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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
19 juin 2023

Lyon - Turin : sortir de l'ambiguïté ?

La manifestation du 17 juin dernier en Savoie contre la liaison Lyon - Turin révèle une opposition grandissante aux projets de nouvelles infrastructures, quelle que soit leur nature et leurs finalités. On ne peut cependant pas tirer de généralité car, en matière de transports, il est difficile de trouver des convergences - autre que le refus par principe de nouveaux équipements - par exemple entre la contestation du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, de l'autoroute A69 dans le Tarn ou de la liaison transalpine.

Le tunnel de base est cours de construction, ce qui rend caduque toute hypothèse d'abandon pur et simple du projet. En revanche, plusieurs points doivent être mis en exergue, car en l'état actuel, il est légitimement permis de douter de l'efficacité à terme du chantier en cours. Améliorer - significativement ! - la circulation des trains sur 57 km sous les Alpes procède d'une vision bien trop étriquée : pour des trains de marchandises effectuant plusieurs centaines voire milliers de kilomètres, le bénéfice de ce seul projet peut être qualifié non pas de marginal mais de limité.

Accéder au tunnel de base : la culture française de la non-décision

Côté français, l'Etat s'empressait jusqu'à présent de ne prendre aucune décision quant aux itinéraires d'accès à la Maurienne. Le rapport du deuxième Conseil d'Orientations des Infrastructures a accentué la confusion en priorisant l'utilisation de la ligne existante depuis Dijon via Bourg-en-Bresse, Ambérieu, Culoz et Chambéry, en alternative à la combinaison des lignes nouvelles depuis l'agglomération et son contournement par l'est, lui aussi fortement contesté localement. Néanmoins :

  • la capacité disponible pour le fret sur l'itinéraire classique est principalement déterminé par les conditions de traversée de la section Culoz - Aix-les-Bains - Chambéry - Montmélian, sur laquelle s'agglomèrent les trafics voyageurs du sillon alpin, des liaisons régionales radiales en lien avec Lyon, et la desserte de proximité entre les agglomérations savoyardes : en 2022, on comptait en moyenne une centaine de circulations entre Aix-les-Bains et Chambéry (dont une vingtaine de trains de fret) et près de 130 entre Chambéry et Montmélian. Si en théorie, il reste encore un peu de capacité, il faudra assurément moderniser l'infrastructure pour assurer la cohabitation entre un trafic fret plus important et des circulations voyageurs dont le potentiel de développement reste éléve : ERTMS, banalisation et renforcement de l'alimentation électrique seront assurément au menu, mais il ne faudra pas oublier d'intégrer la dénivellation des bifurcations de Saint-Pierre-d'Albigny, Montmélian, Chambéry, Aix-les-Bains, Culoz et Ambérieu, ce qui risque d'être un facteur de coût particulièrement élevé et souvent en milieu urbain ;
  • comme déjà évoqué dans un précédent article de transportrail, il ne faudra pas négliger d'autres points faibles, notamment sur la ligne de la Bresse entre Dijon et Bourg-en-Bresse ;
  • le transit vers Lyon est contraint par la capacité des infrastructures, que ce soit par l'inéluctable montée en puissance du RER lyonnais ou les limites de la voie unique entre Saint-André-le-Gaz et Chambéry ;
  • il semble difficilement admissible de développer le trafic fret via Lyon, d'où la nécessité d'une infrastructure contournant la métropole, par l'est pour être utilisable par les deux itinéraires depuis Dijon (via Mâcon ou via Louhans pour rejoindre Bourg-en-Bresse et Ambérieu) : c'est le sens de la phase Nord du Contournement Ferroviaire de l'Agglomération Lyonnaise, dont la ligne nouvelle entre Grenay et Chambéry constitue un prolongement quasi-naturel ;
  • que ce soit sur le CFAL ou la ligne nouvelle Grenay - Chambéry, il faudra statuer sur son éventuel usage par des trains régionaux (aptes à 200 km/h ?), ce qui semble aujourd'hui un angle mort des réflexions sur ces projets.

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Entre Artemare et Bréon - 19 août 2020 - La BB36354 quitte la Savoie pour entrer dans la cluse de l'Albarine entre Culoz et Ambérieu. Cette section accueille actuellement le trafic fret en lien avec l'Italie, mais aussi les dessertes régionales depuis Lyon vers Genève, Annecy et Chambéry, dont le nombre est actuellement encore insuffisant. © S. Meillasson

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Chindrieux - 2 octobre 2019 - Longeant le lac du Bourget, cette BB7200 emmenant en véhicule une BB26000 approche d'Aix-les-Bains. C'est dans ce secteur que la capacité de l'infrastructure est la plus sollicitée, tant pour développer le fret que les différentes dessertes voyageurs. Sans ligne nouvelle, cet itinéraire devra supporter la totalité du trafic du tunnel de base en cours de réalisation. © D. Gubler

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Saint-Michel-de-Maurienne - 10 juillet 2017 - Tête d'affiche de la ligne de la Maurienne, l'autoroute ferroviaire affiche depuis plusieurs années de très bons taux de remplissage, mais il s'agit plutôt d'un produit d'appel, à forte visibilité. L'essor des trains complets et du transport combiné sera un marqueur fort du développement du fret ferroviaire sur l'axe franco-italien. © R. Douté

Pendant la politique politicienne, le temps passe...

