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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

LNPN : un projet d'abord à vocation capacitaire

Les conversations sur les liaisons ferroviaires Paris – Normandie abordent très rapidement l’augmentation des temps de parcours, en particulier depuis les années 2000. C’est assurément l’accroche de ce dossier, mais il convient d’aller un peu plus loin. L’intensité des relations entre la région parisienne et la Normandie remonte aux origines du peuplement parisien, avec la Seine en fil d’Ariane. Aujourd’hui, Paris – Normandie, ce sont à la fois des flux quotidiens, nourris par la proximité des territoires, de l’influence économique de l’Ile-de-France, mais aussi d’une complémentarité, ne serait-ce que par les activités portuaires, au Havre et à Rouen, et enfin de l’évidente dimension touristique.

Paris – Normandie incarne presque à la perfection le fait que la vitesse ne fait pas tout… mais il en faut bien un peu.

Comprendre les causes d’une dégradation des performances

Un bilan pour commencer : les derniers grands investissements sur les radiales normandes commencent à dater. L’axe Paris – Le Havre a été intégralement électrifié en 1967. Les dernières opérations remontent aux années 1980 d’abord, avec l’achèvement du dédoublement des groupes III et V entre Houilles et Achères (pour l’interconnexion du RER A) puis la création d’une troisième voie entre Aubergenville et Epône-Mézières à la fin des années 1990, juste après l’électrification de Mantes – Cherbourg et de l’antenne de Deauville en 1996. Outre la traction électrique, la ligne de Cherbourg gagnait 3 zones, totalisant 88 km, sur lesquelles la vitesse était relevée à 200 km/h. Quoique contemporaines, les voitures Corail avec les BB26000 alors très récentes, surclassaient les turbotrains RTG.

Au début des années 1990, le schéma directeur TGV comprenait une ligne nouvelle de Paris au Havre avec une antenne depuis Rouen pour rejoindre  l’axe Paris – Caen – Cherbourg. De l’aveu même de l’éphémère président de la SNCF Loïk Le Floch-Prigent, c’était un projet « sur le haut de la pile » dans une analyse des besoins fondées sur les problèmes d’exploitation et de gestion de la capacité de l’infrastructure. Néanmoins, les distances sont trop courtes pour l’avion sur rail qu’est le TGV français, et de toute façon, à l’époque, les budgets allaient d’abord au réseau routier.

Sur le plan statistique, le meilleur temps sur Paris – Le Havre date de 1972, en 1h48. Un demi-siècle plus tard, il est allongé de 18 minutes. Vers Cherbourg, la comparaison des 3h14 de 2022 et des 2h42 de 1998 est un peu plus biaisé par la distance supérieure et surtout l’existence à cette époque d’un train « drapeau » à un seul arrêt à Caen. Au-delà de ce constat, la dégradation du temps de parcours puise ses origines dans plusieurs arguments techniques :

  • la densification du trafic banlieue, avec une domestication croissante des trains « rapides » du fait de la densification du trafic de banlieue ;
  • la mise en oeuvre du KVB (contrôle de vitesse par balises) dans une approche « tout sécuritaire » nuisant in fine au débit de l’infrastructure ;
  • une détente des horaires avec une marge de régularité portée de 3 à 4 minutes 30 aux 100 km et des arrêts sur les meilleurs trains passant de 1 à 2 minutes ;
  • plus récemment, une inflation de travaux de renouvellement entraînant des limites temporaires de vitesse, et naturellement l’impact récent des travaux d’EOLE entre Poissy et Mantes-la-Jolie.

