Le primat de l'horaire
L’introduction du premier horaire cadencé en 1982 a symbolisé le début d’une nouvelle politique des transports en Suisse et plus particulièrement pour le réseau ferroviaire. Sa généralisation concrétisée dans le projet Rail 2000, mettant en œuvre une cadence horaire sur l’ensemble du réseau, a préalablement requis la réalisation de 123 opérations sur le réseau pour augmenter sa capacité et tenir compte de la diversité des dessertes voyageurs (Intercity, Interregio, Régional, RER) et du trafic fret.
Il a été également nécessaire de revoir complètement les schémas de desserte pour structurer l’horaire, faire des choix quant à certaines dessertes omnibus en supprimant des arrêts peu fréquentés et problématiques pour l’horaire par le caractère aléatoire de leur desserte, ou au contraire généraliser des arrêts dans un souci de répétitivité de l’horaire autour de la minute 0.
Autre révolution induite par le cadencement : l’horaire est un objectif et le matériel roulant doit y contribuer. C’est ainsi que les nouveaux matériels ont tous été conçus en fonction de performances à atteindre pour tenir l’horaire ou pour lever des contraintes afin de réaliser le service défini. Singularité de cette conception, la vitesse de pointe n’est pas toujours un élément décisif, d’autant que le réseau Suisse ne dispose que de peu de sections aptes à plus de 140 km/h. En revanche, la capacité remorquée pour le fret et les coefficients d’accélération et de freinage se sont imposés comme des critères décisifs.
Pour le marché Intercity
Dans les années 1950, les CFF avaient développé une nouvelle voiture légère et standardisée pour les services voyageurs de moyen et long parcours. Simples et robustes, les voitures unifiées de type I et II livrées de 1956 à 1976 ont été accompagnées par les locomotives électriques à 2 bogies à 2 essieux de type BB, donnant naissance à la série des Re 4/4. Le troisième type, apparu entre 1972 et 1975 était destiné aux liaisons Swiss Express entre Saint Gall et Genève, et avaient été conçues pour la pendulation, fonction qui ne fut jamais adoptée. En revanche, les VU III furent les premières du parc CFF à disposer de la climatisation. Elles étaient évidemment associées aux Re 4/4 II.
Berne - 1er février 2017 - Le galbe des voitures unifiées type III trahit leur conception prédisposant une future pendulation qui n'a jamais été concrétisée. Ce petit parc a été cédé au BLS qui le remplace progressivement par des Flirt aménagés pour les liaisons Interregio. © A. Knoerr
La position de la Suisse en faisait un carrefour centrale en Europe : les CFF participaient à ces dessertes en engageant des voitures de type UIC-X à compartiments, livrées de 1969 à 1977, assez rapidement critiquées pour leur absence de climatisation, surtout après l'apparition des 513 voitures unifiées type IV à compter de 1981 (destinées au trafic intérieur des CFF, auxquels s'ajoutent une vingtaine de voitures pour d'autres exploitants), du petit lot de 20 VSE (en 1977) et des UIC-Z entre 1980 et 1991, incluant les célèbres voitures panoramiques.
Arth-Goldau - 18 juin 2015 - La composition ne comprend que 7 voitures Eurocity dont une panoramique, mais la traction met en oeuvre 2 Re 4/4 II, icône ferroviaire suisse.© transportrail
En lien avec le projet Rail2000, les CFF avaient mis à l'étude l'usage de voitures à 2 niveaux pour les liaisons Intercity. Les 341 voitures IC2000 ont été livrées entre 1997 et 2004, et rénovées à compter de 2019. Elles ont évidemment fortement accru le confort et l'accesibilité puisque les accès sont situés au niveau inférieur, sans emmarchement. Il fallut aussi rendre réversibles les compositions de VU IV, moyennant l'acquisition de 90 voitures avec cabine de conduite livrées à compter de 1996.
Leuk - 14 juillet 2021 - Les compsitions associant 7 voitures unifiées type IV et une Re 460 sont incontournables dans le paysage ferroviaire suisse : la standardisation des compositions est aussi une conséquence d'un horaire cadencée. Les coupons de renfort sont de plus en plus fréquemment complétés d'une seconde locomotive. © J. Vernet
Elles allaient être principalement associées - exclusivement pour les IC2000 - aux nouvelles locomotives Re 460, alias Lok2000, conçues universelles mais qui allaient rapidement être concentrées sur les seules prestations voyageurs, avec l'appoint de Re 4/4 II sur des compositions non réversibles comme certains Eurocity.
Coire - 24 septembre 2010 - Les IC2000 sont considérées comme le matériel le plus confortable de Suisse. Presque en même temps que les Re 460, elles passent en rénovation mi-vie pour maintenir un bon niveau de prestations. © transportrail
Les voitures unifiées I et II ont connu une seconde vie pour le transport régional, voire en Interregio au SOB pour le Voralpen Express. Le type III fut cédé au BLS. Les UIC-X décriées ont souvent servi d'appoint.
