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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

La famille Prima d’Alstom en France

Icône d'un projet politique, tournant dans l'histoire de la traction ferroviaire

Elles ont incarné le plan de relance du fret de 1998, quand le Gouvernement de l’époque annonçait un objectif de doublement du trafic ferroviaire de marchandises, passant de 50 à 100 milliards de tonnes-kilomètres en 10 ans… et qui s’est en réalité soldé par un effondrement de 40%.

C’est aussi l’illustration de la proximité entre l’Etat et un industriel. L’annonce d’une commande fleuve de locomotives répondait au besoin de renouveler le parc de la SNCF et surtout de le rationaliser, mais il est difficile de faire abstraction des pressions sur l’emploi pour l’obtenir et définir l’importance des commandes.

A cette époque déjà, il fallait un symbole : de nouvelles locomotives allaient donner une image flatteuse aux services de transport de marchandises alors opérés par la SNCF, et la SNCF seule. Malheureusement, c’était faire en partie abstraction – déjà – de s’intéresser aux attentes réelles des clients existants et surtout de ceux qui pourraient le devenir.

C’est aussi un véritable tournant dans l’histoire industrielle ferroviaire française, avec l’amorce d’un basculement entre le développement complet d’engins par un exploitant et les plateformes génériques des industriels, avec en sus l'informatisation grandissante du pilotage des organes moteurs. Alors que la SNCF avait l’habitude, comme la plupart des exploitants ferroviaires, d’internaliser leur ingénierie du matériel roulant, elle se contenta d’un cahier des charges définissant les fonctionnalités attendues (tout de même assez développé), dans une logique d’exploitation dédiée et non plus de machine universelle, telle que les BB26000 et 36000 en représentaient à la fois le summum et le chant du cygne.

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Hennuyères - 12 mars 2015 - Les BB36000, champ du cygne de la locomotive universelle, taillée à la fois pour foncer jusqu'à 220 km/h en tête d'un train de voyageurs (alors que parallèlement se développait la culture du 100% automoteur) et emmener des tonnages importants de marchandises  120 km/h. La première série de 30 locomotives à nez rouge a d'abord eu une certaine prédilection pour les liaisons entre la France et la Belgique, avant d'être louée pour différentes prestations par Akiem. © N. Hoffmann

Vingt ans après la livraison des premières locomotives Prima en France, elles sont donc parvenues à la moitié de leur carrière. Elles n’ont pas la notoriété de celles qu’elles ont remplacé, privilège qui ne s’acquiert qu’avec l’âge et la traction de trains prestigieux en début de carrière... Et le hasard du calendrier politique veut que cet anniversaire coïncide à peu près avec un nouvel élan en faveur du fret dans les déclarations gouvernementales.

Comme souvent, il y a eu quelques « exceptions » aux principes généraux : les Prima françaises, estampillées « locomotives fret » ont été finalement mises à profit pour répondre à certains besoins pour le transport de voyageurs, de façon plus ou moins précipitée.

Après la locomotive universelle, la locomotive économique (et fiable)

Alstom a développé la locomotive Prima à la demande de la SNCF dans le but de serrer les coûts d’investissement et d’exploitation et dans une logique de segmentation des produits en fonction des usages : finie la locomotive universelle, dont la BB26000 est de fait la dernière incarnation en France, même si les BB36000 qui en découlent ont été également conçues pour une mixité de trafic. La Re 460 suisse a été conçue dans cet esprit de polyvalence, mais a été rapidement dédiée au trafic voyageurs. La Taurus (alias ES64U2 chez Siemens) autrichienne, malgré son aptitude à 230 km/h, réussit à mixer les prestations dans plusieurs pays d’Europe centrale.

La famille Prima a abandonné la technologie des thyristors GTO, utilisés sur les BB36000, au profit des IGBT et des semi-conducteurs, avec l’intégration des derniers développements de l’époque en matière informatique. Elle est équipée de 4 chaînes de traction asynchrones indépendantes.

Cette nouvelle locomotive a été pensée dans un souci de fiabilité avec un objectif de moins de 2,7 incidents par million de kilomètres nécessitant un changement de machine et moins de 19 incidents gérés par une exploitation en mode dégradé.  La conception de l’engin a été pensée pour faciliter sa maintenance en distribuant les équipements autour d’un large couloir central, dont la SNCF était jusqu’alors peu friande.

