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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Innotrans 2018 : Stadler et les électrifications alternatives en vedette

Le millésime 2018 d’Innotrans a commencé avec une surprise : un nouveau bâtiment est en construction et il a fallu raccourcir les voies ferrées servant aux expositions de matériel roulant qui, pour les photographes, se retrouvent désormais en partie à l’ombre. L’espace est plus contraint et comme il y a toujours plus de monde, on se bouscule encore un peu plus dans les allées de Messe…

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Quand la S-Bahn se vide, le hall d'accueil de l'entrée sud du parc des expositions se remplit. Cette année, 166 000 visiteurs étaient inscrits à Innotrans 2018. © transportrail

Cette année, indiscutablement, Stadler a tenu la vedette en matière d’exposition de matériel roulant.

Cependant, les observateurs s’accordent pour considérer que le discours inaugural par la commissaire européenne aux Transports a manqué d’ambition en s’attachant manifestement à des détails (billettique européenne commune, open data…). Le propos du VDV (l’équivalent allemand de l’UTP) était en revanche nettement plus tranchant et apprécié : urgence climatique, domination de la route sur le transport de marchandises, déséquilibres territoriaux croissants entre les métropoles et les régions plus rurales.

Comme désormais de coutume, la SNCF n’avait pas de stand à Innotrans, mais plusieurs de ses filiales étaient plus ou moins chichement présentes. Elle n’était pas la seule d’ailleurs : les CFF non plus n’avaient pas de stand. 

Comme d’habitude, les grands constructeurs étaient soigneusement répartis de sorte à ne pas en concentrer deux dans le même hall, mais on aura noté que cette édition d’Innotrans était peut-être la dernière avec les bannières séparées d’Alstom et de Siemens : la fusion continue de poser question et en attendant, il semblerait que chez Alstom, on joue le tout pour le tout pour placer dans le futur catalogue ses produits, même face au futur conjoint…

Digital : on commence à se poser des – bonnes – questions

Oui, la technologie numérique peut être source de progrès dans le système ferroviaire. A condition de savoir la maîtriser. Open data et IoT (Internet of Things) sont sur de nombreuses lèvres, mais on pourrait résumer les interrogations ainsi : à quoi sert d’accumuler des livres pour ne jamais les lire… voire ne pas connaître la langue dans laquelle ils sont écrits ? L’ère de la donnée suppose préalablement d’avoir sélectionné ce qui est – vraiment – utile pour l’amélioration du quatuor FDMS (Fiabilité – Disponibilité – Maintenance – Sécurité) et d’avoir formé ceux qui sont appelés à s’en servir pour qu’ils ne soient pas face à un océan à vider à la petite cuillère.

Autre élément non négligeable : open data et IoT permettent dans l’absolu de savoir tout sur tout et quasiment en temps réel… mais tout ceci a un coût : parce qu’un aiguillage connecté coûte plus cher qu’un aiguillage classique, et parce qu’il va bien falloir financer les gigantesques data centers… au demeurant pas forcément des plus vertueux sur le plan environnemental puisque les ordinateurs géants doivent être sous atmosphère climatisés.

L’année de Stadler

Cette année, on pouvait chercher dans tous les recoins du salon, pas de nouveauté en matière de longue distance. Le chinois CRRC, dont le stand ne cesse de grandir, en imposant avec des maquettes de trains annoncés à 350 voire 380 km/h. Siemens présentait un Velaro Evolution en réalité virtuelle, mais sans grande conviction.

Il y avait bien une voiture Intercity des PKP, les chemins de fer polonais, mais exposée dans le but de montrer le savoir-faire local en matière de rénovation de matériel (ici, une Bpmz apte à 200 km/h, très courante en Europe centrale).

