RER marseillais : de la patience pour une urgence
Viaduc de la Vesse - 6 août 2014 - La Côte Bleue offre les plus beaux paysages sur la rade de Marseille, mais ne le cachons pas, le devenir de cette ligne est lié à des investissements importants de renouvellement des nombreux ouvrages d'art... © R. Lapeyre
C’est peut-être le cas le plus emblématique illustrant les carences du réseau ferroviaire français en matière de desserte des grandes métropoles. L’engorgement du réseau routier autour de Marseille fait du RER une évidence qui n’a que trop tardée mais elle risque encore de devoir patienter en raison de l’importance des moyens à consacrer et du temps nécessaire à la réalisation d’aménagements améliorant la capacité et le fonctionnement du réseau ferroviaire. L’imbrication entre un futur RER marseillais et le projet de ligne nouvelle Marseille – Nice est en effet très étroite. Comme à Bordeaux et Toulouse, avec ses avantages… et ses inconvénients.
Une métropole multipolaire
La récente Métropole qui regroupe 92 communes dont Marseille et Aix-en-Provence forme un ensemble de 1,8 millions d’habitants, représentant 93% de la population du Département (dont l’intérêt se retrouve au passage remis en cause) et plus du tiers de l’ensemble de la Région. Singularité de cette Métropole : sa superficie, six fois plus grande que celle de Lyon. Il s’agit donc d’un territoire dense, avec en moyenne 570 habitants / km², mais d’évidentes contraintes liées à la topographie d’un bassin coincé entre la mer et les collines, avec un urbanisme de vallées rapidement colonisées par l’essor de l’automobile.
On dénombre aujourd’hui 6,5 millions de déplacements quotidiens, dont 650 000 dans un rayon supérieur à 7 km autour d’Aix en Provence et 10 km autour de Marseille, et avec augmentation du l’ordre de 250 000 par an depuis 1997. Deux tiers des flux sont liés au travail et aux études. Ils sont principalement organisés sur trois axes depuis Marseille vers Aix-en-Provence, Vitrolles et Aubagne. Un quatrième flux remonte d’Aix vers la Durance. Du fait du relief, la performance des accès est très inégale : si les deux tiers de la population de la métropole peuvent accéder à Marseille en moins d’une heure, seul un tiers peut atteindre Aix-en-Provence ou Aubagne dans le même délai.
Géographie des principaux déplacements pendulaires dans la métropole : Marseille y apparaît comme le pôle dominant mais se dégage nettement le fonctionnement en réseau. (extrait du livre blanc des déplacements de la métropole)
Une dépendance quasi complète à l’automobile
L’étalement urbain depuis un demi-siècle a généré une forte dispersion de l’habitat et des activités, facilité par l’essor de l’automobile et des voies rapides, encouragé et promu au rang de concrétisation de la modernisation du pays. La périurbanisation et son lot de lotissements et de zones commercia Dans le bassin marseillais, 94% des déplacements s’effectuent en voiture. Malgré le Mistral, Marseille et ses alentours se retrouvent sur le podium des villes les plus polluées de France. La fréquentation des transports en commun est faible : 110 déplacements / an / habitant à Marseille contre 324 à Lyon, pour une population relativement comparable… mais un réseau plus dense (même si Lyon a encore du retard à combler…)
Hiérarchisation des flux en nombre de déplacements quotidiens : l'imbrication des étoiles aixoise et marseillaise est très nette (même source).
Avec la perspective de 200 000 habitants supplémentaires d’ici 2030, l’urgence n’en est donc que renforcée. A Marseille, on regarde peut-être encore plus qu’ailleurs non sans une certaine jalousie les milliards d’euros du Grand Paris Express, en se disant que 5% du montant « englouti » dans ce projet, qui pose beaucoup de question sur son coût réel, auraient suffi à couvrir les besoins pour améliorer sensiblement les transports en commun dans le bassin de vie phocéen.
