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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
fret ferroviaire
15 octobre 2021

Ferroviaire : l’auto-satisfaction est de mise

Un Goldorak ferroviaire ?

Dans notre récent article sur la stratégie nationale pour le fret ferroviaire, nous évoquions une autre stratégie, celle de la communication gouvernementale, caractérisée par une propension prononcée à l’auto-satisfaction.

Illustration avec l’entretien du ministre des Transports dans Le Monde daté du 16 septembre dernier. « Sur la route et le rail, nous avons rattrapé les errances du passé ». Rien que ça !

Le macronisme ferroviaire a 3 traits de caractère bien affirmés :

  • Le « en même temps » : à 30 mois d’écart, affirmer qu’il est temps de faire une pause durable sur les grands projets pour privilégier la modernisation du réseau existant puis les ériger à nouveau en priorité nationale ;
  • La capacité à faire croire que des engagements déjà pris mais non honorés constituent un concours supplémentaire, pour masquer le retard pris dans les engagements de l’Etat (exemple : les annonces de M. Macron pour les transports en commun à Marseille) ;
  • La capacité à annoncer des chiffres élevés portés par l’Etat, alors qu’il s’agit souvent de l’addition des concours de plusieurs partenaires, à commencer par les Régions, voire l’Union Européenne. Exemple avec le plan pour le fret, annoncé à 1 MM€… mais avec seulement 500 M€ de concours réel de l’Etat.

L’actuel gouvernement serait en quelque sorte comme Goldorak, sauveur de tous les temps. La réalité est un peu différente. Ce serait donc « Goldotrack » ?

Quel bilan ?

L’Institut Montaigne a confié à Patrick Jeantet, ancien président de SNCF Réseau, l’analyse du bilan du quinquennat actuel dans le domaine des transports. La réforme ferroviaire de 2018 lui apparaît paradoxale, avec d’un côté la libéralisation du marché intérieur et de l’autre une réunification du groupe SNCF avec une question sur l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure. La LOM de 2019 a fait l’impasse sur la programmation des investissements, y compris et surtout en maintenant une insuffisance de financement du renouvellement et de la modernisation du réseau existant. Le déficit de stratégie s’exprime aussi sur les lignes de desserte fine du territoire avec des positions de l’Etat variant selon la pression des Régions : la réintégration dans le financement national de 14 d’entre elles semble lui aussi insuffisant. Elle se traduit enfin par des décisions ponctuelles éparses et sans cohérence d’ensemble : les non-choix du COI, la pause sur les grands projets revenant sur le devant de la scène fin 2021, le lancement de CDG Express avec un financement de SNCF Réseau contrariant la « règle d’or » (pour se limiter aux sujets ferroviaires).

L’affaire des 80 km/h sur les routes secondaires a été très révélateur d’un excès de parisianisme, imposant une mesure nationale avant d’en constater l’impact et de se défausser finalement sur les collectivités locales. Bref, les mauvaises pratiques de l’Etat ont résisté au séisme politique de 2017, aux mouvements sociaux et à la crise sanitaire.

En outre, on peut aussi rappeler que l’actuel locataire de l’Elysée avait précédemment provoqué la création de services librement organisés d’autocars qui ont déstabilisé le transport ferroviaire de façon indirect en créant une confusion sur la perception du prix, même s’il faut reconnaître que la tarification de la SNCF n’était pas des plus limpides quoiqu’en moyenne plutôt moins chère que d’autres réseaux comparables.

Des efforts réels… mais encore insuffisants

Il faut néanmoins mettre à son actif le désendettement avec la reprise de 20 MM€ de dette en 2020 et de 15 MM€ l’année prochaine, ce qui devrait ramener le niveau de la dette à celui correspondant réellement aux problèmes structurels du système ferroviaire, et en partie à l’insuffisance du trafic.

