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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

19 août 2017

X2800 : le roi des autorails a 60 ans

X2800 : pour nombre de ferrovipathes, les oreilles bourdonnent déjà du son rauque du moteur MGO à sa seule évocation. Ces 119 autorails construits entre 1957 et 1962 ont une cote en or auprès des amateurs, qui ont parfois du mal à tourner la page. Il est vrai qu'ils constituent la série la plus aboutie - et la plus puissante - des autorails unifiés de la SNCF, construits pendant plus de 35 ans, destinés à améliorer les performances sur les services omnibus et express en réduisant les prestations de la vapeur.

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Lavoute sur Loire - 25 septembre 1995 - L'X2800, roi des autorails, meilleur grimpeur de sa catégorie, c'est aussi l'occasion de présenter les plus jolis points de vue des lignes de montagne du réseau français. Ici, avec 2 remorques, l'un d'eux franchit la Loire sur la ligne St Etienne - Le Puy. © C. Wenger

Faisant feu de tout bois, à peu près sur tout le territoire français à l'exception du Nord, les X2800 ont quand même fait des lignes de montagne leur terrain de jeu favori, donnant de la voix en solo, accompagnés de remorques ou d'autres séries d'autorails.

Leurs qualités poussèrent la SNCF à rénover ces engins dans les années 1970 pour remonter leur standing et casser l'image désuète de leurs aménagements intérieurs, eux aussi unifiés avec banquettes en skai à 5 places de front et paniers à bagages métalliques. Le coup de jeune rapprochait leur niveau de confort de celui des matériels Grandes Lignes, au moment où arrivaient les voitures Corail.

Increvables, les X2800 ont joué les prolongations compte tenu du lancement tardif de la production de nouveaux autorails. Certes, les EAD ont été fabriqués jusqu'à l'orée des années 1980, décennie dominée dans cette catégorie par les X2100 et X2200 qui ne furent pas une grande réussite. Malgré leurs 30 ans d'âge, les X2800 surclassaient ces jeunes loups qui purent au mieux jouer les seconds rôles face à celui qui devenait de fait le roi des autorails. Les X72500 et X73500 lancés tardivement et non sans difficultés, ne réussirent pas à les mettre au rebut : la régionalisation créait un appel d'air imposant aux séries anciennes de jouer les prolongations. Bilan, ce n'est qu'en 2009 que les derniers X2800 quittèrent le service régulier, entre Besançon et Le Locle, "posant les armes" après l'arrivée des AGC.

Cependant, avec 20 engins préservés, il n'est pas rare d'entendre encore le rugissement de leur moteur, à la faveur de sorties spéciales de trains touristiques ou de manifestations ferroviaires.

Pour le 60ème anniversaire de leur mise en service et 55 ans après la livraison du dernier engin, l'X2800 ouvre la série "vieilles gloires" des dossiers de transportrail. Bonne lecture !

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17 août 2017

Locomore repris par Leo-Express

"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme". Le principe de Lavoisier semble se vérifier avec la reprise de l'activité de Locomore, l'entreprise ferroviaire allemande née par crowdfunding, qui opérait une relation quotidienne entre Berlin et Stuttgart. Malgré de bons résultats, avec 70 000 voyageurs transportés en 6 mois, Locomore avait déposé le bilan.

C'est donc l'opérateur privé tchèque LeoExpress qui vient à la rescousse de la start-up allemande. La commercialisation du service sera réalisée au moyen d'un partenariat pour le moins étonnant puisque c'est Flixbus qui s'en chargera au moyen d'une nouvelle structure baptisée FlixTrain proposant des partenariats avec LeoExpress naturellement mais aussi l'autrichien Westbahn et la régie des transports de Cologne KVB.

En principe, la relation devrait reprendre le 24 août prochain avec une desserte assurée du jeudi au dimanche dans un premier temps.

15 août 2017

Italie : Trenitalia récupère les Fyra

Fierté italienne ? Peut-être. On se souvient dans quelles conditions les rames Fyra, commandées par les NS et la SNCB pour assurer une relation à 250 km/h entre Bruxelles et Amsterdam par la ligne à grande vitesse, avaient finalement été retirées du service en 2013, après quelques mois d'exploitation. On se souvient aussi du différend entre les commanditaires et le constructeur AnsaldoBreda dont le matériel perdait des morceaux en roulant.