Des transports en commun sous-développés
C’est dire si la tâche est considérable. Il est vrai que Marseille a, de longue date, nettement moins investi que les autres grandes villes dans le domaine des transports : le réseau urbain, avec 2 lignes de métro et 3 lignes de tramway qui sont en partie redondantes et concentrées sur une faible partie du territoire, repose encore largement sur les autobus à la fiabilité et à la capacité très insuffisantes. La Métropole a pour objectif de doubler la fréquentation des transports en commun, mais les projets prennent du retard : le court prolongement de la ligne 2 du métro de Bougainville à Capitaine Gèze a par exemple révélé un déficit évident de coordination de la maîtrise d’ouvrage entre cette opération et le projet d’automatisation du réseau. L'appui de l'Etat portera-t-il ses fruits ? Les projets de tramway semblent en bénéficier.
Néanmoins, la gare Saint-Charles est desservie par les 2 lignes de métro tandis que celle de la Blancarde, sur Marseille – Nice, bénéficie de 2 lignes de tramways et de la ligne 1 du métro.
Marseille Blancarde - Une UM de Z23500 pour Toulon dessert une gare désormais connectée à 2 lignes de tramway et une ligne de métro mais dont les aménagements ne sont pas à la hauteur des enjeux de desserte de la métropole. Au premier plan, le raccordement du Prado, dont l'emprise mériterait d'être utilisée par le tramway afin de constituer une rocade à l'est de l'hypercentre. © transportrail
Quoi qu’il en soit, la Métropole doit non seulement défendre ses projets vis-à-vis d’un Etat de plus en plus inconsistant et gérer ses propres équilibres, notamment avec Aix-en-Provence, où, certes dans une moindre mesure, le retard de l’offre de transport est tout aussi problématique.
Quant au réseau ferroviaire, il est plutôt réputé pour sa position en tête du palmarès de l’irrégularité, des trains supprimés, sales, en composition réduite et une gréviculture qui, tous assemblés, procure au train une image désastreuse. Les relations entre la Région et la SNCF sont en permanence sur le fil de la rupture et l’autorité organisatrice ne ménage pas ses effets d’annonce pour organiser avant les autres les premières étapes de la mise en concurrence de la SNCF.
Carry-le-Rouet - 5 août 2013 - Quelle image donnée au service public... mais peut-on réellement blâmer l'opérateur face à l'irrespect dont souffre le bien public ? Evidemment, une RRR surchauffée en plein été, c'est également assez dissuasif... L"arrivée des AGC et des Régiolis a donc été le bienvenu. © transportrail
Septembre 2018 : création d'un abonnement tous réseaux sur le territoire métropolitain
Dans ces conditions, difficile de promouvoir un outil basique dans la panoplie d'amélioration de l'utilisation des réseaux de transports en commun : l'intégration tarifaire. Pourtant, la Métropole a instauré à partir de septembre 2018 un pass Intégral à 68€ par mois donnant libre accès à l'ensemble des réseaux sur son territoire (TER, Cartreize et réseaux urbains). Le verrou de la complexité tarifaire lié à la juxtaposition des tarifications propres à chaque réseau a donc sauté, en reprenant le principe du Navigo francilien. Il faudra en mesurer d'une part la notoriété, car le tarif reste tout de même assez accessible, et l'impact sur la fréquentation des réseaux.
Subsistent également des abonnements combinés sur une relation TER (exemple : Marseille - Carry le Rouet) et le réseau urbain marseillais, avec son équivalent Cartreize + RTM.
Un réseau ferroviaire aux fortes contraintes structurelles… mais pas seulement…
Cependant, le réseau ferroviaire autour de Marseille souffre de carences structurelles que de nouveaux opérateurs ne changeront assurément pas.
Comme à Lille, le réseau ferroviaire converge vers une gare centrale Saint-Charles en impasse, dont l’exploitation s’avère d’autant plus complexe que les installations sont obsolètes et plus vraiment adaptées à la nature des circulations.
