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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Belgique : impressions de voyage en Intercity

Pour aller de Paris à Anvers, évidemment, il y a Thalys. Mais vous le savez, à transportrail, on ne fait rien comme les autres et nous avons décidé de rejoindre la capitale de la joaillerie ce vendredi 2 juin 2017 par un itinéraire buissonnier.

Mésentente cordiale franco-belge

Initialement, rien de très exotique, avec une correspondance à Lille Flandres sur une liaison Lille – Anvers cadencée aux 2 heures. Un temps de parcours de 3h30 depuis Paris, dont une correspondance d’un quart d’heure. A priori largement jouable.

Eh bien non. Arrivés à Lille Flandres, surprise à la descente du TGV : point de correspondance pour Gand et Anvers pour cause de travaux. Pourtant, vérification avait été faite le matin même sur le site de la SNCB. Interrogation d’un agent SNCF en gare, qui ne sait répondre : « c’est un réseau étranger ». Qu’un marseillais ne puisse répondre sur des modifications de service en Belgique peut se comprendre. A Lille, un peu moins…

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Lille Flandres - 2 juin 2017 - Mieux vaut tard que jamais : avec plus de 20 minutes de retard, le train Tournai - Lille entre en gare. Heureusement, le crochet sera court : 8 minutes. La SNCB assure - en principe - deux relations transfrontalières au départ de Lille vers Namur et Anvers. © transportrail

Qu’importe, on improvise : A la même heure, un autre Intercity de la SNCB doit quitter Lille pour Tournai, permettant de rejoindre Anvers via Bruxelles. On va voir du pays !

Une frontière laborieusement franchie

Retardé de 10 puis 20 minutes, le TER 19945 Lille – Tournai, assuré en AM96 SNCB, partira finalement avec 30 minutes de retard… avant de s’arrêter près de 10 minutes à quelques centaines de mètres de la station de Lezennes. Marche à vue jusqu’à la frontière… avec un retard qui prend de l’ampleur, mais une fois arrivé en Belgique, le train reprend une allure normale. Officiellement, une panne de signalisation (mais on ne le saura qu’a posteriori).

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Tournai - 2 juin 2017 - Première étape laborieuse mais amortie par le cadencement intégral belge. Le bâtiment voyageurs est du plus bel effet, récemment rénové. Les voies sont neuves. Les quais sont dans un état correct mais bien bas : on remarque un AGC sur une liaison Tournai - Lille, circulant en mode Diesel jusqu'à la frontière. © transportrail

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Tournai - 2 juin 2017 - Voitures M6 pour la relation Tournai - Bruxelles. Avec 9 voitures, la capacité offerte est très importante. Compte tenu de vitesses moyennes de 120 à 140 km/h, les locomotives série 1800 de la SNCB s'avèrent assez à l'aise. © transportrail

On n’aura donc guère profité des performances de ce matériel, à l’esthétique particulière avec son gros boudin de caoutchouc et son pupitre de conduite escamotable pour assurer l’intercirculation de bout en bout (les plus anciens se rappelleront les RGP françaises).

Grâce au cadencement intégral du réseau, un des points forts du réseau belge, le retard final approchant d’une heure, nous récupérons aisément une correspondance pour Bruxelles : « celle d’après ». Cette fois-ci à bord de voitures à deux niveaux M6, avec une composition de 9 voitures emmenées par une BB1800 (Siemens Vectron). Arrivée à Bruxelles-Midi à peu près à l’heure et correspondance en 10 minutes pour Anvers assurée avec une automotrice série 8100 type Desiro Main Lines, aux performances assez intéressantes.

Au final, la gare centrale d’Anvers est atteinte peu avant 20 heures (au lieu de 18h23), alors que nous avions quitté Paris-Nord à 14h46. Un bon cycliste aurait peut-être fait mieux. Evidemment, Thalys offre un temps de parcours imbattable en 2h02. Depuis Lille, il faut compter 1h28 à 1h51, le plus souvent avec correspondance à Bruxelles-Midi et avec l’emprunt d’un Eurostar de Lille Europe à Bruxelles-Midi. Bref, l’Intercity classique en 2h15 présente un certain intérêt, notamment budgétaire puisque le prix du billet n’est pas vraiment celui du Thalys. Attention, l’autocar guette au coin avec des services directs en 2 heures…

