X73500 : digne successeur de l'X2800
L’X72500 a rapidement trouvé ses limites, d’abord par ses problèmes de fiabilité mais aussi par son coût élevé de 25 MF à l'époque. Rapidement, l’idée d’un autorail plus économique est apparue pour répondre aussi aux besoins des lignes à plus faible trafic, en remplacement notamment des X2800.
La première grande commande pour le TER moderne
La conception de l’X73500 est intervenue à une période charnière pour la gouvernance du transport ferroviaire : l’expérimentation de la régionalisation par le transfert de compétence n’a pas encore commencé et alors que le système ferroviaire connaît une crise aiguë marquée par l'échec des premiers conventionnements et des projets de fermeture massive, ferment du conflit de 1995.
Outre l'aspect coût, les Régions ont demandé un autorail monocaisse de 80 places, apte à 140 km/h. Pour la première fois, l'idée d'un plancher surbaissé entre les bogies est exprimée, pour améliorer les échanges et l'accès des voyageurs handicapés. L'engin est voulu monoclasse par la plupart des collectivités : rares ont été les demandes de maintien d'une salle de première classe, même si elle n’est différenciée que par un changement de couleur des sièges.
Toujours au chapitre des fonctionnalités, le nouvel autorail devait circuler en UM3, et équipé pour le service à agent seul, avec l'installation de caméras extérieures et d'écrans de supervision dans les postes de conduite, même si les élus régionaux s'avèrent toujours assez frileux sur ce sujet socialement sensible à la SNCF.
Houlgate - 15 août 2009 - Le train sur la plage : la ligne Deauville - Dives borde la mer pour un spectacle insolite. A cette date, la voie était encore en rails à double champignon. Depuis le cliché, elle a été rénovée. © transportrail
Dans un premier temps, la SNCF a reçu de la part des Régions des intentions de commandes à hauteur de 80 autorails. Elle a alors engagé alors la procédure d'appel d'offres, le volume prévisionnel permettant d'amortir les coûts de développement. Quant à l'objectif de réduction du coût unitaire, il fut atteint avec un engin à moins de 20 MF.
Un projet franco-allemand
La SNCF s'est alors rapprochée alors de la DB qui avait aussi besoin d'un engin de caractéristiques similaires. Présenté sous la forme d'une coopération franco-allemande, la SNCF s'est retrouvée toutefois en position dominante, puisque la DB a limité sa commande à 40 unités (désignés VT641), qui se singularisent par les équipements de sécurité ferroviaires allemands et une vitesse limitée à 120 km/h.
Bâle - Badbahnhof - 30 mai 2009 - Les cousins germains (c'est le cas de le dire) des X73500 sont une série limitée et présentant quelques différences avec les autorails français. La DB leur préféra les Coradia Lint 27 à transmission hydro-mécanique. © transportrail
Cette coopération inédite a également facilité la mise en œuvre d'une version interopérable, pour les Régions frontalières, afin de renforcer les dessertes entre les deux rives du Rhin ainsi qu'entre la Lorraine et la Sarre.
L'appel d'offres a abouti à la désignation du consortium franco-allemand De Dietrich - LHB pour la construction de 120 autorails, juste avant la reprise par Alstom.
Une succession difficile à assumer
L'autorail TER était en particulier destiné, côté français, à succéder à un engin mythique : l'X2800. Livré entre 1957 et 1962, cet autorail de 825 ch a excellé sur les lignes de montagne au profil difficile. Il devait aussi faire oublier les déboires de l'X72500. Les sièges développés par Compin sont ceux retenus sur les premières TER2N, série Z23500. Ils offrent un confort satisfaisant pour ce type de missions.