 Le transport régional était donc très largement dominant. Stadler a assurément fait forte impression en amenant 5 rames :

  • un  Kiss apte à 200 km/h pour le groupement Malartag de 3 autorités organisatrices suédoises, avec une configuration Intercity assez réussie pour ces 33 rames de 4 voitures ;
  • un Worbla, de nouvelle série sur-mesure destinée au RBS (Régional Berne-Soleure) ;
  • un Flirt3 composé de 6 caisses pour la Südostbahn suisse, et plus précisément le nouveau Voralpen Express (Saint Gall – Lucerne) ;
  • un second Flirt3, bimode, au gabarit britannique et à plancher haut pour le Greater Anglia ;
  • un élément des nouvelles rames de la S-Bahn berlinoise, série 484, développées avec Siemens, commandées en tranche ferme à 85 unités de 4 voitures et 21 unités de 2 voitues dans un marché de 1380 voitures ;
  • une rame articulée de 4 caisses, destinée au Tube de Glasgow, métro à gabarit très particulier avec un écartement lui aussi spécifique (1220 mm).

Avec sa livrée bronze, le Flirt du SÖB n’a pas manqué d’attirer les regards. A l’intérieur, simplicité et sobriété toute helvétique, mais un aménagement raffiné et quasiment sans fausse note. Tout au plus aura-t-on noté les rampes en 2 séquences aux intercirculations pour passer au-dessus des bogies et la petite marche entre les deux voitures motorisées centrales, qui a fait trébucher nombre de visiteurs. Pour le reste, on attend la mise en service pour déguster…

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La livrée bronze du Flirt destiné au SOB ne passait pas inaperçue : cette rame a été assurément l'un des points phares de l'exposition extérieure. Les deux photos ci-dessous illustrent les aménagements en première puis en seconde classe de cette rame. © transportrail

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Stadler a placé un Flirt bimode sur le réseau du Greater Anglia, montrant la capacité d'adaptation du produit à de multiples spécificités, notamment ici le gabarit anglais et la hauteur d'accès aux trains. La singularité de ce train repose aussi sur la caisse technique courte qui accueille la motorisation thermique, selon un principe inspiré des automotrices GTW du même constructeur. © transportrail

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Coproduction Stadler - Siemens, les nouvelles rames série 484 destinées à la ceinture de Berlin faisaient leur première apparition dans la capitale allemande avec une esthétique particulière, assez carrée, inspirée des rames de métro IK également produite par le constructeur suisse. © transportrail

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On entre encore un peu plus dans le sur-mesure, spécialité de Stadler, avec les rames du métro automatique de Glasgow, au gabarit très étriqué (attention la tête si vous faites plus de 1,70 m) et à l'écartement inusité des rails de 1,22 m. © transportrail

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Pas de grande révolution pour les nouvelles auomotrices du RBS, si ce n'est leur allure singulière avec ce pare-brise qui n'est pas sans rappeler la précédente génération de matériel sur cette ligne régionale suisse. Ci-dessous, l'intérieur est sans surprise non plus, mais répond aux objectifs de simplificité et d'efficacité sur une ligne dont le trafic continue de croître grâce à une offre de plus en plus soutenue. © transportrail

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Pour finir ce panorama, l'intérieur des Kiss 200 destiné au Malartag. Ambiance boisée (très en vogue cette année), commodité d'usage mais la tablette est pour le moins réduite à sa plus simple expression. © transportrail

Stadler était aussi en vedette (mais mal exposée) avec la présentation – enfin en grandeur nature – de l’Eurodual (conçue par Vossloh avant le rachat par le constructeur suisse) : une imposante CC concentrant – rappelons-le – à la fois une machine électrique de 6 MW et un Diesel de 3 MW, qui a déjà donné des sueurs froides aux ingénieurs en charge de l’homologation de cette locomotive sur le réseau français. Pour être clair, il y a beaucoup de choses en partie basse, et le métier de tailleur de bordure de quai a de l’avenir en France (en notant au passage que ce n’est pas forcément bon pour le respect des normes d’accessibilité).

