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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Trains régionaux à 200 km/h : quel potentiel ?

Un domaine structurellement limité

Les lignes classiques aptes à 200 km/h se situent essentiellement dans la moitié ouest du pays. Les exceptions sont des plus limitées : Strasbourg – Bâle évidemment, et 3 sections en vallée du Rhône entre Lyon – Marseille, réalisées au début des années 1980 pour les TGV Sud-Est. Il s’agit de Donzère – Bollène, Orange – Le Pontet et de Tarascon – Miramas. Cependant, ces sections ne sont plus guère utilisées : sur la première, les signaux ne présentent que le vert clignotant limitant la vitesse à 160 km/h. Seule la seconde est encore réellement utilisée, uniquement par les TGV Vallée du Rhône : aucun matériel régional apte à 200 km/h en Rhône-Alpes ni en PACA, avec de toute façon un gain des plus limités compte tenu de la politique d’arrêt.

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Pierrelatte - 13 août 2016 - Un TGV sur une section apte à 200 km/h... mais sur laquelle on ne dépasse pas 160 km/h. La pérennité des zones à 200 km/h en vallée du Rhône est sur la sellette, tout comme sur la section Tours - Bordeaux, mais SNCF Réseau n'a le budget ni pour entretenir cette performance dans la durée... ni financer les modifications de signalisation pour revenir définitivement à 160 km/h ! © transportrail

Le périmètre apte à 200 km/h constitué dans les années 1960-1970 pour les grands rapides a été étendu à l’ouest dans les années 1980, afin d’accompagner l’arrivée de la LGV Atlantique sur Le Mans – Angers et l'axe ligérien, dont les trains régionaux profitent depuis l’arrivée des Z21500, du moins pour les dessertes à arrêts peu fréquents.

Plus récemment, la démarche menée sur les radiales bretonnes Rennes – Brest et Rennes – Quimper, a également bénéficié aux services régionaux avec le même matériel, mais avec un gain limité sur l’horaire car les tronçons adaptés sont modestes. La création de zones à 200 km/h sur l’axe Paris – Clermont-Ferrand n’a pour but que d’accélérer les Trains d’Equilibre du Territoire.

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La Vraie Croix - 17 février 2020 - Les Z21500 bretonnes peuvent pour partie tirer profit des aménagements de vitesse réalisés sur les radiales Rennes - Brest et Rennes - Quimper pour des dessertes intervilles. Les prestations offertes sont de bonne tenue sur ce type de service. (cliché X)

Et enfin, il faut évoquer la situation particulière en Pays de la Loire avec l’emploi ponctuel de la LGV Bretagne Pays de la Loire par les trains régionaux Nantes – Angers – Laval – Rennes, eux aussi assurés en Z21500 modifiées (équipement TVM).

Des études avaient été réalisées dès les années 1970 sur d’autres sections du réseau, notamment entre Dijon et Lyon : aujourd’hui, l’intérêt serait réduit car les politiques d’arrêt régionales ne permettraient pas d’en tirer pleinement profit.

Le transfert aux Régions des anciens Trains d’Equilibre du Territoire du bassin parisien a statistiquement élargi – au moins potentiellement – le champ des trains régionaux circulant à 200 km/h.

En Normandie d’abord, avec les relations de l’axe Paris – Caen – Cherbourg, qui dispose de 3 sections totalisant 88 km, aptes à cette vitesse. Néanmoins, la pratique réelle de cette vitesse reste sporadique, compte tenu d’horaires assez détendus.

Les liaisons Paris – Val de Loire / Berry peuvent aussi capitaliser sur de longues sections aptes à 200 km/h. Cependant, la pratique de cette vitesse dans la Beauce a été longtemps minée par un ralentissement à 100 km/h à Toury (pour cause de Traversées Jonctions Doubles). En outre, la Région Centre se dote de 32 Omneo Premium aptes à 200 km/h mais en version 110 m dans la perspective de constitution d’UM3, excédant les capacités de l’alimentation électrique. Rouler à 200 km/h pour faire l’horaire d’un train à 160 km/h, c’est tout le paradoxe de ce choix.

