Saturation ferroviaire dans la vallée du Rhin
Similitudes géographiques, diversité ferroviaire
Le Rhin et le Rhône prennent leur source chacun d’un côté du massif du Gothard en Suisse. L’un remonte finalement vers la mer du Nord alors que l’autre rejoint la Méditerranée.
Sur le plan ferroviaire, les deux vallées présentent certaines analogies, notamment d’être fréquemment bordées par une voie ferrée sur chaque rive, en particulier au nord de Bâle. L'itinéraire de rive gauche traverse la France, de Saint Louis à Lauterbourg, mais avec une forte disparité d'usage illustrée par des données françaises de trafic de 2017, relativement représentatives (ne serait-ce que par l'absence de grands mouvements sociaux au sein de la SNCF).
- entre Saint Louis et Strasbourg, un axe structurant au plus régional, national mais aussi européen, puisque la ligne concourt au corridor européen entre Anvers et Gênes ;
- entre Strasbourg et Lauterbourg, il s'agit d'une ligne de desserte fine du territoire, non électrifiée, dont le rôle est purement local, avec une forte composante périurbaine.
Les appareils photos de transportrail avaient déjà été mis à l'épreuve, dans le brouillard, à Gundelfingen, au nord de Freiburg, en 2016. A cet endroit, la ligne côté allemand demeure à double voie, compte tenu du rythme inversement proportionnel à la densité du trafic pour réaliser la mise à 4 voies de la section Bâle - Karlsruhe.
A l'été 2020, c'est plus au nord qu'ont été réalisées les observations. Une seconde petite comparaison franco-allemande est nécessaire pour mesurer l'écart d'usage du réseau, même sur les grands axes.
Un des axes les plus chargés d'Allemagne
Entre Cologne et Francfort d’une part, entre Lyon et Avignon d’autre part, les deux vallées présentent une intéressante similitude de configuration ferroviaire. Chaque rive du fleuve dispose de sa voie ferrée et une ligne à grande vitesse (en allemand NBS, ou NeuBauStrecke) dédiée aux voyageurs a été réalisée constituant un troisième itinéraire ferroviaire, certes à l’écart du fleuve, mais avec une fonctionnalité assez comparable.
(extrait cartographie rd-rail.com)
Côté français, la rive gauche du Rhône accueille d’abord le trafic régional et, au sud de Valence, quelques TGV Vallée du Rhône pour la desserte de Montélimar, Orange et Avignon. Quant à la rive droite, elle est en principe réservée au fret, qui profite aussi de la rive gauche… et on serait tenté de dire qu’il a une faible appétence pour la rive ardéchoise eu égard à la rareté des circulations, mais ce n'est le cas que depuis la LGV Méditerranée a vidé la rive gauche de son trafic rapide. Voici donc quelques chiffres pour l'année 2017 :
Le trafic sur l'axe noble du PLM n'est donc intense que dans l'agglomération lyonnaise, où il s'écoule sur 4 voies, en profitant du tronc commun aux flux vers la basse vallée du Rhône et Saint Etienne. Quant à la rive droite...
Côté allemand, la même moyenne journalière annualisée donne des chiffres nettement plus importants. Nos sources sont plus anciennes (2014) mais illustrent déjà un rapport de 1 à 2 voire même 1 à 3 entre les lignes de la vallée du Rhin et la rive gauche du Rhône. Ne parlons même pas de la rive ardéchoise...
En semaine, des pics de trafic jusqu'à 350 trains par jour sur la rive droite du Rhin au nord de Coblence. avec deux lignes qui accueillent chacune entre 250 et 350 circulations par jour. Surtout, la part du fret est bien plus élevée : 35% à 40% sur la rive gauche du Rhin et 70 à 75% sur la rive droite ! Sur la rive gauche du Rhône, la proportion plafonne à environ 50% sauf à la sortie sud de Lyon, par l'effet du tronc commun avec la ligne Lyon - Saint Etienne.
Avec de tels résultats, évoquer la quasi-saturation des voies ferrées dans la vallée du Rhin n'est donc pas exagéré.
