Contrats de Plan 2023-2027 : l'heure des choix
Les discussions vont pouvoir débuter
Enfin ! Alors que les précédents contrats, initialement prévus sur la période 2015-2020, avaient été prorogés jusqu'en 2022, on attendait de semaines en semaines les mandats de négociation transmis aux préfets pour engager la négociation des nouveaux Contrats de Plan Etat-Région, qui couvriront donc la période 2023-2027. Etant donné que leur signature ne devrait pas intervenir avant l'automne, on peut d'ores et déjà prévoir qu'ils glisseront sur l'année 2028... et peut-être même 2029.
L'Etat annonce une augmentation de 50 % de leur dotation avec 8,6 MM€. Cependant, il faut distinguer l'enveloppe théorique et la réalité des investissements. Il est rare que la totalité des projets soit engagée et concrétisée. Généralement, un contrat réussi aboutit à un taux d'exécution autour de 70 %, mais dans certains domaines, il n'est pas forcément évident d'atteindre 50 %. Reconnaissons que dans certaines Régions, ces outils se transforment en catalogue de bonnes intentions mais sans avoir suffisamment de matière pour les concrétiser.
Donc, en théorie, le volet ferroviaire sera doté de 2,5 MM€ de crédits de l'Etat. En tête d'affiche, les RER des grandes agglomérations, officiellement dénommés Services Express Régionaux & Métropolitains, pour lesquels une enveloppe de 800 M€ est prévue. Deuxième action bien identifiée, le fret : si l'Etat a déjà prévu par ailleurs une enveloppe de 500 M€, il pourrait consacrer jusqu'à 400 M€ supplémentaires en cofinancement avec les collectivités. L'autre moitié de cette dotation devrait être consacré principalement au renouvellement des infrastructures des lignes de desserte fine du territoire, à certaines opérations de modernisation, à la mise en accessibilité des gares régionales...
Auvergne - Rhône-Alpes : revirement ou avertissement ?
C'est dans ce contexte que la Région Auvergne - Rhône-Alpes engage un bras de fer avec l'Etat : elle a décidé de mettre à zéro l'ensemble des crédits destinés aux infrastructures ferroviaires, arguant que ces investissements doivent être pris en charge par le propriétaire du réseau et non par ses utilisateurs. Au-delà de la posture politique sinon politicienne, la Région explique qu'elle doit consacrer d'importants moyens sur le matériel roulant : rénovation mi-vie des AGC, des TER2Nng, des X73500, remplacement des voitures Corail... devant mobiliser environ 1,5 MM€ d'ici 2030. Dans les principes, la charge du réseau incombe en effet à son propriétaire (ce n'est pas le locataire d'un appartement qui paie le ballon d'eau chaude qui vient de rendre l'âme). Les CPER sont utilisés depuis 2005, après l'audit EPFL, exportant une part sans cesse croissante des investissements sur les Régions, qui n'ont pas la compétence administrative ni les budgets afférents. Initialement, le volet ferroviaire des CPER ne portait que sur des opérations de développement. Depuis 2005, il comprend un volet de plus en plus prépondérant sur la maintenance patrimoniale.
La position de la Région ressemble un peu à un coup de pied de l'âne, car les conclusions sont déjà connues : en mettant à l'arrêt nombre d'opérations et de projets, les lignes concernées risquent de subir la spirale classique de la dégradation des performances jusqu'à l'arrêt de l'exploitation. Le jeu est risqué, non seulement pour les territoires et les utilisateurs de ces lignes, mais aussi pour la Région puisque sur le plan politique, l'Etat se défaussera sur celle qui aura rompu l'accord - fut-il tacite et quelque peu imposé - préexistant.
Si radicale soit-elle, la position exprimée par MM. Wauquiez et Aguilera (le vice-président aux Transports) illustre les zones grises de la décentralisation et le rapport ambigu entre l'Etat et les Régions, sur un sujet qui représente le quart des dépenses régionales. Elle ne fait cependant pas tâche d'huile. Les autres Régions sont cependant assez déçues de la consistance des moyens annoncés, en décalage avec les annonces, pourtant encore récentes, du plan Avenir Ferroviaire et de ses 100 MM€ d'ici 2040.
On peut cependant conclure en posant deux questions :
- au-delà des discours, quel est le niveau réel d'investissements que les Régions pourront vraiment mobiliser d'ici la fin de la décennie ?
- en matière ferroviaire, aligner des chiffres dans un tableau de programmation est une chose, mais qu'en est-il de la capacité à produire les études et les travaux, que ce soit à SNCF Réseau (puisqu'il est quand même beaucoup question d'infrastructures) ou dans les ingénieries extérieures ?
Nous reviendrons sur ces contrats au fur et à mesure de l'officialisation de leur contenu. Rendez-vous probablement à partir du mois d'octobre...