Le cadencement : l'horlogerie ferroviaire suisse
1972 : une étude exploratoire
On associe souvent le cadencement à la Suisse : en retracer les origines amène à remonter à la naissance du chemin de fer. La première desserte de voyageurs entre Paris et Le Pecq était cadencée avec un départ à l’heure ronde des deux terminus tout au long de la journée : le système en « symétrie 00/30 » avait déjà été adopté le 24 août 1837 !
Les prémices d’un horaire cadencé sont apparues dans les années 1930 aux Pays-Bas et généralisées dans les années 1960. Dans la décennie 1970, l’Allemagne a instauré un cadencement partiel (sur les liaisons Intercity) tandis. La Belgique a suivi en 1984. Voilà pour les pionniers.
En Suisse, le rapport Berthouzot – Meiner – Stähli, Horaire cadencé suisse, une nouvelle conception du trafic voyageurs, au sein de l’Association des Ingénieurs des chemins de fer fédéraux, a jeté les bases en juin 1972 d’une nouvelle organisation sur l’ensemble du réseau.
Renens - 20 février 1980 - Que de changements dans la desserte en Suisse... y compris évidemment sur le matériel roulant, avec ici cette automotrice RBe4/4 en tête de voitures unifiées type I et II, en tête d'un service régional. © A. Knoerr
Sileren - 18 septembre 2021 - Oui, la photo a bien été prise en 2021 mais le patrimoine historique des CFF est parfaitement entretenu en état de marche pour assurer des circulations touristiques. C'est l'occasion d'illustrer les bien connues locomotives Crocodile type Ce 6/8, vue ici à l'occasion d'une circulation sur la ligne sommitale du Gothard. Elles font partie d'une famille d'engins mis en service au début des années 1920 et ont assuré leurs dernières prestations en 1980. © G. Trub
L’instauration du cadencement poursuit plusieurs objectifs :
- simplifier la production de l’horaire avec des missions homogénéisées et répétitives concourant à optimiser la capacité du réseau, donc faire passer un peu plus de trains à infrastructures constantes ;
- mieux identifier la capacité disponible pour le fret ;
- définir les investissements utiles à l’amélioration du service ;
- accroître la productivité d’un système ferroviaire structurellement à coûts fixes élevés ;
- améliorer la lisibilité du service pour les clients actuels et potentiels ;
- structurer l’équilibre entre les circulations et la maintenance du réseau.
La fréquence plutôt que la grande vitesse
En Suisse, le premier horaire cadencé fut instauré le 23 mai 1982, avec une augmentation de l’offre de 31% sur le trafic Grandes Lignes et de 14% sur le trafic régional pour 25 MCHF. La cadence horaire concernait les trains autour de Zurich, premier nœud horaire sur la minute 00. Il était réalisé à infrastructures globalement constantes et en intégrant l’émergence du projet RER zurichois. Le cadencement accompagnait l’arrivée des nouvelles voitures unifiées type IV et du TGV sur la relation Paris – Genève. En outre, les CFF furent à l’époque chargés de la coordination des offres trains – autocars – bateaux.
A cette époque, la Suisse s’intéressait aussi à la grande vitesse avec l’étude de 4 sections nouvelles, les « Nouvelles Transversales Ferroviaires » : Berne – Olten, Berne – Lausanne, Bâle – Olten et Zurich – Winterthur. Il était devisé à 5,4 MM CHF aux conditions économiques de 1985, dont la moitié pour ces 4 infrastructures. La votation du 6 décembre 1987 a validé Rail 2000 avec une confortable majorité de 57%.
Au fil des études, étaient révélées des carences en infrastructure dans les nœuds de Zurich, Olten, Saint Gall, Winterthur, Bâle, Lausanne et Genève, pour atteindre les objectifs de service. Les investissements nécessaires étaient estimés à plus de 15 MM CHF. Il fallut faire des choix et phaser le projet pour rester dans le cadre budgétaire fixé par la votation. Le scénario « grande vitesse » ne bénéficiant qu’à une partie du territoire suisse, son acceptation n’était pas acquise. En outre, le « nimbysme » existant aussi en Suisse, les grands principes de Rail2000 sur la consistance du service étaient bien acceptés, mais pas toutes ses implications sur le terrain. Les CFF travaillèrent alors sur un scénario bénéficiant à l’ensemble du territoire.
