Depuis la création du TGV Méditerranée, voici bientôt dix ans, c'est un feuilleton qui anime régulièrement la chronique de la presse locale au pays du nougat, des abricots, des olives et de la lavande. Lors de la construction de la LGV, une emprise a été réservée pour une éventuelle gare à hauteur de Montélimar, sur la commune d'Allan, à proximité de la sortie Montélimar sud de l'autoroute A7. La récente attribution à un élu du nord du Vaucluse du portefeuille des transports s'est rapidement accompagnée de la résurgence de ce projet.
Août 2006 - La ligne TGV Méditerranée aux abords de l'emplacement envisagé pour une éventuelle gare à proximité de Montélimar : une fausse bonne idée, sauf s'il s'agit de gaspiller un peu d'argent public ! © transportrail
L'agglomération montilienne compte environ 40 000 habitants. Au point de vue chalandise, dans un périmètre d'environ 30 à 45 minutes de route, on peut estimer qu'environ 200 000 habitants seraient potentiellement concernés par cette gare, c'est à dire en intégrant l'Ardèche méridionale (Aubenas, Les Vans, Vallon pont d'Arc, Pont Saint-Esprit, Bourg Saint-Andéol, Le Teil), la Drôme provençale (Pierrelatte, Nyons) et le nord du Vaucluse (Bollène, Orange, Valréas, Vaison-la-Romaine).
On pourrait alors croire que l'affaire est entendue et qu'il n'y a plus qu'à construire la gare. Ce serait trop simple.
Premier grief, la desserte. Aujourd'hui, Montélimar dispose de 3 TGV par jour (4 en pointe hebdomadaire) assurant la liaison Paris - Avignon - Miramas (pour la desserte d'Arles). Il n'est d'ailleurs pas impossible que le quatrième TGV soit à terme régularisé.
La création d'une gare TGV à Allan ne signifierait absolument pas que les actuels TGV circulant sur la LGV feraient escale au pays du nougat. Il s'agirait surtout du report sur la LGV des circulations existantes, qui rejoignent la ligne classique à Valence. Bref, la gare actuelle de Montélimar perdrait son rôle de porte d'entrée au réseau national, et par là-même les retombées sur la vie économique de la ville, qui s'est considérablement transformée depuis la requalification de la nationale 7 au profit des habitants et touristes.
D'autre part, les estimations faites par la SNCF ne tablaient que sur deux relations quotidiennes sur la LGV et éventuellement une seule maintenue sur la ligne classique. A priori, il ne serait pas non plus envisagé de desservir Allan par des TGV intersecteurs. L'explication est simple : la plupart d'entre eux desservent déjà Valence TGV et Avignon TGV et un troisième arrêt en une centaine de kilomètres serait consommateur de sillons (outre les 5 à 6 minutes perdues).
D'autre part, l'impact sur les temps de parcours n'est pas forcément que positif. Il faut en effet compter entre 15 et 20 minutes pour aller de la gare de Montélimar à l'emplacement potentiel de celle d'Allan. Or le gain de temps procuré par l'emprunt de la LGV est de l'ordre de 15 minutes, déduction faite d'éventuels arrêts techniques (notamment pour des coupes-accroches à Lyon Saint Exupéry). Aujourd'hui, un TGV abat la relation Paris - Valence TGV en 2h11 et Paris - Montélimar en 2h49 avec emprunt de la ligne classique de Valence à Montélimar.
En partant du principe du maintien de la politique de desserte, un TGV Paris - Marseille faisant arrêt à Lyon Saint-Exupéry, Valence TGV, Montélimar TGV, Avignon TGV, outre le fait que sa performance entre Lyon et Marseille ne serait guère transcendante, assurerait la liaison Paris - Montélimar TGV en 2h25 / 2h28 environ.
Pour les voyageurs venant de l'Ardèche, et singulièrement ceux qui viennent par les cars TER récupérer le TGV, le bilan n'est guère fameux puisque la quasi-totalité du gain procuré par l'emprunt de la LGV est mangé par le temps supplémentaire passé dans le car, qui devra toujours desservir Montélimar, centre économique et tertiaire local, et surtout gare TER pour rejoindre Valence et Lyon !
Seuls les voyageurs du Vaucluse et de la Drôme pourraient y trouver leur compte, à condition encore de rejoindre le TGV, puisque la desserte de Montélimar TGV serait pénalisante pour les voyageurs du car TER Nyons - Montélimar souhaitant prendre le TER pour Valence ou Lyon.
Moralité : quitte à investir quelques dizaines de millions d'euros dans le ferroviaire en basse vallée du Rhône, autant travailler à l'amélioration des gares existantes (relèvement à 55 cm des quais à Montélimar, Pierrelatte...) et à la création d'une desserte TER Grenoble - Avignon TGV, connectant aux deux gares TGV existantes l'ensemble des villes de la basse vallée du Rhône.
70 M€, c'est le coût estimé de la gare. L'Etat envisagerait de la financer à 50% : en considérant 35 M€ à la charge des collectivités locales, cette somme ne permettrait-elle pas d'autres renforcements pérennes de la desserte vers les gares existantes ?