Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
financement des transports publics
9 avril 2022

Spécial Présidentielle : quels engagements ?

Soit le vide, soit les incantations habituelles : les programmes des 12 candidats à l’élection présidentielle sont faciles à résumer quand il s’agit d’évoquer le volet Transports.

La conjonction entre l’urgence climatique et la géopolitique (avec le conflit Russie – Ukraine) devrait pourtant être bénéfique… sur le papier. Accélérer la décarbonation des transports et les investissements afin que le réseau ferroviaire soit un maillon fort de la mise en œuvre de cette stratégie devrait être une évidence. Ce n’est pas le cas.

Un vrai plan de modernisation du réseau ferroviaire

Le contrat Etat – SNCF Réseau est sous-dimensionné et entrainera à brève échéance des mesures radicales. Impossible de dire « on ne savait pas » : l’audit du réseau date de 2005, a été actualisé par deux fois, le sera bientôt une troisième. Quand l’UTP évoque 6 MM€ par an pour renouveler et moderniser le réseau, elle a raison. Ce devrait être le « programme minimum ». Il est ambitieux car accorder l’enveloppe est une chose, disposer de la capacité à réaliser les travaux – en d’autres termes avoir les effectifs – en est une autre, et on sait que la tendance a plutôt été à la contraction ces dernières années. L’externalisation n’est pas une facilité, car elle suppose aussi une évolution en profondeur de la maîtrise d’ouvrage à SNCF Réseau.

Investir sur l’infrastructure, pour la renouveler et la moderniser, est une chose. Il faudra en accepter les conséquences… à condition que l’organisation des chantiers progresse et se dote de moyens d’intervention limitant les restrictions capacitaires comme c’est trop le cas aujourd’hui, même sur le réseau structurant (où on peut atteindre les 9 heures de coupure du service en journée…).

Cela veut aussi dire que l’équipement du réseau devra gagner en résilience : s’il fallait retenir deux illustrations, nous évoquerions

  • d’abord les itinéraires alternatifs pour reporter le fret (et ses espoirs) lors ses travaux sur les axes principaux. Exemple : la section Paris – Chalindrey de l’axe Paris – Bâle pourrait, si elle était électrifiée jusqu’à Chalindrey, être un « plan B » tant pour Paris – Dijon que pour Paris – Nancy :
  • ensuite l’équipement des lignes avec au moins des IPCS voire la banalisation du réseau, qui vient rencontrer la stratégie de modernisation de la signalisation… et télescoper le discours un peu trop abrupt du président de SNCF Réseau qui fait la chasse zélée aux aiguillages.

Autre angle mort : l’électrification. Si on se fie aux démarches en Italie et en Allemagne, il faudrait comme eux envisager d’électrifier 10 à 15 % de lignes supplémentaires – donc 2500 km en hypothèse haute - soit de façon continue, soit de façon ponctuelle, couplée soit à des trains à batteries soit, dans un premier temps, à des trains bimodes classiques dont le carburant serait un peu moins émetteur que le gasoil. De la sorte, la part des circulations voyageurs en traction électrique devrait pouvoir atteindre 90%. Pour le fret, cet effort permettrait de mettre sous tension la grande rocade de contournement de l’Ile-de-France (qui pèserait à elle seule 40% du linéaire à équiper). C’est aussi indispensable pour les RER (on pensera à Toulouse – L’Isle- Jourdain ou La Grave – Saint-Mariens).

Répondre aux besoins des territoires, de leur population, de leurs activités

Le service en est une autre : là aussi, la stratégie de décarbonation impose une rupture majeure délaissant la tendance au malthusianisme ferroviaire. Dans le domaine du transport régional, l’objectif devrait être de fournir une capacité d’au moins un train par heure et par sens sur toutes les lignes, ce qui concerne évidemment d’abord les lignes de desserte fine du territoire dont certaines n’admettent au mieux que 11 trains par jour. Le développement des RER autour des grandes villes viserait la généralisation de la cadence à la demi-heure dans les bassins périurbains, du lundi au samedi, et au moins à l’heure le dimanche. La cadence au quart d’heure semble à manier avec parcimonie et supposerait de toute façon d’importants travaux capacitaires, à quelques exceptions bien spécifiques.

Pour les dessertes nationales, l’Etat considère que le maillage relève d’abord de services librement organisés, ce qui lui évite d’avoir à intervenir notamment sur le financement du matériel et des circulations. Seuls les Trains d’Equilibre du Territoire sont de son ressort avec un volontarisme particulièrement prudent. Incarnation : Nantes – Bordeaux, où il vante le passage de 3 à 4 allers-retours – alors qu’il en faudrait au moins 8 – sans assurer le retour à un temps de parcours de 3h50 (soit 30 minutes de moins qu’en 2022). La relance des trains de nuit reste encore nébuleuse : l’essai devra être transformé, mais la mise de fond est tout de même élevée. Bref, pas de liaisons diurnes avec moins d’un train toutes les 2 heures sur les liaisons nationales devrait être le maître-mot.

Le rôle de la puissance publique… même dans un contexte libéralisé

Mais qui en portera la responsabilité ? Une nouvelle gouvernance devient légitime au titre de la transition énergétique des mobilités et de la réduction des consommations d’énergie fossiles. Il semble urgent d’embrasser ce dossier et de sortir de l’alternative stricte entre la délégation de service public (comme pour les Trains d’Equilibre du Territoire) et les services librement organisés. Illustration assez probante avec Bordeaux – Marseille, comptant parmi les « gagnantes » des annonces de l’Etat sur GPSO et LNMP : si cette offre passe à la grande vitesse, doit-elle pour autant nécessairement basculer dans le domaine des services librement organisés ? Les liaisons province-province semblent une cible de choix de cette réflexion, déjà abordée par transportrail.