Entre temps, les activités de construction ferroviaire d'AnsaldoBreda ont été reprises par Hitachi. On apprend ce mardi que Trenitalia a décidé de racheter 17 des 19 rames pour contribuer à la desserte entre Rome, Naples et la province des Pouilles.

Les rames étant de naissance aptes au 25 kV 50 Hz et au 3000 V continu, la compatibilité en est facilitée. Hitachi s'est engagé à assurer la remise en service, la mise au type (pour le réseau italien) et la maintenance pour 5 ans, avec une option au contrat pour 5 années supplémentaires. Les Fyra remplaceront des ETR485 et ETR600 qui seront redéployés. Les 17 rames devraient être mises en service d'ici la fin d'année 2018.

10 août 2017

Niort - Saintes - Royan : en passant par la Charente

Curieux destin pour cette ligne qui, officiellement, est toujours désigné sous le numéro 500 000 comme la ligne de Chartres à Bordeaux : son exploitation en pointillés est la conséquence de la suprématie de l'axe historique de la compagnie Paris - Orléans, via Les Aubrais, Saint Pierre des Corps, Poitiers et Angoulême sur celui qu'avait voulu constituer - un peu de bric et de broc - la compagnie de l'Etat via Chartres, Saumur, Niort et Saintes.

transportrail se consacre aujourd'hui à la section de Niort à Saintes et son extension à Royan. Certes, la section Saintes - Royan est administrativement et géographiquement distincte, mais l'histoire récente a voulu lier leur destin. Sur la pression d'élus locaux - dont certains ont pris par le passé du galon ministériel - cherchant à mettre en avant leur territoire d'élection, le principe selon lequel l'électrification amènera ipso facto le TGV a été érigé en priorité régionale depuis le début de ce siècle. Certes, il y avait bien jusqu'en 2014 une liaison estivale par train Corail de Paris Austerlitz à Royan. Il fallut quelques années pour faire admettre aux promoteurs du projet qu'investir 183 M€ pour électrifier les lignes Niort - Saintes, Angoulême - Saintes et Saintes - Royan, pour une seule relation TGV par jour en haute saison et par semaine en basse saison, ne pouvait être considéré comme une opération pertinente. Le trafic régional n'avait pas grand chose à gagner compte tenu du bon niveau de performances en traction thermique des automoteurs modernes.

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Niort - 3 février 2017 - On reste bien sous l'abri (qui n'abrite pas grand chose d'ailleurs) en gare de Niort car il pleut à ne pas mettre un photographe dehors. Mais à transportrail, il en faut beaucoup pour nous faire renoncer. Le B81675/6 assure ce jour le TER Niort - Royan en correspondance quai à quai avec le TGV Paris - La Rochelle. © transportrail

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Saintes - 3 février 2017 - Les pendules ne sont pas à l'heure sur les quais de la gare, mais les trains le sont. Le TER Niort - Royan déverse un nombre important de voyageurs en attente d'une correspondance pour Bordeaux.© transportrail

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Royan - 3 février 2017 - Départ du TER Royan - Angoulême assuré par 2 AGC (81689/90 et 81705/6). On note les installations de la gare surabondantes par rapport aux besoins : souvenir d'une activite de marchandises et de messageries depuis disparue... © transportrail

Et le fret ? Le projet Autoroute Ferroviaire Atlantique (AFAT pour intimes) devait transiter par Niort et Saintes pour éviter la mise au gabarit des tunnels de l'axe Paris - Bordeaux. Mais imposer 2 relais-traction à Poitiers et Bordeaux pour cause de hiatus thermique aurait probablement plombé l'attractivité du service, et le projet picto-charentais n'y aurait rien changé puisqu'il ne s'intéressait pas à la section Saintes - Bordeaux. Les turpitudes du projet AFAT ont eu au moins l'avantage de faire réfléchir : la rectification du gabarit des tunnels entre Poitiers et Bordeaux a été mise à l'étude. Point d'AFAT donc sur Niort - Saintes, ce qui ne veut pas dire pas de fret car la création du terminal combiné de Niort valorise progressivement l'itinéraire avec ses liaisons bi-hebdomadaires vers la Méditerranée.

