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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
30 juin 2021

Début des travaux de transformation de la gare de Lausanne

Le 29 juin dernier, a été donné le coup d'envoi des travaux de transformation de la gare de Lausanne, qui vont durer 10 ans.

Juste après la fin des travaux en gare de Renens, cette fois-ci, les CFF s'attaquent à un gros morceau. L'été prochain, la 4ème voie venant de Renens sera mise en service ainsi que le saut-de-mouton reclassant le trafic, autorisant en décembre suivant la mise en place d'une desserte RER comprenant 4 trains par heure et par sens entre Cossonnay et Cully, sur le tronc commun du réseau. La section la plus chargée de Suisse romande sera ainsi - en principe ! - plus fluide.

Ensuite, la modernisation des quais sera engagée de sorte à proposer un accès de plain-pied à tous les trains depuis toutes les voies mais aussi abolir les contraintes de réception des trains de 400 m qui pourront utiliser en 2029 toutes les voies. Ensuite, en 2030, les voyageurs pourront disposer de nouveaux passages souterrains, et la ligne de métro M2 disposera d'un nouveau tracé, puisque l'actuel a vocation à être emprunté par la future ligne M3. Enfin, en 2031, c'est tout le sous-sol de la gare, y compris sous la place qui lui fait face, qui sera livré, intégrant le pôle d'échanges avec les 2 lignes de métro.

Le coût total de cette opération atteint 1,3 MMCHF, financé par la Confédération à hauteur de 900 MCHF, CFF Immo (250 MCHF), le Canton de Vaud (90 MCHF) et la ville de Lausanne (15 MCHF). C'est une des opérations majeures du projet Léman 2030.

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30 juin 2021

CAF fournira 60 rames électriques à batteries en Allemagne

Destinées aux lignes non électrifiées autour de Duisburg, Krefeld, Essen, Düsseldorf et Dortmund, ces 60 rames ont fait l'objet d'un appel d'offres dans lequel le constructeur espagnol est désormais dans la dernière ligne droite avant la signature du contrat. Elles seront aptes à circuler en traction électrique sous caténaire 15 kV et sur batteries sur les lignes non équipées, afin d'éliminer la traction thermique recourant au gasoil. Deux versions sont prévues, avec une capacité de 120 ou de 160 places et des accès depuis des quais hauts de 760 mm. Le contrat prévoit aussi les prestations de maintenance durant 30 ans.

L'exploitation de ces rames nécessitera l'installation d'équipements pour la recharge des batteries dans les gares terminus de Kleve et Coesfeld.

VRR-NWL-Niederrhein-Muensterland-Netz

30 juin 2021

Allemagne : les ICE4 autorisés à 265 km/h

Changement de posture de la DB, qui était dans l'air du temps depuis plusieurs mois sinon années : les ICE4 ont été conçus initialement pour circuler à une vitesse maximale de 249 km/h, dans le but d'échapper aux spécifications d'interopérabilité pour du matériel à grande vitesse, mais finalement, ils viennent d'être homologués pour une vitesse maximale de 265 km/h, manifestement destinée à donner un peu plus de résilience en cas de retard lorsque les trains circulent sur des lignes nouvelles autorisées plus de 250 km/h, et pour mieux gérer les mouvements d'affectation par rapport aux ICE1 et ICE2.

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Landquart - 19 juillet 2020 - Les ICE4, alias BR412, peuvent aussi circuler en Suisse. La rame 412-020 composée pour l'instant de 12 voitures, approche de son terminus à Coire, confirmant aussi la vocation au long cours de ce matériel désormais apte à 265 km/h ! © M. Stellini

Pour l'instant, 75 des 137 rames commandées ont été livrées, la dernière rame devant sortir des usines courant 2024. L'opération de reformatage des compositions, avec la constitution d'éléments de 13 voitures, est également en cours.