La question de la libéralisation devient « presque » secondaire, car elle impose de fait une puissance régulatrice, soit pour piloter des délégations de service public soit pour éviter une concurrence sauvage uniquement sur les marchés compatibles avec des services librement organisés. Elle est d’ailleurs aussi indispensable pour éviter les dérives dans les contrats : l’expérience en Allemagne a montré quelques limites et le besoin de « garde-fous » pour éviter les situations difficiles pour les voyageurs (pérennité du service) et la sphère politique (avec les enjeux territoriaux). Le schéma espagnol (« plus tu veux de sillons Madrid – Barcelone, plus tu dois t’engager sur les autres relations ») n’est pas inintéressant et pourrait constituer un compromis encadré.

Adapter l’offre aux territoires… et réciproquement

Agir sur ce qui relève de la technique ferroviaire et de l’organisation du service est assurément nécessaire, mais pas suffisant. Il faudra aussi questionner les logiques d’aménagement du territoire à ses différentes échelles, favoriser une certaine densité à proximité des réseaux de transports collectifs, combiner les modes collectifs, partagés et individuels pour l’accès aux gares et pôles d’échanges en tenant compte des diversités territoriales : les solutions ne sont pas les mêmes selon qu’on doive faire 3 km ou 30 pour accéder à la gare. La sobriété énergétique des mobilités est étroitement liée à celle de l’organisation territoriale et de la qualité de l’habitat. Les usages changent aussi avec une part de déplacements domicile-travail qui diminue avec l’augmentation de la part du télétravail (du moins pour les activités compatibles), tandis que d’autres motifs vont augmenter : évidemment celui des loisirs (en lien avec une réduction de l’appétence pour des déplacements lointains et en avion), et celui des motifs privés, parfois adossés à ceux liés au travail. Le télétravail induit aussi une évolution des pratiques de déplacement, justifiant encore plus le développement des dessertes hors période de pointe.

Bref, des déplacements moins émetteurs, sur des distances maîtrisées entre des lieux à faible consommation énergétique, voilà un triptyque qui devrait être au cœur des politiques publiques, d’autant qu’elle serait également vertueuse sur le portefeuille des ménages ! Mais depuis combien d’années – décennies ! – est-il connu ?

« Nous n’avons plus que ça au bout de notre impasse »

Evidemment, il faudra bien plus que les 5 ans du prochain quinquennat pour réaliser cette transformation… mais il faut l’engager et le temps est de plus en plus compté. La routine est une facilité, y compris électorale, mais elle est de moins en moins admissible face aux enjeux sociétaux qu’il va falloir affronter, sans compter les phénomènes géopolitiques qui pourraient surgir et en accentuer l’urgence. « Le moment viendra… »

Publicité
Publicité
28 mars 2022

Normandie : une baisse de l'offre difficile à expliquer

Depuis ce 28 mars, la desserte ferroviaire régionale en Normandie est allégée de 19 trains par semaine, essentiellement en heures creuses. La Région motive cette décision par la fréquentation insuffisante des trains : le trafic n'a pas retrouvé son niveau d'avant 2019, avec une perte moyenne d'environ 25%. Il est vrai que le développement du télétravail a peut-être plus concerné la Normandie, dans ses relations avec Paris notamment, que d'autres Régions, du fait de l'intensité des flux quotidiens.

Néanmoins, cette mesure apparaît à contre-courant. D'un point de vue structurel, car il est plus que jamais nécessaire d'encourager l'usage de modes de transport économes en énergie. C'est d'autant plus vrai avec la conjoncture géopolitique et une envolée historique du prix des carburants.

Et puis on sera tenté d'ajouter qu'en affaiblissant la desserte en heures creuses, il y aura forcément un impact sur la fréquentation des trains en heure de pointe, en perdant l'opportunité d'effectuer un trajet sur une demi-journée, ou en compliquant les parcours pour les voyageurs allant au-delà du périmètre normand. Pour la Région, le gain risque d'être limité puisqu'en élaguant l'offre en journée, les trains de pointe coûteront proportionnellement plus chers à produire (frais fixes divisés par un kilométrage parcouru plus réduits) sachant que ce sont ceux qui rapportent le moins de recettes (puisque les plus fréquentés par une clientèle d'abonnés).

La Région essaie de compenser cette décision - qui passe mal auprès des voyageurs - par une campagne de communication et de promotions, avec des offres à petits prix... à condition de ne pas se perdre dans ce qui commence à ressembler à une petite jungle tarifaire, puisque selon le canal par lequel le billet est acheté, le tarif n'est pas le même pour un même train, entre le circuit SNCF Voyageurs et celui de la Région (Nomad). Y compris sur le plan tarifaire, la liberté a besoin de quelques règles...

24 mars 2022

Spécial présidentielle : le débat TDIE-Mobilettre

Exercice salutaire, mais destiné à un petit cercle d’initiés alors qu’il est en réalité assez central dans les grands enjeux sociétaux, le débat organisé par TDIE et Mobilettre n’a pas véritablement été l’occasion de grandes surprises.

