GPSO : l'Etat poursuit avec le tout-TGV
Des paroles et des actes. Le titre de l'émission politique de France 2 est décidément bien choisi car il résume le fossé grandissant entre les déclarations politiques et les décisions.
Tout-TGV : on continue... surtout avant les élections !
Il y a quelques semaines, le Premier Ministre était au siège de la SNCF et réaffirmait devant Guillaume Pépy et Jacques Rapoport son intention de rompre avec trois décennies de "tout-TGV", suivant en ce sens les recommandations de la Cour des Comptes et des différentes commissions spécialisées dont celles présidées par le député normand Philippe Duron. La priorité devait être mise sur le réseau existant.
Cependant, dès le début de cette année, Manuel Valls n'avait-il pas signé la déclaration d'utilité publique (DUP) de la très contestée - et contestable - LGV Poitiers - Limoges ? N'a-t-il pas annoncé la semaine dernière l'amputation d'un tiers des crédits à l'AFITF destinés à la modernisation du réseau ferroviaire pour boucher le trou généré par les récentes annonces de baisses d'impôt ?
Ce week-end, par l'entremise du Secrétaire d'Etat aux transports Alain Vidalies, on apprenait que l'Etat signerait prochainement la DUP de GPSO, c'est à dire des LGV Bordeaux - Toulouse et Bordeaux - Dax, alors même que les conclusions de l'enquête publique leur étaient défavorables. A trois mois des élections régionales, cette décision se révèle donc extrêmement politicienne afin de ne pas donner un argument de plus à l'opposition dans une campagne qui pourrait virer au naufrage pour les majorités sortantes. N'oublions pas que M. Vidalies est élu des Landes et directement concerné par le projet de gare TGV du côté de Mont de Marsan. Ceci peut expliquer cela.
Evidemment, il n'est nullement fait allusion aux modalités de financement des 8,3MM€ de ce projet ni de l'impact sur la dette du système ferroviaire de lignes nouvelles qui vont venir créer une ramification supplémentaire sur une ramification de la LGV Atlantique. Il ne tire nullement les leçons de feuilleton des dessertes de SEA. D'ailleurs, l'annonce de la DUP sur GPSO contente les financeurs de SEA qui avaient suspendu leur subvention à la confirmation d'engagement de GPSO.
GPSO : pour quoi faire ?
Sur le papier, le projet GPSO est assez séduisant puisqu'il permet de gagner une heure vers les destinations situées au sud de Bordeaux. Une heure de plus par rapport à ce que permettra déjà en 2017 l'ouverture de SEA entre Tours et Bordeaux. Symbole de ce projet, Paris - Toulouse en 3 heures pour les meilleures relations. L'objectif est de récupérer la clientèle aérienne, qui reste majoritaire vers la ville rose du fait des temps de parcours actuellement supérieurs à 5 heures.
En faisant abstraction des prévisions de desserte du dossier d'enquête publique, dont on sait bien qu'elles n'engagent que ceux qui les croient, et en raisonnant par analogie avec l'axe Paris - Marseille au temps de parcours potentiellement comparable :
- Peut-on imaginer une liaison Paris - Toulouse toutes les heures et renforcée à la demi-heure en pointe, comme sur Paris - Marseille ? La réponse peut être positive, au moins sur le cadencement horaire, en tablant sur une part de marché ferroviaire équivalente entre les deux axes.
- Oui mais à quel prix ? SEA entraînera déjà une hausse sensible du prix du billet, et mécaniquement, GPSO tirera les prix une nouvelle fois à la hausse.