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Villennes-sur-Seine - 21 mai 2016 - Le fameux goulot de Villennes, entre Poissy et Vernouillet : un point névralgique sur le groupe V, en particulier dans le sens pair. Si le rapide rate la fenêtre de dépassement entre Les Mureaux et Vernouillet-Verneuil, il en sera quitte pour ronger son frein jusqu'à Poissy. La mise à 4 voies de cette section n'est pas réaliste au regard de la proximité du bâti dans une zone très résidentielle... © transportrail

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Villennes-sur-Seine - 21 mai 2016 - ... d'où le fait que les Transilien, toujours assurés par des VB2N avec BB27300, ont intérêt à ne pas mollir au démarrage de Villennes, quitte à un peu trop solliciter l'adhérence... © transportrail

Moins visible évidemment du voyageur, l’axe Le Havre – Rouen – Paris peine à répondre aux attentes du fret ferroviaire. Le développement du port havrais en est même pénalisé : la plateforme intermodale pour conteneurs, ouverte en juin 2015, peine à décoller faute d'une disponibilité suffisante de l’infrastructure. L’achèvement de l’itinéraire alternatif via Motteville, Montérolier, Serqueux et Gisors n’apporte guère d’améliorations, du moins pas à la hauteur des enjeux de développement de l’intermodalité mer – fer et de réduction de la part de marché du transport routier.

LRNVS : le temps des illusions ?

Au début des années 2000, un programme d’amélioration de l’axe Paris – Mantes émergea, soulignant que les principales difficultés se situaient en Ile-de-France. Il devrait améliorer l’exploitation du service de banlieue : redécoupage de la signalisation, introduction du KVB-P pour compenser les rigidités de gestion du trafic du KVB, tiroirs de retournement aux Mureaux, et à Mantes.

Au-delà, la Liaison Rapide Normandie Val de Seine laissait croire qu’il serait possible d’interconnecter, un le prolongement du RER E réorienté vers Mantes et une ligne nouvelle dans l’est parisien d’envoyer les trains normands vers l’aéroport de Roissy. L’idée ne pouvait aller plus loin que le papier (et encore…) : les dessertes Paris – Normandie sont déjà handicapées par une longueur contrainte des trains du fait des configurations des gares Saint-Lazare et de Rouen Rive Droite (n’acceptant que des convois de 270 m maximum), qu’en aurait-il été avec des gares existantes du RER E (Haussmann Saint-Lazare et Magenta) longues de seulement 225 m ? Outre la longueur, la hauteur des quais aurait été incompatible : à l’époque, ils étaient hauts de 1150 mm dans ces gares, contre une norme à 550 mm hors Ile de France. Bref, impossible d’arrêter des trains normands dans les gares souterraines du RER E… si tant est que la cohabitation eut été possible entre les deux !

Néanmoins, LRNVS posa quelques jalons et notamment l’émergence du prolongement du RER E sur les voies du groupe V plutôt que sur le groupe II, fondé sur une liaison entre la vallée de la Seine et La Défense, mais aussi l’achèvement de la troisième voie Aubergenville – Mantes.

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Poissy - 15 mai 2014 - Une liaison Caen - Paris croise un Transilien Paris - Mantes dans la gare de Poissy. Les aménagements réalisés pour EOLE ont donné un bol d'air supplémentaire à l'exploitation dans ce secteur... en attendant la désimbrication. © transportrail

Le Grand Paris jusqu’à la mer ? Plus loin, c'est l'OTAN...

Dans la série « il ne faut pas confondre vitesse et précipitation », la relance du projet par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, autour du concept du Grand Paris jusqu’à la mer et Le Havre à moins d’une heure de Paris, a conduit à imaginer des scénarios de lignes nouvelles renouant avec des principes voisins de ceux du schéma directeur de 1991.

Dans ces conditions, de nouvelles études allaient débuter, avec une nouvelle dénomination : Ligne Nouvelle Paris – Normandie, et des objectifs réajustés :

  • creuser l’écart de temps de parcours avec la route pour le trafic voyageur ;
  • dégager de la capacité sur le réseau existant pour la desserte locale, tant en Ile de France (via EOLE) qu’autour de Rouen (avec en point d’orgue la nouvelle gare Saint-Sever) ;
  • octroyer de nouvelles capacités pour le fret, notamment au bénéfice du port du Havre ;
  • améliorer la qualité du service et sa régularité en séparant les courants franciliens et normands entre Paris et Mantes.