L’articulation Desserte – Matériel – Infrastructure
La démarche Rail 2000 proposa le cadencement à l’heure toutes les lignes autour de nœuds horaires systématisant les correspondances, sur une amplitude de 6 heures à 23 heures.
Le cadencement « à la Suisse » n’est donc pas qu’un cadencement au départ ou à l’arrivée, mais un système horaire complet en ligne et surtout fondé sur un principe de fonctionnement symétrique des nœuds, soit sur l’axe 00/30 (un train arrivant à la minute 50 repartira dans l’autre sens à la minute 10), soit sur l’axe 15/45.
Sa devise : « aller aussi vite que nécessaire et non pas aussi vite que possible ». La notion de vitesse utile a donc émergé en s’appuyant sur une vision du réseau sélectionnant les investissements permettant la systématisation des correspondances et la stabilité du système global, avec l’objectif de temps de trajet entre nœuds en multiples de 30 minutes.
Les noeuds horaires suisses définis pour la première étape de Rail2000 : Bâle, Olten, Zurich et Berne organisent leurs correspondances autour des minutes 00 et 30, Lausanne et Bienne autour des minutes 15 et 45 du fait de la durée des temps de parcours entre chaque noeud.
Evidemment, le système de noeuds horaires se décline aussi dans l'ensemble des gares de correspondance, y compris avec les réseaux secondaires locaux, mais aussi les services routiers. La démarche fut d'ailleurs accompagnée de nombreux travaux pour faciliter l'intermodalité.
Décidé en 1987, le projet Rail 2000 faisait émerger plus d’une centaine de projets d’aménagements de l’infrastructure nécessaires à l’accomplissement du projet de service. La ligne nouvelle Zurich – Winterthur a été abandonnée (le projet est réapparu et pourrait intégrer l’étape d’aménagement 2035, du fait de l’augmentation du trafic). La ligne nouvelle Berne – Lausanne a été limitée au nouveau tunnel de Vauderens. La ligne nouvelle Bâle – Olten a été cantonnée au tunnel de l’Adler à la sortie de Bâle malgré la forte pression du trafic. La pendulation a été privilégiée sur la ligne du pied du Jura. pour les liaisons Genève - Zurich via Bienne, de sorte à ce que le temps de trajet de 105 minutes entre Lausanne et Olten soit tenu en dépit d'un parcours en principe plus long que par Berne.
Ligerz - 13 juillet 2013 - Les ICN pendulaires ont été engagés sur l'itinéraire via Neuchâtel pour égaler le temps de parcours de l'axe plus direct via Berne. Cette section ici illustrée sera mise à double voie de sorte à lever un des derniers grands verrous capacitaires du réseau principal © G. Horv
Mattstetten - 20 avril 2021 - Trois incarnations de la démarche Rail2000 sur une seule image ! La ligne nouvelle Mattstetten - Rothrist dont on voit ici l'amorce ouest, les locomotives Re460 pour la modernisation de la traction sur les trains Intercity et les voitures IC2000 à 2 niveaux pour augmenter la capacité de transport. © J. Vernet
Mattstetten - 20 avril 2021 - Elles roulent, mais ce fut long et délicat. Les automotrices Duplex Grandes Lignes sont désormais en service et reprennent les relations sur lesquelles elles peuvent procurer les gains de temps rendus nécessaires par la construction horaire. © J. Vernet
La ligne nouvelle entre Mattstetten et Rothrist a été conservée car essentielle à la stabilité des nœuds 00/30 à Bâle, Berne et Zurich. Ainsi, la liaison entre Genève et Zurich pouvait être cadencée à la demi-heure par deux itinéraires à fréquence horaire, l’un accéléré par la pendulation, l’autre par la ligne nouvelle. En revanche, au chapitre des compromis, il fallut en adapter le tracé pour obtenir l’aval des cantons de Soleure et de Berne, et admettre aussi le trafic fret sur cette infrastructure pour réduire les nuisances dans les communes traversées par la ligne historique.