Alors, sans caténaire et sans AFAT, quel avenir possible pour Niort - Saintes ? D'abord, pérenniser la ligne en assurant le renouvellement de l'infrastructure, pénalisée par des ralentissements à 60 km/h (au lieu de 100 km/h). Sur le plan budgétaire, les 62 M€ réservés dans le CPER pour l'électrification sont largement suffisants pour cet axe. Sur Saintes - Royan, les travaux sont prévus dès novembre 2017 et jusqu'en avril 2018 pour lever les restrictions de vitesse et préparer un relèvement à 140 km/h apparu pour le TGV mais qui garde tout son sens pour le trafic régional (inouï non ?). Sur cette infrastructure renouvelée, l'adage selon lequel il vaut mieux de bonnes correspondances cadencées qu'une mauvaise liaison directe pourrait une nouvelle fois être appliqué.

La suite dans notre nouveau dossier qui attend vos commentaires !

5 août 2017

Faire plus ou faire mieux ?

D'habitude, dans les colonnes de transportrail, on se félicite plutôt d'une augmentation de la desserte, qui plus est sur une ligne régionale. Mais là, une fois n'est pas coutume, il y a de quoi être perplexe.

Dans la série "faire plus ne veut pas forcément dire faire mieux", la liaison Guéret - Felletin a attiré notre attention. Historiquement connue du petit monde des amateurs de la chose ferroviaire car première ligne de France cadencée mais aux 24 heures, la nouvelle desserte ne manque pas de curiosités.

Depuis le 2 juillet, la Région Nouvelle Aquitaine a doublé l'offre... c'est à dire qu'il y a maintenant 2 allers-retours en semaine... mais pas le jeudi, et plus aucune circulation le week-end alors qu'il existait un aller-retour sur deux jours, le samedi matin vers Felletin et le dimanche soir vers Guéret pour les élèves des internats.

Plus en détails, le nouvel horaire est le suivant, assuré par une seule rame :

  • Guéret 10h03 - Felletin 10h55 / 11h39 - Guéret 12h31
  • Guéret 14h21 - Felletin 15h13 / 17h35 - Guéret 18h21

Bref, une offre en heure creuse uniquement, qui ne peut donc répondre à aucun besoin de déplacement de travail ou scolaire. Alors, une desserte conçue pour donner correspondance pour Paris ? Pas mieux, car si cela fonctionne dans le sens Felletin - Paris avec des correspondances courtes, en sens inverse, il n'y a pas de véritable solution. De toute façon, la desserte par autocar direct Felletin - Aubusson - Guéret - La Souterraine simplifie le trajet du voyageur... à condition qu'il accepte 1h45 de parcours routier.

Une question en suspens : quelles sont les arguments en faveur de cette évolution de la desserte d'une ligne qu'on dit souvent condamnée mais qui résiste encore ?

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31 juillet 2017

Atlantique 2017 : ça commence mal ?

Le plantage de la gare Montparnasse hier a évidemment fait les choux gras des médias qui n'ont pas grand chose à se mettre sous la dent en été, qui plus est un dimanche. Ceci dit, l'incident est suffisamment sérieux pour être relaté, et il tombe mal, sur l'un des deux week-ends du traditionnel chassé-croisé entre juilletistes et aoutiens.

Premier effet médiatique, il met dans l'ombre les résultats du 1er semestre 2017 marqués par une hausse du trafic de 8,4% par rapport au 1er semestre 2016, quoique celui-ci ait été émaillé de nombreuses grèves. Le remplissage des TGV a progressé de 4 points. SNCF Mobilités en a profité pour réitérer son couplet sur le niveau trop élevé des péages (40% des recettes), sur le déficit de la majorité des relations TGV (deux tiers seraient concernées) et sur l'examen d'une réduction des dessertes, et pas seulement sur les Intersecteurs.