29 juin 2021

Talgo Avril : en Espagne d'abord, en France ensuite

La nouvelle génération de matériel à grande vitesse espagnol porte un nom printanier (acronyme signifiant haute vitesse légère avec roulement indépendant), mais il s'agit d'un matériel d'abord destiné au développement des dessertes en Espagne et à l'essor européen de la RENFE dans le cadre de la libéralisation du marché ferroviaire, en ciblant notamment la France. En mai dernier, une rame a atteint au cours d'une marche d'essais la vitesse de 363 km/h. Les essais des premiers trains de série débutent.

Talgo-Avril

Montée sur bogies à écartemement ibérique, la rame Avril 106-008 présente une face avant bien plus conventionnelle que les dernières générations et le prototype de cette série. On peut deviner la différence de largeur entre motrices et remorques. Les motrices reposent évidemment sur 4 essieux tandis que le segment voyageurs ne comprend que des essieux solo. (cliché X)

tableau-talgo-avril

La RENFE a commandé 30 rames :

  • 10 rames avec 581 places assises pour le trafic intérieur, dont 5 avec dispositif de changement d'écartement ;
  • 20 rames avec 507 places assises dont 10 avec dispositif de changement d'écartement pour le trafic intérieur et 10 à écartement européen et avec l'aptitude à circuler en France.

L'arrivée en France de ces rames génère quelques tensions entre la RENFE et SNCF Réseau. Les S106 génèreraint des perturbations électromagnétiques sur la TVM300 et l'équipement bistandard TVM - ETCS développé par Ansaldo-Hitachi. Pourtant, il se dit que les ETR400 (Zefiro) de Trenitalia viennent d'obtenir leur sésame pour rouler en France, y compris sur la LN1, ce qui laisse donc présager qu'il y aurait bien une solution compatible et sans effet sur le fonctionnement de l'équipement originel de la LGV Sud-Est. On mesure en tous cas l'intérêt de l'équiper en ERTMS niveau 2 !

28 juin 2021

Elections régionales : quelques enseignements ?

Victoire des abstentionnistes (dont il faudra s'interroger sur leur profil et les signaux qu'ils ont voulu envoyer), reconduction des sortants et surtout une campagne aux allures de tour de chauffe pour les élections nationales de l'année prochaine. Voilà pour le résumé des soirées électorales.

La campagne des élections régionales mais aussi les programmes des différents candidats ont généralement mis en avant des sujets nationaux, donc souvent hors-sujet. Les transports, premier budget des Régions, ont été nettement moins visibles que lors des précédents scrutins. Quand ils ont été évoqués, c'est généralement en recourant à des propos convenus et des slogans généraux. Qui sur la gratuité, qui sur des trains à hydrogène, qui sur une amélioration du service (mais sans en préciser l'envergure), quitte à recourir à l'habituelle promesse de réouverture de telle ou telle ligne. Finalement, ces élections ont servi de prétexte, de défouloir, comme une occasion de donner son avis sur tout et son contraire... mais en parlant si peu des dossiers relevant de la compétence des Régions et des Départements.

On surveillera quand même le troisième tour, celui de l'élection des présidents et surtout des vices-présidents, car c'est probablement sur ce point qu'il y aura peut-être quelques évoutions du fait de l'ajustement de la consistance des majorités.

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28 juin 2021

Le combiné français semble reprendre vigueur

Les perspectives économiques un peu plus favorables et peut-être les effets d'une organisation plus structurée de la commercialisation des services commencent à porter leurs fruits. La dynamique du transport combiné reprend des couleurs. Quelques exemples.

Du fait des travaux d'amélioration du terminal de Vénissieux, la liaison Lyon - Fos sur mer de Naviland Cargo qui compte déjà 10 allers-retours va gagner 2 rotations supplémentaires, qui seront orientées vers le port Edouard Herriot. Plus cher et moins commode pour l'exploitant, elle semble pour l'instant la seule solution permettant de composer avec la disponibilité du terminal de la banlieue est, en partie limitée jusqu'en fin d'année 2023. Autre relation de Naviland Cargo sur une pente ascendante, la liaison Le Havre - Bordeaux gagne une 7ème relation hebdomadaire.

