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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Molsheim - Sélestat, entre viticulture et brassage

Ah l’Alsace, ces cigognes, sa choucroute, ses maisons à colombages… et ses vins. N’en abusez pas quand même… Si vous regardez sur une carte, la « route des Vins d’Alsace » est en partie longée par une voie ferrée, notamment sur sa partie nord entre Molsheim et Sélestat. De quoi profiter des mêmes paysages mais sans les inconvénients de la route.

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Dambach la Ville - 6 juin 2013 - Blanc d'Alsace et bleu d'Alsace réunis sur le même cliché avec cet AGC dans la partie viticole du territoire desservi par la ligne Molsheim - Sélestat. © L. Knop

D’abord un itinéraire bis pour les marchandises

Cette ligne, constituant en quelque sorte un itinéraire bis à l’axe principal de la plaine d’Alsace se situe en partie à flanc de coteau, dans une région marquée par la viticulture et caractérisée par une densité de population élevée du fait de la densité de villages et de petites villes.

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Sélestat - 25 mars 2018 - Pas grand monde le dimanche matin sur les quais de Sélestat. L'X76615/6 est au départ pour Strasbourg via Molsheim. Les gares de Dambach, Barr et Obernai vont bien remplir le train, d'autant que l'attractivité touristique d'Obernai est bien connue. © transportrail

Désignée ligne de Saverne à Sélestat, (numérotée 17 et 17.3), l’itinéraire concédé le 1er mai 1863 devait relier dans un premier temps Wasselonne à Barr. La première section mise en service le 29 septembre 1864 reliait Molsheim à Barr, en prolongeant la ligne de Strasbourg à Molsheim déjà en service. Elle était prolongée en décembre suivant de Molsheim à Wasselonne.

Retardée par la guerre de 1870, les travaux étaient achevés le 1er août 1877 par la Direction Générale impériale des chemins de fer d’Alsace-Lorraine, avec la mise en service des sections Barr – Sélestat et Saverne – Wasselonne, constituant ainsi un itinéraire évitant Strasbourg, qui déjà faisait sens du fait de l’important trafic de marchandises.

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Dans l'entre-deux guerres, la ligne connut une forme de concurrence avec l'extension du réseau de tramways de Strasbourg. La ligne suburbaine vers Otrott, passant par Obernai, était mise en service le 16 janvier 1930, mais avec un trajet en plus d'une heure et demie et un service assuré 7 à 8 fois par jour. L'existence de cette ligne fut néanmoins éphémère puisqu'elle disparut le 31 mars 1955.

La section de Saverne à Molsheim succomba dans la vague de suppressions du service voyageurs de l’année 1969 (le 3 mars précisément) et fut déclassée en 1991. Ne restait donc que la section Molsheim – Sélestat, longue de 64,8 km et autorisée à une vitesse de 80 km/h, échappant à la spirale des fermetures, avec une desserte orientée vers Strasbourg, en tronc commun de Strasbourg à Molsheim avec la ligne Strasbourg - Saint Dié.

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Rosheim - 4 mars 2013 - Disposition très classique des gares sur les lignes à voie unique en Alsace, ce qui rend au passage l'exercice photographique un peu moins commode. © L. Knop

Une vocation locale dissymétrique…

La ligne double donc l’itinéraire principal de la plaine d’Alsace et assure essentiellement un rôle de locale de dessertes des nombreux villages et petites villes situées sur le coteau, caractérisé par une forte densité de population, à peine inférieure à celle de la section Strasbourg – Molsheim, plusieurs communes dépassant les 200 voire les 300 habitants au km². Le trafic est évidemment polarisé par les gares de Sélestat, Molsheim, Obernai et Barr, les localités les plus importantes du parcours.

Au service annuel 2018, la desserte comprenait pas moins de 27 allers-retours sur la section Molsheim – Barr, dont 10 prolongés à Sélestat, tous évidemment origine / terminus Strasbourg. Le samedi, l’offre reste assez consistante, avec 14 allers-retours dont 7 jusqu’à Sélestat. En revanche, le dimanche, seuls 6 allers-retours Strasbourg – Sélestat sont proposés. La trame horaire s’approche d’une desserte cadencée, avec par exemple des départs « autour » des minutes 10 et 40.

En 2017, la fréquentation de la ligne était très contrastée : près de 1,4 millions de voyageurs sur l’année sur la section Molsheim – Barr, soit une hausse de 4%, mais moins de 200 000 voyageurs au sud de Barr, principalement par la dégradation des temps de parcours, les travaux de renouvellement et une offre moins consistante. La régularité de la ligne est très correcte à 96,6%.

A 80 km/h, la vitesse moyenne du train est assez faible du fait du nombre assez important d'arrêts sur le parcours. La durée du trajet Molsheim - Sélestat oscille entre 40 et 52 minutes selon la politique d'arrêt. En voiture, il faut compter 27 minutes seulement en empruntant l'autoroute. Barr est également à une demi-heure de Strasbourg par l'autoroute mais les encombrements sur l'A35 à l'entrée sud de la ville sont assez réputés et contribuent à l'attractivité du train, qui proposent des trajets en 39 à 49 minutes.

Si les flux scolaires sont les plus importants entre Barr et Sélestat, les salariés constituent la première catégorie de voyageurs au nord de Barr, essentiellement en lien avec la métropole strasbourgeoise. Néanmoins, les zones d’emplois à l’ouest de Strasbourg, notamment autour de l’aéroport, accessible par le train, sont également génératrices de trafic.