Du côté des sortants, l’autosatisfaction restait de mise mais le flou régnait sur la suite. Abstrait ou surréalisme, on vous laisse choisir. Pour Emmanuel Macron, Fabienne Keller s’est refusée au bilan et aux perspectives. De là à considérer que c’était « parler pour ne rien dire »… mais cela en dit long, une fois de plus, sur un exercice un peu trop personnel du pouvoir, par quelqu’un dont on sait qu’il n’a pas vraiment le service public ni les questions écologiques chevillées au corps. Décidément, ce quadragénaire est un peu « old school » dans sa tête…

Du côté des prétendants qui avaient répondu favorablement (tous ne sont pas dans ce cas), ce n’était pas forcément beaucoup mieux. Seule convergence sur la question ferroviaire, reprenant presque à l’unisson le diagnostic de l’ART. Mais pour ce qui est des solutions, la plupart des représentants des candidats ont été évasifs. Philippe Tabarot pour Valérie Pécresse mettait en avant la fusion des livrets d’épargne à destination des investissements « verts ». Une proposition qui avait le mérite d’être clairement exprimée, contrairement aux autres. En matière de transports urbains, il était plus question de financement d’aménagements pour les vélos et de développement des voitures électriques que d’amélioration des services publics. Seul Olivier Jacquin, pour Anne Hidalgo, évoqua la baisse de la TVA sur les transports publics et le train longue distance : la mesure a toujours été refusée. Elle a été appliquée avec succès en Allemagne. Pour Yannick Jadot, David Belliard a renvoyé bien des questions à une « grande convention » pour financer les mesures de son candidat.

Conclusion : plus le temps passe, plus les échéances se rapprochent, plus la classe politique française semble inapte à embrasser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les modalités de mise en œuvre. Même les « têtes de gondoles » des différents programmes apparaissent bien vides. Autant dire qu’on n’a pas forcément envie d’aller voir dans les rayons. Il est donc fort probable que ce soit encore un quinquennat « pour rien ». Cela devient grave.

10 février 2022

Transports et mobilités : une prospective à 40 ans

France Stratégie et le Commissariat Général à l’Environnement et au Développement Durable ont publié une série de documents de prospective sur les transports et les mobilités à horizon 2040-2060, au regard des objectifs de neutralité Carbone à horizon 2050. Le rapport de synthèse, d’un peu plus de 70 pages (hors annexes) est complétée de rapports thématiques approfondissant les différents domaines. Qu’en retenir ? (en italiques : nos commentaires). La tâche est délicate car isoler ce qui est principalement une conséquence d'une organisation territoriale, politique et économique n'est pas simple, à tel point qu'on a du mal à identifier clairement les objectifs à atteindre en matière de déplacements, sachant qu'il faudra distinguer ce qui relève du report modal des flux existants et ce qui est de l'augmentation des déplacements en privilégiant des modes vertueux. Exercice intellectuellement complexe !

« Gouverner c’est prévoir »

… et on serait tenté de dire « planifier » car il reste un peu plus d’un quart de siècle pour atteindre l’objectif. Or la chronique 1997-2019 montre qu’on a plutôt pris le chemin inverse : les émissions directes liées aux déplacements de biens et de personnes ont augmenté de 15% et l’empreinte carbone de 21%. Moralité, la pente est encore plus rude pour les années à venir.

Changer la motorisation des voitures ne fera pas tout

Croire que passer de voitures thermiques à des voitures électriques sans remettre profondément en cause l’usage du transport individuel motorisé est un leurre, ne serait-ce que par les incertitudes autour de l’efficacité de certaines solutions. La voiture restera un mode de transport important, mais dont l’usage devra être redéfini, en complément des transports en commun et du vélo. La cible est donc un peu moins « la voiture » que « l’autosolisme ». Ce ne sera pas évident et c'est peut-être une limite de cette analyse, orientée sur l'usage et qui peut avoir tendance à négliger le besoin. Nous y revenons par la suite.

Néanmoins, le passage à la motorisation électrique ne se limite pas à la conversion du parc. Comme la voiture à essence n’a pu se développer qu’avec des réseaux de distributeurs de carburant, la voiture électrique a besoin d’un réseau dense de bornes de recharge. Voilà qui rejoint la question centrale de l’approvisionnement énergétique français.

La routine est une facilité : rendre désirable un futur différent

L’évolution des comportements de la population n’est envisageable qu’à condition de créer les conditions de l’accompagnement, de montrer qu’un autre chemin est possible, organisé, valorisant et donc désirable. Il faut donc tenir compte des contraintes des différentes situations : que ce soit le revenu des ménages (car la part des transports a tendance à être d’autant plus forte que le revenu est faible) ou la localisation. Les solutions applicables en cœur de grande métropole ne le sont pas forcément dans un bourg de 1500 habitants de moyenne montagne. 

Comme évoqué dans le point précédent, il sera donc essentiel de bien comprendre les besoins de déplacement, notamment afin d'identifier le socle incompressible de déplacements pour lesquels l'automobile constituera la solution de référence, soit à défaut d'alternatives soit parce qu'elle se révèle la plus adaptée à certains usages. Par conséquent, au-delà des usages, c'est donc la capacité à influer sur les besoins (d'auto-mobilité, pas de déplacement) qui devra être le fil d'ariane de cette démarche... et c'est loin d'être la tâche la plus facile. Pourtant elle est essentielle pour positiver des évolutions comportementales.

