Quand le train traversait Granville
Voies d’eau et voies ferrées ont très rapidement eu des destins croisés : le chemin de fer constitua le prolongement naturel des liaisons maritimes pour les échanges économiques, qu’ils soient agricoles, industriels, et pour le transport de voyageurs avant l’essor de l’aviation civile.
Le train est arrivé à Granville en 1870 à l’achèvement de la ligne rejoignant Paris via Dreux, Argentan, Flers et Folligny. Six ans plus tard, une voie ferrée était établie dans Granville afin de rejoindre le port. Longue d’environ 1000 m, elle prenait naissance avant les quais de la gare, puis traversait la ville par son centre, comprenait même un tunnel pour rejoindre ses rues. Les premiers échanges entre bateaux et trains pouvaient avoir lieu commodément sur le port même et à l’époque, la traversée de la ville, même par des rues étroites, ne posait pas de problème administratif notoire.
A la fin du 19ème siècle, l’accord entre les Chemins de Fer de la Manche et l’Ouest-Etat autorisa l’installation d’un troisième rail afin de procurer un accès au port aux lignes départementales d’Avranches et de Condé sur Vire. Le quai Pleville était alors le théâtre d’une activité ferroviaire, à voies normale et métrique, assez soutenue. En 1934, les Chemins de Fer de Normandie établissaient au moyen d’un autorail Verney une desserte estivale Granville Port – Mont Saint Michel via Granville Etat, Folligny, Avranches et Pontorson. Elle disparut toutefois l’année suivante.
N’échappant par à la règle, les chemins de fer secondaires souffraient de la montée en puissance de l’autocar (tiens, ça ne vous rappelle rien ?) et les lignes fermaient les unes après les autres. Le raccordement portuaire voyait disparaître les trains à voie métrique le 31 décembre 1936. Deux ans plus tard, le troisième rail avait été déposée.
Le raccordement à voie normale fut utilisé régulièrement, principalement pour le transport de marchandises, notamment des engrais du fait de la présence d’une usine à côté de la gare, mais aussi pour des trains-croisières au départ de Granville. Le dernier d’entre eux emprunta les voies le 22 août 1991. Quant aux marchandises, le dernier train de l’usine d’engrais Soferti, circulait en 1995 : le passage d’une BB63000 emmenant de 3 à 5 wagons en plein milieu de la cité devenait un enjeu de circulation et de sécurité routière et on considéra que le camion assurerait aussi bien cette courte mission. Ensuite, seules quelques circulations événementielles, notamment avec la 230G353, devaient redonner vie à ce raccordement.
Depuis, les voies sont toujours présentes, y compris dans les rues du centre-ville, cours Jonville et voie du Pont Jacques, noyées dans le goudron, parfois coupées. Il est bien étonnant que la municipalité n’ait pas encore procédé à leur dépose…
Granville - Cours Janville - 17 avril 2015 - L'itinéraire urbain du raccordement portuaire se dédoublait en plein coeur de Granville. L'aiguillage est toujours présent... © transportrail
Granville - Cours Janville - 19 avril 2015 - Même endroit mais vu dans l'autre sens, avec plus de monde dans les rues, moins de pluie et au soleil ! On aperçoit à droite les drapeaux de l'hôtel de ville. © transportrail
Granville - Cours Janville - 17 avril 2015 - Avec l'entrée du port derrière le photographe et la vue sur la voie Saint Jacques qui prenait une aiguille triple et un passage particulièrement étroit : on aperçoit au fond la disposition d'une maison dégageant le gabarit ferroviaire. © transportrail