Marseille Saint-Charles - 14 février 2014 - Cet AGC est au départ pour Pertuis, destination désormais privée de trains depuis décembre 2017. La gestion de cette gare en cul-de-sac est un élément central de l'amélioration de l'exploitation ferroviaire... et reste utile même dans la perspective d'une gare souterraine, envisageable à (très) long terme... © transportrail
Quatre itinéraires arrivent en gare Saint Charles :
- le flux principal en provenance de L’Estaque, avec la ligne classique Paris – Lyon – Marseille, la LGV qui la rejoint dans ce secteur et la ligne de la Côte Bleue, rejoignant Miramas par Martigues ;
- la ligne d’Aix en Provence et du val de Durance ;
- la ligne de la Côte d’Azur vers Nice ;
- la ligne de la Joliette, qui est aujourd’hui utilisée depuis Saint-Charles par les TER de la Côte Bleue rejoignant L’Estaque via Arenc pour délester l’itinéraire « noble » du PLM.
On note donc une forte dissymétrie est-ouest puisqu’il n’existe qu’une seule ligne à l’est de Marseille pour trois itinéraires à l’ouest, ce qui va limiter les diamétralisations potentielles et donc maintenir une forte activité en étoile, faisant terminus à Saint Charles.
L’éparpillement des installations ne joue pas en faveur de la quête de fiabilité. Dans la zone de la gare, un tiers des trains sont des circulations à vide entre les quais, les faisceaux de remisage et le dépôt.
Le tout génère de nombreux cisaillements qui obèrent fortement la capacité de la gare à 25 trains par heure alors que 16 voies sont disponibles : un train et demi par heure et par voie en moyenne, c’est peu, très peu même… Il faudrait plutôt un ratio de 2 à 2,5 trains sur l’ensemble de la gare.
En outre, les modalités d’exploitation ne favorisent pas non plus la fluidité du trafic. Les TGV rebroussant à Saint-Charles peuvent stationner jusqu’à 20 minutes, soit deux fois plus que nécessaire (11 minutes dans les normes de la SNCF).
Il faut aussi rappeler que les lignes de la Côte Bleue et d'Aix en Provence ne sont pas électrifiées, ce qui vient ajouter à la complexité géographique une complexité technique, quoique la partie Ouest du réseau soit alimenté en 1500 V et la ligne de Nice en 25 kV... Heureusement, les matériels bicourants sont légion et la bimodalité est venue assouplir les rigidités induites.
La desserte en 2018 : des contrastes et des inquiétudes
La régularité au départ plafonne à 85% et, pour couronner le tout, l’ensemble du plateau n’autorise qu’une vitesse de 30 km/h, de surcroît très anticipée par des conducteurs qui roulent plutôt à 20 qu’à 30… par la crainte d’une prise en charge par le KVB.
En ligne, la capacité actuellement disponible sur le réseau n’est pas totalement utilisée : on remarque notamment que la desserte Marseille – Aubagne repose sur un faux cadencement en 20 / 40 min puisque seuls 2 sillons sur 3 sont utilisés en heure de pointe, ce qui procure à la vallée de l’Huveaune un service peu lisible et donc peu attractif.
L’offre est aussi marquée encore par d’importants creux de desserte dans certaines gares, desservies moins d’une fois par heure en semaine sur le territoire de la ville de Marseille (cas de Séon – Saint Henri), et par un schéma peu lisible avec la dualité d’itinéraire entre Marseille et L’Estaque puisque, pour ne pas choisir, ce sont à la fois les TER de la Côte Bleue et ceux de Miramas via Rognac qui empruntent cet itinéraire. On notera aussi que l’offre entre Marseille et Toulon manque de régularité dans la journée avec des alternances 30 / 90 minutes récurrentes dans la journée. Ne parlons pas de l’offre le samedi et le dimanche, avec des intervalles pouvant atteindre voire dépasser 2 heures.
L’attractivité des gares du bassin marseillais est aussi plombée par leurs aménagements parfois minimalistes et leur état passablement dégradé. Certains aménagements récents, comme entre Marseille et Saint-Antoine, sont désertés par les voyageurs par l’insécurité qui y règne, sans compter des comportements surréalistes, tels ces utilisateurs de scooters qui embarquent à bord des trains avec leurs engins pétaradants et font hurler le moteur au beau milieu des voyageurs. « Respect de la diversité » ?