Destinée principalement à la traction de trains de marchandises, la Prima a également pensé à ses conducteurs avec climatisation, réfrigérateur et chauffe-plat en cabine, ainsi qu’en renforçant la sécurité en cas de collision (une dizaine d’années après la BB26000). Pour la surveillance du convoi, elles sont équipées de rétroviseurs : une première sur une locomotive française, et la fin d’un dogme français (l’observation directe), tout comme la position centrale de conduite, pour l’observation des signaux à gauche ou à droite. Parmi les particularités des Prima, la cabine constitue une « pièce rapportée » mais essentielle à la structure de l’engin puisque contribuant à l’équerrage de la caisse. Elle assure un haut niveau de sécurité, avec une capacité d’absorption en cas de choc frontal de 700 kN.

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Béziers - 2 octobre 2019 - L'autoroute ferroviaire dans la plaine biterroise, ici emmenée par la BB27027 : l'allure de ces locomotives est d'abord pensée pour être fonctionnelle et sécuriser le poste de conduite. © D. Gubler

En France, la Prima a incarné les effets de la partition par activités de la SNCF au 1er février 1999 puisque ces locomotives arboraient une livrée affichant ostensiblement sa destination et elles étaient dépourvues de la prise pour le chauffage des trains de voyageurs.

Elle comprend, en traction électrique, 3 séries dédiées au fret :

  • BB27000, bicourant 1500 V – 25 kV (dont une radiée accidentellement) ;
  • BB37000, tricourant 1500 V – 15 kV – 25 kV ;
  • E 37500, également tricourant 1500 V – 15 kV – 25 kV.

Elles sont respectivement désignées EL2U et EL3U dans la nomenclature d’Alstom.

La première commande en date du 4 novembre 1998 portait sur 90 BB27000, volume doublé le 27 février 2002 et complété d’une tranche supplémentaire de 30 unités le 23 décembre 2004. Celle-ci fut finalement rectifiée le 8 août 2005 pour finalement commander 30 BB37000 capables de circuler également sous courant 15 kV 16 2/3 Hz en Allemagne et en Suisse.

Les E37500 ne sont pas des locomotives du parc SNCF : elles ont été commandées par un opérateur privé, Veolia Cargo, depuis retiré des activités ferroviaires, et un loueur, CB Rail. Elles sont en tous points identiques aux BB37000. Depuis la cession des activités ferroviaires de Véolia, les E37500 sont majoritairement chez Europorte (21 locomotives), puis Captrain France (ex-VFLI) qui en possède 7. Captrain Deutschland en possède une, tout comme CB Rail et VTG Retrack.

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Hombourg-Budange - 7 juillet 2020 - Circulant sous pavillon Europorte, la E37504 fait partie de la première série de locomotives électriques aptes à circuler en France construites pour les nouveaux opérateurs ferroviaires de fret. © N. Hoffmann

Pour l'anecdote, la SNCF envisageait la commande de 30 locomotives capables de circuler sous 1500 V, 3000 V et 25 kV, qui auraient été numérotées 37500 ou 38000. Il n'y eut aucune suite à cette hypothèse.

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Ces locomotives sont capables de remorquer 1800 tonnes en rampe de 10‰, ce qui est en soit une belle performance. Elles égalent ou dépassent très légèrement les capacités des BB26000, malgré un différentiel de puissance sur le papier en leur défaveur (4167 kW contre 5600 kW). En réalité, l’adhérence est voisine, mais le couple de réduction plus court (140 contre 200 km/h) et un pilotage essieu par essieu de la chaine de traction expliquent ce niveau de performance plus qu’honorable, apprécié d’ailleurs par les opérateurs allemands habitués aux valeurs unihoraires et non continues dans la description des engins.

La 27000 tracte par contre son train en rampe à limite maximale de tonnage autour de 60 km/h alors que la BB26000 atteint 80-90 km/h, si l’adhérence s’y prête bien évidemment.

Les opérateurs ont néanmoins noté une certaine propension au patinage, notamment de l’essieu extérieur du bogie avant, sans doute la rançon de l’architecture à barre de traction basse unique côté intérieur seulement.

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Reuilly - 3 mars 2011 - Remontant la vallée de la Marne et approchant d'Epernay, la BB27009 tracte une belle rame de wagons couverts. L'arrivée des Prima en France a tout de même sérieusement rajeuni le parc de locomotives françaises, avec des conséquences sur les coûts de maintenance, la disponibilité et les performances de production. © Rail Composition

Déploiement et utilisation des locomotives

Avignon fut désigné pour recevoir les premières BB27000 à partir de septembre 2001 : l’objectif était de rationaliser un effectif d’engins anciens et onéreux à entretenir, comme les dernières BB8100, CC7100 et les CC6500. Il fallut prendre en charge des corrections dans la conception de la locomotive : les vibrations en cabine nécessitèrent une reprise de la suspension pour améliorer le confort du conducteur, le comportement sur la voie et l’usure du rail.