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Monnerville - 13 juin 2021 - Après la Normandie, la Région Centre entame le remplacement de ses voitures Corail par des Omneo Premium acquis dans le cadre de la régionalisation des ex-TET. Ces deux rames parviennent en limite de la section à 200 km/h dans la Beauce, et passe devant l'une des sous-stations d'origine PO. (cliché X)

Mieux utiliser les sections existantes

Aussi, pour envisager un développement des dessertes régionales à 200 km/h, il faudrait non seulement acquérir de nouvelles rames, car les effectifs compatibles se limitent aux 57 Z21500 et à une partie des Régio2N, et capitaliser sur les sections déjà aptes à cette vitesse.

Dans un premier temps, il s’agira de tirer profit de ce parc en adaptant la construction horaire de sorte à pouvoir réellement tirer profit de cette possibilité sur les liaisons intervilles. C’est principalement l’objectif en Bretagne, sur l’axe ligérien et l’axe Le Mans – Angers. En Sologne, la pratique des 200 km/h était plutôt l’apanage de trains tracés avec un minimum d’arrêt entre Orléans et Vierzon. Dès lors que les trains font systématiquement au moins Saint Cyr en Val, La Ferté Saint Aubin, Lamotte-Beuvron et Salbris, les opportunités d’atteindre 200 km/h sont plus réduites. Cette zone reste donc principalement l’apanage des relations longue distance (Paris – Limoges – Toulouse) et des Paris – Bourges repris par la Région.

Pour dresser quelques perspectives, transportrail s’intéresse à trois opportunités.

Entre Rouen et Caen

Le projet LNPN prévoit en phase 2 de réaliser un tronc commun et deux antennes dans le département de l’Eure, profitant aux radiales et autorisant une relation Rouen – Caen en 1h06. Le coût du « Y de l’Eure » dépasse les 2 MM€ ce qui amène logiquement à envisager des alternatives.

L’électrification Elbeuf – Serquigny (50 km) autoriserait la création de liaisons Rouen – Caen valorisant la section apte à 200 km/h entre Bernay et Caen, pour une relation en 1h15 environ. 9 minutes d’écart en divisant par 15 le coût d’investissement sur l’infrastructure, cela mérite quand même réflexion. Il serait possible d’utiliser les Omneo Premium qui pourraient « trianguler » plus facilement et accéder à l’atelier de Sotteville sans forcément passer par Paris.

Une desserte cadencée à l’heure avec arrêts à Elbeuf, Serquigny, Bernay et Lisieux serait pleinement justifiée quand on sait pr exemple qu’il y a au quotidien plus de déplacements – majoritairement en voitures – entre Caen et Rouen qu’entre Caen et Paris. Pourtant, la desserte ferroviaire ne propose que 7 allers-retours sur la transversale entre les grandes villes normandes contre 16 sur la radiale.

Sur l’axe Paris – Clermont-Ferrand

Pour commencer, il faudra remettre à l’ouvrage le relèvement à 200 km/h de la section Montargis – Nevers, à l’exception de la traversée de Gien, qui bénéficiera aux Trains d’Equilibre du Territoire Paris – Clermont-Ferrand mais aussi – dans une moindre mesure du fait de leurs arrêts plus fréquents – aux dessertes Paris – Nevers, qui pourraient éventuellement aller au-delà de 160 km/h : elles ont en effet vocation à être assurées avec les Omneo Premium aptes à 200 km/h.

Dès lors que le projet POCL est reporté sine die, il redevient intéressant de tirer profit de la ligne existante. Il faudra aussi renforcer l’alimentation électrique car, quoique récente, elle avait été dimensionnée de façon un peu trop économique…

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La Ferté Hauterive - 25 juillet 2018 - Les TET Lyon - Nantes ont besoin de matériels bimodes pour s'affranchir du dernier hiatus non électrifié, ce qui ne leur permet pas de pratiquer les 200 km/h sur les sections existantes en val de Loire et dans le Bourbonnais. © transportrail

Au sud de Nevers, outre le parachèvement du relèvement de vitesse sur le parcours de Nevers à Saint Germain des Fossés, la réflexion porterait sur un complément aux TET radiaux, afin d’atteindre un cadencement à l’heure sur la relation Clermont-Ferrand – Nevers. En ligne de mire, des services type Clermont-Ferrand – Tours (voire Nantes) et Clermont-Ferrand – Dijon, moyennant l’électrification de la section Nevers – Chagny (voir notre dossier sur le projet VFCEA).