Il y a bien eu affectation de crédits supplémentaires via le Plan de Relance, mais de façon très confuse : dans les 620 M€ affichés pour les lignes de desserte fine du territoire, SNCF Réseau doit en dégager 70 par des produits de cession, et 300 ne font que retranscrire des engagements déjà pris mais qui ne s’étaient traduits par aucun financement réel. Pour les 14 lignes devant réintégrer le réseau structurant (et donc un financement par le contrat Etat – SNCF Réseau), la situation reste des plus floues et une stratégie de gestion de la pénurie – avec à la clé une dégradation des performances puisque l’obsolescence progressera plus vite que le renouvellement – qui devrait assurément susciter des réactions dans les Régions…

Il est en revanche à souligner que le volume de travaux sur ces lignes a fortement augmenté, du fait de la mise en œuvre des CPER 2015-2020, d’abord grâce au financement des Régions, avec un doublement du montant (environ 225 M€ en 2027 et plus de 450 M€ en 2021).

« Une histoire banale d’hommes et de misère »

 « Mon but est d’avoir, en 2030, un réseau ferroviaire complètement régénéré, doté d’une signalisation à jour et avec une commande des aiguillages centralisée » : si on ne peut que partager l’intention du ministre, il est évident qu’elle ne pourra être concrétisée qu’à condition de mettre en œuvre des moyens bien plus importants que ceux qui sont aujourd’hui alloués au système ferroviaire et notamment à l’infrastructure. Or le contrat Etat – SNCF Réseau de 2017 n’a pas été tenu. Il prévoyait en 2021 un budget de 3,1 MM€ pour le renouvellement du réseau : la dotation réelle n’est que de 2,7 MM€, comme en 2017. Le retard continue de croître et le nouveau contrat, annoncé tous les 3 mois « pour dans 3 mois » joue les arlésiennes.

La stratégie nationale pour le fret donne une indication sur la consistance du nouveau contrat en évoquant une dotation de 2,9 MM€ par an jusqu’en 2029. C’est évidemment insuffisant : l’audit du professeur Putallaz de 2018 considérait qu’il faudrait plutôt 3,5 MM€ pour amorcer la modernisation du réseau… et certains postes avaient été sous-estimés (notamment la signalisation et l’alimentation électrique, sujets devenant des plus critiques sur nombre de lignes). Plus vraisemblablement, le « bon » niveau d’investissement serait d’au moins 4 MM€ pour le renouvellement, auquel il faudrait ajouter une dose de modernisation. Resterait enfin à définir le niveau de participation de l’Etat sur les lignes de desserte fine du territoire, dont le renouvellement ne devrait pas incomber d’abord aux Régions. Autant dire que le « juste prix » du contrat Etat – SNCF Réseau devrait plutôt se situer autour de 4,5 MM€ par an pour le seul réseau principal !

La commission des finances du Sénat n'a pas manqué de tanser l'Etat en considérant que les mesures du plan de relance et la reprise de 35 MM€ de dette ne suffisaient pas à faire une politique des transports ferroviaires, en soulignant justement l'absence de perspectives sur la modernisation du réseau. Elle a aussi pointé le principe de couverture du coût complet du gestionnaire d'infrastructures qui amplifie le malthusianisme ferroviaire, et le mécanisme de reversement à SNCF Réseau des bénéfices de SNCF Voyageurs, sachant que la période 2020-2021 n'en dégage évidemment aucun.

Bref, il faudra attendre une prochaine réforme pour espérer que le transport ferroviaire soit doté à la hauteur de ses besoins. Ceci dit, il ne devrait pas être trop difficile de faire un article similaire sur l'Education Nationale, la santé, la police, la justice...

« Long is the road »…

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9 octobre 2021

Le fret et les grands noeuds ferroviaires

Dans de récents dossiers, transportrail a abordé le projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise, fortement lié aux accès ferroviaires à la liaison Transalpine, et un contournement de l'Ile-de-France pour les trains qui aujourd'hui ne font que la traverser.

C'est bien l'une des différences assez sensibles entre la France et d'autres pays européens, et pas seulement la Suisse, l'Allemagne ou l'Autriche. Dans la très grande majorité des cas, les trains de fret doivent traverser les grandes gares, sauf évidemment lorsqu'elles sont en cul-de-sac, et en Alsace et en Moselle, pour des raisons historiques : le fret ne traverse pas la gare de Strasbourg, ni celle de Metz, car il existe un itinéraire de contournement dédié.

