Difficile de ne pas entendre parler de Railcoop dont l’initiative a déjà au moins réussi sur un plan, celui de la communication. Si vous êtes amateur de la chose ferroviaire, vous avez forcément quelqu’un dans votre entourage qui vous a posé la question « et toi, qu’est-ce que tu penses de Railcoop ? ».
Société coopérative d’intérêt collectif anonyme, Railcoop a pour objectif de devenir opérateur ferroviaire en service librement organisé, c’est-à-dire sans contrat avec une collectivité et donc à ses propres risques et périls. Les billets vendus doivent couvrir le coût complet du service, y compris l’amortissement du capital. L’initiative intéresse : son statut l’affranchit la suspicion d’être à la solde du Grand Capital, et les itinéraires remaillent des secteurs pour partie à l’écart des grands axes.
Dans son regard sur le rôle du train dans l’aménagement du territoire et notamment les besoins hors des grandes métropoles, le propos de Railcoop sonne juste : oui, les liaisons transversales sont assez indigentes en France et il y a un marché à développer, tant pour relier des grandes agglomérations (nous allons parler de Bordeaux - Lyon, dont les bassins de vie dépassent le million d'habitants) mais aussi améliorer les connexions entre des bassins de taille intermédiaires (un Toulouse - Rennes alignant, outre Toulouse, des agglomérations de tailles très variées de 50 000 à 500 000 habitants).
L'analyse d'ordre géographique, le constat, est bon et n'appelle aucun commentaire. L'ambition est noble mais elle se heurte à quelques réalités tenaces.
3 axes annoncés en 2020 : des performances à fiabiliser
La coopérative a déposé le 25 juin 2020 auprès de l’Autorité de Régulation des Transports des notifications d’intention de création de service, comprenant 3 allers-retours Lyon – Bordeaux (via Montluçon ou via Aurillac), 2 allers-retours Toulouse – Rennes (via Limoges, Poitiers, Tours et Le Mans) et un aller-retour Lyon – Thionville.
Les temps de parcours annoncés sur ces relations constituent une première surprise :
- 5h03 sur Lyon – Thionville, incluant 5 minutes pour rebroussement à Dijon, Chalindrey et Nancy ;
- 8h06 sur Toulouse – Rennes, avec également 5 minutes pour rebroussement à Tours et une liaison de fin d’après-midi arrivant au terminus après 1 heure du matin aux deux terminus ;
- 6h29 sur Lyon – Bordeaux, avec aussi 5 minutes de rebroussement à Saint Germain des Fossés (donc sans emprunt du raccordement direct), Gannat, Saint-Sulpice-Laurière et Périgueux. Sur cette liaison, le troisième aller-retour serait nocturne mais dans des temps pouvant être qualifiés de « rapides » (Bordeaux 0h16 – Lyon Part-Dieu 7h09 et Lyon Part-Dieu 23h43 – Bordeaux 6h34). Une variante du train de nuit a également été déposée pour le train de nuit via Clermont-Ferrand, Aurillac et Brive (Lyon 23h43 – Bordeaux 7h11 et Bordeaux 23h36 – Lyon 7h11).
Lozanne - Avril 1992 - Souvenir des turbotrains sur la liaison Bordeaux - Lyon à l'époque où la desserte était encore assez consistante : l'A89 n'existait pas encore et le temps de parcours des RTG était assez compétitif par rapport à la route nationale et sa litanie de traversées de villages et de petites villes... © Y. Séligour
La notification à l’ART fait état de l’usage de rames Régiolis de 110 m circulant en UM2, d’une capacité unitaire de 200 places. Un temps de 5 minutes pour remonter un train de 220 m de long et effectuer les activations / désactivations de cabines semble quelque peu optimiste (expérience des RTG faisant foi, qui faisaient certes 128 m de long mais sans informatique de bord). De même, l’étape Limoges – Poitiers en 1h43 sur la liaison Toulouse – Rennes est très optimiste, faisant abstraction des circulations régionales existantes (et des quelques trains de fret) et des modalités de croisement (même avec du BAPR).