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Près de Cavaillon - 31 mai 2019 - La navette entre les terminaux de Vénissieux et de Fos sur mer de Naviland Cargo transite par l'itinéraire Avignon - Cavaillon - Miramas, avec en prime ici la dernière des rares BB22200 à avoir arboré à la fin des années 1990 la livrée Fret façon tranches napolitaines. © R. Lapeyre

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Eckwersheim - 19 mai 2020 - Faisant un petit détour par la Lorraine, la liaison entre le port de Strasbourg et Gevrey débute son parcours au nord de Strasbourg. La peinture de la locomotive est un peu moins fraiche, mais les BB22200 sont assez à l'aise avec ces trains de tonnage moyens. © L. Hopp

L'activité ferroviaire reprend sur le port de Toulon après 10 M€ de travaux et la modernisation du pont Eiffel à La Seyne sur mer, qui avait été déclaré inapte du fait de son état. Il aura fallu être patient puisque les trains avaient disparu du site voici 12 ans. Dans un premier temps, l'activité est modeste avec 1 à 2 trains par semaine.

Au chapitre des nouveautés, Novatrans lance sa première relation entre Perpignan et Valenton compatible avec le gabarit P400. Cet opérateur a renforcé ses liaisons au départ de Dourges vers Rotterdam et Anvers, avec une deuxième rotation hebdomadaire et la création d'une quatrième liaison entre Anvers et Mouguerre.

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Miraumont - 19 avril 2019 - Emmené par la BB27173 ex-Fret SNCF transférée chez Akiem pour être louée à Akiem (on reste en famille), ce train Novatrans Dourges - Bayonne a encore quelques centaines de kilomètres avant d'arriver à destination. © N. Villenave

De son côté, CargoBeamer lance sa première relation de transport combiné entre Calais et Perpignan, avec 2 allers-retours par semaine dont la traction est confiée à ECR, avec un temps de trajet de 25 heures et des trains tracés à 120 km/h. Chaque train pourra transporter 36 semi-remorques. Les circulations sont prévues par l'artère Nord-Est, qui a été affectée par le déraillement spectaculaire d'un train de produits chimiques dans les Ardennes, après avoir heurté un camion de convoi exceptionnel chargé d'un bateau et qui était arrêté sur un passage à niveau (un accident multimodal donc...). CargoBeamer annonce porter cette première ligne à 4 rotations hebdomadaires en juillet et son intention de lancer en octobre une nouvelle relation entre Calais et Domodossola 6 fois par semaine. Celle-ci sera assurée par Captrain France, Captrain Germany et le BLS : elle transitera par Sarrebruck et la vallée du Rhin.

A horizon 2026, l'extension du site de Calais devrait lui permettre de traiter 12 trains par jour.  Les installations actuelles, d'un coût de 30 M€ ont été financées à hauteur de 60% par CargoBeamer, le solde provenant de l'Union Européenne, de la Chambre de Commerce et d'Industrie, l'Etat, la Région et l'agence de développement de l'agglomération de Calais.

Les wagons sont d'un modèle spécifique à transbordement latéral : la semi-remorque est translatée automatiquement grâce à la paroi latérale rabattable.

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Les installations Cargo Beamer à Calais : le chargement d'un train de 36 semi-remorques peut être assuré en 20 minutes. La réduction des temps techniques contribue à l'attractivité du transport combiné pour proposer une offre de bout en bout compétitive. (cliché X)

CFL Multimodal a ajouté une sixième rotation hebdomadaire entre Bettembourg et le port Edouard Herriot à Lyon. Open Modal a lancé une relation entre Le Havre et Chalon sur Saône.

Enfin, dans le sillage des discussions en cours avec l'Etat sur la stratégie nationale pour le fret, nombreux sont les opérateurs à réclamer la création d'une plateforme de transport combiné dans l'agglomération orléanaise, à proximité de l'un des plus importants pôles logistiques français.

