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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

LNOBPL et les radiales bretonnes

L’accélération des relations entre Paris et la Bretagne est un dossier récurrent dans l'histoire de la grande vitesse en France. La naissance du TGV Atlantique en 1989 avait déjà procuré un gain de temps d’environ une heure. Le meilleur temps vers Brest s’établissait, avant l'ouverture de la LGV Bretagne Pays de Loire, à 4h29, tandis que Quimper était à 4h16. Avec sa mise en service, Brest se situe à 3h30 voire 3h23 le vendredi, et Quimper à 3h38 voire 3h21 le vendredi. Que se passe-t-il le vendredi ? La minute n'est pas réduite à 58 secondes : le vendredi, circulent des TGV accélérés vers le Finistère, au détriment du reste de la Bretagne...

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Brest - 18 avril 2019 - Début de soirée, fin de la pointe à cette extrémité occidentale du réseau ferroviaire : 2 TGV Duplex sont arrivés de Paris et on aperçoit un Régio2N, signe d'une dynamique de trafic local en hausse. © transportrail

L’objectif de la démarche Lignes Nouvelles Ouest Bretagne Pays de la Loire (LNOBPL en abrégé) est d’atteindre les deux villes de la pointe bretonne en 3 heures. Pour cela, le projet de ligne à grande vitesse Bretagne Pays de la Loire, mise en service en juillet 2017, a procuré la majorité du gain de temps, de l’ordre d’une grosse demi-heure pour les meilleures relations. Ceci dit, atteindre le Finistère en 3 heures imposerait de ne desservir aucune ville intermédiaire entre Paris, Brest et Quimper. Bref, aller vite pour pas grand monde (pardon pour nos lecteur finistériens) ?

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Laval - 24 juillet 2016 - L'ouverture de la LGV a mis Rennes à 1h25 de Paris. La ligne classique Le Mans - Rennes a perdu la majorité de son trafic malgré le regain de dessertes régionales. © transportrail

L’optimisation du réseau existant pour accompagner la LGV BPL

En complément de la ligne à grande vitesse, l’aménagement des lignes Rennes – Brest et Rennes – Quimper a été engagé pour relever la vitesse au moins à 160 km/h et jusqu’à 220 km/h pour celles présentant le profil le plus favorable. Pas moins de 41 passages à niveau ont été supprimés. Les voies ont été renouvelées, avec parfois des ripages pour augmenter le rayon de certaines courbes et donc la vitesse, et l’armement a été renforcé pour admettre des vitesses accrues.

En direction de Brest, 112 km sont traités, en 4 tranches :

  • Plouagat – Guingamp à 220 km/h en 2009 ;
  • Tramarin – Yffigniac à 220 km/h en 2011 ;
  • Plouaret – Pleyber-Christ à 220 km/h et Rennes – Quédillac à 190 km/h en 2013.

Sur la ligne de Quimper, 105 km sont traités en 3 tranches :

  • Quimper - Lorient à 160 km/h et Auray - Hennebont à 220 km/h en 2006 ;
  • Malansac – Questembert à 220 km/h en 2013.

Ces aménagements procurent au total un gain de 4 à 5 minutes sur chacune des radiales, soit environ 10 M€ la minute gagnée. Les efforts sont importants pour un résultat assez maigre : les sections traitées sont morcelées sur de petites distances, parfois moins de 6 km, diminuant leur effet sur la marche des trains. Il est communément admis qu’une distance de 20 km est un minimum pour que l’opération ait une réelle portée sur l’horaire.

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Morlaix - 26 juillet 2016 - Le très beau viaduc qui surplombe la ville et le départ d'un TGV Atlantique pour Paris : ces rames aux performances assez moyennes par leur longueur ne permet pas d'utiliser forcément de la façon la plus optimale les relèvements de vitesse opérés sur les deux radiales. © transportrail

La signalisation a été modernisée pour adapter le cantonnement aux nouvelles performances. La dernière opération de grande envergure fut la mise en place du BAL à la place du BAPR entre Rennes et Redon, à l'été 2018, où un renouvellement de la voie et du ballast a également été réalisé dans l'optique de porter la vitesse sur cette section à 160 km/h au lieu de 140 km/h, procurant un gain perceptible sur les omnibus (jusqu'à 7 minutes), plus que sur les sillons directs (2 minutes du fait d'une dose de domestication). Les ouvrages d’art ont été rénovés et les franchissements des voies en gare sécurisés avec la création de passerelles ou de passages souterrains.

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Morlaix - 26 juillet 2016 - L'articulation TGV - TER (ici une ZTER assurant un TER Rennes - Brest) est essentielle à la dynamique du réseau de villes bretonnes. Plus que la vitesse, c'est la fréquence qui est déterminante. © transportrail

En gare de Rennes, l’aménagement de la traversée de la gare, devant autoriser le passage de trains sans arrêt à 90 km/h, a été - heureusement - abandonné en 2016 : 67 M€ de modifications d'infrastructures pour gagner 90 secondes (744 000 € la seconde gagnée !). Il y aurait probablement mieux à faire en Bretagne à ce prix...

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Rennes - 9 juin 2016 - La traversée en vitesse de Rennes ne concernerait guère que le fret, comme ici avec ce train céréalier emmené par la BB75468. Pour le reste, une opération démesurément onéreuse au regard de l'usage réel ! © transportrail

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Rennes - 9 juin 2016 - Le principal enjeu en gare de Rennes est de gérer l'évolution du trafic : l'augmentation de capacité est nécessaire mais l'espace contraint alors la technique entre en action... © transportrail

Encore plus vite ? A quel prix ?

