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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Strasbourg - Lyon à grande vitesse (mais moins souvent)

Une transversale à grande vitesse…

Entre 1950 et 2000, la relation Strasbourg – Lyon a donc été accélérée d’un peu plus de 3 heures. Néanmoins, la vitesse moyenne des trains restait très moyenne, à 100 km/h, alors qu’en parallèle, le développement du réseau autoroutier, avec notamment l’ouverture de l’A39 entre Bourg en Bresse et Dole, achevée en 1998, a sérieusement amélioré la performance routière, avec un trajet en 4h30 environ.

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Messia - 15 février 2009 - Les BB22200 ont également été de la partie après le retrait des rames réversibles et des BB25200 dont la fiabilité faisait question sur une longue étape. © T. Girardot

Dans le schéma directeur des lignes à grande vitesse de 1991, figurait le projet de liaison Rhin-Rhône comprenant un tronc commun (la section Est) entre Mulhouse et le nord de Dole, et deux branches, l’une vers l’Ouest pour rejoindre Montbard, envisageant une traversée souterraine de Dijon avec une gare nouvelle à la Porte Neuve, et une branche sud qui aurait rejoint soit Bourg en Bresse soit l’axe Ambérieu – Lyon, en lien avec les réflexions sur un contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise. Les études furent lancées en 1992, en se concentrant quand même sur la section Est, commune à l’ensemble du projet et qui, logiquement, présentait a priori le potentiel de trafic le plus élevé en additionnant le flux radial Paris – Suisse et le flux transversal Rhin – Rhône.  Elle avait aussi l’avantage de procurer un important gain de temps en évitant la section la plus lente dans la vallée du Doubs.

La section Est a obtenu sa déclaration d’utilité publique en janvier 2001 et les premiers travaux furent lancés en juin 2009 après l’achèvement des études et la négociation du plan de financement. La mise en service a eu lieu le 11 décembre 2011.

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Uchizy - 19 juillet 2019 - La rame 4715 remonte la plaine de Saône en assurant la relation Marseille - Lyon - Strasbourg - Francfort : c'est unique liaison internationale vers l'Allemagne empruntant la LGV Rhin-Rhône, d'abord utilisée par les relations entre Paris et la Suisse alémanique.© transportrail

Longue de 137,5 km et d’un coût de 2,5 MM€, la ligne nouvelle de Villers-les-Pots (entre Dijon et Dole) à Petit-Croix, dans l’agglomération de Belfort, résulte elle-même d’un phasage, puisque le projet initial prévoyait un raccordement plus à l’ouest à Genlis et une arrivée directement dans le nœud ferroviaire mulhousien. L’amorce à Genlis ne semble plus d’actualité au regard du coût dissuasif de la seconde gagnée (1 MM€ pour 90 secondes) et de son faible intérêt dans une structure horaire cadencée qui n’en a pas besoin (ou moins peut-on les gagner autrement et à un coût plus faible...)

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La section Belfort – Mulhouse (35 km, 850 M€)n’est pas encore totalement abandonnée, car elle pourrait procurer un avantage non négligeable : le gain de temps procuré, bien plus conséquent (12 minutes), pourrait faciliter la systématisation de la desserte des gares nouvelles de Belfort-Montbéliard et de Besançon Franche-Comté (toutes deux reliées au réseau classique, quoique non sans mal dans le cas de Belfort, mais c’est tout de même à souligner !), mais aussi la desserte de Dijon, qui reste aujourd’hui assez brouillonne, sur les liaisons radiales comme sur les liaisons transversales.

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Belfort-Montbéliard TGV - 19 septembre 2019 - Configuration atypique pour la gare TGV belfortaine, à quai unique central. La rame Lyria 4419 file en direction de Mulhouse et de la Suisse. Le cliché est pris depuis le quai de la gare TER. Notez en bas à droite le double repère TVM - ERTMS. © transportrail

Néanmoins, hormis la Région Bourgogne Franche-Comté, il n’y a pas grand monde pour porter l’extension Est de la section Est de la LGV Rhin-Rhône… Quant à l’ouest, l’idée semble oubliée : la FNAUT essaie de porter l’idée d’un barreau rejoignant la LGV Sud-Est du côté de Saulieu, mais il ne semble pas vraiment prioritaire, et pose autant de problèmes qu’il en résout : il faudrait pouvoir insérer les trains… Quant à la section sud, le projet a sombré de lui-même… faute d’une quelconque perspective de rentabilité et d'une absence de justification sur la saturation des itinéraires ferroviaires amenant à Lyon.

