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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
21 février 2020

Partie de poker sur les petites lignes

In extremis : juste avant la période pré-électorale des élections municipales, l'Etat a officialisé 2 protocoles d'accord, avec la Région Centre Val de Loire et la Région Grand Est, pour le financement des lignes de desserte fine du territoire. Le problème... c'est que ces accords ne parlent à aucun moment du financement de ces mesures. Le Secrétaire d'Etat aux Transports reporte le sujet sur le ministère des Finances, qui doit actuellement préparer le nouveau Contrat Etat - SNCF Réseau faisant suite au passage en Société Anonyme de SNCF Réseau et à la reprise de 35 MM€ de dette. Or rien n'est en mesure d'assurer que les conséquences de ces protocoles se traduiront en espèces sonnantes et trébuchantes.

Le principe, issu des travaux du préfet François Philizot, distingue 3 lots de lignes avec chacune leur logique de financement :

  • lot n°1 : financement 100% SNCF Réseau ;
  • lot n°2 : financement dans le cadre des Contrats de Plan Etat-Région puis des nouveaux Contrats de mobilité qui leur succèderont, avec une participation de l'Etat oscillant entre 20 et 40% selon les lignes ;
  • lot n°3 : financement 100% Régions.

Il est intéressant de noter que le dossier de presse rappelle que si les 2/3 des coûts de renouvellement de ces lignes leur incombe dans le cadre des CPER, l'Etat et SNCF Réseau supportent 85% de leurs charges réelles d'entretien, manière - pas forcément élégante - de rappeler aux Régions que les péages ne sont qu'une modeste contribution à la réalité des coûts du système ferroviaire et que l'Etat porte l'essentiel du coût de ces lignes. En réalité, c'est SNCF Réseau, et plutôt par de la dette. On remarque également que SNCF Réseau apparaît de plus en plus intégrée à l'Etat dès qu'il s'agit de financements, ce qui n'est pas forcément des plus compatibles avec son nouveau statut de Société Anonyme.

Ainsi, en Centre Val de Loire, l'Etat prévoit de reporter sur SNCF Réseau l'intégralité du financement du renouvellement de la ligne Bourges - Montluçon. La Région prendrait de son côté la totalité du besoin sur Tours - Chinon, Tours - Loches et Salbris - Valençay. Les autres lignes UIC 7 à 9 resteraient dans le giron des futurs CPER prévus en 2022.

Dans le Grand Est, les sections Blainville - Epinal - Remiremont et Raon l'Etape - Saint Dié passent en financement SNCF Réseau. La Région prendrait en charge les sections Molsheim - Saint Dié, Saint Dié - Arches, Obernai - Sélestat et Jarville - Vittel.

La projection réalisée sur l'ensemble du territoire amènerait à reporter le financement d'une quinzaine de lignes UIC 7 à 9 sur SNCF Réseau, avec un impact évalué à 1,4 MM€ par an, soit tout de même 40% de l'actuelle dotation de renouvellement, qui ne couvre que 15 000 km de lignes environ (les UIC 2 à 6). C'est là que réside le point de blocage : le Secrétaire d'Etat aux Transports précise que cette dépense supplémentaire à charge de SNCF Réseau sera sans impact sur son équilibre économique... mais on se demande comment. A Bercy de trouver le moyen de financer ces protocoles et de mettre à niveau le Contrat de Performance : pas sûr que les deux ministères soient parfaitement alignés. Ce qui est en revanche certain, c'est que SNCF Réseau se retrouve entre le marteau et l'enclume. On a connu position plus confortable...

Les Régions surveillent évidemment ce point de très près : si Bercy n'augmente pas la dotation de SNCF Réseau, le financement de cette quinzaine de lignes ne pourra pas être assuré, sauf à recréer de la dette, ce qui n'est pas possible en SA. En cas de défaillance de l'Etat, SNCF Réseau aura deux alternatives : soit financer à budget constant donc en faisant courir des risques absolument majeurs sur le réseau structurant (vous avez aimé les ralentissements sur les petites lignes ? vous les adorerez sur les grandes !), soit solliciter les Régions... qui, logiquement, se retrancheront derrière la signature de l'Etat. Avec en ligne de mire l'expédient habituellement employé depuis 80 ans : la fermeture de lignes !

Elles seront aussi et enfin très vigilantes sur les futurs contrats avec l'Etat, puisque l'exécution des actuels engagements est très faible : si les Régions ont un taux de l'ordre de 85%, l'Etat n'a mis qu'entre 20 et 25% de ce qu'il avait signé en 2015. En outre, étant appelées à financer 100% du renouvellement de certaines lignes (le lot n°3), mais quand même environ 4000 km sur les 9137 du périmètre en question, les Régions ne manqueront pas de demander à Bercy les ressources correspondantes... surtout dans le cas où elles demanderaient à utiliser l'article 172 de la LOM, sur le transfert de gestion de certaines lignes, qui sortiraient du réseau ferré national. Dans ce cas, une indemnisation devrait être versée, à l'image de ce qui s'est passé sur les voies portuaires il y a quelques années.

L'Etat en profite une nouvelle fois pour mettre en avant la solution des trains légers, en annonçant - sur quelles bases ? - des réductions de coût sur l'infrastructure de 30 à 40% qui nous semblent passablement exagérées.

Autant dire que les prochaines semaines s'annoncent décisives...