Ailleurs en France, ce n'est généralement pas le cas, mais il y a quand même quelques exceptions :

  • Rouen avec le barreau Motteville - Monterrolier qui fait office de contournement de la gare centrale, maillon de l'itinéraire alternatif entre le port du Havre et l'Ile-de-France ;
  • Nîmes et Montpellier avec la ligne nouvelle (qui s'appelle bien Contournement de Nîmes et Montpellier), mais qui, bizarrement n'accueille en 2021 que la moitié du fret transitant par l'arc languedocien ;
  • une section de la LGV Bretagne Pays de la Loire fait office de contournement du Mans sur l'axe Paris - Rennes entre Conerré-Beillé et La Milesse, mais son usage réel par des trains de fret reste plus qu'anecdotique ;
  • peut être aussi évoqué le Nouvel Itinéraire Fret de Transit sur l'axe Dunkerque - Thionville afin de contourner - très au large - le noeud ferroviaire lillois mais avec un succès des plus limités du fait de raccordements à niveau peu commodes et d'un alignement partiel des plages travaux sur les différentes lignes empruntées, réduisant de fait sa disponibilité.

Le développement du fret ferroviaire en France devra donc encore largement composer avec les conditions de traversée des noeuds ferroviaires, lesquels sont aussi concernés par des projets de RER qui vont eux aussi nécessiter une capacité importante. Autant dire que, faute d'investissements, le sillon pourrait devenir une denrée rare, âprement disputée, d'autant qu'il existe peu d'itinéraires alternatifs : il est par exemple impossible de ne pas traverser Bordeaux pour rejoindre la frontière à Hendaye (sauf à passer par Toulouse et la transversale pyrénéenne). Mais qu'on se rassure, aucune réflexion n'est engagée sur cette question demeurant orpheline.

28 septembre 2021

Fret : traverser ou contourner l’Ile-de-France ?

Il revient épisodiquement dans les conversations sur le fret, surtout à chaque annonce d'un plan de sauvetage (ou de relance, selon les époques et les concepts de la communication gouvernementale)... sans véritablement connaître l'amorce d'un début de commencement.

Le contournement de l'Ile de France par les trains de fret au long cours qui, aujourd'hui, essaient de traverser le moins mal possible l'agglomération capitale, existe déjà : toutes les infrastructures sont disponibles. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas besoin d'investir : au contraire, il faudra électrifier, ponctuellement améliorer le débit (y compris en ouvrant les lignes la nuit), ce qui pourrait donner un peu plus d'arguments pour ERTMS, adapter le gabarit aux évolutions logistiques... et surtout dialoguer avec les acteurs du transport ferroviaire et de la logistique.

La concentration actuelle des flux résulte aussi de stratégies industrielles de massification des trafics, alors que la mise en oeuvre de cette vaste rocade amènerait à repenser cette organisation. Elle s'appuierait sur des plateformes de gestion des flux, correspondant aux carrefours avec les radiales, afin d'organiser les trafics.

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L'intérêt de cette rocade serait de mieux répartir la capacité et donc de favoriser le développement du fret, en concentrant l'usage de la capacité disponibles sur les radiales vers l'Ile-de-France aux trafics qui lui sont directement liés et en donnant de nouvelles marges de manoeuvre pour les grandes diamétrales étant entendu que les infrastructures contournant l'Ile de France sont généralement moins circulées que les radiales. Pour ces lignes, dont certaines sont aujourd'hui considérées de desserte fine du territoire (les autres s'en approchant à grands pas...), ce serait aussi un moyen de sortir d'une zone potentiellement dangereuse. Pour les territoires concernés, ce serait aussi un levier d'évolution des activités de logistique dans le secteur du transport multimodal.

La suite dans le nouveau dossier de transportrail !

27 août 2021

Encore des Euro6000 en Espagne... à la RENFE

Après Captrain Espagne, qui doit exploiter des Euro 6000 louées à Alphatrains (11 au total, donc 6 à voie large et 5 à écartement UIC), la RENFE vient de passer commande de 12 locomotives type CC Euro 6000, la version purement électrique de la famille Eurodual d'une puissance de 6 MW. La RENFE n’avait plus commandé de locomotives au site de Valence depuis la génération précédente des Euro 3000 et 4000. Le montant de la transaction est de 70,7 M€ (hors taxes soit 85,6 M€ TTC) pour les 12 locomotives incluant une réserve de pièces détachées, soit 5,89 M€ hors taxes (7,13 M€ TTC) par engin.

