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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

2012-2022 : 10 ans de cadencement à la française (1)

La démarche française ne résulte pas d’un projet global de service à l’échelle nationale comme ce fut le cas en Suisse mais d’un équilibre entre des volontés régionales, les orientations de l’Etat concernant le développement du réseau et la prise de conscience – tardive – des importants besoins de renouvellement des infrastructures.

Des initiatives régionales au soutien inégal

En France, le cadencement a fait ses débuts avec la régionalisation des dessertes ferroviaires. En 1999, la Région Nord Pas de Calais a instauré un horaire cadencé au départ sur l’axe Lille – Valenciennes – Hirson, avec 40% d’offre supplémentaire et une hausse du nombre de voyageurs d’environ 13% en 2 ans.

L’impulsion a été réellement donnée par la Région Rhône-Alpes au début des années 2000, en lien avec un projet de structuration des dessertes sur l’ensemble de son territoire. Son volontarisme sur les dessertes avait déjà provoqué un net accroissement du nombre de trains (+30% sur la période 1997-2006) et du nombre de voyageurs (+70%).

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Lyon Perrache - Juin 2000 - Une autre époque : la Région Rhône-Alpes était l'une des pionnières de la régionalisation ferroviaire et avait impulsé une politique volontariste d'offre, mais il fallait composer avec les matériels hérités, pas tout de première fraîcheur. Si les RRR (à gauche) faisaient encore bonne figure sur les liaisons omnibus, les BB9200 avec voitures USI conféraient aux dessertes une ambiance vintage. L'hétérogénéité des compositions sur une même mission est un puissant obstacle au cadencement. © transportrail

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Lyon Perrache - Octobre 2003 - A cette époque, parmi les fleurons du parc régional, les Z2 étaient encore très prisées, mais malheureusement pas assez nombreuses : cette série est désormais en voie de disparition après avoir rendu de bons services. © transportrail

Un arrière-goût de rivalités SNCF – RFF

Le lancement de la démarche s’est révélé difficile, car si RFF était alors ouvert aux impulsions régionales, la SNCF y était plutôt hostile. Néanmoins, en 2003, la responsabilité de la production horaire, qui était restée l’apanage de l’exploitant dans la réforme de 1997, a été transférée à RFF. Cette décision, cohérente avec les directives ferroviaires européennes, était inéluctable dans un marché en cours d’ouverture. C’était aussi la concrétisation d’une volonté de planifier de façon industrielle la capacité du réseau, au-delà de l’échéance d’un service annuel, face à une augmentation attendue du trafic, mais aussi des travaux. A l’époque, l’heure était aux lignes nouvelles à foison, le rapport de l’EPFL en 2005 révéla au grand jour l’important retard de renouvellement du réseau existant. En outre, les faiblesses dans l'exploitation du réseau suscitaient elles aussi des critiques et des expertises.

Le cadencement, c’était aussi un changement d’état d’esprit : celui du primat de l’horaire – donc du service – sur l’infrastructure. Pas évident dans un pays qui avait développé une culture inverse : rien ne ressemble plus à une LGV qu’une autre LGV, peu importe le nombre de trains qui l’empruntent… et certains effets de bord. Deux exemples, récents : 

  • la LGV Est rejoint Vendenheim en se raccordant à la ligne Strasbourg – Haguenau plutôt qu’à l’axe Paris – Strasbourg historique ;
  • la LGV entre à Bordeaux par les voies de l’axe du Paris-Orléans (via Bassens) alors qu’il aurait probablement fallu la raccorder à l’itinéraire Etat (via Sainte Eulalie) pour réduire le nombre de cisaillements (notamment pour les trains allant vers Toulouse).

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Sur la LGV Rhin-Rhône - 8 mars 2020 - Entre ouvertures de LGV et mises en chantier multiples, il y avait objectivement besoin de stabiliser un schéma horaire. Cependant, le résultat pour le voyageur a été d'un bénéfice limité car en parallèle, la SNCF a plutôt eu tendance à réduire l'offre nationale. © S. Meillasson

Il en a résulté une tension entre la SNCF et RFF : la première refusa le transfert d’une partie de ses horairistes, pour garder la main sur la production, qui incombait légalement à la seconde, qui recruta donc à l’extérieur et augmenta le recours à des consultants extérieurs… dont beaucoup de suisses !

La SNCF avançait d’abord l’argument de la viabilité de services selon un taux de remplissage moyen : le cadencement avec une desserte régulière toute la journée implique des trains d’heures creuses, moins remplis qu’en pointe, donc jugés « inutiles » si on regarde l’occupation moyenne des trains. Or ces circulations sont à coût marginal pour la collectivité (puisque les moyens de production sont structurés sur la pointe), et les voyageurs bénéficiaires, plutôt occasionnels, couvrent un peu plus les coûts que les abonnés d’heures de pointe.

Enfin, sur le plan interne, maintenir la complexité du graphique, c’était éviter une remise en question du rôle central de l’horairiste, seul capable de préserver l’équilibre du mikado existant.