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Commentaires
R
En ex-Limousin, point question de rail, les politiques penchent à priori sur une autoroute privée Poitiers - Limoges à grosso modo 1 MM€... <br /> <br /> <br /> <br /> Tout ça pour 6 à 8 000 véhicules / jour dont 25% sont des PL étrangers ! <br /> <br /> <br /> <br /> Limoges - Poitiers, même sort que la ligne Limoges - Angoulême ?...
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R
Tempête dans un verre d'eau, faite volontairement par un État qui manque de dignité et d'honneur, ne serait-ce qu'en restant sur le seul plan comptable : cet État qui fait des dizaines de G€ de cadeaux annuels sans aucun résultat collectif (CICE, baisse d'impôts des plus riches, ...) et qui se défausse quand il faut fournir un G€ de plus pour le rail.
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T
Année après année,décennie après décennie l’Etat confirme son incurie à gérer et à porter une vision sur le système ferroviaire<br /> <br /> <br /> <br /> On est en 2020, en pleine incertitude climatique, nos voisins ont réformé leur système ferroviaire et investissement massivement dedans....<br /> <br /> <br /> <br /> Et nous on fait quoi? On a le logiciel des années 1960 à la tête de l’Etat...comme c’est triste pour ne pas dire plus....
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T
Les trains legers nécessitent encore plus une bonne infrastructure car ils se déforment plus facilement.....<br /> <br /> <br /> <br /> Croire qu’on va pouvoir economiser sur l’infrastructure en mettant des trains lers est une fumisterie....on risque surtout d’avoir des couts d’entretien sur le materiel superieur....<br /> <br /> <br /> <br /> Si on veut vraiment économiser sur l’infra,il faudrait jouer sur le tonnage a l’essieu par exemple 17 t et non 22 Ou 13 et non 17 mais on a quand meme besoin d’une infrastructure en bon etat Dans tous les cas
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S
Bonjour<br /> <br /> concernant les couts de renouvellement sur les lignes 7 à 9, il n'est presque jamais fait appel à des suites rapide mais plutôt à des méthodes avec engins routiers avec fermeture de voie à la clé. De plus, l'utilisation de rail de réemploi en provenance LGV est systématiquement proposée même si elle ne peut couvrir tout les besoins. Ne pas oublier non plus que l'Infra ce n'est pas seulement la voie mais aussi les ouvrages d'art (pont, fossé, talus,...) qui faut aussi pérenniser pour avoir une voie en bon état. Concernant le roulement du TramTrain sur de la voie en coupon, je rappellerai que l'EPSF en 2012 n'a pas donné son accord pour l'exploitation sur Tassin Brignais tant que les rails LP n'ont pas été remplacés par des LRS... Quant au matériel léger, si c'est pour rouler à 60km/h et avec les temps de parcours qui vont avec ...
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A
Tant qu'il n'y a pas de budgets à la hauteur des problèmes...tout n'est que farces et attrapes. Discuter techniques alternatives des véhicules alors que les voies devront subir, aussi, des aléas climatiques de plus en plus violents n'a pas beaucoup de sens. Le problème, aussi, de fond dans ces débats est bien que les alternatives au tout camions, hors de très très rares très très grands axes, sont bel et bien abandonnées. Indirectement des choix de vie sans vrais débats sont imposés et le coût global sera sans doute plus lourd à tous points de vues. En cela je rejoins le final de Topaze mais par une approche plus large pensant que les débats de techniciens hyper-pointus sont dépassés depuis longtemps.
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T
On voit bien que les hauts fonctionnaires en France sont totalement à coté de la plaque depuis des lustres. Faire des soi disant économie sur le chemin de fer et autres infrastructures ne font pas d'économies au final. Par contres des économies il faudrait en faire dans certains secteurs mais là c'est politiquement incorrect, on touche à leur électorat.<br /> <br /> Rouvrir des petites lignes avec 5 fréquences quotidiennes c'est ce moquer du monde, sur ces lignes il faut au moins 7 AR/jour soit un cadencement minimum aux deux heures afin de les rendre attractives.<br /> <br /> L'histoire du train léger c'est s'occuper de la couleur du bouton de la machine à café plutôt que de son fonctionnement, comme cela on ne règle pas les problèmes.
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G
Le train léger, c'est le tramway ?<br /> <br /> <br /> <br /> Quid du plan d'action dans les autres régions ? Est-il prévu a court terme ?
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T
L'État compte-il prendre ses responsabilités enfin ou va-t-il encore se retrancher derrière des idéologies comme le New Public Management ?<br /> <br /> <br /> <br /> Le problème est avant tout là. Ma qué de stratégie, refus de financer dès que ce n'est pas clinquant, même si c'est absolument essentiel pour le bon fonctionnement.
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T
Encore un rapport pour ne rien dire, si ce n'est que l'Etat se désengage par inaction. Et encore ce mythe du train léger comme solution miracle. Aucune réflexion de fond, ils ont pris un préfet mais il aurait pu être écrit par un robot à Bercy
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P
Ce qui me semble très exagéré, c'est le coût des renouvellements : on ne sait plus faire que des RVB de toute la ligne avec du matériel neuf alors que dans la très grande majorité des cas, surtout avec du matériel léger ne circulant pas à vitesse élevée, un simple entretien (bourrage du ballast et remplacement de traverses - avec du réemploi) suffirait.
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