LNPN : du projet global au principe de phasage

En Ile-de-France, LNPN prévoit la construction d’une ligne nouvelle entre La Garenne - Colombes et Epône-Mézières, la mise à 4 voies de la section Epône – Mantes-la-Jolie et envisage un contournement au sud de Mantes, dont l’intérêt dépend de la suite du projet.

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La Garenne - Colombes - 24 mai 2010 - Derniers kilomètres pour ce Caen - Paris assuré par la BB15022 encore pimpante dans sa livrée Arzens. LNPN rejoindra les voies du groupe V à l'ouest de cette gare. La fenêtre de tir est restreinte car le tunnel doit débuter avant le raccordement d'EOLE sur ce même groupe V, prévu à hauteur de la Seine. © transportrail

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Pas facile d'insérer l'émergence du tunnel de LNPN dans l'environnement déjà bien chargé du secteur de Nanterre. Outre le RER A, le futur RER E, l'A86, les groupes III et V existant, il faut ajouter l'A14 et l'A86 et (en pointillés sur le fond de carte), le tunnel abandonné du RER A au nord de Nanterre Université).

Les études identifièrent 4 familles de tracé : le scénario direct, longeant les autoroutes A13 et A14, provenait directement du dossier LRNVS.

LNPN-IDF

En Normandie, 3 scénarios de tracé ont été établis, fondés sur le principe d’un tronc commun entre les flux « Le Havre » et « Cherbourg » prolongé au moins jusque du côté de Louviers, voire du Val-de-Reuil. Le scénario C (en jaune sur la carte ci-dessous) a été conçu dans l’objectif de satisfaire les aspirations des havrais sur le temps de parcours, quitte à rompre le principe d’alignement Paris – Rouen – Le Havre. Assurément, ce scénario partait avec un handicap assez sévère, d’autant qu’il multipliait les infrastructures requises dans l’agglomération de Rouen.

Trois-schémas-LNPN

Quatre gares nouvelles ont été mises à l’étude :

  • à Nanterre, pour se rapprocher du quartier d’affaires de La Défense ;
  • à Achères, pour la connexion avec la Tangentielle Ouest et la desserte du port ;
  • du côté d’Evreux ou de Louviers, selon le scénario de tracé ;
  • dans l’agglomération rouennaise, à Sotteville et sur le site rouennais de Saint-Sever, projet porté de longue date au regard de l’exiguïté de la gare de Rouen Rive Droite.

Au total, la vision cible du projet LNPN représentait un investissement de l’ordre de 11 MM€ (aux conditions économiques de 2010). En 2013, RFF proposa un premier phasage, avec une échéance de réalisation potentielle en 2025, représentant 5,3 MM€ d’investissement, avec

  • la section nouvelle La Garenne - Colombes – Epône-Mézières et le quadruplement Epône – Mantes, avec de forts interfaces avec le projet EOLE venant alors d’être déclaré d’utilité publique ;
  • le raccordement nord de Mantes vers la ligne de Cherbourg, regroupant tous les trains de Normandie sur les voies « Le Havre », qui finit par intégrer EOLE ;
  • le contournement sud de Mantes et la section Mantes - Evreux ;
  • la section Sotteville - Yvetot via la nouvelle gare de Rouen Saint-Sever.

Avec ces aménagements, les temps de parcours seraient réduits de 18 minutes vers Le Havre, 9 minutes vers Rouen et 17 minutes vers Caen et au-delà, en prenant pour hypothèse une vitesse de 200 km/h sur la section nouvelle La Garenne – Epône et à 250 km/h en Normandie, entérinant ainsi le renoncement à la grande vitesse compte tenu de la longueur limitée de trajets ne permettant pas d’en tirer réellement profit.

A horizon 2030, le « Y de l’Eure » Evreux – Louviers – Bernay / Oissel, évalué à 2,5 MM€ ferait gagner 15 minutes de plus vers Rouen et Le Havre, 11 minutes vers Caen. Des liaisons Rouen – Caen seraient possibles en 1h06.