Il va falloir faire durer les véhicules

L’évaluation, non pas sur les émissions directes liées à l’usage mais sur une empreinte carbone complète incluant la fabrication des modes de déplacement, amène à privilégier une augmentation de la durée de vie des mobiles de déplacement. Le rapport estime que l’usage moyen d’une automobile devra être de 300 000 km, tout en recherchant un allègement conceptuel pour limiter la consommation et la quantité de matériau nécessaire à sa construction. Cela donne un avantage assez naturel aux véhicules de transport collectif, en particulier ferroviaire : un tramway, un métro et un train peuvent durer au moins 40 ans.

Oui, le transport individuel coûtera – beaucoup – plus cher

C’est incontournable : le signal-prix est un facteur central mais non exclusif. L’augmentation de la valeur de la tonne de carbone devra se répercuter dans l’usage des modes de transport en fonction de leur efficacité énergétique. La voiture et l’avion devront donc coûter plus cher, mais il faudra veiller à ce que cette inflation prenne en compte la diversité des situations, par rapport au revenu des ménages (les transports pèsent d’autant plus lourd que le revenu est faible) et leur localisation (et donc in fine leur intensité d’usage contraint du transport individuel selon le niveau d’offres de transports en commun disponible).

Les estimations de valorisation de la tonne de CO² varient de 250 à 750 € pour les scénarios misant le moins sur la contrainte financière... mais peuvent dépasser 12 000 € s'il ne fallait compter que sur le signal-prix.

Les transports en commun, élément essentiel de la stratégie

Si la contrainte sur le déplacement individuel motorisé devra forcément être « maximale », elle ne sera acceptable qu’à condition de proposer des offres de transport alternatives crédibles : les transports collectifs urbains et interurbains sont évidemment au cœur d’un scénario compatible avec l’atteinte de la neutralité carbone, mais il faudra investir de façon extrêmement massive : BHNS, tramways, métros, modernisation et développement du réseau ferroviaire (pas seulement à grande vitesse), autocars là où le train ne va pas, le tout dans un système multimodal organisé efficient, incluant les transports individuels en rabattement, qu’il s’agisse de la voiture (en développant le covoiturage en zone dense et l’autopartage en zone rurale) ou du vélo.

Accompagner une rupture radicale dans l’aménagement du territoire

Il n’est pas possible d’agir efficacement sur les modes de transport sans requestionner le modèle spatial français. Le développement soutenable des transports en commun, urbains comme interurbains, suppose une certaine densité de population et d’activités sur les axes desservis. Cela emporte donc des choix radicaux en matière d’urbanisme, pour stopper le modèle extensif qu’on connaît depuis l’après-guerre, en développant une notion de densité durable, écologiquement soutenable et sociologiquement acceptable, à l’interface entre les aspirations à des logements de qualité, spacieux, économiquement accessibles et une organisation compatible avec une desserte de qualité par des réseaux de transports collectifs.

La question se pose aussi hors des grands centres urbains, où la dépendance à la voiture est la plus forte. Il faudra d’abord s’appuyer sur les petites villes de 10 000 à 50 000 habitants pour mieux structurer le territoire et diversifier l’offre de logements, de services, d’activités pour resserrer un maillage que la métropolisation a distendu, avec pour effet d’augmenter et l’allonger les trajets. En dessous de 10 000 habitants, les espaces ruraux devront aussi accomplir leur transformation en misant sur des évolutions dans le cadre d’une continuité de bâti et une valorisation de l’existant, pour éviter l’éparpillement des populations, facteur d’augmentation des distances parcourues, de plus en plus en voiture du fait du vieillissement de la population.

C'est donc bien par une action combinant la décarbonation du transport individuel et la création d'un faisceau de conditions permettant d'en réduire l'usage au juste besoin (intermodalité, coordination étroite entre transports collectifs et aménagement du territoire), le tout en tenant compte de la diversité des situations sociales et géographiques, qu'on pourra ainsi envisager d'approcher sinon d'atteindre l'objectif de neutralité carbone dans le domaine des déplacements. Et on sait désormais à quel type de réponse on se heurtera si les gouvernements n'agissent que sur un seul critère (au hasard le prix de l'usage de la voiture)... Qui plus est, certains scénarios étudiés par France Stratégie sont explosifs, assumant une marginalisation accrue de certains territoires ruraux. Cela signifie que l'action territoriale est nécessaire mais aura ses limites... et que d'autres facteurs devront évoluer encore plus fortement, comme par exemple le report modal.

Et le fret

Ce rapport aborde également le transport de marchandises, avec là encore un enjeu de report modal dans une organisation logistique plus vertueuse, dans laquelle le transport routier tient lui aussi une place centrale, mais avec des dimensions particulières. La décarbonation du transport des marchandises va lui aussi au-delà des propositions classiques sur la motorisation des camions, qui conservent un rôle central, mais dans une chaîne logistique multimodale, et un report accru vers le transport ferroviaire. Il touche des sujets d’actualité, notamment une relance industrielle pour réduire les distances entre la production et les consommateurs, mais aussi pour reprendre la main sur des secteurs stratégiques, mis en exergue avec la survenance de cette crise sanitaire.