Outre l’évolution de la configuration des nœuds pour en améliorer l’efficacité (rationalisation des itinéraires, vitesse, capacité, fiabilité), la signalisation en ligne a été améliorée pour augmenter le débit, avec la mise en compatibilité des installations pour une vitesse de 200 km/h et un espacement minimal des trains de 2 minutes. La capacité du réseau a aussi été améliorée par le biais de la banalisation généralisée, facilitant les convergences dans les grandes gares.
La Suisse a pris un temps d’avance sur ERTMS : le niveau 2 a été adopté de construction sur les lignes nouvelles (Mattstetten-Rothrist et NFLA) et sur les sections d’approche (comme par exemple sur les accès nord et sud du Gothard). La section Lausanne – Brigue a aussi été dotée du niveau 2, entre Lausanne (exclus) et Villeneuve puis entre Sion et Sierre : sur Lausanne - Villeneuve, la sinuosité du parcours réduisait les possibilités d’optimisation des cantons du fait d’une moindre visibilité de la signalisation latérale. Il s’agissait aussi de tester grandeur nature ce type de conversion. Brigue devrait être la première « grande gare » à être équipée en niveau 2 sans signalisation latérale.
Le reste du réseau a été équipé en ETCS niveau 1 à supervision limitée pour assurer l’interopérabilité, tout en assurant a minima les fonctionnalités des équipements préexistants (ZUB, Signum). Les lignes nouvelles alpines (Lötschberg, Gothard, Céneri) sont naturellement équipées du niveau 2.
L’augmentation des performances du réseau est étroitement liée à celle du matériel roulant et la standardisation des politiques d’arrêt avec le principe « une mission = une politique d’arrêt et un matériel roulant ». Ainsi, il fallut déterminer la desserte de chaque mission, ce qui facilite la construction des sillons et améliore grandement la lisibilité de l’offre pour le voyageur. Chaque mission a son matériel de référence. La réversibilité a été généralisée pour gagner du temps et des manœuvres lors des terminus et rebroussements. Les nouveaux matériels, renouvelant le parc ancien et suivant l’évolution des besoins, a été conçu dans un objectif de hautes performances, notamment pour les dessertes régionales (Flirt et Kiss notamment) afin de limiter l’impact capacitaire de dessertes à arrêts fréquents et faciliter leur cohabitation avec les Intercity, il est vrai principalement du ressort de rames tractées longues et donc aux démarrages et freinages limités, même avec les Re 460, incarnation du projet Rail2000. L’arrivée des nouvelles rames – parfois non sans mal – type TGL et EC250 doit procurer quelques améliorations en ce sens.
Camorino - 20 mai 2021 - La tête sud du tunnel du Ceneri, sur l'axe du Gothard, est empruntée par une rame EC250 Giruno, le premier train à haute vitesse intégralement conçu en Suisse. La conception fut elle aussi délicate avec les exigences très sévères des associations en matière d'accessibilité. Là encore, les performances de ce matériel combinées à l'infrastructure nouvelle répondent aux objectifs de construction de l'horaire national suisse. © J. Vernet
Sur les rames tractées réversibles, les modules de renfort sont toujours d’actualité et les CFF semblent les motoriser de plus en plus fréquemment (une seconde Re 460 donc), notamment pour les relations utilisant la DML zurichoise.
Qui dit performances accrues dit installations électriques au diapason : le renforcement de l’alimentation en 15 kV 16 2/3 Hz, indépendante du réseau public (en 50 Hz), est la condition nécessaire à l’alignement entre la performance accessible et celle réellement valorisable.