26 juin 2021

Laon voudrait accéder à Roissy

Résurgence d'un sujet apparu il y a une dizaine d'années, dans l'ombre du projet Roissy-Picardie, désormais bien lancé : le 22 avril dernier, la Région Hauts-de-France a voté une subvention de 150 000 € pour réaliser une étude exploratoire, financée à parité avec l'Etat, pour le raccordement de l'axe Paris - Laon à la zone aéroportuaire de Roissy. L'agglomération de Soissons soutient depuis au moins une décennie ce projet, compte tenu de l'influence économique qu'elle exerce bien au-delà de l'Ile-de-France.

A l'époque, la réalisation de cette jonction avait été estimée à environ 110 M€ et une desserte comprenant 9 allers-retours avait été imaginée. Sur le terrain, il s'agit en quelque sorte d'un raccordement symétrique à celui prévu pour CDG Express, à l'intersection de l'axe Paris - Laon et de la ligne d'interconnexion des LGV. En revanche, les modalités d'insertion vers Roissy peuvent faire question.

laon-roissy

De son côté, CDG Express prévoit un saut-de-mouton à Villeparisis pour franchir les voies du RER B et continuer à l'aide de 2 voies nouvelles à l'ouest de celles de l'interconnexion des LGV. Le terminus se situera dans l'actuelle arrière-gare du RER B (les positions de garages étant reconstituées dans la zone aéroportuaire), avec des quais bas de 55 cm puisque la desserte sera assurée par des Régiolis.

L'usage par des trains venant de Laon des voies de CDG Express semble peu probable, car le terminus sera bien occupé par la desserte prévue au quart d'heure. Donc il faudrait, comme pour l'opération Roissy-Picardie, envisager l'usage des voies d'interconnexion, jusqu'à Villeparisis, avec la réalisation d'un nouveau saut-de-mouton rejoignant les voies de Paris - Laon. Cela suppose donc que le matériel soit équipé pour la signalisation en cabine, et à l'échéance à laquelle se projette cette réflexion, ce devrait être ERTMS niveau 2. Mais la gare de Roissy, reconfigurée par l'opération Roissy-Picardie, serait-elle apte à recevoir de nouvelles relations ?  Faudrait-il imaginer une diamétralisation avec des relations Laon - Roissy - Creil - Amiens / Compiègne ? L'usage de Régio2N, prévus sur les liaisons Amiens / Compiègne - Creil - Roissy nécessiterait l'électrification de la section Crépy-en-Valois - Laon. En l'absence, il faudrait alors gérer le terminus des dessertes venant de Laon dans la gare de Roissy, ce qui ne s'annonce pas nécessairement évident. Cependant, il faudra préalablement assurer le financement du renouvellement de la section Crépy-en-Valois - Laon...

Apparaît une fois de plus le déficit de conception d'ensemble de la connexion entre le réseau ferroviaire et l'aéroport de Roissy, dont on regrettera qu'il ne soit pas à la bifurcation de la LGV Nord et de l'interconnexion, mais aussi l'empilement sans logique d'ensemble des projets, notamment CDG Express, Roissy-Picardie et peut-être bientôt sa nouvelle bretelle vers Laon. Bien des regrets donc... et en conclusion, une amélioration de la liaison routière entre la zone aéroportuaire et une gare de l'axe Paris - Laon semble à court terme la solution la plus pragmatique. Reste à savoir laquelle car il faudra composer entre la desserte Transilien (avec du matériel à plancher haut) et la desserte régionale (avec du matériel à plancher bas)...

25 juin 2021

Stuttgart 21 : un programme complémentaire ?

Alors que le projet Stuttgart 21 est en cours de réalisation, l'étude d'un complément au projet revêt de prime abord un caractère saugrenu, peu compatible avec la réputation de rigueur germanique, qui, de temps en temps, et manifestement de plus en plus fréquemment, a quelques faiblesses.