Tours - 10 février 2006 - Départ d'un X72500 de Tours pour Le Mans, sur une section visée par Railcoop dans son projet de liaison Toulouse - Rennes. Une diagonale inattendue, intégrant la desserte du Futuroscope. © transportrail
Dijon Ville - 28 septembre 2012 - Le cadencement bourguignon a donné naissance à une desserte assurée toutes les heures entre Dijon et Lyon, qui fut initialement diamétralisée avec les Lyon - Grenoble de la Région Rhône-Alpes, mais le montage s'est avéré un peu trop fragile pour procurer un bon niveau de régularité... © transportrail
Lyon – Bordeaux : axe prioritaire
Le projet de Railcoop se focalise dans un premier temps sur la liaison Lyon – Bordeaux, qui nécessiterait à elle seule le recrutement d’une centaine de salariés (selon la coopérative) pour la production et la commercialisation du train, sachant que, outre le canal numérique, l'opérateur souhaite être présent dans toutes les gares desservies.
Le temps de parcours annoncé est tout de même 54 minutes plus rapide que la meilleure performance réalisée sur cet axe (7h23), à nombre d’arrêts identique. Même s’il faut évidemment prendre en compte les meilleures performances d’accélération du Régiolis par rapport aux RTG, ces estimations devront être complétées par la prise en compte des croisements avec les autres circulations sur les sections à voie unique, qui sont assez chronophages quand la ligne est gérée par du block manuel (toujours présent de Périgueux à Nexon avec la gare de Thiviers en arrêt général, et de Guéret à Montluçon et Gannat). Il est donc probable que les horaires déclarés à l’ART seront amendés… à la hausse. Manifestement, Railcoop semble en avoir pris conscience et admet que cette liaison sera probablement d'une performance équivalente à celle que réalisait la SNCF.
Lavaufranche - Mai 1992 - Il faut connaître sa géographie ferroviaire : nous sommes aux limites des Régions Limousin et Auvergne et c'est ici qu'est prévu le croisement des trains Lyon - Bordeaux. En block manuel, il faut compter au moins 5 minutes pour les opérations de croisement : un sujet qu'il va falloir intégrer au roulement du matériel envisagé par Railcoop, car les premières estimations ont été un peu trop ambitieuses... © Y. Séligour
C’est aussi sans compter sur les incertitudes concernant l’état de l’infrastructure, l’évolution de ses performances avec la perspective non écartée de ralentissements à défaut d’investissements suffisants sur un parcours essentiellement sur des lignes de desserte fine du territoire. Il y a bien eu quelques travaux entre Saint-Sulpice-Laurière et Montluçon dans les années 2000, mais il y aura quand même quelques gros dossiers à instruire sur l'essentiel du parcours, à l'exception probablement des sections Coutras - Périgueux et Roanne - Lyon.
Dans la déclaration à l’ART, figure un itinéraire alternatif – et inédit – pour la liaison nocturne Lyon – Bordeaux, via Clermont-Ferrand, Aurillac et Brive : certaines sections du parcours via Montluçon ne sont pas ouvertes la nuit. Ce qui ne veut pas dire que l’itinéraire sud l’est pour autant. S'il faut ouvrir la ligne la nuit, qui paiera les coûts supplémentaires de tenue des gares de croisement ?
Autre élément, l’horaire de nuit est assez tardif, limitant la chalandise au marché entre Lyon et Bordeaux (sauf à être réveillé dès potron-minet...).
Montluçon - Juillet 1999 - La sous-préfecture de l'Allier est assez mal desservie et on peut commencer à parler d'enclavement ferroviaire du fait de la maigreur des grilles horaires des 3 lignes qui la desservent. La Région Auvergne - Rhône-Alpes a récemment refusé la main tendue par sa voisine Nouvelle-Aquitaine pour restaurer une liaison Bordeaux - Lyon... © transportrail
Finalement, des X72500
Dans ses notifications à l’ART, Railcoop mentionnait des Régiolis 6 caisses bimodes circulant en UM2 avec une capacité unitaire de 200 places. C’est peu : la version TET en offre 67 de plus et la version régionale dispose de 328 sièges. Une donnée importante pour le modèle économique.
Dans le reportage consacré à cette initiative dans Envoyé spécial en janvier 2021, l’hypothèse de locations de voitures classiques en Europe centrale a été évoquée… avant que la coopérative ne décide d’acquérir X72500 tricaisses. Malgré un bon confort dynamique, ce matériel est pénalisé par son niveau sonore élevé (donc peu adapté pour les trajets nocturnes) et surtout sa fiabilité plus que médiocre.
