Matériel roulant : de nouvelles stratégies en Régions
Jusqu'à présent, et à de très rares exceptions, le matériel roulant financé par les Régions demeurait la propriété de la SNCF. L'ouverture du marché intérieur à la concurrence change la donne puisque dans la majorité des cas, les appels d'offres prévoient la mise à disposition du parc existant pour les différents lots mis en délégation de service public. A ce jour, seule la Région PACA a fait exception avec le lot Marseille - Nice, prévoyant la fourniture des rames (16 Omneo Premium) par l'opérateur (Transdev) dans un contrat de 15 ans. Pour la Région, c'est le moyen de réduire la pression sur son budget d'investissement en faisant passer en coûts d'exploitation la charge du renouvellement des voitures Corail et des BB22200 sur cet axe.
Nice Ville - 20 janvier 2020 - Le contrat de 15 ans pour la liaison Marseille - Nice intègre la fourniture du matériel roulant destiné à succéder aux voitures Corail et aux BB22200 plus que quadragénaires. Elles sont déjà moins présentes, du fait de l'engagement de TER2Nng pas forcément très adaptées à des liaisons Intervilles. © transportrail
La Région Nouvelle Aquitaine a engagé le processus pour devenir formellement propriétaire du matériel qu'elle a subventionné. La stratégie de gestion de la flotte n'est pas encore connue : elle pourrait être confiée par exemple au syndicat mixte Nouvelle-Aquitaine Mobilités dont les missions s'élargiraient. La Région Grand Est a créé la Société Publique Locale Grand Est Mobilités qui va progressivement prendre en charge le pilotage des futurs contrats d'exploitation et la gestion du matériel roulant. En décembre dernier, la Région Hauts-de-France a annoncé la constitution d'une structure similaire, d'abord sur le seul sujet du matériel roulant.
Cette évolution de structure n'exclut néanmoins pas le recours à des prestataires pour la gestion technique de ces flottes, mais on peut supposer que, dans la plupart des cas, les contrats de service public intègrent les prestations de maintenance du parc. Mais qu'en sera-t-il pour les opérations patrimoniales (révision mi-vie, rénovation...) ?
Progressivement, semble donc émerger un nouveau schéma dans lequel les Régions logeraient leur compétence sur les transports dans une structure publique dédiée, potentiellement ouverte aux autres collectivités locales : c'est déjà le cas en Nouvelle-Aquitaine, en Grand Est et en Hauts-de-France, même si la présence dans cette dernière de la Métropole amiénoise semble plutôt symbolique (2 %) mais elle est indispensable puisqu'une SPL ne peut être créée par une seule collectivité.
Cette dissociation est le cas aussi en Ile-de-France, dont l'expérience peut être riche d'enseignements : la délimitation précise des domaines de compétence des collectivités et de la structure dédiée, en particulier sur les investissements. Le risque est bien connu : la préservation de baronnies technico-politiques.
Karlsruhe Hauptbahnhof - 5 décembre 2022 - Le Land du Bade-Wurtemberg a créé sa propre structure chargé de l'acquisition et de la gestion de la flotte de matériel roulant répartie entre les différents lots mis en appel d'offre. Ici, un Desiro High Capacity, comprenant 4 voitures dont les 2 centrales à 2 niveaux, affecté à DB Regio. © transportrail
Amiens - 21 juin 2019 - La création de la SPL chargée du matériel roulant en Hauts-de-France semble pour l'instant s'inspirer du cas allemand ci-dessus et a précédé l'attribution des lots de délégation de service public. © transportrail
Pour les Sociétés Publiques Locales créées par les Régions, il faut y voir un potentiel levier facilitant le développement de tarifications vraiment multimodales sur des périmètres correspondants aux bassins de vie et aux flux de déplacements, équivalent des communautés tarifaires qu'on connaît notamment dans les pays germanophones. Mais plus que la structure, c'est d'abord la convergence de vue dans la durée entre les élus qui les dirigent qui importe. Et ce n'est pas forcément le plus simple !