… et un trafic fret bienvenu (mais avec modération)

De prime abord, Molsheim – Sélestat est bien une ligne de desserte fine du territoire… mais la section Molsheim – Obernai fait partie du réseau structurant. Qui est responsable de ce classement ? Pas le trafic régional, car la desserte au sud d’Obernai est la même qu’au nord. En cause, le trafic généré par les usines Kronenbourg, brassant du houblon, autre culture spécialisée alsacienne. Le site reçoit des bouteilles en verre vide puis les expédie remplies de bière. Le trafic est suffisamment régulier pour que la section échappe aux bien connus « groupes UIC 7 à 9 ».

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Dorlisheim - 3 juin 2013 - Europorte achemine les bouteilles vides vers la brasserie d'Obernai, et c'est ici une Euro 4000 qui prend en charge le convoi. Du même constructeur, on peut aussi voir des G1206. © L. Knop

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Rosheim - 4 juin 2013 - Une fois chargés, les wagons sont acheminés par Fret SNCF vers Hausbergen. Malgré la desserte voyageurs bien fournie, ce sont ces acheminements qui font basculer la section Molsheim - Obernai dans le groupe UIC 6 ! © L. Knop

La voie ferrée des vins d’Alsace dopée à la bière, voilà qui n’est pas banal…

Une modernisation presque continue réalisée par étapes

L’engagement de la Région Alsace en faveur du ferroviaire n’est plus à rappeler. Dès le début des années 1990, elle s’est intéressée au devenir de ces lignes locales. En 1996, la section Molsheim – Obernai était équipée du BAPR, section prioritaire du fait du surcroît de trafic. Par la suite, il a équipé la totalité de la ligne jusqu’à Sélestat, avec à la clé une commande centralisée. Le développement du trafic impulsé par la Région a même motivé le passage au BAL de voie banalisé pour améliorer l’exploitation de la voie unique entre Molsheim et Obernai.

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Scherwiller - 6 juin 2013 - Les RRR associées aux BB67400 ont assuré une partie du service, notamment les dessertes d'heures de pointe. Désormais, les AGC et Régiolis leur ont succédé. © L. Knop

Plus récemment, l’attention de la Région a évidemment porté sur l’état de l’infrastructure du fait de l’apparition de ralentissements liés à la vétusté de la voie et de certains ouvrages. Réalisés au moyen d’interceptions de plusieurs semaines, les opérations de renouvellement ont été généralement combinées à des améliorations comme le rehaussement et l’allongement des quais, pour exploiter les trains en UM2 d’AGC ou de Régiolis.

En 2017, une première série de travaux de renouvellement a porté sur 7 km de voie, l’allongement des quais de Barr et Epfig à 185 m pour la même raison, ainsi que la consolidation d’ouvrages d’art. De la sorte, les ralentissements à 40 km/h ont pu être levés.

En 2018, des travaux similaires ont porté sur 10 km, intégrant les quais de Schenwiller et Eichoffen, avec à la clé la suppression du ralentissement à 60 km/h. En outre, un passage à niveau a été automatisé, un autre supprimé, tandis que les derniers travaux d’adaptation des quais de Barr ont pu être réalisés.

A l’issue de ces travaux, les vitesses nominales ayant pu être rétablies, les temps de parcours ont été revus à la baisse avec un gain de 6 minutes et la desserte pour l’année 2019 est enrichie notamment en milieu de journée.

Pas de tram-train, mais un avenir passant par une exploitation électrique

Molsheim – Sélestat était l’une des deux lignes appelées à accueillir le tram-train strasbourgeois, mais celui-ci n’a pas connu de suite, tant par la difficulté d’insertion dans l’organisation très intense du réseau urbain, la différence de gabarit importante (2,40 m pour les tramways) et les modalités de raccordement peu évidentes entre la place de la gare et la ligne de Molsheim par un tunnel passant d’abord par « le souterrain des postes » sous la gare puis sous l’important faisceau de service de la gare basse.

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Strasbourg - Place de la gare - 30 janvier 2015 - L'amorce du tram-train strasbourgeois, projet entre-temps abandonné. Le passage sous les quais de la gare, dont on aperçoit l'amorce derrière le tramway, aurait été réaménagé et prolongé sous les voies de service de la gare basse. © transportrail

Si l’interconnexion n’a pas eu de suite (et il n’est pas interdit de dire « heureusement ») mais la Région Alsace a tout de même renforcé la desserte, tandis que, sur la section Strasbourg – Molsheim, la création de la gare desservant l’aéroport a nettement renforcé l’attractivité de la desserte.

A plus long terme, en réfléchissant sur les moyens de réduire l’usage du gasoil par les trains, l’électrification de l’exploitation entre Molsheim et Sélestat pourrait recourir à des rames munies de batteries, qui seraient rechargées notamment sur la section Strasbourg – Molsheim, dont l’intensité du trafic pourrait justifier une électrification par caténaire, surtout si des solutions diminuant le coût de réalisation étaient mises en œuvre. Les trains pourraient être rechargés à Barr (terminus intermédiaire) et à Sélestat, sur la caténaire existante.

Des perspectives moins évidentes s’il fallait les envisager avec un tram-train, forcément plus léger et donc moins capable d’embarquer des batteries procurant suffisamment d’autonomie… et encore moins avec le très en vue train à hydrogène (mais qui est, rappelons-le, d’abord un train à batteries)….

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