En attendant, la LGV Rhin-Rhône, apte à 320 km/h, sauf dans le tunnel de Chavanne limité à 270 km/h, suscite quelques commentaires peu élogieux du fait de son faible trafic : certaines lignes de desserte fine du territoire accueillent plus de trafic que cette LGV, classée UIC 5/6 selon les sections.

… mais une offre à la baisse

Son ouverture n’a pas entrainé de circulations supplémentaires puisque les liaisons radiales vers Belfort, Mulhouse et la Suisse sont constituées pour l’essentiel de TGV Paris – Bourgogne préexistants prolongés, ou du report de circulations qui transitaient depuis 2007 par la LGV Est. Or avec l’achèvement de cette dernière, un Paris – Zurich redevient plus rapide via Strasbourg plutôt que via Dijon, avec un intérêt non nul pour une offre directe Strasbourg – Mulhouse – Bâle – Zurich… Mais diplomatiquement, la SNCF a reporté ces relations via la LGV Rhin-Rhône, qui les accepte bien plus facilement que la ligne Strasbourg – Mulhouse déjà très chargée.

La desserte Paris - Besançon n’a pas forcément gagné au change : le bénéfice de la LGV Rhin-Rhône est relativement limité et consommé soit par le parcours à allure réduite du TGV sur la ligne Devecey – Besançon-Viotte, soit par la correspondance pas toujours optimisée entre le TGV et le TER.

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Besançon Viotte - 20 octobre 2017 - La LGV Rhin-Rhône n'a pas fait que des heureux : à Besançon, la desserte est excentrée, hormis quelques liaisons faisant terminus dans la gare Viotte... et le temps de parcours a connu un progrès régressif. © transportrail

La desserte de l’agglomération belfortaine a été améliorée en théorie par la réouverture de la ligne Belfort – Delle qui élargit en outre son bassin de chalandise mais le schéma de desserte et l’organisation des correspondances, tous deux pour le moins perfectibles, se sont traduits par une fréquentation très inférieure aux prévisions.

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Belfort-Montbéliard TGV - 3 juillet 2014 - Vue de la gare TGV côté Ouest, avec le bâtiment qui surplombe les voies paires et en arrière-plan l'ouvrage sur lequel passe la ligne Belfort - Delle. © R. Behrbohm

Quant aux liaisons transversales, elles ont d’abord bénéficié d’un net coup d’accélérateur avec un temps de parcours oscillant entre 3h15 et 3h30 selon la politique d’arrêt et notamment le crochet ou non par Dijon. La consistance de l’offre a connu des hauts (un peu) et des bas (surtout), essayant en outre des dessertes surprenantes : la Région Alsace avait financé la réalisation d’un raccordement direct évitant Mulhouse pour accélérer les liaisons Strasbourg – Lyon, négligeant la contribution de l’arrêt mulhousien à l’économie de la relation, du fait du bassin de chalandise du sud alsacien… mais aussi d’une partie de la Suisse à commencer par l’agglomération de Bâle.

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Mulhouse Ville - 29 janvier 2015 - Desservir Mulhouse est une évidence compte tenu du noeud de correspondances procuré, notamment vers Bâle pour les liaisons réellement orientées Rhin-Rhône. L'usage du raccordement direct évitant la gare a été non seulement limité en nombre de trains mais aussi dans le temps. Un petit gâchis... © transportrail

Conséquence, l’offre en 2020 est inférieure au service de référence de 2011 et le TGV via Lons le Saunier est lui aussi passé à la trappe, reporté sur l’itinéraire via Dijon.