L'horaire cadencé dicta le niveau d'exigences attendu des nouvelles séries. Ainsi, pour la liaison Genève - Zurich via Neuchâtel, il fallait être aussi rapide que via Berne et la section nouvelle Mattstetten - Rothrist apte à 200 km/h. La pendulation s'imposa avec la commande des automotrices ICN. La conversion fut confirmée avec le lancement du grand projet - tumultueux - de l'automotrice Grandes Lignes de Bombardier, puis de la nouvelle rame destinée aux liaisons Eurocity, les Giruno, développés par Stadler, qui constituent la série la plus rapide des CFF avec une vitesse maximale de 250 km/h.
Wassen - 18 juillet 2013 - Les ICN série 500 ont introduit la pendulation pour améliorer les temps de parcours sur des itinéraires sinueux. La ligne sommitale du Gothard fut logiquement un axe de prédilection... © A. Knoerr
Près de Winterthur - 6 avril 2020 - Les RABe 502 ont défrayé la chronique avec une mise au point laborieuse : les ressemblances avec les voitures IC2000 ne sont pas totalement fortuites mais ces automotrices disposent d'un système voisin de la pendulation pour améliorer la vitesse en courbe. Néanmoins, les CFF ne semblent pas lever d'options sur ce marché. © D. Gubler
Quand le matériel régional monte en gamme
Le projet Rail2000 a eu pour effet de relever le niveau d'exigence de performance sur le matériel régional pour s'insérer dans la trame des liaisons longue distance sans trop les domestiquer. Dans les années 1980, les automotrices série 560 dites Colibri ou Nouveaux Trains Navettes, étaient venues engager un grand ménage dans les effectifs des CFF.
Renens - 1977 - Pour les services de courte distance omnibus et les petits express, les CFF utilisaient des compositions formées de voitures unifiées I et II associées à des automotrices monocaisses à adhérence totale. L'une d'elle quitte Renens vers Genève. © A. Knoerr
Genthod - Août 1995 - Les NTN ont modernisé les dessertes régionales : la composition de base incluant une motrice et une remorque fut rapidement complété de voitures unifiées déclassées pour augmenter la capacité, quitte à revoir à la baisse les performances attendues. © A. Knoerr
La lame de fond fut encore plus importante avec le Flirt développé par Stadler. Devant la croissance du trafic, le besoin de capacité supplémentaire nécessita logiquement le développement d'une automotrice à 2 niveaux : les premières rames du RER zurichois furent d'un type hybride avec une rame indéformable composée d'une locomotive monocabine et de 3 voitures, avant que Siemens ne fournisse la première génération d'automotrices à 2 niveaux, toujours pour la banlieue zurichoise. Stadler a ensuite pris la relève, avec une architecture identique, donnant naissance au Kiss.
Liestal - 10 avril 2016 - Flirt et Re 460 constituent aujourd'hui des séries de référence en matière de performance et de fiabilité, qualités essentielles à la mise en place d'une offre cadencée à haut débit. © E. Fouvreaux
Zurich Oerlikon - 11 avril 2016 - Les automotrices à deux niveaux Kiss de Stadler assurent d'une part des dessertes du RER de Zurich en verison 6 caisses à bas de caisse bleu et des liaisons régionales avec des éléments à 4 caisses à bas de caisse gris.© transportrail
Flirt et Kiss constituent aujourd'hui des étendards pour le constructeur ferroviaire suisse, qui a misé sur ces produits pour développer ses activités à l'exportation, et pour monter en gamme ces plateformes.
D'un besoin local à l'exportation
La Re 460 a connu une petite descendance en Finlande (46 unités), mais aussi à Hong Kong (2 unités). En revanche, les matériels plus récents, en particulier ceux développés par Stadler, ont d'abord été conçus pour les besoins du pays natal, servant de vitrine à l'exportation.
Sur le marché intérieur, le Flirt reste au CFF un matériel avant tout régional et périurbain même si un petit lot destiné au trafic interrégional a été mis au point. Le BLS et le SOB (pour le Voralpen Express) ont également adopté ce produit, qui a par ailleurs gagné en modularité, pour des liaisons à plus long parcours nécessitant un confort accru.
Il a également été décliné dans de nombreuses versions pour l'exportation : les rames Leo Express pour le nouvel opérateur tchèque furent parmi les premières, avant de muer dans des versions très différentes, jusqu'à panacher des modules à un ou 2 niveaux, comme pour le marché espagnol. Même chose pour le Kiss : les CFF l'ont retenu non seulement pour le RER de Zurich mais aussi pour augmenter la capacité sur des liaisons Interregio, avec un niveau de confort cependant un peu juste par rapport à la longueur du parcours.
Pour aller plus loin, transportrail vous propose donc de parcourir les différents dossiers sur le matériel roulant en Suisse :
Nous vous proposons aussi un dossier sur le matériel du chemin de fer rhétique.