En 2003, les essais de circulation en unité multiple ont été validés avec la BB27064, augmentant les tonnages remorqués.

Thionville reçut à son tour des BB27000 à compter de 2003, avec la prise en charge, en UM évidemment, des trains sidérurgiques de 3600 tonnes (dont 2600 tonnes de matière) entre Dunkerque et Dieulouard. C’est aussi à Thionville que furent réceptionnées les BB37000, partagées entre les aptitudes à circuler en Allemagne et en Suisse. Elles ont poussé vers la sortie les BB25100 et le petit parc bifréquence des BB20200.

La commande de BB27000 et BB37000 était honorée en 2006.

Elles sont aujourd’hui réparties entre les technicentres de Lens et de Villeneuve Saint Georges. Celles louées par Akiem voient leur maintenance assurée par les sites de Strasbourg et de Villeneuve Saint Georges.

Parmi les spécificités de ces séries :

  • 15 BB27000 équipées du système de répétition des signaux en cabine Mémor II+ pour circuler au Luxembourg (passé depuis à ERTMS) ;
  • 64 BB27000 équipées de pantographes 1500 V à archet large pour circulation sous caténaire Midi ;
  • Les BB27028, 27109 et 27110 servent de laboratoire pour l’équipement ETCS ;
  • Les BB37001 à 37029 sont équipées pour circuler en Allemagne (PZB et LZB) ;
  • Les BB37030 à 37060 sont équipées pour circuler en Suisse (ZUB et Signum).

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Eckwersheim - 4 octobre 2014 - L'aptitude à l'UM2 des BB27000 et 37000 est une souplesse d'exploitation supplémentaire : sur ce cliché, elle n'est peut-être pas nécessairement indispensable... © N. Hoffmann

La chute structurelle du trafic de marchandises transitant par le rail en France a entrainé une sous-utilisation du parc, avec un transfert progressif d’une partie du parc vers la nouvelle filiale du groupe SNCF, Akiem, destinée à mettre à disposition des locomotives pour les nouveaux opérateurs ferroviaires concurrençant Fret SNCF.

Ainsi, 70 machines furent concernées en 2010, année au cours de laquelle on assista paradoxalement à un rebond de l’utilisation du parc avec des kilométrages mensuels oscillant entre 20 000 et 30 000 km, avant de chuter autour de 20 000 km. Les BB37000 font en moyenne environ 18 000 km par mois. En 2021, la filiale Captrain France négociait la cession de 6 BB27000.

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Artenay - 18 janvier 2014 - Surnuméraires par rapport aux besoins réels de Fret SNCF, nombre de Prima ont été transférées à Akiem qui propose ces engins aux différents opérateurs. La BB27173 a troqué sa livrée tricolore pour un gris uni à cette occasion. © transportrail

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Donzère - 4 mai 2013 - Même cause, mêmes effets pour la BB37028 remontant ici la vallée du Rhône (prouvant, s'il le fallait, qu'il y a suffisamment de capacité sur la ligne de rive gauche du Rhône ce qui explique l'usage limitée de la ligne de rive droite). © transportrail

Aujourd’hui, le parc loué par Akiem comprend 69 BB27000 et 34 BB37000. Quant aux E37500, elles ne sont pas totalement étrangères du groupe SNCF puisque la filiale Mastéris en assure la maintenance. Du fait de leurs équipements, elles sont plutôt engagées au nord-est.

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Palzem - 18 avril 2019 - Les BB37000 sont équipées soit pour la circulation en Allemagne, soit en Suisse. La BB37015 circule sur l'axe transfrontalier Trêves - Apach qui suit la vallée de la Moselle. © L. Mottet

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Muttenz - 10 septembre 2015 - Sur le triage au sud de Bâle, la BB37052 est surprise à côté de machines suisses de quelques décennies plus âgées : derrière la Re 4/4 (série 420), apparaît une Re 6/6 (série 620). © A. Knoerr

La famille 27000 / 37000 approche maintenant de sa mi-vie et les réflexions ont commencé au sein de Fret SNCF et la Direction du Matériel pour déterminer le contenu des travaux à effectuer. Comme tous les engins modernes, une reconstruction à l’identique n’est pas forcément possible, avec la disponibilité des composants électroniques dont l’obsolescence est rapide.

Des Prima pour l’Ile de France

Dans le cadre du contrat-cadre, la SNCF a créé une 4ème série, pour le trafic voyageurs francilien, avec les BB27300, destinées à remplacer les BB8500, BB17000 et BB25500 associées aux rames VB2N qui étaient alors en rénovation, et dont la durée de vie excédait celle des locomotives auxquelles elles étaient associées. Ces 67 locomotives sont arrivées entre 2006 et 2009. Pour aller plus loin, consultez ce dossier de transportparis.