Ces derniers jours, la pétition signée par 42 élus de la Métropole de Lyon, en désaccord avec les prises de position de son président, opposé aux lignes nouvelles Lyon - Turin, a semble-t-il servi de trempli au gouvernement pour tenter une ouverture sur le financement. Rappelons préalablement que l'Union Européenne prendra en charge 50 % du coût des accès français au tunnel de base. Reste donc à financer l'autre moité. Le ministre des Transports a proposé une participation de l'Etat à hauteur de la moitié de cette moitié, en indiquant un montant de 3 MM€ (confirmant donc un coût total de l'ordre de 12 MM€). Refus de la Région, qui indique pouvoir mobiliser 1 MM€ du budget régional. Une posture qui ne manque pas de surprendre puisque, en parallèle, la Région a décidé de ne plus financer les investissements sur le réseau ferroviaire existant...

Dernier élément, et non des moindres : la Déclaration d'Utilité Publique des accès ferroviaires au tunnel de base tombe en 2028. Et pour l'instant, il semble bien peu probable que des travaux puissent démarrer d'ici là puisqu'il n'y a par exemple pas d'étude de tracé...

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Commentaires
S
Et pourquoi ne pas conditionner l'ouverture du nouveau tunnel à l'interdiction des poids lourds dans le tunnel du Mont Blanc et la vallée de Chamonix. Cela aurait le mérite d'une parole politique cohérente face à une situation réelle ralliant de nombreuses personnes de divers horizons
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B
Bonjour<br /> <br /> En regardant la façon dont la Suisse et l'Autriche agissent pour organiser le report modal, je vois 3 points à traiter impérativement de front :<br /> <br /> => une infrastructure performante ; le tunnel St Jean de Maurienne => Suse sera performant mais débouchera malheureusement côté français sur une infrastructure au débit limité et bien sollicitée par le trafic régional ; sauf si bien sûr des décisions sont prises très rapidement mais c'est mal parti ! <br /> <br /> => une contrainte réglementaire (pas de camion de nuit en Suisse) ou fiscale forte ; pas de signe d'évolution en France de ce côté <br /> <br /> => un rapprochement des conditions sociales des conducteurs routiers et ferroviaires ; aucune action de ce côté là, ni en France, ni en Europe, ni en Suisse<br /> <br /> Malheureusement, pour toutes ses raisons, je crains qu'on aille tout droit vers un scenario façon "tunnel du Perthus" avec un trafic fret très faible
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A
A t'on des statistiques sur le traffic en amont de la Maurienne (d'Ambérieu à Chambéry par ex) ? Car on aime bien vanter un réseau saturé sauf que la plupart du temps dans les faits c'est plutôt l'inverse...
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N
Effectivement, un phasage style Lötschberg aurait du sens dans ce cas de figure. Mais si on fait preuve d'un minimum d'ambition, une modernisation sera indispensable à court terme, d'où ma proposition.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour les accès, il est évident que la reprise des bifurcations et des ouvrages pour le dégagement du gabarit sera couteuse et très impactante sur les circulations. Mais la balance bénéfices/coûts me parait toujours largement préférable à des centaines de kilomètres de LN essentiellement en tunnels...
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N
À mon sens il y a deux facteurs techniques dimensionnant qui doivent guider les décisions propres à ce dossier :<br /> <br /> <br /> <br /> - La sévérité des rampes, qui ne peuvent être modifiées sur les lignes historiques.<br /> <br /> <br /> <br /> - La capacité de ces mêmes lignes historiques après modernisation.<br /> <br /> <br /> <br /> Et selon ces deux critères, deux sections de l'axe Lyon - Turin sont à doubler impérativement sur le territoire français :<br /> <br /> <br /> <br /> - La section de la ligne de faîte entre St-Jean-de-Maurienne et la frontière > tunnel de base<br /> <br /> <br /> <br /> - La ligne de St-André-le-Gaz à Chambéry > Tunnel de base de Dulin-l'Épine <br /> <br /> <br /> <br /> Tout le reste des itinéraires historique entre Dijon/Lyon/Valence & St-Jean-de-Maurienne me semble éligible à une modernisation en profondeur afin d'offrir les standards actuels d'infrastructures (double-voie banalisée, gabarit P400, ERTMS, alimentation électrique renforcée, bifurcations dénivelées...)<br /> <br /> <br /> <br /> Ainsi les accès par lignes nouvelles pourraient être repoussés à un phasage ultérieur (saturation de l'axe historique modernisé).<br /> <br /> <br /> <br /> Pour étayer cette proposition, je me risque à une comparaison avec la Suisse : aucun accès aux tunnels de base du St- Gothard, du Ceneri et du Lötschberg ne se fait par des lignes nouvelles. Les axes historiques ont été inlassablement modernisés pour permettre de garantir une continuité et une cohérence de l'infrastructure. <br /> <br /> <br /> <br /> Lorsque l'on voit le nombre de circulations de toutes natures qui traversent une ville comme Bellinzone chaque jour, il y a de quoi remettre certaines affirmations en perspective.