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Anvers Central - 4 juin 2017 - La commande record de plus de 300 rames Desiro auprès de Siemens rajeunit le matériel de la SNCB mais l'emploi de ces rames y compris sur des IC pose question compte tenu de leur niveau de confort. En revanche, côté performances, rien à dire : bonne nervosité, bon comportement et bonne suspension. © transportrail

D’Anvers à Gand par deux itinéraires différents

Parmi les explications à ces petits tracas, d’importants travaux de renouvellement d’appareils de voies dans le secteur de Gand, de part et d’autre de la gare centrale.

Mais téméraires comme nous sommes, une escapade gantoise s’imposait. En ce dimanche 4 juin 2017, les liaisons directes sont rares et le trafic déporté sur la gare d’Anvers-Berchem d’une part et de Gand-Dampoort d’autre part. Correspondance ajustée entre les deux gares anversoises et proposition de substitution par bus De Lijn pour rejoindre Gand (mais nous irons à pied).

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Anvers Central - 4 juin 2017 - Anvers - Liège en automotrice Break : une grande diagonale au travers de la Belgique avec ce matériel en cours de rénovation lui conférant une présentation plus avenante. © transportrail

Quelque peu obsolète, l’automotrice Break sur le court trajet anversois s’acquitte honorablement de la mission et c’est un UM2 d’AM96 qui se charge de la liaison vers Gand.

En revanche, au retour, nous expérimentons le trajet entre Gand Sint-Pieters et Anvers Central par Malines, occasion de retrouver des voitures M6, également dans une composition de 9 voitures et toujours avec une BB1800.

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Gand Saint Pierre - 4 juin 2017 - La série 1800 de Siemens s'est largement emparé des relations IC assurées avec les voitures M6. Le renouvellement du parc de locomotives est lui aussi en cours. © transportrail

Retour en France

Les meilleures choses ayant une fin, le retour en France a été tout de même ajusté pour parer à d’éventuels aléas similaires à l’aller puisqu’il n’y avait toujours pas de liaisons directes Anvers – Lille ce 5 juin. Mêmes enchaînements de matériels roulants (Desiro entre Anvers et Bruxelles, M6 entre Bruxelles et Tournai, AM96 entre Tournai et Lille) et une arrivée à peu près dans les clous à Lille : une courte section à la frontière sera parcourue en marche à vue, témoignant de la persistance d’un problème de signalisation, mais dès Baisieux, la marche normale put reprendre à 120 km/h.

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Tournai - 5 juin 2017 - Avec 2 minutes d'avance, l'IC3815 en provenance de Mouscron et à destination de Liers par Mons, Namur et Liège entre en gare. Il est assuré par 2 AM96. © E. Fouvreaux

Le TGV Tourcoing – Paris accusa 10 minutes de retard : Simone invoque une réutilisation de matériel roulant pour le justifier… mais a priori, toute circulation procède d’une réutilisation de matériel. On attend donc une explication logique pour justifier la prise de 10 minutes de retard entre Tourcoing et Lille-Flandres un lundi férié en milieu d’après-midi, alors que le trafic est quasiment désertique, ce qui tranche résolument avec la densité ferroviaire belge où la cadence horaire est généralisée.

Ceci dit, 5 minutes seront reprises entre Lille et Paris grâce à la célérité de la rame Duplex qui dispose d’un peu de marge par rapport aux vénérables rames Sud-Est qui semblent encore constituer la référence pour le tracé des horaires.

Un confort frustre, des gares délabrées et une information pour les flamands

Point commun aux trois matériels empruntés au cours de ce road-trip ferroviaire, un confort frustre : sièges généralement raides, peu de différence entre 1ère et 2nde classe, absence systématique de prise de courant 220 V (ah si, 2 prises, par voiture, d’abord destinées au nettoyage des trains en atelier !), pas de tablettes pour travailler, se restaurer ou occuper un enfant. Le nouveau matériel Desiro est tout simplement indigne d’un service labellisé Intercity avec de surcroît un pas de siège étriqué : c'est tout au plus acceptable pour des trajets de banlieue, mais la forte concentration de places assises libère assez peu d'espace pour les trajets debout sur de courtes distances, par exemple dans la traversée de Bruxelles. Le Desiro sur le RER de Bruxelles, oui, mais pas pour des Intercity !