Faire payer les livraisons

L’explosion du commerce en ligne a pour conséquence directe un mouvement similaire sur les livraisons. Or derrière le commerce en ligne, il y a beaucoup de mouvements, des kilomètres parcourus et donc des émissions de CO². Commercialement, la livraison gratuite est une politique destinée à capter la chalandise, qui revient à « socialiser » les coûts induits, notamment environnementaux. La livraison à domicile est un service qui a un prix, et un coût écologique. Le rôle accru de la valeur du carbone dans l'économie aura donc pour incidence d'amener à une taxation des livraisons au regard de leur impact écologique, pour inciter le consommateur à un peu plus de réflexion. Il ne s'agit donc pas de bannir, mais de questionner et responsabiliser : se faire livrer une pizza par un scooter alors que la pizzeria est à 500 m de chez soi, est-ce responsable ? 

La SNCF emboîte le pas

On peut retenir notamment que, du fait d'incertitudes multiples sur les motifs de déplacements, leur nombre, les distances parcourues, l'efficacité des ruptures technologiques, et les évolutions d'aménagement du territoire, le report modal semble une valeur sûre et que, par précaution, plus l'usage des transports en commun  urbains et interurbains, routiers et ferroviaires, sera important, plus le trafic de marchandises passera par la voie ferrée, plus la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements sera importante.

Au lendemain de l'avis de l'ART flinguant le projet de contrat Etat - SNCF Réseau, cette analyse apparaît comme une bouffée d'air salutaire pour le ferroviaire. Le président du groupe SNCF, M. Jean-Pierre Farandou, publie pour sa part, sur le site de la Fondation Jean Jaurès, un appel au doublement du transport ferroviaire (en nombre de voyageurs et tonnes de marchandises) à horizon 2030. Il permettrait de réaliser entre un quart et un tiers de l'objectif de réduction des émissions du secteur des transports à cette échéance, en cohérence avec la cible de neutralité carbone en 2050. Mais nous sommes déjà en 2022, ce qui veut dire qu'il va falloir redoubler d'efforts pour renouveler, moderniser, développer le réseau ferroviaire et l'intensité de son usage. La tribune de M. Farandou est savamment formulée car elle met en avant l'action de l'Etat sans jamais souligner les incohérences : juste préconise-t-il de porter le niveau d'investissement de la Nation dans le domaine ferroviaire au niveau de l'Allemagne, soit entre 8 et 9 MM€ par an. C'est-à-dire une trajectoire radicalement opposée à celle du projet de contrat.

29 novembre 2021

L'UTP présente un manifeste pour les transports

« Donnons enfin la priorité aux transports publics et ferroviaires ». Tout est dit dans le titre de ce manifeste présenté le 10 novembre dernier par l'Union des Transports Publics et dont l'objectif est de sensibiliser les prétendants à l'Elysée à ce sujet qui semble bien loin des préoccupations actuelles des candidats déclarés ou supposés.

Les 20 mesures préconisées sont résumées dans ce document, auquel nous ne pouvons que souscrire.

Publicité
Publicité
27 octobre 2021

Comment financer les TET ?

L'Assemblée Nationale a adopté une mesure fiscale dans le domaine ferroviaire, conduisant à supprimer en 2022 la Cotisation de Solidarité entre les Territoires et en 2023 la Taxe sur le Résultat des Entreprises Ferroviaires. Acquittées notamment par les activités librement organisées de la SNCF (en clair, les TGV), elles contribuaient à financer la convention sur les Trains d'Equilibre du Territoire. Bref, une forme de péréquation indirecte allant de la SNCF à la SNCF via le ministère des Finances. Avec l'ouverture du marché intérieur et l'arrivée potentielle de nouveaux opérateurs, il devenait naturellement inéquitable de ne faire supporter cette taxe qu'à la seule entreprise historique, et manifestement, sa généralisation à l'ensemble des entreprises n'était pas évidente, ne serait-ce que parce qu'elle aurait été immédiatement perçue comme une barrière à l'ouverture du marché.

Cette mesure représente pour les TGV une économie de 200 M€ qui devrait redonner un peu d'air à cette activité : la SNCF annonce qu'elle devrait passer le rythme d'acquisition de la nouvelle génération de rames de 9 à 12 unités par an. En revanche, il va falloir assurer une continuité de financement pour les TET, puisque manifestement l'Etat campe sur cette distinction et sur un périmètre restreint, ce qui revient à poser la question déjà exprimée par transportrail en particulier s'agissant de liaisons province-province : l'offre longue distance sur le territoire français ne doit-elle dépendre que d'activités librement organisées par un ou plusieurs opérateurs ou doit-il y avoir une organisation définie par la puissance publique, avec une contribution financière de base ? Celle-ci pourrait être considérée comme un soutien à la réduction de l'empreinte environnementale des déplacements : ce serait un signal plutôt favorable, qui pourrait avoir pour conséquence d'inciter les opérateurs à pratiquer une offre plus consistante. 