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Elle a suscité bien des convoitises et des critiques quant à son exposition parmi ceux qui l'attendaient le plus : voici donc l'Eurodual, une bonne grosse CC, compatible avec la circulation sur des lignes moyennement armées, mais avec une bimodalité électrique - Diesel de grande puissance et des aptitudes au crochet sidérantes. Un potentiel considérable pour le fret... mais question gabarit, cela risque de frotter surtout avec les imposants marchepieds d'accès aux cabines. © J.G. Ampeau

Transport régional de toutes les couleurs…

Après Stadler, le deuxième contributeur à l’exposition était sans surprise Siemens avec :

  • le prototype du Desiro Cityjet à batteries pour les chemins de fer autrichiens ;
  • une rame Desiro City pour le réseau londonien Thameslink, combinant ERTMS niveau 2 et pilotage automatique pour une exploitation de type métro dans la zone centrale ;
  • un Desiro HC pour Rhein-Ruhr Xpress, associant 2 voitures d’extrémité à un niveau type Desiro et des voitures centrales à 2 niveaux dérivées des automotrices série 514 de la S-Bahn de Zurich ;
  • un exemplaire des nouveaux tramways d’Ulm, annoncé sur base Avenio, mais dont l’architecture semble cependant plus proche du Combino 2 ;
  • une rame Inspiro destiné au métro de Sofia ;
  • pour les français, les premiers modules Cityval pour la deuxième ligne de métro automatique de Rennes, avec le système de guidage développé pour le Translohr.

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Voici les nouvelles rames du VAL de Rennes : caisse intégralement vitrée (attention mesdames) développée chez Lohr Industries avec reprise des principes de guidage du Translohr. Telle est l'architecture du Cityval qui pourra être emprunté en 2020 sur la ligne B rennaise. © transportrail

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Chez Siemens, mise en valeur des premiers Desiro High Capacity pour RRX, dont l'industriel assurera aussi la maintenance. A droite, le Desiro City destiné à tester un fonctionnement sur batteries en titane censées avoir une longévité supérieure aux batteries lithium-ion. © transportrail

Du côté des locomotives, le constructeur allemand mettait en avant sa gamme Vectron, avec la version Multi-System destinée aux ÖBB et apte à circuler sur 9 réseaux européens, et à l’opposé du spectre, une Smartron, dimensionnée pour les seuls besoins fret sur le réseau allemand.

Skoda était venu fièrement avec ses nouvelles voitures à 2 niveaux pour la DB, sur la liaison Nuremberg – Munich. Aptes à 190 km/h, elles nous ont déçus par un aménagement intérieur des plus tourmentés : des escaliers étroits, des zones à deux niveaux de faible longueur, une disposition des sièges pas toujours des plus harmonieuses. Bref, on se demande pourquoi la DB s’est fendue de ce marché spécifique, si ce n’est pour expliquer à Bombardier et Siemens qu’elle ne se laissait pas influencer par le patriotisme industriel ?

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Deux vues illustrant les faiblesses des nouvelles voitures à 2 niveaux de Skoda : l'importante longueur des espaces à un seul niveau et les cheminements peu commodes qui ne concoureront assurément pas à la fluidité des circulations et des échanges... © transportrail

Deux niveaux également pour les nouvelles automotrices Rock de Hitachi Rail, pour Trenitalia. Allure agressive, intérieur en cuir « italian touch » comprise pour cette rame au gabarit français, qui pouvait donc être observée avec intérêt par les visiteurs tricolores. L’architecture repose sur des accès en salle basse avec des plateformes en cuvette afin d’aménager une salle haute au-dessus des accès, comme sur les matériels au gabarit germanique. Pari réussi sur ce point. En revanche, nombre de visiteurs sont restés circonspects sur les voitures d’extrémité avec une salle haute en impasse, accessible uniquement depuis les portes situées derrière la cabine de conduite.

