Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Paris - Lyon en TER : au-delà de l'axe majeur bourguignon

Les attentes du public évoluent : la sensibilité au temps de parcours n'est plus le seul critère de choix du mode de déplacement. Le prix est venu bouculer le crédo de la quête de la vitesse comme seule boussole. L'intérêt d'une partie du public pour les autocars longues distances l'atteste, même si leur développement est bien plus modeste que ce qui avait été annoncé par les instigateurs de ces services librement organisés. Le succès réel du covoiturage est probablement l'indicateur le plus représentatif.

Dans le domaine ferroviaire, ce changement de paradigme, ou du moins ce sensible rééquilibrage entre les facteurs temps et coût, a été à l'origine du concept Ouigo à la SNCF, conciliant la grande vitesse et les petits prix... à la condition de contraindre l'horaire de voyage pour tous les voyageurs :

  • pour ceux qui veulent dépenser le moins possible, puisque Ouigo ne propose que quelques liaisons par jour sur un petit nombre de relations ;
  • pour ceux qui ont besoin de souplesse, en dégradant l'un des principaux facteurs d'attraction du train, à savoir l'effet de la fréquence.

Il a été ensuite étendu aux liaisons classiques, en recyclant des voitures Corail surnuméraires, mais toujours avec une offre très limitée.

Cependant, ces services eux aussi librement organisés, ne sont pas les seuls à s'intéresser à cette clientèle. Les Régions aussi. Exemple avec la plus fréquentée des lignes à grande vitesse, la plus ancienne aussi, sur laquelle il ne fait guère de doute que peuvent cohabiter des services rapides et d'autres prenant leur temps : Paris - Lyon.

170106_9290tournus3

Tournus - 17 janvier 2006 - La restauration de liaisons classiques entre Paris et Lyon a été l'occasion de revoir les BB9200 sur ce qui fut jadis l'un de leur domaine de prédilection. En fin de carrière, la BB9290 dessert Tournus sur une liaison Dijon - Lyon avant la fusion de 5 allers-retours pour former une longue dorsale bourguignonne. © transportrail

Paris - Lyon en prenant son temps

La Région Bourgogne Franche Comté propose 5 allers-retours entre Paris Bercy et Lyon Perrache (dont un souvent limité au parcours Lyon - Sens pour cause de travaux), résultant de la diamétralisation des liaisons Paris - Dijon et d'une partie des Dijon - Lyon. Cette desserte procure une liaison directe entre le nord et le sud de la Bourgogne, mais attire aussi une clientèle de bout en bout, et assurément passe-Dijon, malgré les 20 arrêts intermédiaires et un peu plus de 5 heures de trajet.

Le tarif en seconde classe est de 65,60 € (situation 2023) se situe dans la moyenne des tarifs proposés en TGV (pour un achat de billet à J-7), que ce soit en Inoui ou en Ouigo, dont les prix augmentent fortement à l'approche du départ. Pour un départ le mercredi 17 mai 2023 (veille du pont de l'Ascension), Inoui proposait à J-4 des billets entre 60 et 104 €, Ouigo entre 55 et 75 € en TGV (mais avec, pour les plus bas prix, un départ de Lyon Saint-Exupéry et une arrivée à Marne-la-Vallée, imposant d'ajouter les tarifs des transports d'accès) ou à 35 € en train classique. Enfin, Trenitalia proposait des billets entre 65 et 75 € en classe économique.

180813_7291esnon

Esnon - 18 août 2013 - Une question en suspens sur l'axe Paris - Lyon : l'intérêt des 4 voies compte tenu de la chute du trafic avec non seulement la création de la LGV Sud-Est puis l'effondrement du fret. L'évaluation est très partagée. © transportrail

Mais la comparaison doit prendre aussi en compte l'autocar : avec un tarif variant de 18 à 35 € selon les jours, les heures et les opérateurs, la quête du plus bas prix conduira le voyageur sur l'autoroute plutôt que sur une voie ferrée, mais le trajet durera au moins une heure de plus que par le TER et avec un confort quand même assez précaire.