Autre préoccupation légitime, le devenir de la consistance du réseau et plus particulièrement l’avenir de la ligne de la Côte Bleue, qui dessert les calanques du nord de Marseille, les plages de Carry-le-Rouet et le sud de l’étang de Berre… mais cette ligne est classée UIC 7, échappant donc au financement national du renouvellement du réseau. Comprenant de très nombreux ouvrages, cette ligne, parmi les plus belles de France, jouit d’un potentiel touristique considérable (avec une vue splendide sur Marseille) mais l’investissement à consentir est très élevé : certains considèrent même qu’un BHNS ferait largement l’affaire. Vous l’aurez deviné, nous ne sommes pas de cet avis…
Martigues - 5 août 2013 - Ouvrage phare de la ligne de la Côte Bleue, sa rénovation a été réalisée... mais la section Martigues - L'Estaque comporte une impressionnante succession de viaducs et de tunnels qui font sa notoriété. Saura-t-on préserver ce patrimoine technique et architectural au service de la collectivité, ou se contentera-t-on d'une lecture empreinte de la plus grande orthodoxie financière ? © transportrail
Modernisation de Marseille – Aix : entre regrets et incompréhension…
La deuxième phase du projet Marseille – Aix-en-Provence a pour objectif l’insertion d’un 4ème sillon omnibus sur la ligne, en créant de nouvelles sections à double voie, mais le contenu de cette opération est vivement critiqué. Mettons de côté l’agitation de la municipalité aixoisequi s’offusque de la pollution ferroviaire (que dire du trafic routier aixois ?).
Certains aménagements réalisés au cours de la première phase vont être démolis pour la seconde : c’est par exemple le cas de la voie de terminus de Saint-Antoine et son poste informatique, pour allonger à 220 m les quais d’une ligne exploitée au mieux par des UM2 de Régiolis (longueur 144 m).
Le gain de capacité est d’abord obtenu par la création d’une nouvelle section à double voie de Valabres à Luynes, avec réouverture de la gare, malheureusement maintenue à son emplacement historique éloigné de l’habitat… car les riverains se sont opposés à la création d’un arrêt plus près des lotissements (qu’ils ne se plaignent pas alors des bouchons sur la route…).
En revanche, la reprise de l’entrée sud de la gare d’Aix-en-Provence apparaît assez démesurée par rapport à la réalité des enjeux, comme le souligne localement la FNAUT. La simplicité n’a pas été de mise dans la conception de la nouvelle configuration de la gare.
Aix-en-Provence - 4 août 2009 - Le train est plus qu'à la peine sur la liaison Marseille - Aix en Provence, concurrencé par la route et notamment l'importante offre d'autocars qui offre de bonnes performances et, malgré tout, une bonne régularité à un tarif plus avantageux. Avec la concentration de la compétence sur les transports interurbains entre les mains de la seule Région, il y aurait matière à réorienter ce duel en une complémentarité plus saine. Mais les choix d'équipements de la ligne ne vont pas forcément dans le sens d'une exploitation hautes performances.. © transportrail
Une fois de plus, le couple KVB-VISA peut être mis en accusation de contre-performance, en imposant une vitesse maximale de 30 km/h en sortie des croisement. Autant dire que l'accélération de la relation est un peu compromise...
Enfin, si l'électrification complète a été écartée en rauson de son coût, pénalisé par les ouvrages d'art au centre du parcours, Marseille - Aix devrait être la première section exploitée avec des rames munies de batteries, par le remplacement de la partie thermique des AGC bimodes et l'installation de caténaires dans la gare d'Aix pour la recharge. Il était initialement prévu d'étendre le domaine électrique en sortie de Marseille jusqu'à Saint-Antoine, mais il semble que le besoin d'équipement de l'infrastructure ne soit pas encore stabilisé.
Bref, sur Marseille – Aix en Provence, le saucissonnage des interventions a fait perdre le fil stratégique… alors que les autocars Cartreize récupèrent le trafic compte tenu de la médiocrité du service. « A nos actes manqués » ?
Gare Saint-Charles : vers une reconfiguration ?
Pivot du réseau ferroviaire régional, la gare Saint-Charles présente des signes caractéristiques d’une sous-exploitation de ses actuelles capacités, même en intégrant les complexités réelles de son actuelle configuration. Précédemment, ont déjà été évoqués ses accès à 30 km/h et la durée élevée des rebroussements des TGV...