240921_716avignonet3

240921_26006avignonet2

Avignonet - 24 septembre 2021 - La rame Duplex 761 assure un TGV Lyon - Toulouse, exploité aux risques et périls par SNCF Voyageurs. Pourtant, l'Etat envisage de créer des TET conventionnés sur le même parcours (avec pour seule différence la desserte d'Avignon). La BB26006 avec une rame de récupération est en tête d'un Marseille - Bordeaux (alors dévié par CNM suite aux inondations du côté de Lunel), qui est aujourd'hui une desserte TET conventionnée... mais qu'en serait-il si elle était exploitée à grande vitesse, ce qui est possible en théorie dès à présent, en transitant par la LN5 (donc en desservant Aix en Provence et Avignon) ? Plus que jamais, il va falloir que l'Etat construise une politique cohérente de desserte nationale, mais l'agenda politique ne semble guère favorable. © transportrail

Si la réponse n'est probablement pas dans un conventionnement intégral (comprenez « tous des TET »), du moins y aurait-il matière à envisager les différentes situations ne serait-ce qu'en Europe. Si les franchises à l'anglaise ne semblent pas les plus appropriées, ne serait-ce qu'au regard des récentes décisions du gouvernement britannique, on pensera en revanche au modèle espagnol, pris sous un angle capacitaire et fondé sur un équilibre entre des destinations à fort trafic et des liaisons au bilan économique plus modeste, voire déficitaire. Cependant, ce schéma suppose un renforcement de l'organisation, soit au sein du ministère des Transports, soit en confiant cette responsabilité au gestionnaire d'infrastructures, ce qui est le cas en Espagne, les appels d'offres ayant été pilotés par ADIF. Mais pour cela, il faudrait construire une stratégie de desserte du territoire.

15 octobre 2021

Ferroviaire : l’auto-satisfaction est de mise

Un Goldorak ferroviaire ?

Dans notre récent article sur la stratégie nationale pour le fret ferroviaire, nous évoquions une autre stratégie, celle de la communication gouvernementale, caractérisée par une propension prononcée à l’auto-satisfaction.

Illustration avec l’entretien du ministre des Transports dans Le Monde daté du 16 septembre dernier. « Sur la route et le rail, nous avons rattrapé les errances du passé ». Rien que ça !

Le macronisme ferroviaire a 3 traits de caractère bien affirmés :

  • Le « en même temps » : à 30 mois d’écart, affirmer qu’il est temps de faire une pause durable sur les grands projets pour privilégier la modernisation du réseau existant puis les ériger à nouveau en priorité nationale ;
  • La capacité à faire croire que des engagements déjà pris mais non honorés constituent un concours supplémentaire, pour masquer le retard pris dans les engagements de l’Etat (exemple : les annonces de M. Macron pour les transports en commun à Marseille) ;
  • La capacité à annoncer des chiffres élevés portés par l’Etat, alors qu’il s’agit souvent de l’addition des concours de plusieurs partenaires, à commencer par les Régions, voire l’Union Européenne. Exemple avec le plan pour le fret, annoncé à 1 MM€… mais avec seulement 500 M€ de concours réel de l’Etat.

L’actuel gouvernement serait en quelque sorte comme Goldorak, sauveur de tous les temps. La réalité est un peu différente. Ce serait donc « Goldotrack » ?

Quel bilan ?

L’Institut Montaigne a confié à Patrick Jeantet, ancien président de SNCF Réseau, l’analyse du bilan du quinquennat actuel dans le domaine des transports. La réforme ferroviaire de 2018 lui apparaît paradoxale, avec d’un côté la libéralisation du marché intérieur et de l’autre une réunification du groupe SNCF avec une question sur l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure. La LOM de 2019 a fait l’impasse sur la programmation des investissements, y compris et surtout en maintenant une insuffisance de financement du renouvellement et de la modernisation du réseau existant. Le déficit de stratégie s’exprime aussi sur les lignes de desserte fine du territoire avec des positions de l’Etat variant selon la pression des Régions : la réintégration dans le financement national de 14 d’entre elles semble lui aussi insuffisant. Elle se traduit enfin par des décisions ponctuelles éparses et sans cohérence d’ensemble : les non-choix du COI, la pause sur les grands projets revenant sur le devant de la scène fin 2021, le lancement de CDG Express avec un financement de SNCF Réseau contrariant la « règle d’or » (pour se limiter aux sujets ferroviaires).

L’affaire des 80 km/h sur les routes secondaires a été très révélateur d’un excès de parisianisme, imposant une mesure nationale avant d’en constater l’impact et de se défausser finalement sur les collectivités locales. Bref, les mauvaises pratiques de l’Etat ont résisté au séisme politique de 2017, aux mouvements sociaux et à la crise sanitaire.

En outre, on peut aussi rappeler que l’actuel locataire de l’Elysée avait précédemment provoqué la création de services librement organisés d’autocars qui ont déstabilisé le transport ferroviaire de façon indirect en créant une confusion sur la perception du prix, même s’il faut reconnaître que la tarification de la SNCF n’était pas des plus limpides quoiqu’en moyenne plutôt moins chère que d’autres réseaux comparables.

Des efforts réels… mais encore insuffisants

Il faut néanmoins mettre à son actif le désendettement avec la reprise de 20 MM€ de dette en 2020 et de 15 MM€ l’année prochaine, ce qui devrait ramener le niveau de la dette à celui correspondant réellement aux problèmes structurels du système ferroviaire, et en partie à l’insuffisance du trafic.

Il y a bien eu affectation de crédits supplémentaires via le Plan de Relance, mais de façon très confuse : dans les 620 M€ affichés pour les lignes de desserte fine du territoire, SNCF Réseau doit en dégager 70 par des produits de cession, et 300 ne font que retranscrire des engagements déjà pris mais qui ne s’étaient traduits par aucun financement réel. Pour les 14 lignes devant réintégrer le réseau structurant (et donc un financement par le contrat Etat – SNCF Réseau), la situation reste des plus floues et une stratégie de gestion de la pénurie – avec à la clé une dégradation des performances puisque l’obsolescence progressera plus vite que le renouvellement – qui devrait assurément susciter des réactions dans les Régions…

Il est en revanche à souligner que le volume de travaux sur ces lignes a fortement augmenté, du fait de la mise en œuvre des CPER 2015-2020, d’abord grâce au financement des Régions, avec un doublement du montant (environ 225 M€ en 2027 et plus de 450 M€ en 2021).