Rationalisations franciliennes et arbitrages EOLE - LNPN

L’Etat a considéré prioritaires la section francilienne, la traversée de l’agglomération rouennaise et le barreau Mantes – Evreux, afin d’approfondir les tracés.

En Ile-de-France, il fallut d’abord redimensionner le projet estimé à 4,6 MM€ en 2010. Première mesure : éliminer le tracé via Achères dont les justifications étaient un peu trop hasardeuses. Ensuite, abandonner l’hypothèse d’une desserte de La Défense, qui aurait été en réalité dans le quartier des Groues, au nord de la gare de Nanterre La Folie du RER E. Cette gare souterraine, à 4 voies de 400 m de long, représentait à elle seule un quart du coût de la section francilienne. Celle-ci allait pouvoir être tracé au plus court De la sorte, la section nouvelle pouvait être tracée au plus court, donc le moins cher et avec les gains de temps potentiellement les plus élevés.

LNPN et le prolongement du RER E à Mantes-la-Jolie ont des destins croisés. A court terme d’abord. EOLE porte l’achèvement de la troisième voie d’Epône-Mézières à Mantes-la-Jolie, ce qui devrait fluidifier le trafic dans ce secteur, prévoyant à cette échéance 18 trains par heure dans le sens de la pointe. Il prédispose aussi la quatrième voie dans ce secteur pour dissocier totalement le RER et les trains vers la Normandie. Finalement, EOLE intègre aussi le saut-de-mouton de Mantes, pour que les trains venant d’Evreux rejoignent la voie venant du Havre en amont de la gare, côté province, plutôt qu’en aval, côté Paris, avec moults cisaillements. Afin de placer le terminus du RER en position centrale, les trains vers Vernon passeront eux par la voie pour Evreux, rejoignant leur itinéraire par le raccordement modernisé des Piquettes.

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Epône-Mézières - 9 avril 2015 - Filant vers Paris, cette TER2Nng parcourt la section à 3 voies réalisée dans le cadre du CPER 1994-2000. Elle sera prolongée jusqu'à Mantes la Jolie dans le cadre d'EOLE. Depuis la prise de vue, le plan de voie a évolué pour intégrer les futures aménagements EOLE de la gare. © transportrail

A long terme ensuite : la section francilienne de LNPN désimbriquera les trafics, faisant notamment sauter le long goulot à 2 voies de Nanterre à Vernouillet-Verneuil. LNPN bénéficiera au moins autant aux normands qu’aux franciliens. Les premiers gagneront des minutes et de la régularité. Les seconds des trains en plus : il sera ainsi possible passer de 6 à 12 RER par heure la desserte entre Nanterre et Les Mureaux, et d’en envoyer 8 jusqu’à Mantes.

LNPN dans l’agglomération rouennaise

La gare de Rouen Rive Droite est nichée dans une étroite tranchée en grande partie couverte, entre 2 tunnels, dans un environnement très dense. Comprenant 5 voies à quai n’autorisant au mieux que des trains de 270 m de long, elle constitue le second point dur des liaisons Paris – Normandie.

L’agglomération envisage de longue date la transformation des quartiers de rive gauche, où les activités ferroviaires ont été jadis nombreuses et très consommatrices d’espace. L’émergence du nouveau quartier Saint-Sever est pensée autour de la création d’une nouvelle gare liée elle-même à LNPN.

L’émergence au nord-ouest de Rouen n’est pas un volet facile dans LNPN. Les tenants de la réduction maximale du temps de parcours militent en faveur d’un raccordement au plus loin avec la ligne existante, du côté d’Yvetot. Mais chaque kilomètre a un coût… d’autant plus élevé que cette section ne concernera que les trains pour Le Havre. En effet, pour décongestionner la gare de Rive Droite, il convient de raccorder la section nouvelle après la bifurcation de Malaunay, séparant les lignes du Havre et de Dieppe. Quant à se raccorder au plus court, dans le seul but de réduire le coût du projet, entre une ligne souterraine devant passer sous la Seine, donc à grande profondeur, et une ligne classique à flanc de coteau entre Maromme et Malaunay, dans un environnement urbain encore assez dense, c’est peine perdue.