Ainsi, le Land du Bade-Wurtemberg a demandé l'étude d'une gare terminus destinée au trafic régional comprenant 6 voies en impasse, distinctes des voies longue distance et de celles de la S-Bahn. Coût : 785 M€... mais l'intérêt de l'opération est contesté non seulement par la ville de Stuttgart (le projet de transformation de la gare ayant suffisamment animé le débat politique) mais aussi du VRS, l'autorité organisatrice des transports dans la communauté tarifaire.

En attendant, la mise en service de la nouvelle gare centrale reste annoncée pour décembre 2025.

Rappelons aussi qu'un programme d'équipement en ERTMS niveau 2 avec pilotage automatique sur ordre de départ du conducteur a été décidé sur un périmètre couvrant 100 km d'infrastructures du noeud ferroviaire de Stuttgart. Il a été attribué à Thales pour un montant de 127 M€. Il vent d'être complété par les modifications sur le matériel roulant : Alstom a été désigné pour équiper 215 automotrices S-Bahn (60 ET423 et 155 ET430), pour un montant de 310 M€

24 juin 2021

Pour renflouer la SNCF, la vente d'Ermewa ?

Si, au moins dans les apparences, l'Etat a soutenu SNCF Réseau dans le plan de relance avec un peu plus de 4 MM€, dont l'essentiel sont destinés à assurer la trajectoire financière d'investissement et confirmer les engagements pris notamment dans les CPER, il en va tout autrement de la situation de SNCF Voyageurs, dont les pertes se comptent en milliards d'euros (le chiffre sera précisé à la fin définitive des restrictions de déplacement) : pour la seule année 2020, le déficit atteint 3 MM€. Après les 7 MM€ de l'année 2020, l'Etat a assuré Air France d'une aide pouvant atteindre 4 MM€ moyennant quelques compensations : la cession de créneaux de décollage - aterrissage et la fin des vols intérieurs depuis Orly vers Bordeaux, Nantes et Lyon, décidée dans la Loi Climat et Résilience. En revanche, pour l'opérateur SNCF Voyageurs, la prise en charge des effets de la crise sanitaire et notamment des périodes de restriction de déplacement se fait toujours attendre.

En conséquence, c'est par ses propres moyens que l'entreprise doit se refaire une santé. Evoquée depuis plusieurs mois, la cession d'Ermewa, l'activité de location de wagons de marchandises (100 000 unités tout de même) a été vendue à la Caisse des Dépôts et Consignations du Québec et un groupe financier allemand (DWS). Autre filiale apparemment sur la selette : Effia, gestionnaire de parkings, aujourd'hui filiale de Keolis, pourrait aussi être cédée afin de boucher le trou de la pandémie.

L'Etat - du moins pour l'instant - se défile et laisse le groupe SNCF en pleine campagne. On est loin de la situation allemande, où l'Etat soutient fortement la DB et n'a pas tardé à réagir de façon claire et nette. Certes, le groupe ferroviaire devra aussi faire des efforts, mais il semble que côté français, on continue à ne pas compendre l'effet levier du chemin de fer dans une véritable relance de l'économie intégrant une dimension écologique concrète. A la longue, on finit par ne plus être surpris...

Et pendant que l'Etat contraint finalement le groupe SNCF à céder une activité stratégique pour le fret ferroviaire, on attend toujours la stratégie nationale en la matière : un document a bien circulé il y a quelques semaines, mais il est si convaincant qu'à transportrail, on n'a pas osé vous en parler. Les propositions de 4F s'avèrent globalement plus concrètes, l'Etat semblent vouloir se les approprier, mais pour les moyens, cela reste à confirmer... et apparaît une nouvelle lubbie sur les locomotives à batteries et pile à hydrogène pour le fret...

23 juin 2021

Railcoop voit - très - grand

Décidément, la lecture de la page des notifications sur le site de l'Autorité de Régulation des Transports devient une étape incontournable.