Standardiser les dessertes, hiérarchiser les correspondances
La construction d’un horaire cadencé amène à développer une « ingénierie de la correspondance » : en rupture avec le principe du train direct mais rare, bien connu en France, le cadencement implique une conception de l’organisation des dessertes destinée à rendre les correspondances les plus faciles et limiter leur impact sur le temps de parcours. L’analyse matricielle des flux (origine – destination) permet de hiérarchiser les trains de sorte à essayer de rendre le plus commode possible (même quai en face quand la configuration s’y prête) les correspondances les plus fréquemment utilisées.
Il faut parfois séparer les flux de sorte à éviter des erreurs (à Berne par exemple, éviter que les voyageurs pour Milan montent dans le train pour Interlaken et réciproquement, sachant qu’ils sont au block de Berne à Spiez…) et composer avec le développement des gares (Zurich étant évidemment le meilleur exemple). Il faut aussi de plus en plus prendre en compte la sociologie de la population avec le vieillissement : dans ce cas, plutôt que détendre les correspondances (ce qui peut se révéler onéreux en moyens de production ou en voies à quai), c’est la fréquence qui compense…
Zurich Hauptbahnhof - 18 juin 2015 - Le cadencement permet de systématiser aussi les itinéraires dans les grandes gares, optimiser leur capacité, mais aussi réfléchir à la rationalisation des plans de voie, pour en réduire les coûts de possession, et étudier dans certains cas l'augmentation de la vitesse en visant par exemple une arrivée à 60 km/h. © transportrail
Cet exercice de planification permet aussi d’indiquer sur les affiches horaires en gare la voie affectée à chaque circulation, qu’on retrouve également sur le site Internet des opérateurs. Chose qui, par exemple, reste à ce jour considérée – à tort – impossible en France.
Les règles de priorité des circulations ont été établies en priorisant la stabilité de l’horaire cadencé. Ainsi, les trains en système (Grandes Lignes d’abord, régional ensuite) sont prioritaires sur le fret puis les autres circulations non cadencées.
Petit pays en position centrale sur des axes à fort trafic, l’instauration du cadencement en Suisse a nécessité une coordination avec les Etats voisins : l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie d’abord mais aussi la France, au fur et à mesure des évolutions dans la structuration horaire des dessertes. L’interface a d’abord concerné un périmètre relativement limité : l’Alsace. Mais désormais, un décalage de TGV Lyria peut avoir des répercussions importantes en Suisse. L’Europe doit petit à petit se mettre en cadence (et de préférence avec le même tempo…).
Sissach - 6 mars 2021 - Les liaisons Eurocity avec les pays voisins de la Suisse doivent aussi pour la plupart entrer dans la structure horaire cadencée. Les ICE4 de la DB occupent de plus en plus le terrain sur les liaisons Allemagne - Suisse, généralement en remplacement d'ICE1. © J. Vernet
Repenser l’ingénierie de l’horaire
Le cadencement a transformé les métiers de la construction horaire, puisque la trame est répétitive toutes les heures et de la gestion opérationnelle : outre le plan de transport nominal, le cadencement est aussi le moyen d’organiser à l’avance des scénarios de repli en cas de perturbation. De ce point de vue, les opérateurs suisses ont développé des outils perfectionnés, intégrant cet objectif de stabilité générale du système, mais aussi la dimension énergétique, de sorte à indiquer aux conducteurs la « vitesse utile ». C’est par exemple le cas de l’axe du BLS par le tunnel de base du Lötschberg, où la vitesse régulée peut éviter l’arrêt d’un train de fret en pleine voie en cas de retard d’une circulation de sens contraire, pour optimiser le fonctionnement de la section à une seule voie.