Euro6000captrain-espagne

La RENFE va donc suivre Captrain Espagne (filiale de la maison SNCF) et acquérir elle aussi ce type de locomotives aux performances inédites en Europe occidentale. (cliché X)

Elles seront aptes au 3000 V continu et 25 kV 50 Hz, tension d’alimentation adoptée dans le nouveau tunnel de Pajares. Il semblerait qu’elles aient, comme les locomotives Captrain, la capacité à circuler ponctuellement en 1500 V ce qui les rendrait apte à se rendre dans les points frontières de Hendaye, Cerbère et du Soler, où le 1500 V français alimente à ½ tension les trains espagnols. La puissance sous 25000 V sera de 6000 kW, ce qui en fait la plus puissante locomotive espagnole.  Sous 3000 V, elle sera de 5600 kW. Si le fonctionnement est identique à l’Eurodual, cela ne se traduirait pas par une baisse de tonnage tractable en rampe, mais simplement par une légère différence de vitesse.

Ces locomotives à écartement large 1667 mm sont destinées à la traction des trains de fret lourds notamment via la ligne du col de Pajares dont le tunnel de base est en cours d’achèvement… depuis 2013.

Compte tenu des capacités de traction des Eurodual très supérieures à ce auxquels les opérateurs ibériques étaient habitués jusqu’à présent, il sera intéressant de voir si cela se traduit par une extension des lignes autorisées aux trains de 750 m. La longueur maximale des trains de fret est jusqu’à présent limitée à 500 voire 550 m en Espagne, tant par l’historique des aménagements du réseau que les limites de traction par les engins moteurs

Avec le potentiel de trafic d’automobiles avec les nombreux sites de fabrication en Espagne, de transport combiné et de ferroutage, une longueur de 750 m optimiserait les capacités de traction des Euro 6000. Cette longueur étant assez courante sur les grands axes français, l’avantage pour le fret ferroviaire pourrait être accru, d’autant qu’en Allemagne, la tendance est aussi à l’allongement des infrastructures, pour admettre jusqu’à 740 m pour l’instant.

Encore un nouveau succès pour le constructeur hispano-helvétique, qui les collectionne depuis quelques mois. Les nouvelles locomotives séries 159 (Eurodual bimodes HVLE) arrivent à grande échelle en Allemagne. L’Euro 9000, variante haute puissance de 9000 kW, poursuit ses essais dans les pays alpins où sa puissance sera utilisée pour gravir rapidement les cols où vaincre la résistance aérodynamique, notamment dans les 57 km du tunnel du Gothard où les Traxx sont confrontées à un problème de tenue de la vitesse par « effet piston ».

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Essai d'une Euro 9000, se frottant ici aux rampes de la ligne faîtière du Gothard dans les boucles de Wassen : 9 MW et 500 kN, c'est écrit dessus. Les tunnels de grande longueur nécessitent tout de même des moyens de traction adaptés... © G. Trüb

A propos du tunnel de Pajares

Cet ouvrage de 24,7 km sera le plus long tunnel ferroviaire d’Espagne, sous la cordillère Cantabrique. Il se situe sur le tracé de la ligne nouvelle Madrid - Asturies, sur la section León - Gijón, évitant une section montagneuse comprenant une douzaine de grands tunnels sur un tracé long, lent et difficile au travers de ce massif. Cet ouvrage défraie la chronique depuis plusieurs années en Espagne. Il devait initialement être dédié aux trains à grande vitesse entre Madrid et les Asturies.

C’est ainsi qu’a démarré le chantier, validé en 2003 pour un coût de 1,1 MM€. Cependant, en 2009, le gouvernement changea d’orientation et décida une modification importante du projet : la section León – La Robla devenait une ligne nouvelle mixte à double écartement, pour autoriser le fret. Il fallut alors adapter le tracé et le profil à cette nouvelle exigence. Et l’addition augmentait…Le génie civil du tunnel est achevé depuis 2013 mais des infiltrations retardent sa réception, tout en faisant aussi grimper la facture, sans compter l’obligation postérieure au lancement du chantier de créer une galerie d’évacuation de secours entre les 2 tubes. Le coût réel de ce tunnel devrait accoster finalement autour de 4 MM€.