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Intérieur d'une voiture M6 en salle haute, en première classe : 4 places de front, pas d'accoudoir central, un quart de tablette, pas de prise 220 V. Pas de différence notoire avec la seconde classe... © transportrail

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Pour le Desiro de Siemens, le siège adopté, très mince, très raide, permet certes de maximiser la capacité assise... mais quel inconfort ! Ce matériel n'est pas digne d'assurer les liaisons IC entre les principales agglomérations de Belgique. Et pour du trafic plus local, la comparaison avec les AGC et autres Régiolis français montrent que le voyageur français est mieux traité que son voisin belge ! © transportrail

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Cette fois-ci à bord d'une AM96. Toujours aussi peu de différences entre les deux classes. L'assise y est cependant nettement meilleur que dans les autres matériels. Et toujours un quart de tablette. © transportrail

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Même rénovées, les automotrices Break ont conservé leurs banquettes en 3+2. Autant dire qu'une traversée de la Belgique avec ce matériel peut susciter quelques critiques bien compréhensibles des voyageurs. © transportrail

En matière d’accessibilité, ce n’est pas glorieux non plus. Le Desiro est le plus commode avec ses plateformes à 760 mm, mais l’état des quais belges est assez piteux : ils peuvent être non seulement très bas (25 à 28 cm) mais leur revêtement est généralement très usé. Les pavés de béton sont irréguliers, parfois déchaussés. Alors avec des matériels à plancher très haut, comme les AM96 ou les voitures M6, les conditions d’accès deviennent franchement difficiles. Pantalons et jupes moulants sont à bannir au risque d’avoir de mauvaises surprises !

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Prévoyez le matériel d'alpinisme pour embarquer à bord d'une voiture M6. Ici en gare de Gand Saint Pierre, le quai est à 28 cm au-dessus du rail et le plancher à 1,25 m. Vous parlez d'accessibilité ? © transportrail

Sur les voitures M6, on note qu’une voiture dispose d’une porte accédant directement à la salle basse, mais cette porte est rarement à la hauteur du quai.

En comparaison, les matériels français équivalents – nous retiendrons AGC, Régiolis, TER2N et Régio2N – offrent tout de même de meilleures prestations à bord : prises de courant, tablettes, accès commode et surtout des sièges plus confortables, à une nuance près quant au pas de siège des TER2N. Il est de bon ton dans le petit monde ferroviaire français de critiquer vertement ces « trains en plastique » et de jouer la vieille rengaine du « c’était mieux avant ». Mais au moins, dans un AGC ou dans une TER2N, on peut utiliser un ordinateur, on peut poser sur une tablette un livre, une bouteille, un encas. C’est loin d’être le cas en Belgique…

Quant à l’accessibilité, entre la situation belge marquée par la persistance de forts dénivelés entre quai et train ou la rareté des ascenseurs, et la situation française pouvant atteindre l'absurde (les rampes pour fauteuil roulant dans le Régiolis alors que le couloir n'offre pas la largeur suffisante pour leur circulation), il y aurait beaucoup à redire, mais au moins en France, l'accès au train est globalement plus aisé qu'en Belgique où l'accès de plain-pied reste une exception !

En matière d’information des voyageurs, le dictionnaire « franco-flamand » peut être utile car le bilinguisme belge est très relatif. En Flandre, tout est affiché ou prononcé en flamand. L’anglais est inconnu. Quant au français, compte tenu des clivages politiques – plus ou moins latents – qui animent régulièrement le pays, il ne faut pas trop en demander. En revanche, le personnel rencontré a toujours été d’une grande courtoisie – et bilingue – en voyant nos documents français.

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A bord des Desiro, ces écrans sont eux bilingues. Ici la version française puisque le train arrive à Bruxelles-Nord : l'affichage est en réalité en alternance en français et en flamand, pour ne pas créer de polémiques sur ce sujet ô combien sensible... © transportrail

Bref, hormis le cadencement lié à la forte densité de population et à la structure du réseau de villes belges, et évidemment l'état des infrastructures, la Belgique a encore du pain sur la planche...

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