Cependant, l'incident de ce 30 juillet à Paris Montparnasse n'est pas vraiment ordinaire, d'abord par son ampleur, mais ensuite par son contexte. Il survient à peine un mois après la mise en service des 2 LGV BPL et SEA présentées comme la "révolution" ferroviaire de l'arc Atlantique. Or le bilan de la production sur ce premier mois n'est pas glorieux : il y a déjà eu un autre incident lourd le 17 juillet, concernant cette fois la caténaire, et l'examen de la régularité des trains donne quelques sueurs froides. La régularité au départ oscille entre 50 et 60%,  et entre 60 et 70% à l'arrivée. Certes, la production a été largement réorganisée mais on n'a pas connu pareilles difficultés depuis la mise en service de la LGV Méditerranée en 2001. Roulements des rames jugés trop tendus, difficulté à respecter les durées normées de certaines opérations (coupe-accroche à Poitiers) et à jongler entre la LGV et la ligne classique pour les dessertes intermédiaires.

Autant dire que le diagnostic du rapport sur la robustesse de l'exploitation - que nous aborderons prochainement dans un dossier spécial - résonne déjà dans certaines têtes. D'autres ne manqueront pas de souligner que 11 MM€ ont été investis pour réaliser SEA et BPL, et que 100 M€ ont été consacrés - seulement ? - à la tête de ligne parisienne, confirmant l'impérieuse nécessité de moderniser le réseau classique et de faire une pause dans les grands projets.

29 juillet 2017

Limousin : les étranges conclusions de la Mission Delebarre

Suite à l'enterrement - laborieux - du projet de LGV à voie unique entre Poitiers et Limoges, l'ancien gouvernement avait chargé le sénateur Michel Delebarre - qui fut ministre des transports dans les années 1990 - d'une mission sur la desserte du Limousin afin de proposer une nouvelle trajectoire.

Sans surprise, il entérine l'abandon de la LGV au bilan économique négatif, même si elle ne coûtait "pas cher"... ce qui semble au moins montrer qu'on n'évalue pas les projets "au kilo". L'hypothèse POCL est écartée tout simplement car trop incertaine et trop lointaine.

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Limoges Bénédictins - 26 septembre 2015 - L'accès à Limoges au centre de ce rapport : après l'abandon d'un TGV très - trop - politique, il va falloir remettre de l'intelligence sur le réseau classique. © E. Fouvreaux

Ce rapport contient une analyse assez complète des forces, faiblesses et potentialités du réseau ferroviaire, sans se limiter à la question de l'accès à Paris : SNCF Réseau a manifestement profité de l'occasion pour attirer l'attention sur l'importance des relations entre le Limousin et Bordeaux d'une part et vers Lyon d'autre part. Sur la base d'une approche progressive de la performance, SNCF Réseau considère que la combinaison de la modernisation engagée de l'axe POLT, de l'arrivée d'un nouveau matériel automoteur sur la ligne et d'une révision de la conception de la marge de régularité permettraient de placer Limoges à 2h45 tout au plus de Paris avec des trains sans arrêt et 2h55 avec 2 arrêts.

Pour autant, les préconisations de cette mission remettent en scène une proposition écartée lors du débat public de la LGV Poitiers - Limoges, à savoir un TGV empruntant la LGV de Paris à Poitiers puis la ligne existante Poitiers - Limoges modernisée. Le coût de cette opération est très élevé, 750 M€, puisque la ligne n'est pas au gabarit ni de l'électrification ni des matériels à deux niveaux. Le rapport considère qu'il serait possible de ramener le temps de parcours Poitiers - Limoges à 1h en améliorant l'infrastructure existante, ce qui permettrait de relier Paris à Limoges en 2h20 par des TGV "autonomes".

Or cette perspective est contrariée d'abord par le faible marché qui avait abouti à la solution de rames couplées à Poitiers avec des TGV Paris - La Rochelle ou Paris - Bordeaux desservant Poitiers, et ensuite par la capacité résiduelle limitée sur Paris - Courtalain, le tronc commun de la LN2, du moins tant qu'ERTMS niveau 2 n'y est pas déployé et tant que les TGV Atlantique moins performants n'ont pas disparu. En réalité, il faut plutôt miser sur un temps minimum de 2h30... et encore en considérant acquise la possibilité de ramener le temps de parcours sur la ligne classique à une heure. Il est permis d'en douter puisqu'il faudrait a minima relever la vitesse à 140 voire 160 km/h sur une ligne conçue au mieux pour 100 km/h.