23 août 2021

Transalpine : des marchés décisifs

Plus de 30 ans après les premières discussions, le projet Lyon – Turin n’en finit pas de compter les kilomètres de linéaire de dossiers et surtout de prises de position, souvent très contrastées entre partisans et adversaires.

L’attribution de marchés, côté français, portant sur la réalisation de 80% des 57,5 km du tunnel de base montre que le projet est bel et bien entré dans une phase irréversible. Côté italien, les notifications seront rendues au début de l’automne.

Actuellement, 18% des ouvrages ont été percés, soit environ 30 km de galeries : il s’agit d’abord des descenderies destinées à tester la nature des sols à creuser, puis à y amener les matériaux et enfin à évacuer les voyageurs en cas d’incident majeur, mais aussi de 9 km du tube sud côté français, servant de test.

TELT a désigné 3 consortiums : Eiffage remporte un lot de 22 km côté Modane, Vinci une section de 23 km au centre du tracé, incluant des sections en méthode traditionnelle au lieu du recours au tunnelier, tandis qu’Implenia se chargera d’une section de 3 km à l’ouest de l’ouvrage. Au pic des chantiers, 5 tunneliers seront en action côté français.

Autant dire que le projet est maintenant bel et bien en passe de devenir une réalité.

Le nouveau dossier de transportrail s’intéresse non seulement à la Transalpine, c’est-à-dire le tunnel de base de 58 km sous les Alpes entre la France et l’Italie mais aussi à 2 éléments indissociables sur le plan fonctionnel : les nouveaux accès depuis l’agglomération lyonnaise et le contournement ferroviaire de cette dernière.

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5 juillet 2021

Plus c'est gros, plus ça passe

Invité de BFMTV, le ministre des Transports avait, en matière ferroviaire, choisi de frapper les esprits avec un chiffre choc : 75 milliards €, affirmant que c'était le montant de l'investissement sur 10 ans.

La vulgarisation pour le grand public n'interdit pas la précision et le respect des règles budgétaires. Dans ces 75 milliards €, il y en a 35 qui ne sont que la reprise par l'Etat d'une partie de sa propre dette, celle qu'il avait placé dans les années 1990 dans le Service Annexe d'Amortissement de la Dette, devenu en 1997 Réseau Ferré de France.

Restent donc 40 milliards. Sur 10 ans, cela ne fait plus que 4 milliards. Autant dire peu de chose, mais M. Djebbari cite quand même pêle-mêle le nouveau Contrat Etat - SNCF Réseau, le plan de relance, la stratégie nationale pour le fret... Or transportrail vous expliquait précédemment que l'Etat pratique la multiplication des lingots, puisque l'apport réel de l'Etat dans le plan pour le fret n'est que 250 M€, le reste étant à obtenir d'autres financeurs, comme l'Union Européenne ou les Régions.

Evoquons aussi le Contrat de Performance (dont l'appellation est toujours aussi usurpée) : outre le fait qu'il ne concerne vraiment que la noblesse du réseau ferroviaire (lignes en catégorie 2, 3 et 4 selon le calcul de sollicitation de la voie adaptée de la norme définie par l'UIC), que le clergé (catégories 5 et 6) commence à comprendre qu'il a été floué et que le tiers-état (les catégories 7, 8 et 9 alias lignes de desserte fine du territoire) en sont exclues, le compte n'y est pas. Reprenons la base, c'est-à-dire l'audit du réseau ferroviaire amorcé en 2005 par l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne sous l'égide du professeur Rivier et poursuivi par le professeur Putallaz.

