Rennes : un cas d'étude classique pour un RER
L’étoile ferroviaire rennaise a été largement remaniée avec l’arrivée en 2017 de la LGV Bretagne Pays de la Loire arrivant à Cesson, au plus près des installations de la gare. Deux voies nouvelles ont été ajoutées côté sud : la voie 9 est traversante tandis que la voie 10 n’est utilisable que depuis l’ouest de Rennes. A l’été 2018, la signalisation à l’ouest de la gare a été améliorée avec le remplacement du BAPR par du BAL entre Rennes et Redon mais aussi la banalisation des voies de la gare à la bifurcation de Port-Cahours (vers Saint Malo et Brest), avec en complément la transformation d’une voie de service en voie principale pour l’accès à la voie 1 à quai.
Rennes - 22 octobre 2014 - Correspondances entre la desserte TGV nationale, avec à gauche un Duplex sur une liaison Intersecteurs pour Lyon, à droite une rame Atlantique arrivant de Paris et entre les deux , une ZTER venant de Quimper. © transportrail
Encore une fois : améliorer l’existant d’abord !
Le dossier du RER rennais pourrait, en apparence, être un cas assez simple, mais qui recèle tout de même quelques particularités. Comptant parmi les métropoles les plus dynamiques sur le plan démographique, Rennes planche depuis plusieurs années sur l’amélioration de l’utilisation du réseau ferroviaire dans le système de transport en commun de la métropole. Lors de la campagne électorale des élections municipales de 2014, le TREM – Train Express de la Métropole – avait occupé une large place dans les débats.
Il est vrai que l’augmentation de trafic est particulièrement soutenue : la SNCF enregistre une croissance moyenne de 7,5% par an depuis 2007 et la gare de Rennes est en limite de capacité. Rien de très surprenant dans une métropole dynamique, caractérisé par une certaine compacité de la ville centre et des densités de population élevées.
Rennes - 9 janvier 2014 - Avec la naissance du concept TER, la Bretagne avait reçu à la fin des années 1980 un important contingent de rames RRR, associées à des BB25500. La modernisation de ces voitures a été assez bénéfique pour le confort, mais elles ont été supplantées par les AGC puis les Régio2N, du fait de l'évolution importante du trafic. © J. Sivatte
Rennes - 21 août 2015 - Arborant les couleurs bretonnes (ou plutôt le noir breton), les Régio2N (ici un élément long de 110 m) sont venus remplacer les RRR et les Z2 sur les axes les plus chargés, dont Rennes - Saint Malo. © transportrail
En se focalisant sur des niveaux de desserte très élevés, l’addition était rapidement devenue indigeste, approchant le milliard d’euros.
Or, comme dans la plupart des métropoles de taille comparable, ce n’est pas sur la seule période de pointe qu’il faut raisonner mais sur l’ensemble de la journée, en semaine et le week-end, ce qui peut déjà fournir une large capacité d’action à une échéance moins lointaine.
La desserte actuelle présente les mêmes symptômes que nombre d’autres grandes agglomérations : si la trame en pointe est plutôt bien fournie, avec 2 trains par heure sur 4 des 5 branches de l’étoile, l’offre en journée comporte encore des creux de 2 à 3 heures, tandis que la desserte du week-end est squelettique.
Rennes - 21 août 2015 - Les Z2 ont été des chevilles ouvrières appréciées du transport régional, fiables, performantes et confortables, mais leurs conditions d'accès et leur capacité sont devenues inadaptées. Leur fin de carrière se déroule majoritairement en UM2. © transportrail
Sans surprise, nous en concluons à la nécessité d’améliorer la consistance de l’offre en augmentant le taux d’activation des sillons aujourd’hui disponibles, afin de généraliser une cadence à la demi-heure sur les pointes et à l’heure en journée. Pour le week-end, on pourra proposer une trame à l’heure le samedi matin et à la demi-heure l’après-midi tandis que le dimanche, une activation aux 2 heures le matin et à l’heure l’après-midi serait déjà une avancée significative.