Sur la ligne sommitale du Lötschberg, le BLS a développé un service régional avec des automotrices circulant parfois en composition triple aux heures de pointe. Les français ne sont pas totalement perdus : elles sont dotées des mêmes sièges que les TGV rénovés Lacroix... (document BLS)
Reste aussi aux horairistes à gérer l’insertion des trains « hors système », ce qui est le cas d’une bonne partie des dessertes internationales, comme les TGV, qui entrent progressivement dans le rang en étant intégrés dans les sillons cadencés du trafic intérieur ou des sillons spécifiques (les Paris – Lausanne via Vallorbe restant une exception), mais aussi d’une partie du fret, quoique de plus en plus pris en considération compte tenu de son essor et des contraintes politiques accrues sur le transit des poids-lourds à travers les Alpes. Contrepartie de l’intégration dans la trame cadencée des sillons fret : une motorisation de plus en plus puissante. Les nouveaux trains de nuit seront probablement – au moins pour commencer – hors système cadencé.
Chambésy - 13 octobre 2021 - L'exploitation de Léman Express entre Genève et Coppet repose sur une seule voie avec croisement en gare, ce qui suppose un strict respect de l'horaire du fait de la cadence au quart d'heure. Deux Régiolis de la SNCF ont débuté leur parcours avant de traverser Genève et rejoindre la France, qui a dû par conséquent adapter ses dessertes au système suisse. © A. Knoerr
La construction horaire illustre aussi le lien étroit avec les caractéristiques du matériel roulant tant sur le temps de parcours que la fréquence.
En Suisse, les sillons prévoient une marge de régularité de 7% du temps de parcours « sec », modulée en ligne selon la criticité des sections. Ils s’appuient non pas sur les performances moyennes du matériel, mais sur leurs aptitudes maximales, y compris pour les temps de stationnement avec la possibilité d’arrêts de 30 secondes. Sur certaines lignes, s’ajoutent les possibles arrêts à la demande nécessitant un dimensionnement particulier de la marge, pour éviter que le train soit systématiquement en retard… ou trop fréquemment en avance.
En lien avec cette conception horaire, la formation des conducteurs a évolué de sorte à homogénéiser les comportements : 140 km/h, ce n’est pas 139 km/h !
Cette attente de performance concerne aussi le fret… ce qui se répercute un peu plus encore sur l’infrastructure. D'ailleurs, la prise en compte du fret dans la trame cadencée est un fort enjeu de qualité de service pour les opérateurs de fret, notamment sur les axes déjà bien chargés (et ils sont nombreux en Suisse).
L’augmentation de la sollicitation des infrastructures
Le « revers de la médaille », c’est l’augmentation de la sollicitation de l’infrastructure. C’est assurément la zone d’ombre de Rail2000 et ses suites : l’impact du trafic accru sur l’infrastructure a été sous-estimé. Les CFF se sont retrouvés confrontés à un vieillissement accéléré des voies. Dans un premier temps, les CFF ont cherché à serrer la vis pour réduire les coûts mais les économies attendues n’étaient pas à la hauteur des besoins. Il a donc fallu changer de stratégie et convaincre les autorités d’augmenter les dotations de maintenance, du fait de la fréquence accrue des interventions. En contrepartie, l’amélioration de la productivité des moyens passe par des fermetures de ligne pour réaliser les travaux plus rapidement : une solution « à la française » aux effets atténués par le meilleur maillage du réseau. L’augmentation du coût annuel de maintenance avait été évaluée à 850 MCHF par an en 2011.
Thalwil - 3 avril 2017 - Les automtorices Kiss ont été engagées non seulement sur des liaisons RER autour de Zurich mais également sur des liaisons régionales et interrégionales, mais leur niveau de confort est un peu limité sur des parcours pouvant dépasser 1h30. L'amélioration des performances du matériel suppose que l'infrastructure suive, notamment l'alimentation électrique et le cantonnement. © transportrail
Après Rail 2000, Rail 2035 et Rail 2050
La première étape de Rail2000 a été livrée mise en service en 2004 avec l’achèvement de la ligne nouvelle Mattstetten – Rothrist. Les évolutions ont ensuite eu lieu en 2007 avec l’ouverture du tunnel de base du Lötschberg. L’achèvement des Nouvelles Liaisons Ferroviaires Alpines (Gothard et Céneri), la réalisation de la DML à Zurich, de CEVA à Genève, pour les RER, ont entrainé de notables évolutions de l’horaire.