Désigné X73500, le nouveau venu a été doté de 2 moteurs MAN totalisant 514 kW : ses aptitudes sont donc dignes de son aîné. Les performances restent identiques quelle que soit la composition, du fait de l'absence de remorques. Il est appelé à circuler sur des lignes de desserte fine du territoire dont l'état des infrastructures ne permet pas toujours de tirer pleinement profit des facultés du nouveau venu : outre l'état limite de l'assise de la voie, les entrées et sorties de gare brident l'usage des capacités d'accélération et de freinage de l'X73500. Avec une masse à vide de 48 tonnes, l'X73500 est un peu plus lourd que des engins monocaisses d'autres réseaux, qui plafonnent généralement à 40 tonnes, mais il est aussi plus performant.
La Roche-les-Arnauds - 14 août 2012 - L'X73641 Rhône Alpes entre Veynes et Gap, sur une liaison Grenoble - Briançon. L'arrivée de ce matériel a accompagné un renforcement de la desserte qui a permis de sauver la ligne du Vercors. © transportrail
Une mise en service moins délicate que les X72500 mais pas encore optimale
La mise en service des premiers autorails est intervenue en septembre 1999, deux ans après le lancement des six premières régions dans le rôle d’autorité organisatrice : les premiers engins ont circulé sur Tours – Chinon, non sans quelques difficultés. Les leçons de l’X72500 n’ont pas été totalement tirées, notamment la phase d’essai des engins de pré-série, toujours trop courte car dictée un peu trop souvent par des objectifs politiques.
Huismes - 22 juillet 2022 - Deux autorails approchent de leur terminus de Chinon et s'engagent dans la rampe de 15 ‰ qui mène au sommet de la ligne avant de replonger vers la vallée de la Vienne. La circulation en UM2 n'est pas seulement le fait de problèmes techniques : elle peut être commercialement parfaitement justifiée, signe d'une bonne dynamique de fréquentation. © transportrail
Néanmoins, les X73500 ont cependant assez rapidement atteint des taux de disponibilité satisfaisants et les commandes ont afflué. Si côté allemand, la DB n'a pas été au-delà de 40 engins, les Régions ont exprimé de plus amples besoins, passant de 80 à 318 engins. La version interopérable a été demandée par la Région Alsace (19 unités) et le Land de Sarre (2 unités). Enfin les Chemins de Fer Luxembourgeois, dont la SNCF est actionnaire, se sont raccrochés au marché en commandant 6 exemplaires, finalement récupérés par la Région Lorraine.
La dynamique créée par la régionalisation, encore expérimentale, fut telle que l’X73500 s’est rapidement révélé d’une capacité insuffisante pour certaines relations, poussant les Régions à demander la mise à l’étude d’une version de plus grande capacité, sans pour autant être aussi onéreuse que l’X72500. Elle aboutira à l’AGC.
La réforme territoriale a eu pour effet une concentration des effectifs tandis que l'évolution des besoins avec l'arrivée des AGC puis des Régiolis a entrainé une série de mutations pour rééquilibrer les parcs en fonctions des nouveaux venus. Ainsi par exemple, Nord – Pas-de-Calais avait rapidement cédé ses engins (avant 2013), et l'Alsace a réduit sa dotation, ces autorails étant franchement sous-capacitaires sur nombre de lignes.
Strasbourg - 4 juin 2010 - L'X73902 sur la voie en impasse dédiée aux liaisons Strasbourg - Offenburg, nécessitant un matériel interopérable avec le réseau allemand. Le service est partagé avec les RégioShuttle de Stadler, exploités par l'Ortenau-Bahn. © transportrail
Autorail des villes et des champs
Sermizelles - 16 août 2008 - Un des X73500 de la Région Bourgogne assurant une liaison Laroche Migennes - Avallon s'apprête à desservir la gare de Sermizelles Vézelay. Ces engins ont été équipés d'un distributeur de billets régionaux pour simplifier la distribution aux petits points d'arrêts. © transportrail
La configuration de l’X73500 est adaptée aux lignes à profil difficile, pour le Massif Central et le Jura. Il est aussi engagé dans le cadre de projets de desserte périurbaine, à Toulouse vers Colomiers, au Havre vers Montivilliers et Rolleville et de Nantes à Vertou. Cependant, le succès y a été rapidement tel que les X73500 ont été rapidement handicapés par un manque de capacité malgré la circulation en UM3, offrant tout de même 240 places. A Lyon, ils ont assuré la relève des X4630 sur le réseau périurbain de l’ouest lyonnais avant l’arrivée du tram-train.
