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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Souvenirs du tramway franco-suisse à Morez

Une liaison internationale à voie métrique

Dès la fin du 19ème siècle, la création d’une liaison ferroviaire entre la Suisse et Morez fut réclamée par les élus français. La création de la Compagnie du chemin de fer Nyon – Saint Cergue – Morez (NStCM) allait leur donner satisfaction en 1911. L’initiative suisse allait être évidemment retardée par la première guerre mondiale. La première section de Nyon à La Cure, longue de 26 km, était mise en service en 1916.

Côté français, le prolongement concédé en 1913 à l’ingénieur Nithard (l’inventeur du trolleybus à perches) et à l’entreprise Dyle & Bacalan. Les Chemins de fer Electriques du Jura (CFEJ) créés en 1917 mirent 4 ans à réaliser la courte section française de 12 km. Cette ligne à voie métrique fut d’emblée alimentée en 2200 V continu. Le gabarit retenu était plutôt celui d’un tramway français, 2,20 m, du fait de la circulation en accotement de voirie.

Au départ de la cour de la gare du PLM de Morez, le tracé commençait par descendre dans le centre de la localité, au fond de la vallée de la Bienne, et suivait le tracé de la route nationale 5, imposant un profil sévère avec des rampes pouvant atteindre 78 / 1000.

CP-tram-morez1

Un convoi mixte du tramway avec une automotrice tractant 2 wagons dont l'un bien chargé de planches de bois est en train de gravir l'avenue rejoignant la gare du PLM de Morez. On aperçoit évidemment 2 viaducs de ce célèbre site ferroviaire en arrière-plan.

Après avoir desservi Les Rousses, le tramway arrivait à La Cure, point frontière. La frontière était matérialisée par 2 gares séparées de 300 m, à 1152 m d’altitude.

CP-tram-les-rousses

Passage du tramway aux Rousses. Une certaine affluence, parfois avec les tenues du dimanche. L'automotrice tracte une remorque et un fourgon : c'était la composition classique sur la ligne.

CP-tram-la-cure

La Cure, point frontière avec ici sur le bâtiment le bureau des douanes suisses. Sur le bâtiment français, les douanes françaises, le tout séparé de 300 m. On remarque la réalisation très éonomique de la voie avec un rail maigre qui donna rapidement des signes de faiblesse.

37 ans de service… moins la guerre…

Le service fut assuré par 4 à 6 allers-retours de Morez à La Cure, pour partie prolongés à Nyon, au moyen de 5 automotrices de conception suisse produites par Schlieren et Brown-Boveri, rejointes entre les deux guerres par 2 unités supplémentaires produites en France, l’une par Dyle & Bacalan et l’autre par CGCEM, mais en conservant l’unicité technique avec des équipements électriques suisses.

NStCM_Photo_C-10

Au dépôt, manifestement de Nyon, 2 des 7 automotrices du NStCM. Faute de moyen, leur renouvellement est intervenu en 1985 seulement, du fait d'un maintien à l'économie lié à des tentatives de suppression de l'exploitation. (collection du NStCM)

Compte tenu des rudesses hivernales, un wagon chasse-neige fut spécifiquement construit pour dégager autant que possible la voie pour maintenir le service.

CP-tram-morez2

A Morez, quand il y a de la neige, ce n'est pas qu'un peu. Sur cette carte postale, on voit nettement le chasse-neige destiné à dégager la voie pour assurer a minima un service. La neige permet de bien distinguer les 3 voies du terminus situé en plein centre-ville.

La section française avait été réalisée à l’économie, ce qui nécessita des reprises de l’infrastructures dès 1924. Le rail de 20 kg/m en barres de 12 m fut remplacé par un rail de 30 kg/m en barres de 15 m et le travelage initial renforcé. Résultat, la vitesse put être portée de 25 à 35 km/h. La compagnie lourdement déficitaire fut rachetée par le Département du Jura, créant en 1932 la Régie Départementale du Chemin de Fer Morez – La Cure, qui ne put réellement redresser la situation économique, d’autant que la guerre provoqua l’arrêt régulier des circulations. Le retour du service international avec trains directs pour Nyon n’intervenait qu’en 1948.

Le 27 septembre 1958, la Régie cessait l’exploitation de la ligne, reversant le matériel français à l’exploitation suisse qui – elle ! – continuait.

Après la fermeture de la ligne, la commune des Rousses a vu sa population fortement augmenter. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, elle a doublé, atteignant 3640 habitants, soit 700 de plus qu’en 1895 qui avait marqué le précédent pic de population. La fusion avec les communes limitrophes représente un territoire de 6000 habitants. L’essor des activités sportives sur le plateau des Rousses remonte aux années 1930 quand la commune installa un premier téléski. Aujourd’hui, le site comprend 220 km de pistes pour le ski, notamment le ski nordique, est une étape incontournable de la Transjurassienne, célèbre course de fond, et le plateau accueille aussi en été des randonneurs dans le parc naturel du Haut Jura. Dommage qu'un transport public ne puisse pas y contribuer !

Côté Suisse : après les doutes, la renaissance

Pendant ce temps, côté Suisse, le NStCM existe toujours. Cependant, la ligne fut menacée de suppression et les crédits ont tardé pour moderniser l’infrastructure et le matériel roulant. La première demande en 1963 déclencha une série d’études poursuivant l’unique but de supprimer la ligne. La décision de rénover – en réalité de reconstruire – la ligne ne fut prise qu’en 1985. La création de la gare souterraine en 2004 à Nyon, éliminant la section urbaine, peut être considérée comme l’aboutissement de ce processus, dans lequel le matériel roulant fut évidemment remplacé. Une nouvelle génération est d’ailleurs apparue avec les dernières automotrices de Stadler. Il fallait être né du bon côté de la frontière…

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Deux remorques pour cette composition descendant en direction de Nyon. La ligne côté Suisse a été réalisée comme un véritable chemin de fer secondaire. Seule l'arrivée à Nyon s'effectuait sur la chaussée.

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Col de La Givrine - avril 1978 - Arrivant de Nyon en direction de La Cure, l'automotrice n°10 tracte 2 remorques et un fourgon. Le matériel demeura bien entretenu malgré les difficultés liées à son vieillissement, afin de maintenir le service le plus longtemps possible malgré les tentatives de fermeture. © A. Knoerr

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Nyon - Juillet 1993 - Correspondance quai à quai entre le chemin de fer secondaire et les Cars Postaux, avant la réalisation de la gare souterraine. L'arrivée du nouveau matériel en 1985 concrétisa l'abandon des projets de fermeture de la ligne mais aussi la relance de la desserte. © A. Knoerr

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Le Muids - 25 juillet 2018 - Les nouvelles automotrices Stadler Be4/8 incarnent une nouvelle étape pour le NStCM : outre la modernisation complète de l'infrastructure, celle-ci a été adaptée pour assurer un service plus intensif, au quart d'heure de Nyon à Genolier dès 2015. La desserte est à la demi-heure au-delà vers Saint Cergue et à l'heure vers La Cure. Un nouveau dépôt à Trélex sera ouvert en 2022. La cadence au quart d'heure devrait en outre être prolongée jusqu'à Saint Cergue. © A. Knoerr

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