« Une histoire banale d’hommes et de misère »

 « Mon but est d’avoir, en 2030, un réseau ferroviaire complètement régénéré, doté d’une signalisation à jour et avec une commande des aiguillages centralisée » : si on ne peut que partager l’intention du ministre, il est évident qu’elle ne pourra être concrétisée qu’à condition de mettre en œuvre des moyens bien plus importants que ceux qui sont aujourd’hui alloués au système ferroviaire et notamment à l’infrastructure. Or le contrat Etat – SNCF Réseau de 2017 n’a pas été tenu. Il prévoyait en 2021 un budget de 3,1 MM€ pour le renouvellement du réseau : la dotation réelle n’est que de 2,7 MM€, comme en 2017. Le retard continue de croître et le nouveau contrat, annoncé tous les 3 mois « pour dans 3 mois » joue les arlésiennes.

La stratégie nationale pour le fret donne une indication sur la consistance du nouveau contrat en évoquant une dotation de 2,9 MM€ par an jusqu’en 2029. C’est évidemment insuffisant : l’audit du professeur Putallaz de 2018 considérait qu’il faudrait plutôt 3,5 MM€ pour amorcer la modernisation du réseau… et certains postes avaient été sous-estimés (notamment la signalisation et l’alimentation électrique, sujets devenant des plus critiques sur nombre de lignes). Plus vraisemblablement, le « bon » niveau d’investissement serait d’au moins 4 MM€ pour le renouvellement, auquel il faudrait ajouter une dose de modernisation. Resterait enfin à définir le niveau de participation de l’Etat sur les lignes de desserte fine du territoire, dont le renouvellement ne devrait pas incomber d’abord aux Régions. Autant dire que le « juste prix » du contrat Etat – SNCF Réseau devrait plutôt se situer autour de 4,5 MM€ par an pour le seul réseau principal !

La commission des finances du Sénat n'a pas manqué de tanser l'Etat en considérant que les mesures du plan de relance et la reprise de 35 MM€ de dette ne suffisaient pas à faire une politique des transports ferroviaires, en soulignant justement l'absence de perspectives sur la modernisation du réseau. Elle a aussi pointé le principe de couverture du coût complet du gestionnaire d'infrastructures qui amplifie le malthusianisme ferroviaire, et le mécanisme de reversement à SNCF Réseau des bénéfices de SNCF Voyageurs, sachant que la période 2020-2021 n'en dégage évidemment aucun.

Bref, il faudra attendre une prochaine réforme pour espérer que le transport ferroviaire soit doté à la hauteur de ses besoins. Ceci dit, il ne devrait pas être trop difficile de faire un article similaire sur l'Education Nationale, la santé, la police, la justice...

« Long is the road »…

16 juillet 2021

Un nouveau rapport signé Philippe Duron

En une vingtaine d’années, c’est devenu un des personnages incontournables du secteur des transports et ses productions ont été multiples, souvent ferroviaires (avenir des TET, premier conseil d’Orientation des Infrastructures).

Cette fois-ci, il a coordonné la production d’un rapport multimodal : ce n’était pas sa vocation initiale, mais il était impossible de ne pas embrasser l’ensemble des réseaux, urbains, interurbains et ferroviaires.

Il s’agit d’évaluer l’impact de la crise sanitaire depuis 2020 sur le modèle économique des transports collectifs. Affichant un recul de fréquentation de plus de 30% pour les transports urbains et de plus de 40% pour les réseaux ferroviaires régionaux, il est évidemment urgent de s’interroger sur les conséquences économiques et les solutions pour y pallier, d’autant que, pour une partie des utilisateurs, l’essor du télétravail à raison d’un à deux jours par semaine en moyenne va modifier durablement les usages.

Pour plus de clarté, nous dissocions l’analyse entre transporturbain et transportrail sur leurs domaines respectifs.

Le retour des voyageurs dans les trains est assez progressif et s’ajoute aux questions du transport régional le rythme de retour à la normale des dessertes Grandes Lignes qui alimentent les dessertes locales. La perte de recettes atteint 43% en 2020, avec évidemment une faible réduction des coûts du fait de la part importante des actifs. Le solde net peut être évalué à environ 300 M€ mais il convient d’y ajouter le bilan pour 2021. L’Etat devra compenser.

Dans le domaine ferroviaire, les besoins d’investissement sont considérables compte tenu de l’état de l’infrastructure et du retard qui continue de s’accumuler par des moyens insuffisants. Les deux têtes d’affiche que sont les Services Express Métropolitains et les lignes de desserte fine du territoire pèsent probablement plus de 15 MM€ cumulés sur la décennie à venir, sans être évidemment exhaustif, au regard des besoins sur les grands axes hors étoiles autour des grandes agglomérations. L’actualisation de l’audit du réseau devrait être révélatrice.

Le rapport montre que nombre d’Etats européens ont réellement soutenu le secteur ferroviaire, les gestionnaires d’infrastructure mais aussi les opérateurs. Les modalités sont diverses, mais l’objectif est de prendre en charge la majeure partie voire la totalité des conséquences de la crise.