Sur la ligne Tours - Chinon, l'exploitation a été pour la première fois assurée avec un seul agent, ce qui fut la condition sine qua non du renforcement de desserte opéré à leur arrivée en septembre 1999. Elle a été depuis largement appliquée à nombre d’autres dessertes.
Montivilliers - 21 avril 2012 - Terminus d'une navette Lézarde Express Régionale en provenance du Havre, du nom de la rivière que borde la voie ferrée. Cette desserte est accessible avec un ticket urbain. © transportrail
Lyon Saint Paul - 5 avril 2010 - Entre les X4630 et le tram-train, les X73500 ont assuré la desserte périurbaine de l'ouest lyonnais : ils sont toujours affectés à ce service mais uniquement sur la branche de Lozanne. © transportrail
Hors des zones urbaines, la capacité des X73500 est suffisante pour assurer les dessertes de la la plupart des lignes en zone rurale. L’aptitude à l’UM2 est généralement suffisante.
La gestion des arrêts est améliorée par un traitement moins contraignant du fonctionnement des portes, qui présente un progrès notable par rapport aux X72500. Un arrêt de 30 secondes est possible avec les X73500, alors que leurs ainés ne peuvent descendre en dessous d'une minute.
Sant-Jean-Pied-de-Port - 2 juillet 2016 - Terminus pour ces randonneurs qui vont certainement rejoindre les chemins de Compostelle. Après avoir voyagé dans ceux qu'on appelle parfois « saucisses », commenceront-ils justement par une saucisse - de canard et confite - en guise de repas pour prendre des forces ? Cette ligne se caractérise par un trafic touristique évidemment important... mais à sens unique ! © transportrail
En revanche, les X73500 cristallise de nombreuses critiques quant à leur médiocre aptitude au shuntage. Charge à l'essieu moyenne, circulant souvent sur des lignes faiblement circulées, où le fret évanescent ne joue plus son rôle « abrasif » pour nettoyer le rail, freinage à disque ne nettoyant pas la table de roulement : les cas de « ratés de PN » (le train n'est pas détecté et franchit un passage à niveau dont les barrières ne se sont pas abaissées) ont été régulièrement médiatisés. Le défaut de shuntage est à l’origine d’un déraillement à Sainte-Pazanne. Les X73500 ont alors été astreints à circuler en UM2 sur des lignes gérées par des postes informatisés à programmation d'itinéraires pour éviter le risque de « bivoie ». Conséquence, il a fallu « adapter le plan de transport » : comprendre un peu moins de trains, un peu plus de cars, du moins dans l’attente de la livraison des Régiolis donnant une petite respiration dans la gestion des parcs.
Il aura fallu être patient puisque ce n’est qu’en 2020 qu’une solution a été trouvée pour régler ce problème, en installant un dispositif de nettoyage de la table de roulement. Les X73500 ont alors pu progressivement circuler à nouveau en US sur des lignes gérées avec postes informatiques.
Courseul-Languénan - 30 juillet 2016 - La transversale Dol - Dinan - Lamballe jouit d'un intéressant potentiel pour peu que la desserte soit renforcée et prolonger d'une part systématiquement à Saint-Brieuc et d'autre part à Saint-Malo. En attendant, les X73500 assurent correctement le service, pouvant circuler en solo sur ces lignes aux équipements d'exploitation frustres. Une vitesse de 120 km/h est possible entre Dol et Dinan. Au-delà, l'état de la voie limite les trains à 60 km/h mais le tracé permettrait 110 à 140 km/h après travaux et sécurisation des passages à niveau. Les aptitudes des X73500 seraient parfaitement adaptées. ©
Quelle seconde moitié de carrière ?