D’ores et déjà, une rigueur accrue ne pourrait pas faire de mal dans une Région où le temps ferroviaire a ceci de particulier que les minutes y durent plus de 60 secondes…
A moyen terme, la gare devra digérer le quatrième sillon omnibus Marseille – Aix-en-Provence (initialemen prévu en 2021), et le second sillon horaire sur l’itinéraire via Arenc (théoriquement en 2023). Au-delà, l’objectif sur les autres axes est de doubler la capacité des itinéraires « Vitrolles » et « Martigues » et atteindre 8 sillons par heure sur Marseille – Aix-en-Provence, en incluant le trafic régional du val de Durance.
La configuration de la gare Saint-Charles semble finalement se prêter à une reconfiguration en groupes de voies affectées à une branche de l’étoile : Aubagne, Aix, Arenc, Vitrolles. Dès lors, il devient possible d’évaluer un par un tous les itinéraires aujourd’hui possibles dans la gare et définir leur pertinence réelle : l’actuel plan de voie remonte à l’électrification de l’axe PLM avec les changements de locomotives, ce qui, avec la généralisation des automoteurs et des rames réversibles n’a plus de sens. A la clé, moins d’appareils de voie, moins de risques de défaillance de l’infrastructure et la possibilité de porter la vitesse à 60 km/h sur l’ensemble du plateau ainsi redessiné, faisant gagner entre 30 et 50 secondes : sur une zone d’un kilomètre, c’est assez considérable puisque le délai de retour à voie libre serait réduit d’environ 30 %.
Autre bénéfice de ce reprofilage complet de la gare, le repositionnement des sites des remisage en fonction des besoins de chaque tube – presque – indépendant, de sorte à réduire les mouvements techniques… ce qui peut aussi être le fait de l’augmentation de l’offre en heures creuses : c’est le fort écart pointe / journée qui, aujourd’hui, structure considérablement l’activité des grandes gares de province, du fait d’une croyance erronée sur l’absence de marché des déplacements hors pointe…
Marseille Saint-Charles - 14 février 2014 - Le plan de voies de la gare centrale marseillaise est le pivot de l'amélioration de l'exploitation des axes provençaux. Ici, sur les voies du flanc Est, une composition pas de la première jeunesse avec une BB25500 et une RIO80, certes modernisée, mais aux prestations sommaires. © transportrail
Marseille Saint-Charles - 4 octobre 2015 - Le Régio2N en version 110 m offre une capacité très importante, et peut jouer un rôle dans un système ferroviaire métropolitain, mais ses performances sont bridées par un cahier des charges de la SNCF qui a privilégié la polyvalence... La performance d'une exploitation RER repose aussi sur un matériel conçu dans cet objectif. © transportrail
LNPCA et l’arrivée de l’ERTMS sur Marseille - Nice
La ligne nouvelle Marseille – Nice a été progressivement revisitée pour ne pas se limiter à l’approche sur la vitesse entre ces deux villes. Sur le versant marseillais, il prévoit d’abord la mise à 4 voies de la section Marseille – Aubagne et ensuite la création d’une section souterraine avec une gare nouvelle sous Saint-Charles, comprenant 4 voies traversantes pour les besoins locaux et nationaux. De la sorte, la desserte omnibus dans la vallée de l’Huveaune pourrait être portée à 4 trains / heure / sens, tout comme l’offre régionale vers Toulon.
Telle était la conception initiale. Le raccordement de la section nouvelle souterraine était initialement prévue à La Barrasse, mais a été ramené à l'est de La Blancarde pour réduire le coût. D'autre part, le quadruplement de la ligne classique a été phasé à Penne-sur-Huveaune pour ménager la suceptibilité des élus locaux face à l'ampleur des travaux de ripage de l'autoroute pour insérer les nouvelles voies. Conséquence, la capacité pour les TER semi-direct ne serait plus de 4 mais de 2 trains par heure.
Il faut aussi espérer une reprise de la conception de la mise à 3 voies sur cette section : la vitesse en approche de La Blancarde a été finalement abaissée à 60 km/h au lieu de 70, accentuant la contrainte de l'emplacement de la séparation entre les domaines sous 1500 V et sous 25 kV. Si on ajoute le report de son annonce de 300 m et des simplifications de confort du schéma de signalisation, les trains parcourent environ 2 km à vitesse - très - réduite. On a connu mieux pour faire de l'exploitation à haut débit...