  • il manque au moins 500 M€ par an pour le réseau structurant (ici défini par les catégories 2 à 6), mais une prochaine actualisation de l'audit devrait confirmer que le déficit serait plus proche du milliard d'euros ;
  • il ne s'agit que de renouvellement à l'identique, sans intégrer la mise à niveau pour garantir le niveau de performances (par exemple pour les installations électriques avec l'accroissement du trafic et des engins plus sollicitants) ;
  • la modernisation en est évidemment exclue : en matière de signalisation, il faudrait faire pour l'éternité du BAL, même sur les axes éligibles ERTMS, qui génère certes des coûts supplémentaires (sur l'infrastructure mais aussi sur le matériel roulant) mais procure quelques améliorations sur l'exploitation et le débit ;
  • les lignes de desserte fine du territoire sont exclues, alors que le diagnostic de SNCF Réseau fait remonter un besoin théorique annuel de 750 M€ par an ;
  • les lignes capillaires fret ne sont pas reprises ;
  • l'Etat - quelle surprise - ne tient pas sa parole puisqu'en 2017, le contrat prévoyait une trajectoire à 3 milliards €, et une incrémentation de 100 M€ supplémentaires tous les ans. Donc en théorie 3,1 milliards € en 2021... mais seulement 2,7 milliards € réels.

Bref, non seulement on est en retard, mais en plus, on continue d'en accumuler. Pour que le contrat puisque être réellement de performance, il faudrait donc le porter au moins à 4,5 milliards € pour le réseau structurant. Puisque l'Etat est propriétaire du réseau, ce serait donc aussi à lui d'assumer la totalité des investissements de renouvellement des lignes de desserte fine, et une part substantielle des lignes capillaires. Autant dire qu'à moins de 5 milliards €, il devrait être interdit de parler de performance... On attend que l'Académie Française en rappelle la définition.

Pendant ce temps, avec une situation bien moins critique mais pas exempte de situations délicates, l'Allemagne investira pour le seul renouvellement de ses infrastructures 86 milliards € sur 10 ans.

3 juillet 2021

Vraiment un milliard pour le fret ?

L'enveloppe du volet fret du plan de relance devient un peu plus clair... mais devient-elle pour autant plus fiable ?

La question mérite d'être posée quand on prend le temps de la décomposer : il y a réellement 250 M€ accordés à de nouvelles opérations, tandis que sont repris les coups partis, qui représentent eux aussi 250 M€. Restent donc 500 M€... que l'Etat annonce comme des cofinancements à établir avec l'Union Européenne mais aussi avec les collectivités locales. En résumé : 250 = 1000 !

Ajoutons quand même que l'Etat a prévu 210 M€ à destination de SNCF Réseau pour intégrer l'impact du développement du fret sur l'organisation - et donc le coût - des travaux : ceci concerne surtout les opérations prévues la nuit, avec des coupures longues et visant les 2 voies, de sorte à étendre la plage d'ouverture aux circulations.

Pour ce qui est de la ventilation des actions, La Lette Ferroviaire donne un éclairage des actions ciblées :

  • 250 M€ pour le transport combiné et les installations terminales embranchées ;
  • 200 M€ pour l'adaptation des infrastructures afin de dégager des itinéraires compatibles avec le gabarit LGP400 ;
  • 205 M€ pour la rénovation des lignes capillaires fret ;
  • 100 M€ pour adapter les infrastructures aux trains longs de 850 m dans un premier temps et potentiellement 1050 m dans un second temps ;
  • 160 M€ pour l'adaptationdes faisceaux de service et les triages : dimensionnement des besoins, rationalisation et rénovation ;
  • 85 M€ pour la digitalisation des activités (terme pour l'instant un peu fourre-tout).

Néanmoins, la concrétisation de ces actions dépend fortement de la réalité de la consistance du milliard d'euros... et donc surtout de l'apport des cofinanceurs. La part de l'Union Européenne devrait être conséquente puisqu'une large partie de ces actions est compatible avec les orientations communautaires pour développer le fret ferroviaire. Et puis, c'est toujours l'année européenne du rail, non ?

24 juin 2021

Pour renflouer la SNCF, la vente d'Ermewa ?

Si, au moins dans les apparences, l'Etat a soutenu SNCF Réseau dans le plan de relance avec un peu plus de 4 MM€, dont l'essentiel sont destinés à assurer la trajectoire financière d'investissement et confirmer les engagements pris notamment dans les CPER, il en va tout autrement de la situation de SNCF Voyageurs, dont les pertes se comptent en milliards d'euros (le chiffre sera précisé à la fin définitive des restrictions de déplacement) : pour la seule année 2020, le déficit atteint 3 MM€. Après les 7 MM€ de l'année 2020, l'Etat a assuré Air France d'une aide pouvant atteindre 4 MM€ moyennant quelques compensations : la cession de créneaux de décollage - aterrissage et la fin des vols intérieurs depuis Orly vers Bordeaux, Nantes et Lyon, décidée dans la Loi Climat et Résilience. En revanche, pour l'opérateur SNCF Voyageurs, la prise en charge des effets de la crise sanitaire et notamment des périodes de restriction de déplacement se fait toujours attendre.