Ce changement de posture résulte du refus des banques de porter un tel niveau d’investissement compte tenu des perspectives économiques de l’affaire…
Lyon Jean Macé - 1er octobre 2012 - Les X72500 de la Région Auvergne - Rhône-Alpes sont convoités par Railcoop. Mis au rebut depuis plusieurs mois, ils sont dans un état médiocre et on connaît les défauts de ce matériel... qui a quelques qualités quand même. Mais est-ce un bon choix pour l'aventure Railcoop qui ne pourra pas tolérer de problèmes de fiabilité... malheureusement inhérents à cette série capricieuse ? © transportrail
Railcoop envisagerait l'achat de 10 rames tricaisses à Auvergne - Rhône-Alpes et 6 à la Normandie, ce qui fait quand même beaucoup pour l'offre annoncée même en UM2. A moins que certaines rames ne soient acquises pour constituer un stock de pièces détachées.
Ajoutons d'autres interrogations :
- qui assurera la remise en état du matériel récupéré, sans usage depuis plusieurs mois ?
- un budget de 10 M€ est en cours de négociation auprès de banques pour assurer cette opération, soit 625 000 € par caisse, écartant probablement une bonne partie des besoins sur la chaîne de traction (dont on connaît la simplicité et la fiabilité) ;
- le délai est particulièrement court entre la mise à disposition effective et le lancement commercial annoncé ;
- qui sera en charge de la maintenance courante des rames en exploitation ?
2021 : Railcoop voit très - trop ? - grand
Les nouvelles notifications déposées en juin 2021 concernent à chaque fois 2 allers-retours quotidiens sur les relations suivantes, elles aussi envisagées en X72500.
- Le Croisic - Bâle, via Nantes, Tours, Nevers, Dijon et Mulhouse, comprenant 24 arrêts intermédiaires avec un temps de parcours de 11h13 ;
- Massy-Palaiseau - Brest par un parcours des plus rocambolesques : Versailles, Evreux, Caen, Saint-Lô, Dol-de-Bretagne, Dinan et Saint-Brieuc, en 8h31 et 19 arrêts ;
- Thionville - Grenoble / Saint-Etienne, couplés jusqu'à Dijon : la tranche stéphanoise, évidemment par Lyon, mais la tranche grenobloise transiterait par Louhans, Bourg-en-Bresse, Culoz et Chambéry, avec un temps de parcours de 8h08 vers Grenoble (14 arrêts) et de 6h46 vers Saint Etienne (11 arrêts) ;
- Strasbourg - Clermont-Ferrand, classiquement envisagé via Mulhouse, Dijon et Nevers, en 7h56 avec 13 arrêts ;
- Annecy - Marseille, via Chambéry, Grenoble, Veynes, Sisteron et Aix-en-Provence en 7h28 et 9 arrêts ;
- Brest - Bordeaux, via Quimper, Nantes et La Rochelle, en 9h04 et 13 arrêts ;
- Toulouse - Caen / Saint Brieuc, évolution du Toulouse - Rennes, avec adjonction d'une tranche pour Caen et coupe-accroche au Mans, avec des temps de parcours respectivement de 9h48 vers Caen (13 arrêts intermédiaires) et 10h12 (12 arrêts intermédiaires) ;
- Lille - Nantes, évidemment tracé via Douai, Amiens et Rouen comme le projet de l'Etat pour les TET, mais qui, ensuite, passerait par la transversale Caen - Rennes, avec un trajet en 9h16 et 16 arrêts.