Argumentée assez maladroitement par la SNCF sur l’autel des travaux à Lyon Part-Dieu, il n’en demeure pas moins que l’offre a atteint son apogée à 7 allers-retours avant de redescendre jusqu’à 4 allers-retours. 

Valoriser la LGV Rhin-Rhône : un sacerdoce ?

C’est la première LGV à avoir été conçue pratiquement d’abord (ne serait-ce que par son nom) dans une optique transversale. Pourtant aujourd’hui, son usage est paradoxalement très majoritairement radial.

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Trevenans - 18 août 2012 - La LGV comporte quelques ouvrages d'art dont le viaduc dit de la Savoureuse en acier et béton armé, d'une longueur de 792 m. Il franchit l'autoroute A36, la nationale 437, le canal de Haute-Saône et la rivière Savoureuse. © R. Reiss

La relation Strasbourg – Lyon par TGV souffre donc de maux divers :

  • une offre instable en volume par un ajustement perpétuel, avec un accostage à 5 allers-retours dont l’un obtenu par mobilisation des élus locaux : la SNCF ne proposait pour l’horaire 2020 aucune liaison matinale. Un départ de Strasbourg à 7h03 a été obtenu in extremis auprès d’une SNCF ne jurant que par son taux de remplissage, forcément en baisse avec l’usage de plus en plus systématique de rames Duplex (qui pourtant coûtent à peu près le même prix à exploiter qu’une rame Réseau) ;
  • une politique d’arrêt peu lisible, mais qui a progressé – un peu – à l’horaire 2020 avec la généralisation de la desserte de Belfort-Montbéliard, Besançon Franche-Comté, Dijon, mais pas de Mâcon… sauf pour le Francfort – Marseille qui, pour afficher un bon chrono, shunte Dijon, mais dessert Chalon ;
  • une répartition particulière de la desserte avec des départs en 2020 de Strasbourg à 7h04, 9h04, 13h02, 13h47 et 16h14 : le dernier départ d’Alsace est donc trop tôt, tandis que 2 liaisons sont à 45 minutes d’intervalle en début d’après-midi ; au départ de Lyon, les départs ont lieu à 8h34 (c’est déjà tard…), 10h04, 11h32, 16h04 et 18h04 : c’est mieux le soir, mais le creux de desserte en mi-journée est abyssal (4h32 sans train !).

Par la voie aérienne, Air France propose 3 allers-retours entre Lyon Saint Exupéry et Entzheim. Si on ajoute les temps de parcours depuis l’aéroport et les délais d’embarquement / débarquement, le vol d’une heure se transforme en trajet d’environ 3 heures dans le meilleur des cas. La relation Lyon – Strasbourg pourrait faire partie de celles reportées sur rail dans le cadre d’un rééquilibrage entre le train et l’avion sur les parcours intérieurs, compte tenu de l’existence d’une LGV peu utilisée, pour peu que le seuil défini par l’Etat soit porté de 2h30 à 3h30, ce qui nous semble cohérent avec la réalité du marché (le train ayant pris 80% du marché sur Paris – Marseille avec un temps de parcours de 3h à 3h15). Ce report pourrait être accompagné d’un ou deux allers-retours supplémentaires, amorçant un semblant de cadencement aux 2 heures sur la relation. L’effet fréquence pourrait en outre ramener des utilisateurs de la route, dissuadés par la grille horaire peu consistante.

Une desserte régionale à grande vitesse ?

La Région BFC n’a manifestement pas cherché à créer des services régionaux à grande vitesse alors qu’elle se situe sur un axe important pour elle, entre les anciennes capitales régionales et le bassin industriel de Sochaux - Montbéliard - Belfort.

Il est cependant à noter que le bénéfice pour la liaison structurante Dijon – Besançon serait maigre, compte tenu de la desserte excentrée de Besançon sur la ligne nouvelle et du court-circuitage de Dole. Exemple à l’horaire 2020

  • le TGV 6743 Paris – Besançon Viotte emprunte la LGV et assure le parcours Dijon – Besançon Viotte avec un arrêt à Besançon Franche-Comté TGV en 44 minutes ;
  • le TGV 6745 est pour sa part tracé par Dole et assure relie Dijon à Besançon Viotte en 48 minutes.