Dans le cas français, les 5 grands principaux leviers d’action :

  • Adapter l’offre : structurer et cadencer les dessertes, ne plus se focaliser que sur les seules pointes de semaine, très dimensionnantes mais pour des voyageurs à faible contribution (environ 6% de taux de couverture pour un abonnement régional) et développer l’offre en heures creuses, générant des recettes par voyageur plus importantes à coût de production supplémentaire marginal (voir travaux du CEREMA), adapter les caractéristiques et équipements de l’infrastructure aux besoins de la grille horaire. Les Services Express Métropolitains sont un élément majeur du report modal, avec une forte dimension multimodale ;
  • Rattraper le retard d’investissement pour pérenniser les lignes mais aussi pour réduire le coût de maintenance, d’autant que ces opérations sont réalisées par des financement majoritairement externes (Contrat de Plan Etat-Région), ce qui améliore le bilan financier de SNCF Réseau à condition de maîtriser les coûts internes de l’entreprise ;
  • Définir une tarification de l’usage du réseau qui soit incitative, notamment en envisageant une remise lorsque les Régions investissent pour moderniser les lignes et diminuer les coûts de maintenance ;
  • Repenser la tarification : l’amélioration qualitative et quantitative doit se traduire par une évolution de la part incombant aux voyageurs et les opérations type « train à 1€ » semblent ne pas être bien perçues ;
  • Adapter la fiscalité : le rapport reprend la proposition maintes fois répétée de la FNAUT, l’abaissement de la TVA à 5,5% sur les transports urbains et les transports ferroviaires régionaux.

Au-delà, dans les 48 recommandations de ce rapport, on retrouve aussi une étude plus fine des impacts du télétravail sur la fréquentation des réseaux (volume mais aussi serpent de charge), une énième incitation à coordonner urbanisme et transport, l’adaptation des horaires scolaires et universitaires et la création de plans de mobilité scolaire pour lisser les flux, la possibilité de cumuler le Forfait Mobilités Durables avec le remboursement de la moitié de l’abonnement aux transports en commun, la modulation du stationnement en entreprise via les plans de mobilité d’entreprise…

Le devenir de la TICPE est également questionné avec une proposition de redevance kilométrique qui pourrait s’avérer délicate tout comme l’évocation d’une écotaxe pour les poids-lourds.

Dans le domaine ferroviaire, on voit apparaître une réflexion sur le matériel roulant et la création de société publiques locales chargées de la gestion de la flotte, adossées à des entreprises spécialisées, voire les industriels constructeurs, à l’image de la démarche du Bade-Wurtemberg avec la SFBW.

On trouve aussi dans ce rapport une formule un peu générique incitant au « développement de solutions de mobilité s’appuyant sur des dynamiques locales et des acteurs privés».

Bref, pour l’essentiel, des éléments déjà largement connus…

23 novembre 2020

Une mission de plus pour Philippe Duron

L'Etat reste fidèle à certaines personnalités politiques pour jouer les démineurs sur certains sujets de transport : outre le préfet Philizot (la vallée de la Seine, les lignes de desserte fine du territoire, la régionalisation de certains TET), le député Philippe Duron a aussi été à la tête de plusieurs missions (citons la révision du SNIT, avec Mobilités 21, le Conseil d'Orientation des Infrastructures, l'avenir des TET). Il en décroche une de plus, sur le financement des transports publics, au sens large, suite aux effets de la crise sanitaire et du confinement.

En Ile de France, le premier confinement a donné lieu à une bataille entre l'Etat et la Région, pour obtenir une compensation, qui a bien été accordée, mais sous forme d'un pret remboursable dans la durée. Pour les autres, c'est une autre affaire : la position du ministère des finances amenait à concentrer l'aide, également sous la forme de prêts, aux seuls organismes dédiés, c'est-à-dire les syndicats de transports. Pour les réseaux gérés par les Régions et les intercommunalités, c'était l'impasse. Cela semble être en voie d'ouverture, mais il semble bien que les collectivités locales en soient pour leurs frais, l'Etat demeurant toujours aussi méfiant à leur égard.

Sur le fond, et hors effet conjoncturel de ce fichu virus, le transport public en France souffre de difficultés économiques et financières pour diverses raisons. Le domaine ferroviaire présente probablement la situation la plus tendue avec un déficit d'investissement, qui explique le retard sur le renouvellement du réseau classique, l'atonie des développements utiles et la tentation toujours vive à la contraction du réseau. Il est aussi pénalisé par un taux de couverture des charges par les recettes qui demeure faible dans le domaine du transport régional et une remise en question de la situation des grandes lignes.

Dans le domaine des transports urbains, le sujet des investissements est peut-être un peu moins prégnant que celui du fonctionnement avec une tendance à la baisse de la part supportée par l'usager, la tentation de la gratuité, dont les bénéfices semblent assez limités dans les villes où elle a été mise en oeuvre. Il ne faut pas négliger la question des transports routiers interurbains, souvent négligés et cantonnés à un rôle scolaire, mais qui reste un domaine mal traité alors qu'il est dans bien des territoires essentiel pour maximiser la couverture du territoire et complémentaire du réseau ferroviaire.

Verra-t-on réapparaître des sujets tels que l'écotaxe, le péage urbain, l'équilibre entre la participation de la collectivité et celle de l'usager ? Puisqu'on parle tarification, cette mission portera-t-elle sur de nouveaux équilibres économiques compatibles avec une augmentation de la fréquentation... on serait tenté de dire une reconquête... ?

Publicité
Publicité
<< < 1 2
Publicité