Railcoop a formulé vendredi dernier plusieurs intentions pour des dessertes supplémentaires ou adaptant les précédentes déclarations sur Lyon - Bordeaux, Toulouse - Rennes et Lyon - Thionville. Notons d'ailleurs que la coopérative confirme son intention de lancer le 26 juin 2022 son offre Lyon - Bordeaux.

6 nouvelles intentions, 2 projets amendés

Elles concernent à chaque fois 2 allers-retours quotidiens sur les relations suivantes :

  • Le Croisic - Bâle, via Nantes, Tours, Nevers, Dijon et Mulhouse, comprenant 24 arrêts intermédiaires avec un temps de parcours de 11h13 ;
  • Massy-Palaiseau - Brest par un parcours des plus rocambolesques : Versailles, Evreux, Caen, Saint Lô, Dol de Bretagne, Dinan et Saint Brieuc, en 8h31 et 19 arrêts ;
  • Thionville - Grenoble / Saint Etienne, couplés jusqu'à Dijon : la tranche stéphanoise, évidemment par Lyon, mais la tranche grenobloise transiterait par Louhans, Bourg en Bresse, Culoz et Chambéry, avec un temps de parcours de 8h08 vers Grenoble (14 arrêts) et de 6h46 vers Saint Etienne (11 arrêts) ;
  • Strasbourg - Clermont-Ferrand, classiquement envisagé via Mulhouse, Dijon et Nevers, en 7h56 avec 13 arrêts ;
  • Annecy - Marseille, via Chambéry, Grenoble, Veynes, Sisteron et Aix en Provence en 7h28 et 9 arrêts ;
  • Brest - Bordeaux, via Quimper, Nantes et La Rochelle, en 9h04 et 13 arrêts  ;
  • Toulouse - Caen / Saint Brieuc, évolution du Toulouse - Rennes, avec adjonction d'une tranche pour Caen et coupe-accroche au Mans, avec des temps de parcours respectivement de 9h48 vers Caen (13 arrêts intermédiaires) et 10h12 (12 arrêts intermédiaires) ;
  • Lille - Nantes, évidemment tracé via Douai, Amiens et Rouen comme le projet de l'Etat pour les TET, mais qui, ensuite, passerait par la transversale Caen - Rennes, avec un trajet en 9h16 et 16 arrêts.

carte-projets-railcoop2021

Open-access et cabotage peuvent-ils faire bon ménage ?

Une première analyse de ces projets de desserte identifie dès à présent pas mal de sujets qui pourraient devenir délicats.

Commençons par la politique d'arrêts. Les notifications transmises à l'ART portent sur des dessertes avec de nombreux arrêts, qui posent la question du positionnement des demandes : s'arrêter plus souvent, c'est manifestement rechercher à maximiser la population desservie, mais c'est aussi réduire l'attractivité sur des trajets plus longs. A tel point qu'on peut se demander s'il n'y aura pas, de la part de certaines autorités organisatrices, des demandes de test de sensibilité sur le bilan économique des dessertes conventionnées. En revanche, pourquoi ne pas desservir Moulins (mais Saint Germain des Fossés) sur la liaison Strasbourg - Clermont-Ferrand ?

On a aussi remarqué des choix d'arrêts hétérogènes sur des troncs communs : Montmélian, Gières, Montchanin, Serquigny, Mézidon et Savenay ne sont concernées que par une partie des circulations étudiées par la coopérative.

Venons-en aux contraintes capacitaires. Plusieurs lignes transitent par des sections à faible débit, en cantonnement téléphonique (Dol - Lamballe sur Lille - Nantes et Massy - Brest, Vif - Aspres sur Annecy - Marseille), dont la capacité limitée est presque intégralement consommée par les dessertes régionales existantes. D'autres doivent composer avec du block manuel (Landerneau - Quimper et La Rochelle - Saintes sur Brest - Bordeaux, Jarrie - Vif puis Serres - Aix en Provence sur Annecy - Marseille), ce qui est déjà le cas de Lyon - Bordeaux (entre Gannat et Guéret puis de Nexon à Périgueux), générant des contraintes de construction de la grille et de composition avec les circulations existantes, qui plus est sur les sections à une seule voie.

