X2100-2200 : des autorails à l'économie ?
Après la longue série des EAD ayant renouvelé le parc autorail de 1963 à 1981, la SNCF avait encore besoin de matériel neuf pour succéder aux éléments livrés dans l’immédiat après-guerre, notamment les derniers X3800 Picasso et les X2400 bimoteurs. La contraction du réseau omnibus durant 30 années qui ne furent pas très glorieuses, avait notablement réduit les besoins mais le ralentissement des fermetures, notamment après le choc pétrolier de 1973, avait justifié de nouvelles commandes.
1968 - Le Puy - Parmi les objectifs assignés aux nouveaux autorails, l'élimination des derniers X3800 Picasso, d'où la recherche d'une solution économique à la construction et à l'exploitation. © J.H. Manara
X2100 : économique par capitalisation des acquis
Rompant avec la formule de l’EAD à savoir motrice et remorque indissociables, la SNCF souhaitait un autorail de faible capacité, de l’ordre de 60 places, pour les lignes à faible trafic pour une exploitation économique. Ces autorails pourraient être associés aux nouvelles remorques XR6000 commandées dans le plan Massif Central en même temps que la modernisation des X2800. Pour la motorisation, elle reprenait les principes de l’EAD à savoir l’implantation du moteur sous la caisse afin de libérer un maximum d’espace à bord, et le bloc Saurer de 440 kW qui donnait satisfaction. Pour la caisse, le nouvel autorail allait s’inspirer des XR6000 et pour le bogie, des acquis remarquables des RTG avec les Y233 et Y234. Les bases de l’X2100 étaient ainsi jetées. Il fallait enfin ajouter le freinage hydrodynamique, lui aussi issu des turbotrains, pour les bogies moteurs.
Avec sa caisse parallélépipédique, l’X2100 devait tout de même être capable d’atteindre 140 km/h et de tracter deux remorques. Il derait être également couplable avec d’autres séries d’autorails, soit en unité multiple (entre X2100 et avec les X2800) soit en jumelage, avec un second conducteur, avec les RGP1, RGP2, X2400 et X3800. A la clé, des compositions pour le moins bigarrées, auxquelles allaient s’ajouter des remorques Decauville (un peu) et XR6000 (surtout), faisant le bonheur des photographes amateurs de ces formations hautes en couleurs.
Bourg en Bresse - 1983 - L'X2100 à gauche a beau être le plus récent autorail présent, il n'en reste pas moins que sa "caisse à savon" est en rupture avec gloires des années 1950 que sont l'X2800 rénové Massif Central et la RGP1 en livrée "turbotrain". © J.H. Manara
Bourg en Bresse - 1983 - Particularité des nouveaux autorails, une forte propension à être jumelé avec ses aînés. Ici, l'X2109 âgé de 3 ans est couplé à une RGP1 approchant déjà des 30 ans de service. © J.H. Manara
Un autorail peu performant
Ainsi, la SNCF commandait 53 X2100 aux ANF le 30 décembre 1977, dont 3 financés par l’ Etablissement Public Régional des Pays de la Loire. Ces autorails ont été livrés entre 1980 et 1983. Les essais de l’X2100 eurent lieu sur Lyon – Grenoble, alors non électrifiée, tout comme Grenoble – Chambéry, et évidemment sur Grenoble – Veynes où ils étaient testés sur les rampes de 25 pour mille de la ligne du Vercors. Vus les résultats assez médiocres sur cette dernière, la SNCF révisa ses prévisions d’affectations en évitant les fortes rampes.
Ils ont d’abord été affectés dans les dépôts de Lyon Vaise, Nantes, Rennes et Limoges, Lyon concentrant la moitié de la flotte avec 26 engins, avant de s’en défaire au cours des années 1980 avec la décision de concentrer les X2100 sur les seuls dépôts de Rennes et de Toulouse dans les années 1990.
Si les 3 X92100 financés par Pays de la Loire portaient une livrée orange et grise selon la mode du moment, les 50 autres portaient la livrée bleu et blanc type Massif Central. Les X2100 ont été appréciés pour le gain de confort par rapport aux autorails des années 1950 et – malgré tout – l’amélioration des performances comparativement aux Picasso et X2400 qu’ils remplaçaient. Cependant, leur allure assez peu aérodynamique les pénalisait si bien que la vitesse maximale de 140 km/h restait assez théorique, surtout avec vent de face. Elle devenait encore plus lorsqu’il fallait tracter des remorques…
Montastruc la Conseillère - 13 avril 2011 - Composition bigarrée avec 2 X2100 et une XR6100 arborant 3 livrées différentes : une composition tout juste suffisante pour ne pas trop se trainer sans les rampes entre Albi et Rodez...© G. Desreumaux
L’aménagement des X2100 offrait 48 places en seconde classe et 8 en première, ce dernier espace étant assez mal placé, au centre de la caisse, donc au-dessus du moteur et à proximité des toilettes.