Ces nouvelles notifications soulèvent plusieurs questions :
- Le choix d’une desserte à arrêts très fréquents pour maximiser la population desservie au risque de réduire l’attractivité de trajets plus longs, et de concurrencer les dessertes régionales conventionnées (d’où des saisines à l’ART pour évaluer l’impact sur celles-ci) ;
- Mais des choix hétérogènes : pas d’arrêt à Moulins sur un Strasbourg – Clermont-Ferrand et la desserte non-systématique des gares situées sur des troncs communs à plusieurs lignes (Montmélian, Guères, Montchanin, Serquigny, Mézidon, Savenay) ;
- La capacité des infrastructures : du cantonnement téléphonique sur Dol - Lamballe sur Lille - Nantes et Massy - Brest, Vif - Aspres sur Annecy – Marseille, où les offres régionales saturent le nombre de circulations admises ; du block manuel sur Landerneau - Quimper et La Rochelle - Saintes (liaison Brest – Bordeaux), Jarrie - Vif puis Serres - Aix-en-Provence (liaison Annecy - Marseille), créant de fortes contraintes dans le montage du graphique pouvant lourdement bousculer le service régional surtout quand l’infrastructure ne comprend qu’une seule voie. L’insertion de sillons directs entre Aix-en-Provence et Marseille promet aussi quelques tensions avec la Région PACA ;
- L'incursion en Ile-de-France s'annonce intéressante avec la gestion d'un terminus à Massy-Palaiseau sur les voies de la Grande Ceinture, utilisée par le fret, le RER C, la future navette transitoire Versailles - Massy-Palaiseau, en attendant l'achèvement du tram-train T12 : sueurs froides en perspective... ;
- Ces liaisons au long cours devront composer avec le fonctionnement de nombreux nœuds de correspondances dans les grandes villes ;
- Pourraient-elle s’inscrire dans une trame horaire systématique : peu probable… donc Railcoop devra composer avec la capacité résiduelle hors trame sans garantie de performance.
Néanmoins, certaines sections présentent un certain intérêt car elles pourraient combler des absences : Clermont-Ferrand - Dijon et Nantes - Dijon (toutes deux envisagées par la VFCEA), Caen - Rennes, concernée par 4 allers-retours. Annecy – Marseille fleure bon l'Alpazur d'antan, et qu'il est intéressant de voir apparaître alors qu'avait été réalisé à grands frais un raccordement entre le sillon alpin et la LGV pour des relations Alpes - Méditerranée (qui n'ont pas dépassé le stade de l'anecdotique aller-retour hebdomadaire pendant quelques années).
Ces intentions affichées sont potentiellement concurrents des projets de l'Etat pour les Trains d'Equilibre du Territoire avec les demandes transitant par l'axe Nantes - Bordeaux, et la diagonale Lille - Nantes, même si les perspectives de l'Etat et de Railcoop divergent sur cette dernière à partir de Mézidon.
Pierre-Buffière - 24 juillet 2020 - Un train régional Limoges - Brive sur l'axe historique Paris - Toulouse : les travaux de Railcoop s'intéressent à la section sud de cette ligne, entre Limoges et Toulouse, que convoitait également Flixtrain avant la crise sanitaire. © E. Fouvreaux
Toutes ces relations seraient assurées avec 2 X72500 tricaisses : compte tenu de la longueur des trajets, il sera souvent difficile d'intégrer un aller-retour dans la même journée, donc chaque rame ne ferait qu'un aller par jour. Bref, beaucoup d'actifs pour une productivité journalière contrastée selon qu'on raisonne en kilomètres parcourus ou en nombre de services par rame et par jour. Toutes les circulations étant prévues en UM2, il faudrait que Railcoop récupère la totalité des 42 rames tricaisses produites, ce qui suppose qu'elles soient libérables... et utilisables. Les annonces sur une rénovation par ACC traitent la carrosserie et les aménagements intérieurs, mais quid de la chaîne de traction et des fameux groupes auxiliaires qui font la célébrité de cette série ?
Sur le plan du personnel, Railcoop envisage une quarantaine de salariés par ligne, soit au total de l'ordre de 120 personnes, notamment pour assurer une présence dans chaque gare des lignes desservies par les lignes étudiées.
Un tel modèle économique est-il possible ?
Lancer des liaisons longue distance sur des axes à potentiel modeste, avec une part élevée de cabotage du fait d'un nombre d'arrêts important, donc avec un temps de trajet de bout en bout peu attractif, en service librement organisé (sans subvention d'exploitation), avec des tarifs alignés sur ceux du covoiturage : cela ressemble fort à une gareure. Même avec un taux de remplissage très hypothétique de 100 % entre chaque gare desservie, l'équilibre économique semble illusoire compte tenu sur de telles lignes et à de telles conditions. Pour mémoire, le trafic de bout en bout sur Lyon - Bordeaux ne représentait que 5 % de la clientèle de la relation. Même en ajoutant Libourne et Périgueux, cela ne pèse pas bien lourd... Or la circulation en UM2 affichée semble essentiellement justifiée par les sections extrêmes du parcours, le corps central de Périgueux à Roanne pouvant se satisfaire d’une rame de 200 à 220 places.
