Train et transition écologique : quelles marges de manoeuvre ?
D'abord le constat : alors que 3 pays européens ont fait le devant de l'actualité l'été dernier en instaurant des offres à tarif réduit sous conditions plus ou moins strictes et plus ou moins pérennes, la France a fait en 2022 le choix de subventionner l'usage de la voiture avec des mesures de réduction du prix à la pompe des carburants.
Les mesures en faveur des transports collectifs, à leurs différentes échelles et tous modes confondus, se font encore et toujours attendre : il y a tant à faire. Cependant, il ne faire plus mystère de la faible appétence des différents gouvernements depuis 2017 et du chef de l'Etat pour ce sujet. On peut aussi remonter à la période 2012-2017, sans pour autant dédouaner les gouvernements antérieurs, qui ont eux aussi leur part de responsabilité. Il ne faut pas oublier que dans ses fonctions au Secrétaire Général adjoint puis de ministre de l'Economie, M. Macron a pu tirer bien des ficelles durant le quinquennat de M. Hollande... et dont le seul fait d'armes en matière de transports est la libéralisation du marché des autocars longue distance pour créer une concurrent au train.
Sur le plan ferroviaire, le besoin d'investissement sur les infrastructures ne fait aucun débat sur le fond : renouvellement, augmentation de capacité, modernisation, électrification (tiens, ça ferait un programme RAME...). Augmenter les moyens de SNCF Réseau et accepter une modération des redevances d'usage du réseau impliquerait de rompre avec l'objectif de couverture du coût complet par les seules activités commerciales. Qui plus est, ces investissements n'auraient d'effets réels au mieux qu'à la fin de la décennie... si la filière ferroviaire trouve les ressources humaines capables de les concevoir et les réalise. A cela s'ajoute la cure d'amaigrissement des effectifs de SNCF Réseau pour rentrer dans les clous de l'équilibre financier à marche forcée en 2024.
Sur l'offre, l'accroissement du nombre de dessertes supposerait que l'Etat change radicalement de position sur le modèle économique des liaisons longue distance, principalement fondé sur le principe du service librement organisé. On ne sent pas du tout l'Etat - que ce soit aux Finances ou aux Transports - consentir à s'impliquer sur les offres à grande vitesse, même en se contentant de son rôle d'actionnaire unique de l'opérateur (presque) unique. Quant aux Trains d'Equilibre du Territoire, il faudrait recourir à des investissements (en matériel roulant) pour aller au-delà de l'existant, reportant à un horizon d'environ 5 ans l'effet de mesures prises à court terme. Le transport régional n'est pas de son ressort direct mais les Régions voient leurs marges de manoeuvre budgétaires sans cesse rabotées et leurs capacités d'investissement sont obérées par la prise en charge croissante de missions qui ne sont pas en principe les leurs (le renouvellement des lignes de desserte fine du territoire).
Au-delà du strict domaine ferroviaire, la fiscalité pourrait être un levier, mais Bercy s'y oppose : transportrail l'avait rappelé dans un précédent billet.
Pour compliquer encore un peu plus l'équation, le passage à l'électricité semble désormais poser plus de questions qu'elle n'apporterait de réponses : en matière automobile, se contenter de changer le moteur sans repenser l'usage de la voiture conduira à l'impasse, les difficultés les plus visibles étant d'abord celles de la production des batteries, puis de leur rechargement, à domicile, sur des parkings publics, privés, ou dans des stations sur les routes et autoroutes. Il faudra aussi... de l'électricité, ce qui ramène aux questions de pilotage de la production en France : entre les conséquences du conflit ukrainien et les errements stratégiques français depuis 1997 (qui ont donné à une passe d'armes inédite entre le président d'EDF, le gouvernement et la Commission de Régulation des Energies à la fin de l'été dernier), il est évident que l'ambition ne sera réaliste qu'à condition d'être cohérente avec la réalité d'une situation énergétique contraintes de tous bords. Le risque réside dans ce grand écart entre une situation internationale, qui impose des actions de court terme, et des enjeux sociétaux par définition inscrits dans le long terme. Accessoirement, changer la motorisation des véhicules sans repenser l'usage, c'est entretenir - voire accentuer - la congestion sur nombre d'axes routiers et dans les grandes agglomérations.
Le rapport du COI récemment remis ne suffira pas à colmater les failles de l'(in-)action gouvernementale, qui considère que dire, c'est avoir fait. Comme mentionné dans la version écrite de tout discours officiel, « Seul le prononcé fait foi », mais on ajoutera «... et tient lieu d'action accomplie ». Et lors d'une récente visite au marché d'intérêt national de Rungis, le chef de l'Etat a annoncé une nouvelle mesure destiné à réduire le coût des carburants, à laquelle le principal groupe pétrolier français a répondu par un plafonnement des prix tout au long de l'année.
En face, il ne faut pas être dupe sur la réalité des intentions de l'Etat à relancer le secteur ferroviaire. Alors que le Plan de Relance italien table sur plus de 180 MM€ sur 15 ans, la France ne consacrerait officiellement que 100 M€ sur 20 ans... dont un quart seulement de contribution directe de l'Etat, qu'il faudra confirmer. Les modalités de financement du réseau ferroviaire restent un sujet aussi essentiel que contourné. Au-delà de ces 25 MM€, c'est à votre bon coeur... et il n'y a plus grand-monde pour croire à la sincérité des discours de Mme. Borne ou de M. Beaune.
Sans aucun doute, les vapeurs d'essence sont bien nocives...