Le compromis se situe entre le tunnel de Pissy-Pôville et le viaduc de Barentin, mais ce tracé plus court limite les gains de temps de parcours vers Le Havre. Au final, si le raccordement à Yvetot par le tracé le plus à l’est a été retenu fin 2017 avec un coût estimé à 1,2 MM€, il est probable que le scénario avant le viaduc de Barentin finira par s'imposer... mais son usage limité aux seuls trains Paris – Le Havre et son tracé en grande partie souterrain risquent de plomber le ratio coût / minutes x voyageurs gagnées…

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Maromme - 7 juin 2013 - Certains imaginaient un raccordement de la nouvelle traversée de Rouen au plus court, dans un secteur très urbanisé, qui plus est à flanc de coteau. Le scénario retenu avec raccordement à Yvetot n'est pas exempt de reproches mais une jonction à Maromme bridait toute évolution de l'offre périurbaine. © transportrail

Quant à la gare rouennaise, sa conception dépend des choix d’organisation de desserte pour assurer les correspondances, ce qui ne sera pas simple avec 2 itinéraires parallèles mais non équivalents du point de vue des fonctionnalités : transportrail examine ce sujet dans une page dédiée.

Mantes – Evreux : préserver les équilibres normands ?

Afin que le sud de l’Eure, le Calvados et la Manche ne s’estiment pas lésés dans le projet, la section Mantes – Evreux referme le premier paquet d’investissements potentiels. Il est vrai que son coût est assez modeste – 600 M€ – et procure un gain de temps de l’ordre de 5 minutes, qui n’est pas négligeable compte tenu de sa longueur relativement limitée. La ligne actuelle est assez sinueuse et plafonnée de ce fait à 140 km/h.

Mais dans la perspective de sa réalisation, que deviendrait la section existante ? Elle n’accueillerait que la desserte omnibus assurée par les Paris – Evreux – Serquigny. Elle pose en outre un problème de performance, avec les troubles subis par le remblai d’Apremont peu après Mantes, imposant un ralentissement à 40 km/h très préjudiciable. A échéance de réalisation, l’hypothèse d’une mise à voie unique sera peut-être avancée, mais probablement pas retenue (ne serait-ce que pour servir d’itinéraire alternatif)

Une desserte ambitieuse… et réaliste ?

Les réflexions sur la desserte ont eu tendance à viser haut, peut-être parfois pour bonifier une évaluation socio-économique difficile à faire admettre à quelques élus influents. Ainsi, viser 3 trains par heure, voire 4 entre Paris et Le Havre n’est probablement pas un schéma plausible, pas plus qu’une desserte au quart d’heure dans le périurbain rouennais. L’hypothèse suggérée par transportrail prévoit 11,5 trains par heure et par sens en pointe et 7,5 trains en contrepointe ainsi qu’en journée :

  • Paris – Le Havre : un train par heure, desservant Rouen, Yvetot et Bréauté, renforcé en pointe d’une seconde relation par heure, ne desservant que Rouen, pour proposer les meilleurs temps de parcours sur cette relation ;
  • Paris – Rouen : un train 30 minutes desservant Mantes-la-Jolie (toutes les heures), Vernon, Gaillon, Val de Rueil et Oissel ;
  • Paris – Vernon : un train toutes les demi-heures en pointe, à l’heure en journée, desservant Mantes, Rosny et Bonnières ;
  • Paris – Cherbourg : un train par heure desservant Caen, Lison, Bayeux, Carentan et Valognes ;
  • Paris – Caen : un train toutes les demi-heures en pointe, à l’heure en journée, avec desserte d’Evreux, Bernay et Lisieux ;
  • Paris – Deauville : un train toutes les 2 heures avec desserte d’Evreux, Bernay, Lisieux et Pont l’Evêque ;
  • Paris – Evreux : un train toutes les demi-heures en pointe, à l’heure en journée, desservant les gares de Mantes (une fois sur deux pour cette dernière) à Evreux, avec prolongement de la moitié de l’offre à Serquigny. Cette mission n’empruntera donc pas la section nouvelle Mantes – Evreux.
  • Ce schéma améliore assez nettement l’offre, notamment vers Le Havre (20 AR contre 11,5 actuellement), Cherbourg et Caen (16 AR contre 8 à 9).