210717_7249fain-les-montbard2

Fain-lès-Montbard - 21 juillet 2017 - Entre Dijon et Paris, l'Artère Impériale traverse une Bourgogne bien moins urbaine que la plaine de Saône, avec de faibles densités de population. Pour autant, nul doute qu'il s'agit bien d'un axe structurant. © E. Fouvreaux

Prestations à bord

Jusqu'en 2022, cette relation était assurée avec des voitures Corail, généralement en composition de 9 voitures avec une BB7200, offrant encore un niveau de confort acceptable pour le train. La Région avait ajouté, lors de la rénovation, de ces voitures des prises 220 V mais elles ne sont pas systématiques. Bref, la tablette ou l'ordinateur devront disposer d'une bonne autonomie... à moins de se plonger dans un bon bouquin qui, lui, ne vous demandera pas de le recharger... Pensez aussi à votre panier repas car nulle voiture bar ni chariot à bord : la France a beau être le pays de la gastronomie, le train vous mettra au régime !

190812_7319fleurville

Fleurville - 18 août 2012 - Le TER Paris - Lyon c'est aussi une autre façon de traverser la Bourgogne et ses paysages. Ici le célèbre site maintes fois photographié du château de Fleurville ! © transportrail

270412_interieur-seconde-classe2

Intérieur d'une voiture Corail rénovée Bourgogne : évidemment, les sièges sont "lie de vin" et les rideaux "moutarde". Le bleu sous les baies jure un peu. La tablette sur les sièges en vis à vis facilite l'accès aux places situées côté fenêtre mais s'avère d'usage peu commode... © transportrail

De leur côté, les autocaristes annoncent les prises 220 V et USB et même le Wifi... en se gardant de préciser que le débit est limité et qu'il sera bien difficile de regarder un film pendant le voyage...

Pour les bagages, le train est à son avantage car la capacité de stockage est importante (si tant est qu'on soit raisonnable) alors que les compagnies d'autocar limitent fortement le nombre de bagages admis.

Pour les toilettes, le train est aussi en position favorable avec en moyenne 1 espace pour 40 voyageurs contre 1 espace par autocar d'une cinquantaine de places. Reste que la réputation de mauvais entretien des toilettes SNCF hors TGV n'est pas totalement usurpée en dépit de progrès... mais le voyageur en est parfois - souvent ? - la cause réelle, ainsi que l'obsolescence des équipements sur des voitures bientôt quinquagénaires.

Un Régiolis amélioré pour prendre la relève

Il avait été question de Régio2N, mais sous un prétexte assez fallacieux (un matériel qui n'est pas produit dans la Région, sacrilège !), la Région a finalement acquis des Régiolis en version 6 caisses, offrant 354 places en classe unique, avec un confort aligné sur la version Intercités. Autre facteur ayant contribué à maximiser le nombre de sièges : 3 WC à bord, contre 4 dans la version TET, avec un volume d’eau embarqué qui n’est pas toujours adapté à cette mission au long cours, d’où de réguliers épisodes, largement relayés par la presse, d’arrêts prolongés pour soulager quelques vessies.

020223_interieur-regiolis-paris-lyon7

020223_interieur-regiolis-paris-lyon8

020223_interieur-regiolis-paris-lyon9

020223_interieur-regiolis-paris-lyon1

A l'intérieur des Z54500, c'est classe unique. Les principes d'aménagement présentent assez peu d'évolutions par rapport aux espaces de seconde classe des B85000 TET. C'est mieux que la version régionale, mais c'est quand même un peu juste sur un trajet moyen de 2 heures (Dijon - Lyon) voire 3 heures (Dijon - Paris). Evidemment, on retrouve ces incommodes rampes de grande longueur avec systématiquement 16 places par voiture dont l'accès nécessite de faire attention au dénivelé par rapport au couloir. © transportrail

Evidemment, le moelleux du siège Corail est un lointain souvenir, mais il faut reconnaître que le siège Intercités, est un peu plus agréable que celui la version régionale, pourtant sur la même base. La rame est configurée en classe unique : on peut quand même regretter l'absence de première classe sur des liaisons entre grandes villes. Mais tous les sièges coulissent d'environ 5 cm.

Toutes les places disposent d'une prise 220 V. Les bagageries sont bien disposées et la rame peut accueillir assez facilement quelques vélos. Les portes de salle isolent les voyageurs des plateforme, mais celles des intercirculations restent toujours ouvertes : c'est un mystère sur les Régiolis...