La gare souterraine pourrait accueillir 10 trains par heure et par sens libérant en surface l’équivalent de 16 mouvements. D'emblée, un point important est à souligner : étant donné que l'émergence du tunnel de cette gare souterraine se situerait à l'est de La Blancarde, les trains régionaux qui l'emprunteraient ne pourraient desservir cette gare pourtant bien connectée au réseau urbain. De ce fait, elle aurait plutôt vocation à être utilisée par des TGV et TER intervilles (type Avignon - Marseille - Toulon - Hyères) que les dessertes métropolitaines au risque de dégrader le maillage.
Tracé de la section souterraine avec l'option de raccordement à La Barrasse, désormais écartée.
Dernier tracé connu à mi-2018 avec raccordement court à l'Est de La Blancarde.
D'où une conclusion : le RER marseillais serait donc radial, centré sur la gare Saint-Charles. L'option d'utilisation du raccordement des Chartreux est peut-être à creuser mais le double cisaillement qu'il impose contraindrait assurément le débit et la régularité. La diamétralisation bénéficierait aux liaisons du réseau de villes régionales, notamment un axe Avignon - Marseille - Toulon.
La section L'Estaque - Marseille Saint-Charles (surface) serait mise à 4 voies afin d'accueillir un renforcement substantiel de la desserte du nord-ouest marseillais, profitant aux liaisons RER et Intervilles. La desserte de la Côte Bleue serait intégralement reportée sur l'itinéraire via Arenc, dont la capacité serait accrue jusqu'à 4 trains par heure et par sens, et sur lequel pourraient être créés de nouveaux arrêts à Saint André et Cap Pinède.
La capacité créée en direction de Miramas serait compatible avec la réouverture aux voyageurs de la section Rognac - Aix-en-Provence, afin de compléter le maillage du territoire : le pays d’Aix pourrait accéder à l’étang de Berre et à l’aéroport de Vitrolles… mais pas à la gare TGV, située au sud de la ligne Rognac – Aix, qui restera par conséquent accessible par modes routiers. L'hypothèse d'un barreau de jonction semble avoir fait long feu, renchérissant encore un peu plus le coût de la réouverture.
Nouvel ingrédient, le renouvellement de la signalisation entre Marseille et Nice est l’occasion pour SNCF Réseau de pousser pour la première fois les feux d’un équipement en ERTMS de niveau 2 sans signalisation latérale, sur le réseau classique. Non sans quelques contraintes cependant puisque la spécialisation du parc de matériel roulant, notamment pour le TER, suppose dans un premier temps d’exclure le complexe marseillais du périmètre d’équipement pour modérer l’investissement sur les rames régionales. Le nœud marseillais, et singulièrement la gare Saint-Charles devront attendre le basculement d’autres branches, à commencer évidemment par l’Artère Impériale. La combinaison du nouveau plan de voies à Saint-Charles, de la gare souterraine et de la mise à 4 voies (LNPCA) pourrait encore accroître la capacité du réseau mais aussi sa régularité (ce qui n’est pas le moindre des enjeux…).
Ceci étant, pour profiter de toutes les aptitudes procurées par ERTMS, il faudra être partient... et un peu plus ambitieux sur les performances du matériel roulant : si bénéfique soit l'arrivée des Régio2N en remplacement des RIB et RRR, leurs performances en version 110 m n'est pas leur point fort. Or qui dit RER dit en principe conduite énergique (un autre point sur lequel la SNCF a des progrès à faire), matériel dimensionné en conséquence et donc infrastructure au niveau. Un triptyique encore plus que défaillant !
Mais peut-on attendre une décennie au moins pour améliorer la situation ? S’il est assez certain que sa réalisation ferait changer de dimension le nœud ferroviaire, il y a assurément des étapes intermédiaires sur le réseau actuel ou avec des aménagements relativement limités et pas incompatibles avec l’échéance de la traversée souterraine, à commencer par la consolidation de la desserte d'heures creuses et du week-end.