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Trenitalia était servie avec deux nouveautés Pop-Rock avec la version Intercity du Coradia d'Alstom (à droite) et la nouvelle automotrice à 2 niveaux d'Hitachi Rail. © transportrail

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Surprise : depuis les voitures d'extrémité des automotrices Rock, il n'y a pas d'accès à la salle haute. Assurément pas la meilleure architecture pour l'aspect sécuritaire... © transportrail

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Pari tenu par Hitachi Rail qui a su concevoir un matériel à 2 niveaux au gabarit français, pour le réseau italien, mais avec une salle haute au-dessus des portes, moyennant des plateformes en cuvette. © transportrail

Bombardier exposait un Talent3 à 6 caisses destiné aux ÖBB. L’opérateur autrichien semble avoir tempéré ses ardeurs à transformer le matériel régional en WC ambulant puisque la double toilette occupant la moitié d’une voiture des Desiro de Siemens n’a pas été retenue (ouf). En revanche, la disposition intérieure reste clairement celle de trains régionaux et non de S-Bahn, malgré les 2 portes par face.

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Pas de surprise dans les allées d'Innotrans chez Bombardier, qui n'exposait que ce Talent3 destiné aux chemins de fer autrichiens. © transportrail

En réalité, la nouveauté chez Bombardier était en dehors du salon avec la démonstration (en petit cercle) d’un Talent3 à batteries dans son usine de Hennigsdorf.

Chez Alstom, on misait la nouvelle H4 hybride pour les CFF destinée aux manœuvres, mais aussi sur la nouvelle version italienne du Coradia, baptisé Pop, pour Trenitalia. L’observateur français aura remarqué non sans malice qu’Alstom n’a pas réitéré l’expérience des longues rampes de part et d’autre des intercirculations et les places assises « encaissées ». Confirmation d’un excès de zèle sur l’accessibilité de la part de l’opérateur français et de son constructeur préféré ?

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Pour la version Pop, Alstom a utilisé sa base Coradia avec des aménagements d'allure similaires à ceux des rames Rock. On notera non sans malice l'absence de grande rampe de franchissement des intercirculations comme sur les Régiolis. © transportrail

A l’intérieur, on retrouvait des similitudes – voulues par Trenitalia – avec le Rock d’Hitachi Rail, mais avec tout de même une impression de relative légèreté des solutions retenues pour un matériel en principe destiné à des parcours de moyenne distance entre 1h30 et 2 heures de trajet en moyenne.

En matière de tramway, la présence russe était significative avec deux rames dont l’une à caisse unique. Pour le reste, l’industrie ferroviaire turque plaçait ses véhicules urbains, tout comme Skoda avec une nouvelle déclinaison de sa gamme qui ne cesse de monter en qualité au gré des éditions.

Une ouverture croissante au transport urbain… et à la transition énergétique

Innotrans s’ouvre de plus en plus au monde de l’urbain avec des autobus : ce n’est pas Busworld à Courtrai, mais c’est assurément l’amorce d’un virage. Cependant, l’honneur est sauf, tous les véhicules exposés étaient au moins hybrides. Il y avait même un trolleybus Trollino de Solaris (malheureusement perches baissées), l’Aptis d’Alstom, et un A330 de Van Hool muni d’une pile à combustible à hydrogène.

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Signe des temps, Innotrans s'ouvre de plus en plus aux transports urbains pour la partie matériel roulant avec cette année un fort accent électrique : il y avait notamment Aptis, le concept-bus d'Alstom,  un trolleybus (Trollino), tandis que Van Hool valorisait son expérience naissante avec un véhicule combinant pile à combustible et hydrogène. © transportrail

Au passage, parmi les 3000 exposants présents, au rayon « appareillages », on trouvait évidemment des fournisseurs de batteries, et il était question à la fois d’applications dans le domaine ferroviaire mais aussi sur les réseaux urbains, en particulier avec la nouvelle génération de trolleybus à recharge en ligne.

Il était donc assez largement question de transition énergétique pour le transport régional, avec pour objectif d’affranchir le train des énergies fossiles, ce qui mérite amplement un dossier spécifique.

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