Etant donné que les VB2N sont désormais en fin de carrière et en cours de remplacement soit par des Z50000 (sur le réseau Saint Lazare), soit par des Régio2N (sur le réseau Montparnasse), le devenir des BB27300 qui ont un potentiel résiduel réel d'au moins 30 ans reste incertain. Il est sur le papier peu probable de les voir en tête de trains de voyageurs, sauf éventuellement des trains de nuit du trafic intérieur, où leur vitesse maximale de 140 km/h n’est pas un obstacle insurmontable (c’est d’ailleurs le cas des Traxx 185 louées pour la traction des Paris – Moscou et Paris – Vienne), pouvant être contourné par une réduction du stationnement nocturne. Notons cependant qu’il s’agit des seuls engins modernes disponibles avec les quelques BB36000 non parties à l’étranger aptes aux circulations en France en tête de trains de voyageurs.

Une version thermique

La déclinaison thermique était attendue pour répondre à des appels d’offres internationaux, mais aussi en visant le marché français où aucune locomotive de ce type n’avait été réceptionné par la SNCF depuis la BB67632 en 1975. Initialement, l’opérateur français envisageait 2 marchés, avec des engins monocabines de puissance limitée (1200 à 1800 kW) et des locomotives de ligne de puissance élevée (2200 à 3200 kW). Après l’échec de cet appel d’offre en 2000, une nouvelle procédure fut lancée avec une série unique d’environ 1800 kW et exploitables en UM2 pour les trains lourds. Initialement rivaux, Alstom et Siemens répondaient finalement ensemble à ce marché dont le volume maximal a été porté à 400 locomotives, avec un moteur MTU 4000 R41 à 16 cylindres en V de 2000 kW procurant 1600 kW à la jante

On peut simplifier la BB75000 en un croisement entre la partie mécanique et caisse d’une 27000 Alstom et la chaine de traction d’une ER20 Siemens.

Attribué en 2004, la production des machines désignée DE30BAC fut engagée et après 3 ans, l’homologation des BB75000 était obtenue de l’EPSF. La première dotation de 85 machines fut affectée à Longueau, puis 20 machines furent envoyées à Avignon.

Les 33 BB75100 se distinguent par leur aptitude à circuler en Allemagne, tandis que, du fait de la chute du trafic, la SNCF transférait à l’infrastructure 20 locomotives pour les trains de chantier.

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Compiègne - Un petit effectif de 10 machines a été transformé en 75300... mais trop nombreuses, elles ont rapidement été confiées à Akiem. Lineas, la branche logistique de la SNCB, recourt à leurs services, en leur faisant porter la récente livrée à base de noir, notamment en Picardie où l'opérateur accentue sa présence. © transportrail

Les 68 BB75400 se distinguent par un nouveau moteur MTU 4000 en version R 43, d’une puissance maximale de 2400 kW, répondant à l’évolution des normes anti-pollution, procurant une puissance à la jante de 2000 kW, tout à fait honorable pour une BB Diesel.

Les BB75000 étaient équipées d’un chauffage train, alors que la masse supérieure du groupe électrogène des BB 75400 a nécessité d’en faire l’impasse. Ces locomotives étaient destinées initialement au fret mais le maintien des trains de nuit vers Rodez et Briançon nécessitait l’usage de nouvelles locomotives Diesel pour remplacer les BB67400 en fin de carrière. Ainsi fut créée la petite série de 10 BB75300 équipées pour le service voyageur, dont 3 ont finalement été louées à l’opérateur fret belge Lineas. Issues de la série 75000, elles ont été dotées en rétrofit des requis à la mise en tête de trains de voyageurs (activation de la ligne de chauffage train, liaison sonore train-locomotive).

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Briançon - 19 décembre 2018 - Pour remplacer les BB67400 en tête des trains de nuit circulant sur des sections non électrifiés, il n'y avait pas le choix... malgré les réserves techniques quant aux efforts subis sur la voie par le passage des BB75000. © E. Fouvreaux

Au total, 51 locomotives sont gérées par Akiem, pour location aux opérateurs de fret ou à SNCF Voyageurs pour les trains de nuit précités.  Les 68 BB75400 restent dans le giron de Fret SNCF tout comme 22 des 33 BB75100. La dotation de l’infrastructure atteint 33 engins affectés, mais Infrarail loue de nombreuses locomotives à Fret SNCF. Akiem gère une cinquantaine d’engins.