La séquence d’observations à l’origine de ce dossier conforte sa pertinence : quand les trains de fret se succèdent à une cadence telle que les signaux ont à peine le temps de revenir à voie libre (et pas toujours à pleine vitesse, avec de fréquents ralentissements à 60 km/h), il est permis de considérer que la ligne approche de ses limites... Une situation qu'il est totalement impossible d'observer en France, où l'on dénombre moins de 1000 trains de fret par jour en moyenne sur l'ensemble du réseau, contre plus de 6000 en Allemagne.
Rive gauche du Rhin : l'axe noble à dominante voyageurs
En quelques mots, la ligne de rive gauche entre Cologne et Mayence, sur 185 km, est l’itinéraire rapide, celui des trains de grand parcours avant la construction de la NBS Cologne - Francfort : il autorise une vitesse de 160 km/h entre Cologne et Coblence et de Bingen à Mayence : la section Coblence – Bingen, au caractère sinueux, n’autorise qu’une vitesse généralement de 120 km/h. Réalisée entre 1844 et 1859, elle a été électrifiée un siècle plus tard, entre 1958 et 1959, et reste aujourd'hui empruntée par des IC et ICE ayant vocation à desservir Mayence, Coblence et l'ex-capitale fédérale, Bonn.
Au passage, aucun IC ne peut emprunter la NBS, à la fois du fait de ses rampes de 40 / 1000 et de l'impossibilité d'insérer entre les ICE tracés à 300 km/h des trains qui plafonnent à 200 km/h.
Rive droite du Rhin : un tapis roulant pour le fret (mais qui laisse un peu de place au trafic régional)
La rive droite entre Cologne et Wiesbaden, sur 179 km, a été réalisée plus tardivement, de 1856 à 1876 et électrifiée en 1961. Elle est reliée à la rive gauche de part et d’autre de Coblence. C’est le seul point de raccordement entre les deux rives du Rhin entre Cologne et Mayence / Wiesbaden. En comparaison, la vallée du Rhône dispose quand même de 3 connexions intermédiaires entre Lyon et Avignon, à Chasse sur Rhône, Saint-Rambert-d’Albon et Livron.
La rive droite du Rhin entre Cologne et Wiesbaden accueille un trafic régional composé de 2 trains par heure (un omnibus et un semi-direct) et une abondance de sillons fret (couramment plus de 200 trains / jour en semaine) qui nous fait dire qu’en Allemagne, la rive droite ce n’est pas… la dèche, d’autant que la ligne sert aussi de délestage au trafic voyageurs longue distance tracé en rive gauche.
Le trafic fret est plus important au nord de Coblence, car la rive droite récupère le trafic provenant de la vallée de la Moselle, dont les fameux trains de charbon de 5000 t qui alimentent les hauts-fourneaux de la Sarre depuis Rotterdam : au total, plus de 300 trains par jour empruntent cette ligne, soit le double de la rive gauche du Rhône… et 11 fois plus que la rive droite. Et le cumul des deux lignes dépasse 500 trains / jour en semaine dans cette zone, une valeur que l'on ne trouve en France que sur certaines sections à 4 voies de l'Ile-de-France... mais sans fret !
Nos conseils pour l'observation ferroviaire
Illustration durant la semaine du 15 août, qui n’est pas la plus chargée, surtout en cette année atypique.
Evidemment, cette série de clichés n’est qu’une petite partie de la moisson récoltée sur une petite semaine, mais comptez en rive droite au moins 10 trains de fret par heure : vous ne ferez pas le voyage pour rien…
Avantage côté allemand : le signal passe au vert quand le train est en approche : comptez environ 2 minutes de délai pour un train de voyageurs et 3 minutes pour un fret. Cela vous permet d’ajuster position, cadrage et réglage… quand il ne faut pas choisir entre les deux sens. N'emportez pas de bouquin et ne consultez pas trop votre smartphone après la photo, vous risqueriez d'en louper !
Pour ce dossier sur la vallée du Rhin qui fera une très large place à l'image, transportrail vous propose 4 chapitres d'observations :
- sur la rive gauche du Rhin, à Boppard et Oberwesel ;
- sur la rive gauche du Rhin, dans la traversée de Coblence ;
- sur la rive droite du Rhin, depuis Oberwesel (compte tenu de l'étroitesse de la vallée), puis à Leutesdorf et à Rheinbrohl ;
- à Gundelfingen en rive droite du Rhin encore, avec notre observation au nord de Freiburg im Breisgau (certes dans le brouillard...)