En conséquence, c'est par ses propres moyens que l'entreprise doit se refaire une santé. Evoquée depuis plusieurs mois, la cession d'Ermewa, l'activité de location de wagons de marchandises (100 000 unités tout de même) a été vendue à la Caisse des Dépôts et Consignations du Québec et un groupe financier allemand (DWS). Autre filiale apparemment sur la selette : Effia, gestionnaire de parkings, aujourd'hui filiale de Keolis, pourrait aussi être cédée afin de boucher le trou de la pandémie.

L'Etat - du moins pour l'instant - se défile et laisse le groupe SNCF en pleine campagne. On est loin de la situation allemande, où l'Etat soutient fortement la DB et n'a pas tardé à réagir de façon claire et nette. Certes, le groupe ferroviaire devra aussi faire des efforts, mais il semble que côté français, on continue à ne pas compendre l'effet levier du chemin de fer dans une véritable relance de l'économie intégrant une dimension écologique concrète. A la longue, on finit par ne plus être surpris...

Et pendant que l'Etat contraint finalement le groupe SNCF à céder une activité stratégique pour le fret ferroviaire, on attend toujours la stratégie nationale en la matière : un document a bien circulé il y a quelques semaines, mais il est si convaincant qu'à transportrail, on n'a pas osé vous en parler. Les propositions de 4F s'avèrent globalement plus concrètes, l'Etat semblent vouloir se les approprier, mais pour les moyens, cela reste à confirmer... et apparaît une nouvelle lubbie sur les locomotives à batteries et pile à hydrogène pour le fret...

30 avril 2021

Allemagne - Autriche : un nouveau tunnel pour accéder au Brenner

Le tunnel de base du Brenner, long de 56 km, est en construction. Amorcé dès la sortie sud de la gare d'Innsbruck, il sera mis en service en 2028. Il sera raccordé au tunnel de la vallée de l'Inn, long de 11 km, constituant actuellement un contournement sud d'Innsbruck pour les trains arrivant par l'est (Salzburg, Linz, Vienne mais aussi Munich), et raccordé au pied de la ligne historique sommitale. 

L'Allemagne et l'Autriche ont étudié depuis 2015 les conditions de réalisation d'une ligne nouvelle transfrontalière concourant à l'augmentation de la capacité et de la performance sur l'axe européen Berlin - Palerme, passant par le Brenner. Ces travaux se sont focalisés sur la section entre Munich et la vallée de l'Inn, et ont finalement abouti à préconiser le tracé comprenant une succession de tunnels (60% du parcours) sur un linéaire de 54 km. Le coût de cette ligne nouvelle est estimé à 7 MM€ et sa réalisation est envisagée à horizon 2038.

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Principes généraux du projet de ligne nouvelle entre Munich et la vallée de l'Inn. La concertation a été très serrée dans le secteur de Rosenheim, amenant à un territoire d'étude élargi. Les oppositions ont été assez nourries, amenant les deux porteurs du projet à un certain doigté... pour aboutir à la proposition ci-dessous pour la section principale souterraine.

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En Allemagne, le corridor a déjà bénéficié de la réalisation des lignes nouvelles sur le parcours Berlin - Munich, concourant à ventiler le trafic sur 4 voies, facilitant l'écoulement du fret.

En Autriche, le nouvel tunnel rejoindra une autre section nouvelle d'une vingtaine de kilomètres, comprenant la modernisation et la mise à 4 voies de 2,5 km au-delà du portail sud du tunnel, pour assurer la jonction à l'ouest de Wörgl avec l'entrée de l'Inntertunnel. Cette section sera apte à 230 km/h pour les trains de voyageurs et acceptera des trains de fret de 750 m - 1600 tonnes.

Côté italien, le tunnel de base du Brenner rejoint l'ouvrage existant au nord de Bolzano, qui a vocation à être prolongé jusqu'en amont de Vérone.