Gérer l’accumulation des travaux

RFF a manifesté un intérêt croissant pour le cadencement avec l’augmentation des moyens pour la maintenance du réseau (accusant un retard considérable), l’ouverture de la LGV Rhin-Rhône et la décision politique de lancer la réalisation de plusieurs lignes nouvelles (la phase 2 de la LGV Est, les LGV vers Rennes et Bordeaux mais aussi le contournement de Nîmes et Montpellier : la capacité du réseau allait être sérieusement chahutée.

En outre, l’évolution du droit européen et l’obligation d’un traitement non-discriminatoire des demandes de sillons entre différentes activités et opérateurs, constitua un autre motif dans la démarche française. L’industrialisation de la production de sillons répondait donc à la fois aux objectifs d’optimisation de la capacité du réseau, d’une offre plus robuste et d’un contexte d’ouverture du marché ferroviaire.

Cependant, le cadencement n’est pas – comme on a pu le lire – justifié par un quelconque mouvement de « privatisation » : modifier le capital d’une entreprise n’a aucun rapport avec la construction horaire. Le lien avec l’ouverture à la concurrence et le remplacement de l’opérateur historique par des entreprises privées est aussi discutable, la Suisse prouvant l’absence de liaison de causalité.

Peu importe la bannière de l’opérateur, cette nouvelle structuration horaire est – en principe – un gage d’efficacité dans un contexte d’augmentation du trafic – un peu – et du volume de travaux à mener, beaucoup.

2007 : les premières structurations

La mise en œuvre de l’horaire cadencé en 2007, concernant aussi la Bourgogne, une partie de PACA et une partie de l’Ile de France (banlieues Sud-Est, Montparnasse et axe Paris – Poissy – Mantes) s’est déroulée de façon délicate compte tenu du nombre important de dessertes remaniées… et d’un cadencement réalisé globalement sans évolutions notables de l’infrastructure ni du matériel roulant (hormis l’arrivée de voitures de réversibilité pour le parc Corail). La production s’est révélée insuffisamment préparée et des ajustements ont dû être opérés pour rétablir une régularité satisfaisante. En Ile de France, la situation fut néanmoins rapidement appréciée, alors que l’offre progressait surtout en heures creuses et le week-end.

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Villennes sur Seine - 24 mai 2010 - Le retour d'une trame cadencée sur une base d'intervalle aux 20 minutes sur le groupe V (Paris - Poissy - Mantes) a fait partie des premières améliorations de l'offre cadencée en Ile de France, où l'effort de structuration a porté aussi et surtout sur les heures creuses et le week-end, où la hausse de la demande était la plus forte. © transportrail

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Moret Veneux les Sablons - 6 avril 2014 - L'horaire cadencé de la banlieue sud-est prévoyait une trame au quart d'heure sur le tronc commun Paris - Moret en panachant TER de Bourgogne et Transilien. Elle a été malheureusement mise à mal par la modernisation du poste de la gare de Lyon : ou quand l'automatisation aboutit à faire moins bien qu'un poste mécanique. Fini le cadencement rigoureux, bonjour les intervalles variables, à cause d'un débit passant d'un train toutes les 3 minutes à un train toutes les 4 minutes. © transportrail

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Moirans - 13 novembre 2010 - L'arrivée des matériels modernes, comme les TER2Nng, a amorcé une rationalisation des séries qui est nécessaire afin de produire un horaire cadencé performant. Sur la liaison Lyon - Grenoble, les offre directes ont eu une existence éphémère faute de clients suffisants sur une ligne où les arrêts intermédiaires dominent la structure du trafic. © transportrail

Au-delà, en Lorraine, une approche singulière a été mise en œuvre dans le CPER 2007-2013 comprenant un important volet d’études en vue d’une réalisation dans la période 2015-2020, en lien avec la réalisation de la phase 2 de la LGV Est et les effets de la réalisation de la LGV Rhin-Rhône. Il fallait intégrer les gares de Nancy et de Metz dans la structuration des nœuds de Strasbourg, Bâle et Lyon. Ainsi, il fut choisi de faire de Metz un nœud 00/30 et de Nancy un nœud 15/45 supposant un temps de parcours de 40 minutes entre Nancy et Metz. La demande d’un cinquième train par heure entre ces deux villes, supposant une troisième voie sur 8 km dans le secteur de Pagny sur Moselle, fut mise dans la balance avec un autre scénario capacitaire (adopté ultérieusement) : l’allongement des quais pour former des UM3 de Z24500 tricaisses, et finalement l’acquisition des Z26500 pentacaisses de Normandie.

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Evidemment, dans cette période, il fallut aussi faire face à une multiplicité de demandes, plus ou moins raisonnables, nécessitant quantité d’études pour faire le tri… et nombre de réunions réunions pour expliquer que certaines élucubrations ne pouvaient résister à la réalité ferroviaire.

Suite du dossier

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