Pour atteindre l’objectif de liaisons en 3 heures, la Région Bretagne a souhaité explorer une étape supplémentaire au-delà de ces aménagements. La desserte des villes bretonnes depuis Nantes manque d’attractivité avec une part de marché de seulement 5%. En moyenne, la part de marché du rail plafonne à 8% avec une pointe à 18% toutefois entre Rennes et Vannes.

Le CPER Bretagne prévoit un budget de 3,8 M€ pour étudier de nouvelles solutions s’inscrivant dans un triple objectif :

  • gagner une heure supplémentaire entre Rennes, Brest et Quimper pour mettre le Finistère à 3h de Paris (pour un TGV sans arrêt intermédiaire) ;
  • améliorer la desserte Nantes – Rennes en intégrant la desserte du projet d’aéroport Notre Dame des Landes ;
  • densifier l’offre périurbaine autour de Rennes et Nantes.

Trois scénarios ont été établis et sont présentés à l’occasion d’un débat public organisé du 4 septembre 2014 au 3 janvier 2015. Ils sont adossés à des orientations en matière de consistance de la desserte.

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Ils placent effectivement Quimper et Brest à 3h de Paris, mais sans aucun arrêt intermédiaire, contre 3h10 avec BPL et toujours à la même condition discutable d'une liaison snobant toutes les autres villes de Bretagne. Nantes et Rennes seraient reliées en 50 minutes, sauf dans le scénario « minimal » qui ne ferait gagner que 6 minutes (1h08 au lieu de 1h14). Le coût de ces 3 scénarios varie entre 3 et 6,5 MM€.

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Rennes - 21 août 2015 - Un autre sujet à prendre en compte : la desserte périurbaine de Rennes sera assurément très dimensionnante. Les Régio2N ont pris place sur plusieurs relations, confirmant un trafic de plus en plus soutenu. © transportrail

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Le scénario mauve cherche à utiliser au maximum les emprises existantes. La seule infrastructure nouvelle serait celle reliant l'aéroport Notre Dame des Landes. (extrait dossier du débat public)

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Le scénario vert prévoir de réaliser deux "Y bretons" : le premier radial pour les liaisons avec Paris et le second transversal pour l'axe Nantes - Rennes / Quimper. (extrait dossier du débat public)

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Le scénario bleu allège le linéaire de nouvelles infrastructures en éliminant la branche sud qui serait fusionnée avec l'axe Nantes - Rennes. (extrait dossier du débat public)

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Evaluation des capacités possibles sur les axes concernés par le projet et des gains de temps des différents scénarios. On note la nuance qui consisterait à limiter la vitesse à 250 km/h sur l'axe Nantes - Rennes, contre 320 km/h pour les radiales bretonnes. (extrait dossier du débat public)

Rennes – Brest / Quimper : quel gain de temps possible ? nécessaire ?

Depuis l'été 2017, l'avantage du temps de parcours du train par rapport à la voiture peut avoisiner voire dépasser les 2 heures. La ligne à grande vitesse place à peu près Brest et Quimper sur le même isochrone que Marseille et Montpellier... qui sont certes plus éloignées en distance. Vouloir aller plus vite ne serait possible aujourd'hui qu'en sacrifiant la desserte de villes intermédiaires (Saint Brieuc, Guingamp, Morlaix au nord, Vannes et Lorient au sud), dont les bassins de chalandise sont tout de même importants... ou alors en créant de nouvelles sections à grande vitesse. Dans ce dernier cas, il faudra alors pouvoir maximiser les bénéfices de tels investissements et ne pas rechercher que l'amélioration du temps de parcours vers le Finistère.

Sur le marché régional breton, le train surclasse nettement la voiture vers Brest (45 minutes d'écart). L'écart est d'environ un quart d'heure vers Quimper.

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Quimper - 19 avril 2019 - Les Z21500 largement présentes sur les radiales bretonnes profitent des améliorations de performance de l'infrastructure pour proposer des liaisons intervilles rapides et attractives. Parmi les enjeux : accueillir des vélos parfois très nombreux... © transportrail

Au-delà de la vitesse, il y a la fréquence. La structure de desserte n'a pas fondamentalement changé avec le prolongement de la LGV à Rennes. Jusqu'à l'été 2017, on comptait 12 relations Rennes - Brest et 11 Rennes - Quimper, assurées aux deux tiers par des TGV. Les TER assuraient un complément, notamment le matin et en fin d'après-midi. Ainsi par exemple, on ne comptait aucun TER entre 7 heures et 17h44 entre Rennes et Brest... mais une succession de 5 TGV.

A moyen terme, se posera la question de la consistance de l'offre, avec une desserte régionale qui ne joue plus seulement les compléments à la desserte longue distance.

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Vannes - 20 avril 2019 - Un peu plus de 440 places dans cette formation de 2 ZTER, matériel particulièrement agréable sur les liaisons intervilles. Aujourd'hui, ces TER complètent la trame TGV. La Région envisage de généraliser ces dessertes pour densifier le trafic et jouer à plein l'effet réseau avec une géographie urbaine de fait très linéaire. © transportrail

En revanche, le cas de la liaison Nantes - Rennes mérite de tourner une page et d'y consacrer un dossier entier.

Voir également le dossier de transportrail consacré à la transversale Brest - Quimper.

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