20 avril 2021

Des TER sur la rive droite du Rhône pour Noël ?

L'arlésienne sort de l'ombre

C'est l'annonce de la Région : les 83 km de la rive droite du Rhône entre Nîmes et Pont Saint Esprit retrouveraient un service voyageurs à la fin de l'année 2021, après 49 ans d'absence. Ce serait l'aboutissement d'un feuilleton à rebondissements qui alimente la chronique dans la vallée du Rhône depuis au moins 20 ans. Un projet évalué à près de 100 M€, ce qui n'est pas rien, car il ne suffit pas d'engager des trains de voyageurs sur la ligne. L'élément le plus évident est logiquement l'aménagement des gares et des quais, et leur mise en accessibilité, qui représente environ 40% de l'investissement.

La desserte prévoit 8 allers-retours : il faudra 35 minutes pour aller de Pont Saint Esprit à Avignon et 1h20 pour atteindre Nîmes, du fait du crochet par Avignon Centre.

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Chusclan - 8 août 2013 - Ce n'est pas la première fois que nous publions cette photo... mais trouver un cliché avec un train de voyageurs sur la rive droite est à peu près aussi rare que d'avoir l'unique ticket gagnant à une célèbre loterie européenne ! Donc pour rappel, il s'agit de la déviation par la rive droite pour cause de travaux d'un train régional Lyon - Marseille... Mais si vous avez une bonne photo à nous proposer, nous la publierons ! © transportrail

Phaser les travaux pour rouvrir au plus vite

Initialement, la réouverture était annoncée en 2026, mais la Région voulait aller plus vite et un nouveau processus a été mis en oeuvre pour hiérarchiser les interventions. A Pont Saint Esprit, la priorité est mise sur la réouverture de la gare, la mise en état des quais. Le cheminement d'un quai à l'autre s'effectuera d'abord par le souterrain public existant en attendant la réalisation d'une passerelle. Même principe à Bagnols sur Cèze (avec un pont dans ce cas et non un passage inférieur). A Remoulins, une configuration - très - provisoire sera mise en oeuvre avec le raccourcissement de voies de service et l'aménagement d'une traversée des voies par les voyageurs... moyennant un ralentissement de la vitesse des trains (surtout pour le fret). Les autres gares, notamment celle de Villeneuve lès Avignon, devront attendre une seconde phase de travaux.

Même chose pour l'aménagement du terminus de Pont Saint Esprit : la voie en tiroir est reportée à une prochaine, mais reste à savoir comment sera géré le terminus des trains en attendant ? Par l'aiguille située juste au sud de la gare, avec un stationnement en pleine voie principale ?

En revanche, l'importance du budget consacré aux 27 passages à niveau surprend un peu : à supposer qu'au lieu de trains de voyageurs, on ajoute le même nombre de trains, mais des circulations fret, aurait-on engagé de tels moyens ?

Cependant, l'avis de l'EPSF a fait l'effet d'une douche écossaise, provoquant le couroux de la Région Occitanie et - semble-t-il - un certain embarras du côté du Ministère des Transports, obligé de jouer les médiateurs pour arrondir les angles (surtout à l'approche des élections régionales), car le report en 2023 de la réouverture a été sans surprise jugé inacceptable par la Région. Il va manifestement falloir être encore patient...

De multiples projets pour les voyageurs à aligner

Enfin, il est plus que jamais nécessaire de coordonner les actions des Régions Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes, qui envisage elle aussi le retour de trains de voyageurs sur la rive droite du Rhône, entre La Voulte et Le Teil (avec des trains amorcés à Romans) et peut-être aussi aussi au sud de Givors. Sinon, l'assemblage de ces moignons de desserte risque de poser quelques petits soucis pour arriver à aligner proprement des sillons fret...

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Saint Montan d'Ardèche - 12 août 2011 - Ils sont rares et il est difficile de bloquer le retour des trains de voyageurs en s'appuyant sur des trains fantômes. En revanche, il faut coordonner les différentes intentions régionales de restauration de la desserte voyageurs en rive droite du Rhône de sorte à conserver aussi une bonne capacité pour le fret, car il y a aujourd'hui un risque de surconsommation capacitaire avec des projets disparates. © transportrail

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