Sur l’arc languedocien

Le contournement de Nîmes et Montpellier ainsi que la première section de la future ligne nouvelle Montpellier – Perpignan sont (ou seront) des lignes mixtes aptes à 220 km/h (voir le dossier de transportrail à ce sujet)

Commençons par la section Montpellier – Béziers : sa création pourrait-elle donner l’occasion de créer des services régionaux complémentaires aux liaisons nationales ? La probabilité est faible, car l’emprunt de la section mixte de LNMP mettrait à l’écart la desserte de Sète.

Quant à la section existante entre Manduel et Saint Jean de Védas, le problème est évidemment la moindre chalandise potentielle du fait de la position excentrée des gares, qui limiterait l’attractivité de services rapides sur l’arc languedocien : aller plus vite pour perdre du temps n’est jamais une bonne solution.

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Rivesaltes - 1er mai 2016 - Le matériel de la Région Occitanie ne dépasse pas les 160 km/h en cohérence avec les infrastructures sur son territoire. L'usage des infrastructures nouvelles sur l'arc languedocien par des services régionaux rapides semble peu probable. © P. Hurzeler

Paradoxalement, il pourrait être intéressant d’admettre les trains aptes à 200 km/h sur la section aujourd’hui prévue dédiée à la grande vitesse, notamment entre Narbonne et Perpignan, où le gain de temps pourrait être appréciable. Cependant, ce n’est pas le schéma aujourd’hui étudié, d’autant plus qu’il n’est pas prévu d’entrée sur la ligne nouvelle depuis Narbonne. En outre, cette perspective laisserait de côté les gares intermédiaires.

Bref, envisager des trains régionaux à 200 km/h sur l’arc languedocien impliquerait à la fois un dédoublement du service (avec une question capacitaire dans les gares), un matériel adéquat et une révision assez substantielle du projet LNMP.

Des trains régionaux sur LGV ?

L’hypothèse a été envisagée sur la branche de Dax du projet GPSO, incluant même des gares dédiées à des services régionaux à grande vitesse, avec pour but une accélération des liaisons depuis Bordeaux vers le Béarn et le Pays Basque, et l’intégration de Mont de Marsan dans ces services. Cependant, il s’agissait plutôt de trains circulant à 250 km/h, pour une compatibilité avec les trains longue distance à 320 km/h. A 200 km/h, la cohabitation risque d’être plus difficile sur une telle longueur.

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Biganos-Facture - 25 juillet 2009 - La Région Aquitaine avait acquis 6 automotrices Z21500 qui ont été depuis cédées à d'autres Régions ayant un meilleur usage des aptitudes de ce matériel, puisque la ligne des Landes plafonne à 160 km/h. © R. Douté

Sur les autres lignes à grande vitesse existantes, une telle perspective semble évidemment peu plausible, au-delà du développement de la desserte Nantes – Angers – Laval – Rennes. Néanmoins, sur la ligne nouvelle entre Lyon et le tunnel de base de la Transalpine, la cohabitation entre des trains à grande vitesse et les dessertes régionales accélérées entre Lyon, la Savoie et le Dauphiné serait théoriquement possibles. Reste qu’il faudrait trouver de la place à Lyon Part-Dieu pour intégrer là aussi ce dédoublement de desserte.

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Nivollas-Vermelle - mars 2005 - Les services Intervilles de la Région désormais Auvergne - Rhône-Alpes entre Grenoble et Lyon ici illustrés avec une rame réversible poussée par une BB25200, pourraient-ils emprunter la ligne nouvelle Lyon - Chambéry ? C'est probablement une des questions à arbitrer avant d'engager le remplacement de ces voitures... © transportrail

En conclusion, les services régionaux à 200 km/h resteront des exceptions du fait d’un potentiel résiduel limité ou conditionné à des investissements sur l’infrastructure. Qui plus est, le risque est aussi de cantonner ces prestations à quelques services ponctuels, comme Interloire, en dépit d’un potentiel souvent consistant sur les axes où ils existent.

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