On peut aussi souligner que l'insertion de sillons directs entre Aix en Provence et Marseille sur la liaison sera à surveiller, compte tenu des objectifs de desserte périurbaine au quart d'heure sur cette section.

Sur des lignes mieux équipées, on peut aussi noter le penchant de Railcoop pour la section Savenay - Nantes déjà assez contrainte, et concernée par les études sur un RER nantais : elle serait empruntée par les relations Brest - Bordeaux, Lille - Nantes et Le Croisic - Bâle, soit 6 allers-retours. Ce n'est pas anodin. Ce sera peut-être moins tendu sur la section Mézidon - Caen, elle aussi concernée par 6 allers-retours. Le penchant pour l'ouest se confirme si on s'intéresse à la section Folligny - Dol, qui ne voit actuellement passer que 2 à 3 allers-retours et qui figure dans les notifications avec 4 allers-retours.

L'incursion en Ile de France s'annonce intéressante avec la gestion d'un terminus à Massy-Palaiseau sur les voies de la Grande Ceinture, utilisée par le fret, le RER C et la future navette transitoire Versailles - Massy-Palaiseau, en attendant l'achèvement du tram-train T12. Sueurs froides en perspective...

Enfin, ces grandes diagonales amènent structurellement à devoir trouver le dénominateur commun entre de multiples contraintes dans les grands noeuds du réseau, ce qui pourrait conduire à des temps de parcours encore un peu plus longs pour arriver à composer avec les circulations préexistantes. C'est ce qui s'est passé sur Lyon - Bordeaux avec une inflation du temps de parcours de 45 minutes entre la notification de Railcoop et la proposition de SNCF Réseau. Un Lille - Nantes devra composer avec les contraintes assez fortes sur Lille - Douai, puis dans les noeuds de Rouen, Rennes et Nantes...

L'un des enjeux sera évidemment de savoir si ces dessertes intègrent la trame horaire systématique - auquel cas ce pourrait être au détriment de l'activation de sillons pour le transport régional ou les TET - ou dans une construction hors trame, mais en composant avec la capacité résiduelle sans réelle garantie de performance.

Les intentions transversales sont confirmées et on ne peut nier que certaines sections présentent un certain intérêt car elles pourraient combler des absences : c'est par exemple le cas des liaisons Clermont-Ferrand - Dijon et Nantes - Dijon (toutes deux envisagées par la VFCEA). On peut objectivement saluer l'intention de relancer une desserte Caen - Rennes, concernée par 4 allers-retours. D'une certaine manière, c'est aussi le cas pour la liaison Annecy - Marseille, qui fleure bon l'Alpazur d'antan, et qu'il est intéressant de voir apparaître alors qu'avait été réalisé à grands frais un raccordement entre le sillon alpin et la LGV pour des relations Alpes - Méditerranée (qui n'ont pas dépassé le stade de l'anecdotique aller-retour hebdomadaire).

Cependant, ces projets viennent cette fois-ci téléscoper les projets projets de l'Etat pour les Trains d'Equilibre du Territoire avec les demandes transitant par l'axe Nantes - Bordeaux, et la diagonale Lille - Nantes, même si les perspectives de l'Etat et de Railcoop divergent sur cette dernière à partir de Mézidon.

Il y a en revanche une différence assez nette : les notifications de Railcoop apparaissent très orientées sur des parcours de cabotage compte tenu du nombre élevé d'arrêts, avec une vitesse moyenne inférieure à celle des trajets en voiture. D'où le risque de requête, notamment de certaines Régions... surtout si les propositions à Railcoop amenaient à des modifications d'horaires substantielles sur les TER et/ou TET...

Mais sur le fond, la même question demeure : peut-on arriver à équilibrer charges et recettes sans subvention (principe de base du service librement organisé) avec des dessertes de cabotage et des tarifs globalement calqués sur ceux du covoiturage ? C'est pourtant la condition d'existence de cette entreprise...