X2200 : économies toujours…
Alors que la livraison n’était pas totalement achevée, la SNCF engageait une nouvelle commande, notifiée le 13 décembre 1982, pour 60 autorails, dont 3 financés par les EPR Haute Normandie, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Les X2200 devaient reprendre l’essentiel des dispositions des X2100 mais avec le souci de réduire le coût d’acquisition. Ainsi, les portes louvoyantes-coulissantes ont été remplacées par des portes Mielich, moins commodes d’usage, et le frein hydrodynamique disparut. Etrangement, la reprise de la face avant s’avérait très pénalisante, malgré un gain global de 1200 kg, en dégradant encore un peu plus la pénétration dans l’air de ces autorails et donc leurs performances. Les 140 km/h n’étaient atteignables que « vent dans le dos ».
La Rochelle - 1er mai 2007 - Avec sa face avant "pelle à tarte", l'X2200 n'est pas un modèle d'aérodynamisme. Il est en tête d'un TER à destination de Saintes sous la verrière de la gare de La Rochelle alors en travaux. © transportrail
En revanche, à l’intérieur, le compartiment de seconde classe était mieux placé en entrée de salle. La capacité s’élevait à 55 places dont 8 strapontins.
La livraison des X2200 s’étalait de 1985 à 1988. A leur livraison, ils arboraient une décoration rouge et blanche, avec face avant noire, comme les premiers éléments RGP1 modernisés. La face avant passa rapidement au rouge pour des questions de visibilité.
Les X2200 arrivaient d’abord à Limoges, Tours, Lyon Vaise, tandis que Sotteville et Toulouse ne géraient chacun qu’un appareil. La redistribution progressive du parc aboutit à la disparition des parcs tourangeau et lyonnais à la fin des années 1990, au profit d’une concentration à Limoges, Toulouse, avant d’engager à Marseille 7 engins pour reprendre aux poussifs X4500 la desserte Nice – Breil, en dépit de performances à peine meilleures.
Des rénovations régionales
A partir de 1995 commençaient les opérations de mi-vie, d’abord sur la caisse, pendant lesquelles étaient installés différents équipements comme le KVB, la radio sol-train et le dispositif d’arrêt automatique (DAAT), ainsi qu’un renforcement du shuntage des circuits de voie. En 2001, les moteurs Saurer ont été progressivement remplacés par des moteurs MAN issus de l’industrie du poids lourds.
Aixe sur Vienne - 29 juillet 2014 - Rénovés et remotorisés, les X2200 ont pu accomplir un service acceptable quoiqu'avec des prestations en retrait par rapport aux automoteurs modernes. La formation UM2 avec deux autorails en direction d'Angoulême permet de maintenir des performances acceptables. © transportrail
X2100 et X2200 ont bénéficié de programmes de modernisation financées par les Régions, aboutissant à un résultat assez similaire : siège TER issu des X73500 notamment, livrée bleu et gris TER, aménagement de banquettes en rotondes, amélioration de l’accès PMR et adoption d’un diagramme à classe unique de 56 places. Limousin amorça la démarche avant d’être suivie par Midi-Pyrénées, Bretagne et Aquitaine.
Lamonzie - 2 mars 2010 - Sur cette liaison Bordeaux - Bergerac, la modulation des compositions est nécessaire pour faire face aux pics importants de fréquentation matin et soir, mais aussi le vendredi et le dimanche. Relativement légers, les X2100 et X2200 toléraient aussi un peu mieux les voies médiocres. © G. Desreumaux
X2100 et X2200 sur la touche
Il faut toutefois rappeler que c'est par leurs piètres performances que les X2100 et X2200 ont provoqué les premières réflexions sur l'autorail du futur, quand un élu de la Région Centre voyageant régulièrement sur la ligne Paris - Châteaudun - Vendôme - Tours posa la question des retards réguliers de cette ligne : les X2200 ne pouvaient y atteindre leur vitesse maximale de 140 km/h que "vent dans le dos" et encore... en descente. C'est ainsi qu'émergea le projet X72500 en 1992.
Moulaydier - 1er mars 2010 - Même en composition X+X, la série 2200 n'arrivait pas à faire des miracles. La rénovation permit de lisser les investissements et d'améliorer un peu le confort en attendant le remplacement des ces autorails par des rames plus modernes. © G. Desreumaux
Bousculés de façon marginale par les X72500 et X73500, les X2100 et X2200 ont eu en revanche à s’effacer devant l’arrivée massive des AGC, qui n’ont cependant pas permis de les envoyer au rebut. C’est donc au Régiolis que revient la mission d’éliminer ces autorails, devenus pour nombre de lignes insuffisamment capacitaires, d’accès peu commode, et surtout de performances notoirement dépassées, qui avaient d’ailleurs incité plusieurs Régions à les exploiter en rames réversibles X+XR+X ou X+XR+XR+X dès qu’il fallait ajouter des remorques. Leur réforme a pris fin au printemps 2018, marquant la disparition d’un autorail conçu à l’économie, en se préoccupant finalement assez peu du service sur des lignes qu’il fallait encore exploiter dans un contexte où il était plutôt envisagé de les mettre sur routes. Les X73500 sont donc désormais les seuls autorails monocaisses pour desservir les lignes à trafic modeste.
Entre Guingamp et Carhaix - 16 juillet 2015 - Petite ligne mais grande composition avec 2 remorques et 3 X2100 sur ce TER renforcé du fait de l'affluence d'un célèbre festival de rock ! © F. Brisou