Perdre 4 minutes pour récupérer le bassin de clientèle de Dole est tout de même audible.

Entre Besançon et Belfort, si le parcours entre gares TGV ne dure que 22 minutes, encore faut-il ajouter les parcours d’approche. Un trajet Besançon Viotte – Belfort TGV prend au mieux 55 minutes… et il faut encore ajouter le parcours final selon la qualité de la correspondance à Belfort TGV. Dans ces conditions, les TER tracés en 1h12 à 1h24 n’ont pas à rougir.

Améliorer la ligne du Revermont

C'était un des sujets du CPER adopté par la Région Franche-Comté avant la réforme territoriale, mais on avait fait les réponses - ajouter des points de croisement - avant de poser la question des besoins réels de l'exploitation. La desserte en 2020 comprend 13 allers-retours sur la section Besançon - Lons le Saunier, dont 7 continuent vers Bourg en Bresse. Parmi eux, 4 vont à Lyon. S'ajoute un aller-retour Lyon - Lons le Saunier. La grille est assez complexe puisqu'aux heures de pointe, les flux pendulaires génèrent un intervalle voisin de la demi-heure, voire même du quart d'heure.

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Du côté d'Arbois - 4 juillet 2019 - Les courtes rames réversibles composées de 4 voitures Corail et d'une BB22200 ont cédé la place aux Régiolis, couvrant la majorité des relations sur la ligne du Revermont. Les performances de ce matériel sont intéressantes et la capacité modulable permet de gérer les effets de la pointe. © transportrail

Néanmoins, les 5 croisements intermédiaires sur les 77 km séparant Mouchard de la bifurcation de Saint Amour, situés à Orbagna, Lons le Saunier, Domblans-Voiteur, Poligny et Arbois, sont plutôt bien espacés (en moyenne tous les 15 km). En revanche, la sous-station unique de Pannessières est peut-être à renforcer pour améliorer les temps de parcours entre points de croisement, sachant qu'il n'y a rien à gagner sur ce tracé où les vitesses autorisées coïncident avec le tracé.

La consistance de la desserte pourrait être renforcée, notamment entre Lons et Bourg en Bresse, avec une influence lyonnaise croissante, et en étudiant des liaisons de Lons vers Dijon, car les correspondances à Mouchard sont plus que limitées et le détour par Besançon pour le moins pénalisant : 1h43 au plus court avec un trajet en car de Lons à Dole, et 2h52 dans les conditions défavorables (via Besançon et 50 minutes d'attente). Il y aurait donc probablement matière à étudier des Lons - Dole - Dijon complétant la desserte Dole - Dijon d'une part et Lons - Besançon d'autre part.

Conclusion : un avenir européen sinon rien ?

La LGV Rhin-Rhône est faiblement utilisée, mais les potentialités d’usage en dehors des services voyageurs à grande vitesse longue distance sont faibles sinon nulles. Les bénéfices de la LGV sont clairement insuffisants pour envisager des trains régionaux à grande vitesse (sans compter le coût du matériel)… quand ils ne sont pas négatifs (pas de desserte de Dole et de Montbéliard notamment). N'évoquons même pas l'hypothèse de trains de fret sur cette LGV, du fait des faibles tonnages potentielles et de performances probablement insuffisantes pour ne pas gêner les circulations voyageurs, qu'on espère un peu plus nombreuses.

Bref, l’avenir de la LGV Rhin-Rhône passe essentiellement par le développement de liaisons à grande vitesse entre les deux fleuves - comme quoi, son nom a été bien choisi - et dans une double dimension : française évidemment pour renforcer les liens entre Strasbourg, Lyon et l'arc méditerranéen, mais aussi dans une perspective européenne. Une liaison transfrontalière avec Francfort créerait non seulement une offre entre Strasbourg, la vallée du Rhin et la vallée du Main (Strasbourg - Karlsruhe - Mannheim - Francfort) et une ouverture franco-allemande de plus, rompant avec l'habituel centralisme parisien !

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