Les liaisons TGV province-province ne sont à la fête et font les frais de la volonté de la SNCF de développer l'offre Ouigo en utilisant les gares de la périphérie francilienne, même si ces trains commencent aussi à cannibaliser les liaisons radiales au départ des gares centrales parisiennes. Ou comment rendre l'offre encore moins lisible, donc moins attractive, en amplifiant les creux de desserte et les contraintes fluctuantes d'embarquement.
Les liaisons Rhin-Rhône sont les plus touchées par la contraction de l'offre puisque 4 des 8 allers-retours vont être supprimés et avec notamment la suppression de toute desserte TGV depuis Nancy vers Lyon et l'arc Méditerranéen :
- Metz - Nice via Chalindrey (qui, il est vrai, n'empruntait pas la LGV Rhin-Rhône) :
- Nancy - Toulouse également via Chalindrey ;
- Bâle - Marseille (par la LGV Rhin-Rhône);
- Strasbourg - Marseille via Lons le Saunier (n'empruntant la LGV qu'entre Belfort et Besançon).
La SNCF explique ces réductions de desserte par l'engagement d'importants travaux de transformation de la gare de Lyon Part-Dieu, mais annonce la systématisation des arrêts à Mulhouse et Dijon et le prolongement à Metz d'un troisième TGV actuellement terminus Strasbourg.
D'autres évolutions sont également prévues en 2019 dans le cadre d'une rationalisation quasi-continue de l'offre longue distance. Ainsi par exemple, le TGV Paris - Freiburg im Breisgau ne circulera plus via Dijon mais via Strasbourg, pour proposer une relation plus rapide (et accessoirement une unique liaison directe Strasbourg - Freiburg).
C'est surtout au sud-est que la cure d'amaigrissement est la plus forte :
- Annecy - Paris passera de 7 à 5 allers-retours, réduction motivée par l'introduction de TGV Duplex plus capacitaires que les rames Sud-Est actuellement engagées ;
- Grenoble - Paris perd un aller-retour (8 au lieu de 9) ;
- Lille - Lyon perd une relation avec la suppression du Bruxelles - Nice ;
- Nice - Paris passe de 7 à 4 allers-retours en offre TGV classique mais hérite de 2 nouvelles relations Ouigo. En outre, tous les TGV feront le crochet par Marseille Saint Charles
On constatera donc encore une fois que la desserte Grandes Lignes de la Côte d'Azur ne cesse de régresser puisque l'année dernière, la SNCF avait déjà supprimé la liaison directe Bordeaux - Nice et Lyria avait limité à Marseille sa relation Genève - Méditerranée. De quoi inciter les azuréens à se rendre encore en plus grand nombre à l'aéroport (pour les longs trajets) ou à emprunter leur voiture (pour les parcours de moindre distance).
Conséquence de ces allègements, le trafic sur les lignes à grande vitesse va encore un peu plus diminuer, ce qui évidemment retarde encore un peu plus l'échéance de saturation de la section centrale de la LN1 (message aux derniers soutiens du projet POCL...), tandis que les temps de parcours vont grimper puisque la SNCF ajoute tout de même quelques arrêts pour compenser l'impact des suppressions de circulations dans certaines gares (puisqu'il y a encore des gens qui osent vouloir prendre le train).
De façon un brin plus perfide, on pourra aussi souligner qu'il sera difficile de prétexter l'absence de sillons pour répondre favorablement aux demandes d'éventuels nouveaux entrants qui ne manqueront pas d'observer les terrains délaissés par l'opérateur historique !
Dans ce cadre il faut insister pour que les Régions prennent en charge le plus possible les relations classiques au titre de l'interrégionalité, avec les fréquences, la politique d'arrêts et les itinéraires pertinents (exemples symboliques de Lyon - Nantes ou Nantes - Bordeaux, qui restent à valoriser fortement). Les quelques TET restant devraient à mon sens continuer à être intégrer dans les offres TER, de façon à arrêter l'approche malthusienne de ce périmètre par SNCF Mobilités et renforcer l'articulation avec l'offre TER existante. Je pense par exemple à la transversale Sud, qui devrait être transférée aux 3 régions du Sud et constituer une armature forte entre les agglomérations s'échelonnant entre Bordeaux et Marseille (et au-delà vers Nice dans la mesure du raisonnable). Cela renvoie à certains commentaires précédents relatifs aux liaisons intervilles fréquentes.
S'agissant des TGV intersecteurs, on comprend bien la politique de rationalisation de SNCF Voyages, qui, en tant qu'EF "aux risques et périls", souhaite optimiser non pas la fréquentation ou les recettes de ces trains, mais le ratio recettes/charges, ce qui est une tout autre histoire. Le problème est que l'intérêt de SNCF Voyages n'est pas l'intérêt du système ferroviaire ni celui de la collectivité.
Il faut donc continuer à militer pour que des nouveaux entrants soient en mesure de proposer des offres alternatives, avec deux priorités : définir des itinéraires stables valorisant le réseau LGV et permettant des correspondances avec les réseaux régionaux et viser des fréquences décentes. Des relations comme Bordeaux - Bruxelles ou Marseille - Strasbourg, avec dessertes intermédiaires consistantes, sont susceptibles de constituer un marché attractif, en s'appuyant entre 3 et 6 AR journaliers.