En revanche, il ne semble plus question de proposer un TGV par heure, mais seulement 4 à 5 allers-retours dans la capacité résiduelle de la desserte TER Poitiers - Limoges.

Surtout, cela n'a pas l'air d'effrayer la mission Delebarre qui, au contraire, considère que viser 2h45 sur POLT est au-delà du raisonnable compte tenu du coût des travaux sur POLT. Légèrement incohérent... et particulièrement consommateur de budget : le programme de modernisation de l'axe POLT représente près d'un milliard d'euros d'investissement, auquel il faudrait ajouter au moins 750 M€ pour la transformation de la ligne Poitiers - Limoges... pour un nombre de circulations assez modeste. Certes, les TER Poitiers - Limoges seraient aussi bénéficiaires de l'amélioration des performances de l'axe, mais les conclusions du rapport semblent tout de même assez orientées par principe en faveur d'un tracé via Poitiers.

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Brive la Gaillarde - 26 septembre 2015 - Comment améliorer les performances sur POLT ? SNCF Réseau a des propositions, optimisant le programme de renouvellement déjà prévu et en misant sur l'arrivée du nouveau matériel automoteur, qui intrinsèquement peut déjà faire gagner 6 minutes entre Paris et Brive. Si des relèvements de vitesse restent possibles au nord de Limoges, la définition de la marge de régularité est bien le premier foyer de gain de temps sur l'axe. Sujet sensible... © transportrail

On notera enfin que le rapport préconise la relance de la liaison TGV Brive - Limoges - Roissy - Lille, l'amélioration de la desserte aérienne de Limoges et Brive et l'achèvement des travaux de mise à 2 x 2 voies de la RN147.

Etonnantes conclusions...

Evidemment, certains vautours s'emparent du dossier pour promouvoir Hyperloop en annonçant une réalisation possible en 2025 et Limoges à 25 minutes de Paris. Hyperloop entourloupe ?

"Un homme d'action ne devrait jamais s'égarer dans le concret. L'âme des affaires, c'est l'abstrait : l'abstrait, il n'y a que cela de vrai. Il est cent fois plus facile de morceler le cosmos à l'usage des claustrophobes que de vendre un terrain à Barbizon !" (Michel Audiard par la voix de Paul Meurisse, Quand passent les faisans)

29 juillet 2017

Espagne : 25 ans de grande vitesse ferroviaire

C'était le 21 avril 1992 : pour la première fois, un train à grande vitesse AVE - Alta Velocidad Española - reliait Madrid à Séville en 2h30. Cette mise en service coïncidait avec le début de l'Exposition Universelle de Séville et les Jeux Olympiques d'été, quoique ceux-ci se tenaient à Barcelone. Elle marquait une évolution majeure du réseau espagnol : première ligne à grande vitesse, première ligne à écartement européen, bref un symbole de modernité, dans un pays plutôt mal lôti sur le plan ferroviaire, et d'intégration européenne. 25 ans plus tard, l'Espagne dispose du premier réseau ferroviaire à grande vitesse d'Europe, le deuxième du monde derrière la Chine, avec 3240 km de lignes à écartement européen de 1435 mm.

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Réseau à grande vitesse espagnol en 2016 et extensions projetées ou en travaux.

Censé incarner la décentralisation de l'Etat, la géographie du réseau, hypercentralisé sur Madrid, renforce au contraire la capitale, qui gagne en accessibilité depuis les différentes Provinces. De ce point de vue, il existe une forte analogie entre les deux côtés des Pyrénées. Ce n'est pas la seule.