Evolution de la structure horaire en 2015 après l'ouverture du tunnel du Lötschberg. La structuration s'est aussi étendue au nord-est de la Suisse.
La transformation de l’arc lémanique entre Genève et Lausanne (Léman 2030) est également une importante opération qui va modifier la structure horaire en Suisse, intégrée à l’Etape d’Aménagement 2035, première phase du programme d’investissement ayant fait l’objet de la votation de 2014. L'horaire 2035 prévoit la généralisation de la cadence à la demi-heure sur le trafic régional et la plupart des Intercity, et au quart d’heure sur les RER et les Intercity les plus fréquentés.
Lausanne - 17 avril 2016 - Si les Flirt sont des automotrices incontournables dans le paysage ferroviaire suisse, il faut aussi s'attacher à l'évolution des gares. Celle de Lausanne a entamé sa mue en 2021, avec une décennie de travaux d'augmentation de capacité, tout en maintenant l'exploitation et en préparant l'arrivée d'une deuxième ligne de métro dans son sous-sol. © transportrail
La cadence horaire sera l’exception (mission Genève – Bienne – Bâle et Bâle – Olten – Lucerne). Les sections Genève – Lausanne et Berne – Zurich auront 4 trains par heure et par sens par l’assemblage de missions Interciy et InterRegio. L’horaire 2035 est défini… 15 ans à l’avance, ce qui permet d’appliquer le théorème « montre-moi ta grille horaire, je te dirai l’infrastructure dont tu as besoin ». Enfin, l’objectif 2050 est lui aussi esquissé : la cadence 15 minutes partout.
Le prochain objectif (2035) est déjà partiellement atteint notamment sur l'axe nord-sud. La symétrie 00/30 progresse.
L’accompagnement commercial
L’horaire cadencé suisse a été aussi accompagné d’une politique commerciale dont le succès n’est plus à démontrer avec le lancement de l’abonnement à demi-tarif, dont les ventes ont dépassé tous les espoirs des CFF. Sans les abonnements, compte tenu du tarif de base, peu de gens prendraient le train.
Sur le plan économique, le cadencement vise à industrialiser la production d’un système à coûts fixes élevés pour en optimiser le niveau. Dans ces conditions, l’utilité du train ne se mesure pas vraiment par le taux de remplissage, puisque supprimer un train peu fréquenté ne provoquerait que des économies marginales : il y a donc intérêt à attirer des voyageurs dans ces trains par une politique tarifaire incitative. En Suisse, mais aussi en Allemagne, les billets à tarifs réduits, notamment vendus sur Internet, contribuent également à augmenter les recettes sur des dessertes qui sont finalement à coût de production marginal.
Une transformation de l’entreprise
Les CFF ont réussi à transformer – positivement – le service ferroviaire dans un cadre budgétaire étroit, qui a entraîné une profonde réorganisation de l’entreprise : les effectifs ont été réduit de près d’un tiers (passant de 39 000 à 27 000 salariés entre 1993 et 2006), mais sans fermeture de ligne et avec une réduction de salaire de 2% pour résorber un déficit de 496 MCHF en 1995. Le quorum pour organiser une grève contre cette mesure n’ayant pas été atteint, elle a donc été entérinée.
Cependant, en Suisse, le volet ressources humaines apparaît parfois comme un point faible : certaines fonctions opérationnelles stratégiques, comme les conducteurs, ont été « un peu trop » déshabillées par les mesures des 30 dernières années par rapport à l’augmentation réelle du trafic ce qui a provoqué des tensions internes mais aussi politiques. L’enjeu n’est pas mince : si le cadencement est un outil d’une politique d’organisation industrielle, ses retombées sur le niveau de la demande restent parfois difficiles à évaluer et le rattrapage peut prendre du temps : c’est le cas aux CFF, qui ne se sont pas révélés toujours très à l’aise pour expliquer des situations tendues de réduction de l’offre. Le chemin de fer ne laisse pas beaucoup de place au hasard…