'ose imaginer l'intérêt d'un tramway interurbain entre Bayonne et San Sebastian, liaison qu'est aujourd'hui incapable d'assurer le "grand" chemin de fer...

El Topo fut également menacé, par l’essor de l’automobile et le manque d’investissement sur l’infrastructure et le matériel roulant. En 1973, il échappa à la fermeture en amorçant un virage décisif : celui de la modernisation, marquée par l’acquisition de nouvelles rames dès 1977, la rénovation de l’infrastructure et le doublement quasi intégral de la ligne afin d’augmenter la fréquence et la régularité. Dès lors, le service n'a cessé d'être amélioré, avec notamment d'importants travaux dans l'agglomération donostienne pour transformer la ligne en quasi-métro.

Le métro de San Sebastian

Depuis le 4 décembre 2012, la ligne est désignée sous l’appellation Metro Donostiaelda. Une partie du tracé est désormais souterraine desservant deux stations améliorant la desserte de San Sebastian. Le temps de parcours de Hendaye à San Sebastian s’établit désormais à 45 minutes, avec une vitesse de pointe de 100 km/h.

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Le réseau Euskotren : la ligne 2 assure la liaison Hendaye - Irun - Donostia (San Sebastian) - Lasarte.

Arrivé en gare de San Sebastian – Amara, les trains rebroussent en 4 minutes pour rejoindre le terminus de Lasarte. El topo y donne correspondance avec les liaisons Euskotren en direction de Bilbao.

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San Sebastian - 1er juillet 2016 - Arrivée du "metro donostiaelda" en provenance de Lasarte et à destination de Hendaye. L'ensemble de la gare a été complètement modernisée, le plan de voies reconfiguré, en intégrant notamment l'exploitation souterraine et la création de nouvelles stations assurant une véritable mission de transport urbain. © transportrail

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San Sebastian - 1er juillet 2016 - Vue de la gare d'Amara avec les trains pour Hendaye et Bilbao, tous assurés avec les UT900. L'exploitation est performante puisque la durée de rebroussement n'excède pas 4 minutes. © transportrail

La ligne a transporté 7 millions de voyageurs en 2014 : l’arrivée des nouvelles automotrices UT900 à 4 caisses a évidemment procuré un gain de capacité appréciable, mais à l’heure de pointe et lors des nombreuses fêtes populaires basques, le train est littéralement pris d’assaut. Côté espagnol, l’offre doit être doublée entre Irun et Hendaye afin d’étendre la cadence au quart d’heure sur l’intégralité du parcours. Pour cela, une deuxième voie à quai sera réalisée, imposant de revoir l’aménagement de l’actuel terminus des plus simplistes.

D'autres travaux ont été concrétisés : en septembre 2016, Euskotren a mis en service l'antenne d'Altza, s'embranchant à Herrera sur le Topo. Cette double voie de 1040 m amorce la réalisation d'un nouvel itinéraire Herrera - Galzaraborda supprimant une section en voie unique dans l'agglomération donostienne.

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Altza - 12 septembre 2017 - Installations neuves, de grande qualité et comme souvent d'une grande propreté pour ce nouveau terminus qui amorce une extension vers le sud-est. El Topo devient vraiment le métro de San Sebastian. © I. Arrizabalaga

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Pasaia - 18 juillet 2011 - El Topo, ce sont aussi de nombreux ouvrages d'art et une vaste modernisation de l'infrastructure pour densifier son usage. Les UT900, capacitaires et richement dotées en portes, sont au coeur de ce schéma d'envergure. (cliché X)

D'ici 2022, le réseau sera profondément remanié dans l'agglomération donostienne puisque la gare d'Amara disparaîtra. Elle sera remplacée par un tunnel de 4,2 km comprenant 3 stations intermédiaires. Dès lors, le rebroussement pour les trains venant de Hendaye et d'Altza sera supprimé. Le réseau améliorera son maillage de l'hypercentre avec ce tracé en fer à cheval qui passera sous la plage de la Concha, la célèbre baie de la ville. Outre la desserte au quart d'heure vers Hendaye, l'offre à même fréquence sur la branche d 'Altza procurera une cadence de 7 min 30 dans la traversée de la ville. La Taupe s'enfonce un peu plus en sous-sol...

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