- Cette hausse sera d'autant plus forte que le nombre de trains circulant sur GPSO sera forcément limité : au-delà d'un à deux sillons par heure sur les relations avec Paris, quelles autres desserte la branche de Toulouse accueillera-t-elle ? On peut tabler sur un troisième sillon utilisé alternativement par des liaisons Grand Sud Bordeaux - Méditerranée (qui basculeraient donc en TGV) et des Toulouse - Hendaye empruntant les deux branches de GPSO. Ajoutons un sillon pour les intersecteurs (quoique la tendance actuelle irait plutôt à la contraction). Soit au mieux 4 sillons par heure. Vers Dax, on peut envisager une formule bitranche pour Hendaye et Tarbes (soit un sillon par heure), un deuxième sillon pour les intersecteurs et un troisième pour les Toulouse - Hendaye. Soit 3 sillons par heure.
- La perspective de TERGV semble maigre compte tenu des coûts à charge des Régions, même avec un matériel plafonnant à 249 km/h, du fait du faible volume de rames à acquérir.
Bref, l'induction de trafic, la plus bénéfique au bilan socio-économique de GPSO, proviendrait donc :
- d'abord du report de l'importante clientèle de l'avion vers le train sur l'axe Paris - Toulouse ;
- de l'amélioration procurée par la grande vitesse à la fois sur les relations Bordeaux - Toulouse et Bordeaux - Méditerranée;
- du développement d'une desserte classique intervilles Bordeaux - Toulouse cadencée aux 2 heures, desservant la vallée de la Garonne (Langon, La Réole, Marmande, Tonneins, Agen, Moissac, Castelsarrazin, Montauban) ;
- de l'essor des dessertes périurbaines Bordeaux - Langon et Montauban - Toulouse afin de généraliser un service à la demi-heure sur la première et au quart d'heure sur la seconde
Vers Dax, le bilan semble plus mitigé, même dans la perspective d'une future interconnexion avec le réseau à grande vitesse espagnol. Les besoins périurbains sont moindres du fait d'une densité de population inférieure et d'une desserte Bordeaux - Arcachon déjà cadencée à la demi-heure en pointe. La desserte intervilles pourrait déjà être améliorée en recourant aux formations bitranches d'automotrices pour un service Bordeaux - Hendaye / Pau a minima toutes les 2 heures et toutes les heures en pointe.
D'où la nécessité d'une prévision de trafic fiable et surtout objective. L'expérience tend malheureusement à monter que les cas de prévisions ajustées pour viabiliser un projet ne sont pas rares... Et la concurrence de l'autocar, faisant feu de tous bois pour concurrencer le TGV, risque de rendre caduques les prévisions sur lesquelles repose à ce jour le projet. A minima, un réexamen des chiffres du trafic s'impose... d'autant que la SNCF n'a pas tardé à réagir, son président remettant en avant les 150 M€ que l'entreprise perdrait avec SEA...
Des questions sur les lignes classiques
L'alternative par le réseau classique n'est pas systématiquement la plus crédible. L'augmentation de capacité nécessaire pour dissocier les flux rapides (TGV) et lents (TER et fret) sans recourir à la construction d'une LGV sont au moins aussi onéreuses vu l'impact sur le bâti urbain des villes traversées, notamment sur Bordeaux - Toulouse. Les temps de parcours annoncés atteignables par les opposants à GPSO avaient été réfutés par la SNCF (voir notre dossier). GPSO n'évitera en revanche aucune dépense sur le réseau classique. Il faudra de toute façon régénérer les deux lignes pour assurer le trafic régional et le fret. Le devenir de la caténaire Midi sur la ligne des Landes n'est pas résolu.
Quant à la transversale pyrénéenne, le projet GPSO propose de créer des TGV Toulouse - Hendaye utilisant le raccordement prévu entre les deux branches. Dans ce cas, l'itinéraire via Tarbes et Pau serait lui aussi éligible au transfert de compétences. Mais pourquoi donc préconiser - tant côté SNCF que commission Duron TET - leur suppression et leur remplacement par des autocars ?
Une page de plus dans l'imposant volume"Foncer dans le mur pour les nuls" ? Pendant ce temps, la dette ferroviaire passe le cap des 44 MM€...