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Commentry - 30 mai 2020 - La BB75467 est l'avant-dernière locomotive de ce type de Fret SNCF : sur les 400 locomotives initialement envisagées, seules 200 furent effetivement commandées. © Rail Composition

A noter que toute la famille des BB 75000 est équipée du frein rhéostatique, rompant là également avec une tradition propre à la SNCF de ne pas avoir de frein dynamique sur les locomotives de ligne Diesel (hormis les prototypes BB69001 et 69002).

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Saint Sauves d'Auvergne - 21 juillet 2013 - Mission symbolique sur ligne souvent sous le feu des projecteurs : le train des eaux minérales de La Bourboule, ici avec une demi-rame avant recomposition sur la partie la plus facile de l'itinéraire. Si les engins moteurs sont modernes, la pérennité de l'infrastructure a donné en 2019 des sueurs froides... © N. Hoffmann

Très appréciées pour leur fiabilité par l’ensemble des entreprises ferroviaires utilisatrices, les BB75000 souffrent par contre de l’interdiction de circulation sur lignes à faible armement, du fait de l’agressivité de leur bogie en courbe (notamment du fait de la liaison caisse-bogie avec un couple de rotation élevé, sans sommiers articulés).

Si pour les BB27000 dotées des mêmes bogies ce point est peu problématique car la quasi-totalité des lignes électrifiées sont bien armées, cela se traduit pour les BB75000 à 400 par une incompatibilité avec les armements équipés de rails à double champignon (d’où leur non circulation sur les Causses sur le fret de St Chély), et par des restriction de vitesse pour les BB75300 en tête des trains de voyageurs sur les armements à rails Vignole moyens/légers (cas de certaines zones entre Livron et Briançon).

Une locomotive très concurrencée en Europe

La Prima a cependant été rapidement concurrencée par l’Eurosprinter de Siemens et surtout la Traxx de Bombardier, qui s’est rapidement imposée comme la référence durant pratiquement toute la période 2000-2020 en Europe.

Néanmoins, Alstom a aligné d’importantes commandes à l’international avec la Prima, en particulier dans des versions Diesel, de différentes puissances, entre 2100 et 3200 kW, avec des vitesses de 120 à 160 km/h : Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, Iran, Israël, Sri Lanka, Syrie. Elles sont cependant assez différentes de la famille 75000, en dérivant de lignes de produit espagnoles principalement (site MENFEISA de Valence actuellement Stadler España).

C’est surtout en version électrique que la Prima a été déclinée en de nombreuses versions avec de forts volumes en Chine, Inde, Biélorussie, Kazakhstan et Azerbaïdjan dont de nombreuses « doubles locomotives » pour la traction de trains de marchandises (notamment de minerais) à très fort tonnage et dans des conditions climatiques très rudes.

Alstom développa une Prima II en 2009, avec notamment une version à 6MW, mais dont le développement fut limité puisque seul l’ONCF marocainen a commandé (50 unités), les essais d’admission en Europe n’allant jamais à leur terme, laissant le champ libre à Bombardier et Siemens en Europe occidentale durant près d’une décennie. Il en existe aussi une version CC à 9,6 MW en Chine.

Après une longue décennie de domination des ventes de Traxx, c’est désormais Siemens et sa Vectron qui fait feu de tout bois en alignant les commandes de sa nouvelle locomotive, dont la conception modulaire facilite les adaptations aux demandes des clients de façon encore plus simple que sur la Traxx. Aussi, Alstom s’est retrouvé marginalisé sur le marché de la locomotive.

Clin d’œil de l’histoire, la fusion opérée en 2021 avec Bombardier a versé dans la corbeille de mariage la dernière version de la Traxx, celle-là même qui avait enterré la Prima. Aujourd’hui, c’est la Traxx qui à la peine du fait des contingences financières dont souffrait Bombardier pour le financement des développements. Elle n’arrive pas encore à rivaliser avec la Vectron, notamment en absence de version bimode, mais dispose désormais d’une déclinaison voyageurs à 200 km/h grâce aux commandes de Regiojet

Enfin, la gamme de locomotives de Stadler ex-Vossloh est en train de bousculer le marché européen, avec des engins de très grande puissance, et même bimodes, jusqu’à 9 MW avec des capacités de traction jusqu’à présent inédites du fait de sa disposition CC mieux à même d’utiliser la puissance et l’effort de traction installés.

Il sera intéressant d’observer les décisions d’Alstom vis-à-vis de la Traxx, qui est en quelque sorte devenue la Prima 3 par la force des choses sur le marché d’Europe Occidentale, tant vis-à-vis de Siemens que de l’outsider Stadler.

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