La desserte Rouen – Le Havre pourrait accueillir une liaison en provenance d’Amiens voire Lille, à cadence horaire, créant une troisième circulation rapide par heure entre les deux agglomérations. Cependant, le passage par Saint-Sever ne va pas de soi, comme l’explique transportrail dans notre page consacrée aux gares rouennaises et à l’arbitrage selon les lignes entre les deux itinéraires possibles. Quant au « Y de l’Eure », il est destiné aux liaisons Rouen – Caen, abordées dans notre page sur cette transversale normande.

Quelle liaison Normandie - La Défense ?

La politique – et la nature humaine en général – n’est pas avare de paradoxes. Dans le schéma de desserte, la gare de Mantes-la-Jolie est au centre d’un clivage entre la Normandie et l’Ile-de-France. Une partie des utilisateurs des trains, notamment sur l’axe Paris – Rouen, ne veulent plus s’arrêter dans cette gare, considérant que c’est à l’Ile-de-France de prendre en charge « ses » voyageurs. Cependant, dans le périmètre de décentralisation de 1997, la compétence normande débute bien à Mantes, y compris pour les gares des Yvelines de Rosny-sur-Seine, Bonnières-sur-Seine, Bueil et Bréval.

L’intérêt n’est pas mince puisqu’un tiers seulement des habitants de Normandie travaillant en Ile-de-France ont un emploi situé à Paris ou en petite couronne. La majorité du trafic n’est pas visible puisque les déplacements s’effectuent en voiture. C’est dommage.

L’arrêt à Mantes permet une continuité de desserte dans la vallée de la Seine par correspondance avec les Transilien, pour proposer une solution à ces trajets. Il écrête en amont le trafic de sorte à proposer une capacité suffisante jusqu’à Poissy. Ile-de-France Mobilités pourrait « bloquer » la situation en commandant des sillons pour compenser la non-desserte de Mantes par les TER Normandie… réduisant la capacité disponible pour ceux-ci. Bref, moins d’arrêts de TER à Mantes pourrait en théorie signifier moins de trains tout court entre Paris et la Normandie.

La Normandie peut apparaître sélective dans les arrêts qu’elle consent en Ile-de-France : elle a été longtemps demandeuse d’un accès direct à La Défense. Dans les études préliminaires d’EOLE, figurait l’aménagement d’un quai dans le raccordement La Folie – Puteaux pour y accueillir le terminus de liaisons en provenance du Havre et de Rouen. Sans suite, heureusement pour l’exploitation… Même chose pour la gare souterraine à Nanterre, au-delà de La Folie.

Bref, pour accéder à La Défense depuis la Normandie, l’alternative consiste en une correspondance à Mantes-la-Jolie (il faut donc que certaines TER s’y arrêtent) ou à Paris Saint-Lazare, comme aujourd’hui, par la ligne L, solution plus commode qu’un cheminement dans les couloirs pour rejoindre le RER E.

Dans l’absolu, d’autres hypothèses pourraient être examinées. Il faudrait envisager un « Yalta » intégrant ce besoin normand dans des problématiques franciliennes (saturation du tram, accès à La Défense depuis la boucle de Gennevilliers et le Val d'Oise) : transportrail identifie deux sites, à La Garenne – Colombes et Bois- Colombes, car avec le remplacement des Transilien sur le groupe V par le RER E, seuls les trains normands emprunteront les voies de ce groupe entre Paris et La Garenne Colombes.