Par ailleurs, le montage des 3 allers-retours sur cette liaison en plus de 7 heures nécessiterait 4 trains en ligne. A cela s'ajoute la proportion d'unités multiples (donc jusqu'à 8 éléments en ligne) et la réserve. Puisque les X72500 ont besoin de rentrer régulièrement « à l’écurie », notamment pour nettoyer les radiateurs au printemps et en été pour éviter les surchauffes voire arrêt des groupes électrogènes par mise en sécurité, mieux vaut éviter les roulements trop tendus.
Il faut aussi ajouter l'inconnue des correspondances entre différents services, pas seulement entre trains Railcoop, mais avec les autres opérateurs, à commencer évidemment par SNCF Voyageurs et plus largement tous les opérateurs en contrat de service public pour les Régions... Une offre spécifique, pas forcément avec une réciprocité avec les trains régionaux de ces axes, sera trop réduite pour être prise en compte par les caboteurs locaux ayant besoin de souplesse avec leurs abonnements ou billets aller-retour sur les différents horaires possibles.
Restent aussi les aléas opérationnels et de programmation des travaux… dont on sait bien qu’ils fonctionnent de plus en plus en coupure de ligne. Limoges – Périgueux et surtout Saint-Sulpice-Laurière – Gannat sont des sections où les besoins de renouvellement dans la décennie sont importants et impacteront la capacité de la ligne.
Ce service suppose également de rouvrir plusieurs gares au service de la circulation de nuit sur la partie centrale, ce que SNCF Réseau risque de trouver onéreux par rapport aux péages dégagés par ces trains sur des sections peu rémunératrices. D'où sa réponse en mars 2021 ne portant que sur 2 allers-retours de jour avec un temps de parcours de 7h30 à 8h, du fait des créneaux de départ souhaités, des autres circulations en ligne et de la capacité des infrastructures empruntées.
Des risques pour Railcoop... mais aussi pour les liaisons transversales
La question de l’équilibre économique ne trouve pas de réponse démonstrative sur le site Internet de Railcoop, mais la coopérative semble un peu moins certaine de ses hypothèses de prix public. Si les recettes ne couvrent pas les charges, les sociétaires seront sollicitées pour combler les déficits.
Le défi est de taille : vouloir développer en France des liaisons transversales en open-access, sans subvention publique d'équilibre. En Allemagne, Locomore - un financement participatif pour une compagnie ferroviaire exploitant une relation entre Berlin et Stuttgart - n'a pas tenu plus de 6 mois. En France, Railcoop tend à se positionner en « sauveur » des lignes transversales. Au risque de laisser croire qu’un échec ne serait pas le fait d’une erreur de stratégie, mais d’une absence d’intérêt du ferroviaire. Attention…
Fret : au commencement de la fin ?
Le capital apporté des sociétaires – des particuliers, mais aussi des collectivités locales – a atteint un niveau suffisant pour acquitter les frais de licence européenne d'opérateur et pouvoir engager la négociation de prêts pour la suite du projet. Il va falloir aussi recruter rapidement le personnel pour l’exploitation et la vente, contractualiser le montage sur le matériel roulant.
A défaut d’avoir les moyens suffisants pour le service voyageurs, Railcoop devait quand même justifier des prestations à ses sociétaires et a donc lancé un service fret en novembre 2021 entre Viviez-Decazeville et le triage toulousain de Saint-Jory, via Capdenac et Tessonnières, avec un train circulant tous les jours du lundi au vendredi, « même à vide », avec des wagons adaptés au transport de palettes.
Il est cependant loin d'avoir tenu l'objectif d'une circulation quotidienne : au mieux 2 circulations par semaine pour les périodes les plus fastes. Railcoop a alors commencé à brûler du capital, en plus de la rémunération des salariés. Un nouveau trafic a démarré en avril 2023 entre Gignac-Cressensac et Saint-Gaudens, abandonné au bout de quelques jours après la décision de la coopérative d’arrêter le fret… et les frais.
Railcoop indique être à la recherche de 40 M€ pour lancer Lyon – Bordeaux, avec des prétentions revues à la baisse avec un aller-retour effectué par une seule rame en 48 heures (un départ tous les 2 jours).
Et dans ce contexte, le changement de président et d’équipe dirigeante laisse présager d’un certain flottement interne : l’effet du retour douloureux à la réalité ?