Illustration d’un pays et d’opérateur plus que frileux quant au devenir du transport ferroviaire régional, nombre d'autorails X73500 étaient sans usage 2017 au point que des radiations massives aient été envisagées en 2018... alors que ces engins n'avaient pas encore 20 ans. « Moins de trains » ne fait jamais baisser réellement la facture pour la Région. L’hypothèse a été écartée, et seuls 3 engins ont quitté les inventaires suite à accident : c’est heureux puisque ces autorails ont, du point de vue du voyageur, bien vieilli.
Seul véritable défaut, l’absence de climatisation puisque ces engins ont été dotés – par souci compréhensible d’économie – d’une ventilation réfrigérée.
A l’intérieur, les X73500 nécessitent principalement une rénovation assez modeste pour remettre en état les sièges, bagageries et toilettes. L’installation de prises de courant et USB serait évidemment une fonctionnalité appréciable des voyageurs même sur des parcours de longueur modeste. Quelques adaptations seraient aussi à opérer sur l’espace pour les voyageurs en fauteuil roulant pour répondre au maximum aux dernières normes.
Il y a donc tout lieu d’envisager des opérations mi-vie pour envoyer un signal positif. Si logique soit cette orientation, elle n’est cependant pas évidente à concrétiser. Parmi les points délicats, la motorisation. Les X73500 sont équipés de moteurs répondant à la norme Euro2 en vigueur à leur construction. Difficile d’installer un moteur moderne Euro6, bien plus volumineux que ne le permet l’espace disponible, d’où la réflexion sur l’usage de biocarburants issus de résidus de production agricole ou la conversion au biogaz. Dans ce dernier cas, il faudra veiller à l’impact sur la performance du matériel et donc la stabilité des horaires sur des lignes à une seule voie, car à cylindrée constante, la puissance développée est inférieure de 10 à 15%. L’électrification de la chaîne de traction n’est pas possible du fait de la transmission hydraulique.
Les X73500 constituent de facto une solution bien plus adaptée que d’hypothétiques trains légers : le concept réapparu en 2019 dans la tête d’un ministre n’ayant guère de culture ferroviaire (le sujet revenant à peu près tous les 35 ans…) est pourtant de faible intérêt puisque l’allègement du matériel voyageur n’a que peu d’effet sur le coût de possession de l’infrastructure : il n’aurait d’effet que sur des lignes dédiées au transport de voyageur local, sans circulations de fret.
Pontgibaud - 1er juin 2015 - Assurant une liaison Le Mont-Dore - Clermont-Ferrand, l'X73770 prend la pose (merci à l'agent commercial), quelques mois avant l'arrêt des circulations de voyageurs au-delà de Volvic. Train léger ou pas, les questions de fond restent toujours centrées sur l'état du patrimoine et la cohérence entre le flux de déplacement et le service proposé. Le reste est totalement secondaire. © transportrail
Qui plus est, ces autorails étant à mi-vie, une réforme prématurée serait un coût superflu pour la collectivité, surtout si son « successeur » génère des coûts de développement amortis sur un nombre plus réduit d’engins, et s’il ne présente pas les mêmes fonctionnalités. En particulier, l’hypothèse de trains plafonnant à 100 km/h ne couvrirait qu’une minorité de cas, correspondant à environ 100 unités réparties dans 10 Régions. Sur le plan économique, une série de plus augmenterait le coût complet de gestion du parc de matériel roulant pour des économies hypothétiques et de toutes façons limitées sur l’infrastructure.
Saint-Léonard-de-Noblat - 11 juillet 2021 - Un X73500 dans son domaine de prédilection : les lignes à trafic modeste desservant ce qu'on appelle parfois la France profonde. Ces autorails aux vastes baies ont un autre avantage : ils offrent une excellente vue sur les richesses naturelles et patrimoniales des contrées qu'il dessert ! © transportrail
Conclusion : en principe, les X73500 ont encore de beaux jours devant eux !