X72500 pour tous

Toutes ces relations seraient assurées avec 2 X72500 tricaisses : compte tenu de la longueur des trajets, il sera souvent difficile d'intégrer un aller-retour dans la même journée, donc chaque rame ne ferait qu'un aller par jour. Bref, beaucoup d'actifs pour une productivité journalière contrastée selon qu'on raisonne en kilomètres parcourus ou en nombre de services par rame et par jour. Toutes les circulations étant prévues en UM2, il faudrait que Railcoop récupère la totalité des 42 rames tricaisses produites, ce qui suppose qu'elles soient libérables... et utilisables. Les annonces sur une rénovation par ACC traitent la carrosserie et les aménagements intérieurs, mais quid de la chaîne de traction et des fameux groupes auxiliaires qui font la célébrité de cette série ?

Dans le rapport d'activités de la coopérative, on apprend un peu plus sur l'abandon de location de matériel neuf : l'acquisition par un loueur aurait due être gagée par une puissance publique auprès de la structure portant l'investissement. Ni l'Etat, ni les Régions n'ont souhaité s'engager dans cette voie. D'où le repli sur des automoteurs existants, à la réputation technique peu flatteuse et au niveau sonore élevé à bord...

On peut être aussi circonspect sur la capacité réelle à assurer certaines de ces dessertes au long cours, par rapport à l'autonomie en carburant de ces automoteurs et la localisation des stations-service sur le réseau. Le foisonnement de liaisons notifiées crée un éparpillement dont il va être difficile de trouver le dénominateur commun pour assurer la maintenance. Il semblerait que la coopérative solliciterait les technicentres de la SNCF...

En outre, ces nouvelles relations seraient pour large partie assurées en traction thermique sur des lignes électrifiées. On a connu mieux question responsabilité environnementale. D'ailleurs, pour la liaison Le Croisic - Bâle, il faudra demander l'avis aux suisses pour la circulation d'un matériel (au mieux) aux normes anti-pollution Euro2...

Il faudra aussi recruter des effectifs : une centaine d'emplois sont annoncés par la cooopérative pour lancer la liaison Lyon - Bordeaux et la desserte fret entre Figeac et Saint Jory. C'est déjà beaucoup... alors combien pour l'ensemble de ce nouveau périmètre ?

Il va en falloir des sociétaires...

A court terme, ces propositions sont élaborées de façon assez stratégique car elles touchent toutes les Régions métropolitaines, y compris l'Ile de France. Railcoop peut donc s'appuyer sur ces intentions nouvelles pour continuer son tour de France, et obtenir l'adhésion de collectivités locales... mais à ce stade sans garantie de concrétisation de la desserte. Manifestement, pour la coopérative, il faut rapidement recueillir plus de capital ne serait-ce que pour payer les salariés et recruter de nouveaux collaborateurs en vue des premières exploitations... Ce qui pose là aussi question, tant sur la méthode que sur le fond. Quels moyens seront réellement réunis ? Peut-on réellement imaginer la rénovation de la quarantaine d'automoteurs d'ici 18 mois, puisque ces nouveaux services sont annoncés à l'horaire 2023 ? Quelle contractualisation avec quelle entreprise pour l'entretien du matériel ? Combien de salariés auront été recrutés, en particulier les conducteurs ?

Il n'en demeure pas moins une franche ambiguïté du positionnement : service ferroviaire librement organisé, donc sans subvention publique, ciblant de plus en plus un marché de cabotage de courte et moyenne distance pouvant entrer en concurrence avec les activités conventionnées, mais sollicitant quand même les collectivités locales pour constituer son capital.

Comme nous le disions dans notre dossier, le risque d'un déficit structurel lié au marché visé reste important et les sociétaires devront l'éponger et, en cas d'échec, nombreux seront les observateurs qui profiteront de l'occasion pour l'interpréter comme une absence d'intérêt du train sur les liaisons transversales.

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