Autre élément favorable aux Régiolis : les performances en accélération et au freinage sont quand même meilleures qu'avec une rame tractée. En revanche, la suspension manque de souplesse, mais c'est inhérent à tous les matériels à plancher bas, ce qui a au moins le mérite de prouver aux voyageurs que, même sur le réseau structurant, la qualité de la voie (et de la plateforme) nécessiterait un peu plus d'attention.

Cependant, étant donné que tous les trains circulent en UM2 pour proposer une capacité suffisante, le choix de l'automotrice résulte de l'opportunité d'un marché existant et d'une posture de principe de l'exploitant que d'une analyse comparative factuelle.

220717_7319gissey-sous-flavigny

Gissey-sous-Flavigny - 22 juillet 2017 - Malgré le temps de parcours plus de deux fois plus long qu'en TGV, les trains régionaux captent une clientèle de bout en bout ou qui y trouve un avantage plutôt qu'un trajet avec correspondance pour rejoindre Paris ou Lyon depuis les villes bourguignonnes. © transportrail

Des trains souvent très fréquentés

La fréquentation des trains régionaux Paris - Lyon suit à peu près la courbe de densité de population des territoires traversés. Les échanges sont nombreux entre Lyon et Dijon. Si la capitale de la moutarde et du pain d'épices est évidemment un important lieu de brassage de voyageurs, il est intéressant de constater le nombre élevé de voyageurs qui restent dans le train à Dijon : jusqu'à 40% d'une voiture en fin de semaine. En fin de semaine, la capacité du train est complètement occupée entre Montbard et Laroche-Migennes en général : pour les autres, ce sera debout, sauf à profiter d'une place qui se libère à la faveur d'un voyageur descendant (rassurez-vous, il y en a !).

251122_54505cesson1

Cesson - 25 novembre 2022 - A l'approche de Melun, ces Z54500 ont encore environ 4h30 de trajet à parcourir avant d'atteindre la gare de Lyon Part-Dieu. Si le cabotage intervilles représente une part importante de la fréquentation de ces trains, les parcours de bout en bout sont de plus en plus nombreux, profitant d'une notoriété accrue en dépit d'une offre limitée en nombre. © transportrail

020223_54523sens1

Sens - 2 février 2023 - Premier arrêt de cette desserte, aux franges de l'aire d'influence de la capitale, à une heure de trajet. Ces trains sont origine Paris-Bercy, ce qui ne facilite pas la connexion au réseau urbain parisien, même si la nouvelle sortie réalisée depuis les quais de la ligne 14 a notablement amélioré le cheminement. © transportrail

Un marché identifié mais mal organisé

La fréquentation de ces trains régionaux - et celle des autocars - démontre s'il le fallait qu'il existe un marché pour une offre plus lente que le TGV mais aussi moins chère. La desserte actuelle a le mérite d'exister mais le temps de parcours est tout de même important et ne creuse pas suffisamment l'écart par rapport à l'autocar dont les prix très bas ont tendance à remonter au fur et à mesure de l'élagage de la concurrence.

Alors n'y aurait-il pas de la place pour une offre classique Paris - Lyon, en moins de 4h30, afin de creuser l'écart de façon importante avec l'autocar ? La réponse est assurément positive si on en juge par l'instauration d'une desserte Ouigo classique recyclant des voitures Corail, et par l'intérêt manifesté par Flixtrain à cette relation en 2019, sans concrétisation pour l'instant, en raison des complexités techniques pour disposer d'un matériel apte à circuler en France, du niveau des péages et de la disponibilité de l'infrastructure. Cependant, de telles dessertes pourraient bousculer le bilan économique des services régionaux conventionnés... à moins qu'elle ne prenne elle-même les devants ?

Sur Paris - Lyon, l'importance des bassins urbains intermédiaires et les nombreuses correspondances semble laisser de la place pour des offres différentes : dans notre étude sur les liaisons classiques interrégionales, nous avons suggéré le développement d'une offre de base, potentiellement en contrat de service public. Reste à savoir qui en serait le commanditaire : l'Etat au titre des TET et d'un service minimum national ? La Région puisqu'il existe déjà une offre ? Et avec quelle politique de desserte ?

Publicité
Publicité
Publicité