En complément, il faudra travailler sur les deux radiales à l’ouest de Rennes à la cohabitation entre les sillons périurbains et les dessertes rapides : TER Intervilles vers Saint Brieuc et Vannes, TGV vers Brest et Quimper. Même chose pour les missions périurbaines de Vitré par rapport aux TGV Intersecteurs
Autre enjeu, l’exploitation de la gare de Rennes, malgré le passage de 8 à 10 voies, amenant à envisager une nouvelle organisation et la réception de deux trains sur une même voie pour donner plus de souplesse et concrétiser les évolutions de desserte. SNCF Réseau planche sur une signalisation spécifique qui pourrait trouver sa première application en gare de Rennes.
Rennes - 9 juin 2016 - Pour agrémenter l'activité des régulateurs de la gare de Rennes, un peu de fret ! L'activité agro-alimentaire recourt (encore !) au chemin de fer : la BB75468 traverse la gare dans le sens est-ouest. © transportrail
La diamétralisation de la desserte de base pourrait également être mise à l’étude, autant que la plupart des missions périurbaines se retrouvent en gare de Rennes autour des minutes 15 et 45. Cependant, n’existe qu’une seule possibilité est-ouest, vers Vitré, pouvant concerner les trois branches ouest (Messac, La Brohinière et Montreuil). Une diamétralisation des branches sud (Messac et Janzé) ne serait envisageable qu’après travaux sur la ligne Rennes – Châteaubriant.
Deux lignes UIC 7 à 9 aux situations radicalement différentes
Choc des extrêmes pourrait-on dire puisque l’une est l’axe le plus fréquenté du réseau breton alors que l’autre est sur la corde raide, même si l’horizon est peut-être en train de s’éclaircir du moins sur une partie de l’axe…
Premier axe TER Bretagne, Rennes – Saint Malo a bénéficié d’importants investissements, d’abord destinés à amener le TGV jusqu’à la cité malouine mais aussi pour améliorer la qualité de la desserte régionale, désormais majoritairement assurée en Régio2N du fait de l’augmentation du trafic.
Sur cet axe, on notera la desserte de Pontchaillou, son centre hospitalier et son université : le site est également desservi par la ligne A du métro, mais si le train s’arrête au sud-ouest de l’ensemble, le métro le dessert par le nord. La gare ne sert donc pas tant à la correspondance qu’à l’accès à ces équipements de la métropole.
Bien qu’en tête des lignes de l’étoile, Rennes – Saint Malo est toujours classée UIC 7 à 9, avec par conséquent la question du financement de la maintenance et du renouvellement de l’infrastructure… dont il est assez aisé de mesurer le besoin au cours d’un trajet sur cette ligne pourtant apte à 140 km/h, à double voie et électrifiée, accueillant en moyenne plus de 40 circulations / jour / sens sur la section périurbaine. Comme toute règle a ses exceptions, Rennes – Saint Malo serait intégrée au périmètre éligible au financement par le Contrat de Performance, donc sans aller solliciter la Région.
Rennes - 9 juin 2016 - La quête de la minute à n'importe quel prix avait conduit à intégrer au CPER 2015-2020 une modification de la signalisation de la gare pour pouvoir être traversée à 90 km/h par des TGV sans arrêts : 47 M€ pour gagner à peine 50 secondes sur une paire de TGV hebdomadaires. L'opération a été heureusement enterrée ! En revanche, des entrées-sorties à 60 km/h devraient être la norme... © transportrail
Rennes – Châteaubriant est le parent pauvre de l’étoile, à voie unique, non électrifié et avec une infrastructure en mauvais état qui a conduit SNCF Réseau à réduire les vitesses dans l’attente du financement du renouvellement et SNCF Mobilités à alléger l’offre sur la partie sud de la ligne : il ne subsiste qu’un seul aller-retour par jour entre Retiers et Châteaubriant. Mais avec 6 allers-retours au total sur Rennes – Janzé / Retiers, l’usage du train demeure l’apanage du voyageur éclairé…
Vern - 21 août 2015 - Croisement de deux X73500 sur la ligne Rennes - Châteaubriant, mal en point en dépit d'un important potentiel de trafic avec jusqu'à 30 000 véhicules / jour sur cet axe à son entrée dans la métropole. © transportrail
Son devenir est lié à la conclusion d’un financement par la Région et les autres collectivités. L’Etat devrait aussi être présent, du moins sur le papier, car ses engagements sont pour l’instant concrétisés au mieux à 50%. Le projet est tout de même intéressant puisque dans un premier temps, il permettra de restaurer les performances initiales, qui pourront être accrues dans un second temps, puisque le tracé de la ligne est compatible avec une vitesse de 110 km/h. L’installation d’une signalisation entre Rennes et Janzé permettrait d’instaurer une desserte à la demi-heure, avec un train toutes les 2 heures vers Châteaubriant, c’est-à-dire un schéma identique – sans le le tram-train – à Nantes – Châteaubriant.