Comme en France, le devenir de la grande vitesse fait question. En un quart de siècle, pas moins de 51,7 MM€ ont été investi pour constituer ce réseau, avec une large participation de l'Union Européenne. Néanmoins, hormis la relation entre Madrid et Barcelone, le réseau est structurellement déficitaire et accumule déjà 16 MM€ de dette. En 2016, la RENFE a transporté environ 20 millions de passagers à bord de ses AVE, soit 6 fois moins que la France qui dispose d'un réseau d'un tiers moins étendu : 6172 voyageurs / km / an en Espagne contre un peu plus de 50 000 en France. Mais, comme en France, on peut aussi se demander quelle serait le niveau d'activité ferroviaire si le réseau à grande vitesse n'avait pas vu le jour.

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Seville Santa Justa - 22 février 2013 - L'évolution de la grande vitesse ferroviaire espagnole en image avec à droite une rame type TGV Alstom et à gauche un élément série 112 "pato" constitué d'une rame Talgo et de motrices Bombardier. © transportrail

Comme en France, le manque d'investissement sur le réseau conventionnel est mis en exergue : ADIF, le gestionnaire d'infrastructures, ne dispose que de 800 M€ pour la maintenance et le renouvellement du réseau historique, long d'un peu plus de 12 000 km, alors que l'Etat investit en moyenne chaque année 3 fois plus pour le développement du réseau à grande vitesse. La crise économique des années 2000 a néanmoins ralenti le rythme des constructions par rapport aux perspectives initiales mais est resté tout de même parmi les opérations relativement épargnées par les différents gouvernements. On peut par exemple mesurer cette réduction du rythme au travers des tergiversations sur le Y basque.

En revanche, on peut noter une différence notable entre la France et l'Espagne. La première ligne Madrid - Séville avait retenu le matériel français (une déclinaison du TGV Atlantique) et une signalisation allemande (LZB). Pour la deuxième ligne vers Barcelone, la RENFE avait retenu le matériel Siemens (Velaro) d'emblée équipée en ERTMS. Ensuite, CAF et Talgo, ce dernier d'abord en association avec Bombardier puis de façon autonome, ont développé leurs propres solutions de matériel à grande vitesse. Au nord des Pyrénées, Alstom règne en maître sur la grande vitesse française et les quelques entorses ont été fortement médiatisées (cas de l'affaire Eurostar).

 

Autre différence et de taille : compte tenu de la différence d'écartement avec les autres pays européens, l'Espagne s'est véritablement engagée dans la construction d'un second réseau ferroviaire, présentant un fort niveau d'étanchéité avec le réseau classique. Certes, certains matériels sont à écartement variable et peuvent s'affranchir de l'obstacle technique, mais le réseau AVE n'est guère comparable avec le réseau TGV français qui est fortement interconnecté avec le réseau classique. Il en résulte des conditions d'embarquement différentes, plus proches de l'avion, une régularité exceptionnelle compte tenu du nombre de circulations relativement limité et de la faiblesses des interdépendances, mais aussi par une méthode de tracé de l'horaire qui exporte la marge de régularité en bout de ligne pour éviter à la RENFE le remboursement intégral du billet en cas de retard de plus de 5 minutes.

L'Espagne ne semble pas renoncer au développement de ce second réseau : restent à mettre les moyens à hauteur de l'ambition (atteindre 10 000 km de lignes à écartement européen à plus de 250 km/h) et à statuer sur le devenir du réseau historique, particulièrement concurrencé par les compagnies d'autocars longues distances.

28 juillet 2017

Dol - Lamballe : bonnes nouvelles

Nous avions récemment publié un dossier sur cette ligne. Et les dernières nouvelles sont plutôt bonnes. Le plan de financement du renouvellement est acté entre l'Etat, SNCF Réseau, la Région Bretagne et la Communauté d'Agglomération de Dinan, à hauteur de 62 M€. Une première phase de travaux d'ici 2021 traitera la section Dol - Dinan, précisément entre Dol et Pleudihen, pour un montant de 26 M€. Non seulement le ralentissement à 60 km/h au lieu de 80 sera levé mais la vitesse sera relevée au potentiel du tracé, soit 120 km/h. La section Dinan - Lamballe bénéficiera de 36 M€ mais les travaux seront réalisés ultérieurement : la section restera parcourue à 60 km/h alors que des vitesses de 110 à 140 km/h seraient possibles.