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F
A une époque où une grande partie du réseau tombe en ruines par manque de financements, on peut s'interroger quand même sur ce type de projet aux montants astronomiques et aux fonctionnalités discutables quand on observe la baisse du trafic ferroviaire entre la France et l'Italie (circulations voyageurs devenues squelettiques et Fret en fort repli par rapport à la période où ce projet a été initié).<br /> <br /> <br /> <br /> Bref, on nous vend du report modal depuis 20 ans (souvenez-vous du "plus jamais ça !" après l'accident du tunnel du Mont Blanc) et dans le même temps le report modal du train vers la route et l'avion a continué... <br /> <br /> <br /> <br /> L'exemple de la ligne nouvelle du Perthus montre que la création d'une nouvelle infrastructure ne suffit pas à permettre le report modal vers le train...
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B
Le projet a malheureusement trop souvent été présenté comme un projet de LGV plutôt qu’un projet global de transports. La composante voyageurs du tunnel de base, certes non négligeable, restera néanmoins minoritaire. Le présenter comme un projet de LGV le rend certes plus « glamour » mais soulève plus d’oppositions qu’un projet de transfert modal du camion à la voiture (voir la différence d’oppositions entre GPSO et LNMP/LNPCA).<br /> <br /> <br /> <br /> La réalisation des voies d’accès tout comme du CFAL est essentielle à la réussite de projet. Le parallèle est souvent fait avec le tunnel du Perthus, mais même hors voies d’accès, le potentiel est plus important entre la France et l’Italie que vers l’Espagne, où le fret ferroviaire est moins développé historiquement.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à l’utilisation des fonds régionaux pour des infrastructures appartenant à l’Etat, sur le fond c’est un peu saugrenu. C’est comme si vous payez la construction d’une partie d’un appartement dont vous n’êtes pas propriétaire. Peut être faudra-t-il penser à créer des structures ad-hoc qui possèderaient l’infrastructure co-financée et dont l’actionnariat serait aussi détenu par tous les cofinanceurs.
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B
Par contre,peut-être pas obligatoire, mais conseillé : doubler la dernière section en VU sur Valence - Moirans.
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B
A propos du passage par Grenoble (Newbee) : cela se justifirait pour le trafic Espagne - Italie, sans doute plus pratique que le passage par la ligne de la Cote D' Azur, et ses bouchons la métropole Marseillaise et la section Cannes - Vintimille . Par contre, à part occasionellement pour ke trafic venant/allant de/à Dijon - là, clairement, une infrastructure nouvelle s' impose.
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T
Oui il y a une voie de raccordement, reste qu'il est peu probable que les élus Grenoblois soient enthousiastes à l'idée de voir les trains de fret traverser Grenoble et la situation des capacités entre Lyon et Grenoble laisserez de place au fret le jour....<br /> <br /> <br /> <br /> Quand à la participation de RRA au Lyon-Turin de 1 milliard alors qu'il n'y a pas d'argent pour les RER et que bon nombre de lignes sont menacées sans parler de celles qu'il faudrait réouvrir....<br /> <br /> <br /> <br /> L'Etat une fois de plus en rôle de fossoyeur du rail régional<br /> <br /> -des CPER faibles <br /> <br /> -un réseau ferroviaire sous entretenu<br /> <br /> -une pression sur les Régions pour qu'elles financent les LGV....<br /> <br /> <br /> <br /> C'est vraiment n'importe quoi.....
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N
Est-il envisageable que l'accès sur lignes actuelles se fasse, pour partie du moins, via Grenoble ? Il me semble que lors de l'électrification de Gières-Montmélian, une voie banalisée avait été créée à Montmélian en direction de la Maurienne.
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A
Je trouve la SNCF bien silencieuse sur le Lyon-Turin, à croire qu'elle se lave les mains des infrastructures sur lesquelles elle roule.
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E
Oui enfin la Region qui finance de l infrastructure c est etrange...Alors que surcroît des lignes parcourues par des TER dans le passé elle ne veut pas financer...
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