Premier cas : la gare propose une correspondance avec le tramway T2 : La Défense en 6 minutes. Il faudrait donc allonger à 270 m les quais sur les voies du groupe V, créer un accès sur le pont du boulevard Charles de Gaulle pour rejoindre plus facilement T2 et atteindre La Défense en 6 minutes. Problème (de taille) : le tramway est saturé.

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La Garenne - Colombes - 7 mai 2021 - Passage d'un Omneo Premium approchant de Paris, traversant cette gare qui pourrait être une option pour rejoindre La Défense... mais avec tant de conditions qu'elle n'est pas la plus probable. © transportrail

Il faudrait un grand Yalta à la convergence de l'Ile de France et de la Normandie, sur fond de traitement des problèmes purement franciliens (saturation du T2, accès à La Défense depuis et normands (éviter de passer par Paris pour aller à La Défense). Un prolongement de la ligne 1 du métro, en direction de Colombes voire Argenteuil pourrait être examiné, reprenant en partie un tracé vaguement envisagé pour un prolongement de la ligne 16 du Grand Paris Express de Saint-Denis Pleyel à Nanterre La Folie. Problème : il faudrait non seulement un accord entre les Régions mais aussi trouver le moyen pour la ligne 1 de s’extirper de l’A14 et du RER A dans les sous-sols de La Défense.

Second cas : une gare à Bois-Colombes, au sud de l’actuelle gare (sur les voies du groupe IV) avec la possibilité d'une correspondance avec la ligne 15 du Grand Paris Express pour rejoindre non seulement La Défense mais toute la boucle de cette future ligne de métro. Cependant, l’implantation de la station du nouveau métro est éloignée, sous la place du marché, au nord de l’actuelle gare. Transit par la voirie, bien encombrée.

Bref, le transit à Saint-Lazare a de beaux jours devant lui !

Conclusion provisoire (évidemment)

La section francilienne est aussi nécessaire que difficile à concrétiser tant l’alignement des planètes entre les différentes collectivités semble difficile : les faisceaux de passage aujourd’hui étudiés seront-ils toujours disponibles lorsque le projet passera aux choses sérieuses ? A défaut de déclaration d’utilité publique, rien n’empêche les projets d’aménagement potentiellement orthogonaux avec LNPN.

A Rouen, il faudra tenir le cap du pragmatisme tant le coût de la section nouvelle dépend de l’adoption d’une répartition des dessertes entre la gare Rive Droite et la gare Saint-Sever et de la décision d’un raccordement en amont du viaduc de Barentin pour limiter au maximum son coût. Faute de quoi, le statu quo remettrait fortement en cause tout développement des liaisons Paris – Rouen – Le Havre.

Le faible nombre de circulations concernées par la section Rouen – Barentin pourrait aussi fortement mettre à mal la composante rouennaise du projet, sauf à envisager un raccordement à la ligne de Dieppe, ce qui doublerait son usage… mais à quel coût ?

Mantes – Evreux apparaît comme un gage donné aux collectivités de l’Eure, du Calvados et de la Manche pour gagner un peu de temps sur un axe pas vraiment congestionné.

A propos de temps, il faudra réévaluer les gains de temps avec le matériel existant apte à 200 km/h, puisque l’option à 250 km/h est rendue caduque par la difficulté à trouver la « perle rare » apte à cette vitesse, avec une forte capacité d’emport et une bonne performance d’échanges… pour un besoin très hypothétique puisque conditionné à la réalisation du « Y de l’Eure » qui pourrait être fortement concurrencé par une amélioration de la ligne existante entre Elbeuf et Serquigny.

Une telle complexité d’un projet qui est tout sauf une ligne à grande vitesse ordinaire, finit par expliquer les raisons du statu quo depuis les années 1990… au détriment des utilisateurs actuels – et potentiels – du train.

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