Ile-de-France – Normandie : un scénario « perdant-perdant » ?
C’est selon les goûts Clochemerle ou Intervilles mais sans l’humour du premier ni la mise en scène télévisuelle du second. Et ce n'est pas le premier épisode...
L’entente entre les deux Régions sur le schéma de desserte entre Paris et la Normandie est toujours aussi difficile à obtenir. En ligne de mire : l’arrêt des missions « Vallée de la Seine » Paris – Rouen en gare de Mantes-la-Jolie. Cet arrêt est nécessaire afin d’écrêter la charge du futur RER E prolongé, dont les 6 trains par heure en pointe (4 en journée) ne seront pas suffisants pour assurer des conditions de transport acceptables. Il n’y a guère d’alternatives puisqu’il n’y a pas de capacité résiduelle pour faire passer plus de trains.
Or la Région Normandie refuse cet arrêt, qui serait pourtant indispensable afin de créer une continuité de desserte, par correspondance à Mantes, entre les trains régionaux et le RER, afin que les habitants de Seine-Maritime travaillant dans les Yvelines puissent avoir une solution ferroviaire adaptée. Il est tout de même intéressant de rappeler qu’il y a plus de flux entre ces deux Départements qu’entre la Seine-Maritime et l’ensemble « Paris – petite couronne ». Bref, la Région Normandie se focalise sur les voyageurs actuellement dans les trains, qui sont évidemment minoritaires (mais bruyants) par rapport à la majorité silencieuse et invisible des automobilistes. Elle en oublie aussi les nécessités de continuité territoriale des dessertes : peut-on imaginer capter une partie ces trafics en imposant une correspondance à Paris ?
La Région Ile-de-France réplique de façon inattendue et assurément contre-productive en affichant une ferme opposition de principe à la section francilienne de LNPN. Pourtant, la réalisation de cette section nouvelle entre Nanterre et Epône-Mézières combinée à la création d’une quatrième voie au-delà jusqu’à Mantes viendrait :
- Procurer environ 7 minutes de gain de temps aux trains Paris – Normandie grâce à cette ligne nouvelle un peu plus courte et plus rapide puisque parcourable à 200 km/h ;
- Dissocier complètement les flux franciliens et normands entre Paris et Mantes levant la contrainte capacitaire à la fois pour développer la desserte Paris – Normandie mais aussi ajouter de nouvelles circulations sur le RER E, qui pourrait envoyer non plus 6 mais 8 trains par heure à Mantes et potentiellement disposer de 4 trains supplémentaires jusqu’aux Mureaux, soit 12 trains par heure entre Paris et Les Mureaux ;
- Améliorer significativement la régularité des dessertes franciliennes et normandes.
Problème, les collectivités locales dans les Yvelines convoitent avec gourmandise le foncier aux abords de l’autoroute A13, dans le faisceau d’études pour insérer la ligne nouvelle au-delà du tunnel sous la forêt de Saint-Germain. Le projet LNPN étant encore loin d’une déclaration d’utilité publique et ne disposant pas a minima d’un arrêté de prise en considération, il se retrouve dans une posture de plus en plus fragile. Un scénario allongeant le tunnel serait suicidaire, en raison de l’explosion du coût d’investissement, fusillant l’intérêt de sa réalisation.
Mantes-la-Jolie - 10 juillet 2020 - Ecrêter le trafic au départ de Mantes contraint par le nombre de circulations franciliennes limitées et assurer une continuité entre la partie normande et la partie yvelinoise, telle est la vocation des arrêts à Mantes-la-Jolie des trains Paris - Rouen. Le dialogue de sourds entre les deux Régions met en péril le projet d'amélioration des liaisons Paris - Normandie mais aussi de la desserte Paris - Mantes. Il est temps de siffler la fin de la récréation.. © transportrail
Il est donc grand temps de laisser les banderilles à l’entrée de la salle des négociations et de reprendre les discussions sur des bases sereines au bénéfice de l’intérêt général. Faute de quoi, il n’y aura que des perdants :
- Ile-de-France Mobilités sera probablement contraint à demander le maintien de trains Mantes – Paris Saint-Lazare à raison d’au moins 2 trains par heure ;
- ces trains ne pourraient passer qu’à condition de supprimer autant de trains de la Normandie, qui a donc tout intérêt à accepter les arrêts à Mantes au risque de ne pas être gagnante en cas d’arbitrage capacitaire ;
- créer des trains supplémentaires en pointe coûterait fort cher à Ile-de-France Mobilités, alors que l'arrêt des trains normands donne lieu à une prise en charge partielle des coûts des trains desservant Mantes par l'instance francilienne ;
- le volet foncier devient préoccupant et confirme qu’il y a tout lieu de prendre le projet en considération pour ne pas courir le risque de le rendre irréalisable ;
- et il faut ajouter évidemment que pendant ce temps, on continue d’oublier les milliers de normands qui se déplacent vers les Yvelines en voiture faute d'une focalisation uniquement sur les trajets à destination de Paris.