27 juillet 2017

Grand Est amorce une nouvelle politique des transports

La Région Grand Est constitue l'une des plus vastes nouvelles entitées issues de la réforme territoriale. Surtout, elle est confrontée à la position très excentrée de sa capitale régionale Strasbourg, qui n'exerce qu'une faible influence sur les villes situées les plus à l'ouest de la Région, notamment Reims, Chalons en Champagne, Charleville-Mézières et Troyes, en un mot les villes de l'ancienne Région Champagne-Ardenne, les plus concernées par la polarisation parisienne. Une étude a été confiée à SYSTRA pour proposer une recomposition de la desserte ferroviaire sur l'ensemble de la Région Grand Est, avec un intérêt manifestement assez poussé pour le réexamen complet des liaisons intervilles sur ce territoire.

On sait déjà que dans le cadre de la reprise de la compétence sur l'axe Paris - Belfort, la Région a d'ores et déjà décidé pour 2018 le prolongement de Belfort à Mulhouse de ces trains et l'ajout d'une cinquième relation. Il serait également question de repenser les dessertes sur la ligne historique Paris - Strasbourg en s'appuyant notamment sur l'offre TER Vallée de la Marne reliant Paris à Chalons en Champagne et Bar le Duc : l'idée de liaisons Paris - Strasbourg caboteuses fait son chemin et semble devoir être mise en place à relativement brève échéance car Intercités ne cache pas que la liaison du week-end entre Paris et Strasbourg ne revêt qu'un caractère temporaire (tant qu'il y a des Corail en nombre suffisant et en état technique correct). Il est aussi question de revoir profondément la desserte transfrontalière, ce qui ne serait pas du luxe au regar de l'importance des échanges de proximité avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et la Suisse. Nous avions déjà évoqué le sujet dans un précédent article.

A plus court terme, la Région doit faire face au manque d'anticipation de la SNCF devant l'échéance d'obligation d'utiliser du matériel équipé ERTMS pour circuler au Luxembourg. Les CFL ont déjà largement avancé sur l'équipement de leur parc, y compris les TER2Nng tricaisses acquisses par les CFL. En revanche, on ne peut que déplorer une certaine passivité sur le sujet au point d'en arriver à la situation extrême : le risque de voir interdites les rames françaises sur le réseau CFL qui n'acceptera plus que les matériels équipés ERTMS à compter de 2021. De quoi faire désordre sur l'axe Nancy - Metz - Thionville - Luxembourg...

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Metz Ville - 2 mars 2017 - La Z2201 des CFL, tête de série des TER2Nng luxembourgeoises, fait partie d'une commande de 22 rames passées avec la SNCF. L'intégralité de ce parc a été équipé ERTMS (à l'exception de la 2207 accidentée à Dudelange en attente de réparation).© transportrail

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Saint Louis - 1er juin 2009 - Arrivée d'une rame Corail du TER200 assurant une liaison Strasbourg - Bâle. La Région Grand Est n'a pas l'air convaincue par la solution automotrice pour les rames de grande longueur et de grande capacité. Un retour en grâce de la rame tractée n'est pas à exclure... © transportrail

Résultat, en l'absence de politique nationale d'équipement du matériel roulant en ERTMS, la Région Grand Est a décidé de financer à hauteur de 5,5 M€ l'équipement de son parc à commencer par les TER2Nng tricaisses (pour les plans, ce ne sera pas bien difficile puisque les CFL l'ont déjà fait...).

En outre, pour faire face à l'augmentation des besoins, la Région Grand Est va racheter les 12 TER2Nng quadricaisses de la Région Centre, qui devrait prochainement confirmer une nouvelle commande de Régio2N pour l'axe Paris - Chartres - Le Mans.

Enfin, en lien avec le renouvellement des voitures Corail, l'hypothèse de rames tractées neuves semble toujours faire son chemin, à rebours des acquisitions réalisées depuis plus de 30 ans. Les discussions semblent se poursuivre avec d'autres Régions pour évaluer la possibilité d'un tel marché, qui supposerait de concevoir des voitures à 2 niveaux nouvelles, au gabarit français, et de lancer aussi un marché de locomotives. A ce sujet, vous pouvez retrouver notre dossier Rame tractée ou automotrice ?

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