Un maillage urbain fait de rendez-vous manqués
Deux stations TER portent le même nom qu’une station de métro voisine : Pontchaillou sur la ligne de Saint Malo et La Poterie sur celle de Châteaubriant. Manque de chance, les correspondances sont très peu commodes puisque les distances à parcourir à pied sont de 350 et 800 m, et franchement peu intuitives. A Pontchaillou, les candidats à la correspondance devront traverser le centre hospitalier : le train est au sud-est de celui-ci alors que le métro le dessert par le nord. A La Poterie, le métro est à l’ouest du quartier et le train à l’est… et de toute façon, avec une desserte squelettique.
L’intermodalité train – métro se limite donc à la gare centrale et que la coordination des offres de transports en commun réside plus dans la desserte par bus des gares périphériques existantes.
Sur le plan tarifaire, la Région a fédéré l’ensemble des offres de transports en commun (train, autocars, réseaux urbains) sur un seul support (la carte Korrigo), et propose des tarifications multimodales, mais traditionnellement limitées à une relation déterminée (exemple Montreuil sur Ile – Rennes) avec accès à un ou plusieurs réseaux urbains.
LNOBPL : quelle utilité pour le RER rennais ?
La quête de vitesse vers le Finistère s’est traduite par la conception d’un projet de sections nouvelles à l’ouest de Rennes (Lignes Nouvelles Ouest Bretagne Pays de la Loire) selon une logique radiale (vers Brest et Quimper) mais aussi transversale (pour la liaison Nantes – Rennes). LNOBPL était fortement associé au projet abandonné d’aéroport de Notre Dame des Landes, mais pourrait faire partie des projets retenus par l’Etat en 2018 dans la nouvelle programmation des projets ferroviaires suite au rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures.
On a donc aussi la confirmation que les lourds investissements évoqués en début de dossier ne se justifient que pour atteindre une cadence au quart d’heure, dont on pressent qu’elle ne serait activée qu’en période de pointe, c’est-à-dire pour 4 rotations le matin et 4 l’après-midi. Autant dire un investissement très onéreux pour un usage réel des plus limitées.
L’alternative serait donc de généraliser les trains longs et donc de miser sur la capacité des trains pour augmenter le nombre de places offertes. On privilégiera aussi l’extension de la plage horaire des pointes, pour accompagner l’évolution du rapport au temps des citadins.
De ce fait, le projet de section nouvelle entre Rennes et Redon se placerait donc d’abord dans une logique d’accélération des liaisons Intervilles et TGV et viendrait répondre à la question capacitaire selon plusieurs angles :
- supprimer les sauts de puce sur la desserte, tous les arrêts ne pouvant être effectués en raison du rattrapage des omnibus par les directs ;
- permettre le développement des dessertes Intervilles, notamment avec la perspective d’une cadence 30 minutes non seulement sur Rennes – Nantes mais aussi sur Rennes – Vannes, et en sortant de la logique d’alternat entre les TGV et les TER ;
- atteindre la cadence 15 minutes en pointe sur les omnibus avec les missions Intervilles à la demi-heure.
On notera au passage que cette systématisation de la desserte des gares entre Rennes et Messac pourrait concerner Saint Jacques de la Lande, pour la connexion à l’aéroport, au moyen d’un rapide transit par autobus. La métropole a pour l’instant écarté le prolongement du métro B vers l’aéroport, qui aurait pu contribuer à l’émergence d’un pôle multimodal à l’entrée sud de l’agglomération, mais les élus rennais privilégient plutôt un BHNS en complément du métro pour rejoindre Saint Jacques de la Lande.