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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
28 mai 2017

Bordeaux : le bouchon a-t-il vraiment sauté ?

A quelques semaines de la mise en service de la LGV SEA, la question peut paraître – à dessein – dérangeante sinon provocatrice. Néanmoins, elle mérite d’être posée.

Auparavant, l’entrée nord de Bordeaux Saint-Jean ne disposait que de 2 voies, une par sens, franchissant la Garonne par la « passerelle », un pont-cage métallique construit par Gustave Eiffel. Opération phare en Aquitaine, son remplacement par un double ouvrage, avec donc 4 voies depuis Cenon, était censé procurer le bol d’air tant attendu. De la sorte, les deux itinéraires d’arrivée à Bordeaux pouvaient avoir leurs propres voies : l’itinéraire PO, via Bassens et l’itinéraire Etat via Sainte-Eulalie. Evidemment, 4 voies, c’est mieux que 2… mais il faut aller plus loin.

D’abord, ces deux itinéraires accueillent des trafics différents. L’itinéraire Etat, celui de l’axe Nantes – Bordeaux, est nettement moins sollicité puisqu’il n’accueille que les 3 allers-retours TET Nantes – Bordeaux, les TER venant de La Rochelle, Saintes et Saint-Mariens, mais aussi ceux de l’axe Bordeaux – Bergerac – Sarlat. En revanche, celui du PO est plus noble, puisqu’il accueille les TGV, le fret et les TER vers Libourne, Coutras, Angoulême et Périgueux. Qui plus est, l’itinéraire PO est le seul à donner accès aux installations de Bassens et au port bordelais. Bref, une dissymétrie prononcée entre les deux axes qui se traduit par une sollicitation plus importante des 2 voies « aval » au franchissement de la Garonne.

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Bordeaux - 28 juin 2016 - Le nouveau pont sur la Garonne n'a pas reçu de surnom comme l'ancien ouvrage baptisé passerelle. Le passage à 4 voies de l'entrée nord de Bordeaux était censé être synonyme de résorption des difficultés d'exploitation : qu'en est-il vraiment ? © transportrail

Il faut néanmoins noter que les trains transitant par l’itinéraire PO peuvent emprunter l’itinéraire Etat en cas de perturbation, grâce au raccordement de La Grave d’Ambarès… mais la réciproque n’existe pas.

Qui plus est, SEA ne va pas forcément arranger la situation : outre un nombre de circulations fortement accru, les TGV devront obligatoirement transiter par l’itinéraire PO puisque la LGV n’est pas raccordée à l’itinéraire Etat. SEA ne manque pourtant pas de connexions au réseau classique, mais là, elle fait défaut. Une économie malvenue car au premier incident du côté de Bassens, les TGV n’auront d’autre choix que de quitter la LGV au nord d’Angoulême par la jonction de Luxé. A la clé, une bonne demi-heure perdue…

Creusons un peu plus le sujet. L’ancienne infrastructure n’avait peut-être que 2 voies, mais son block débitait plutôt bien, puisque la norme de tracé prévoyait un espacement minimal entre circulations de 3 minutes. Sur les nouvelles installations à 4 voies, la norme a été assouplie et l’espacement portée à 4 minutes. Soit potentiellement 30 circulations par sens au lieu de 40 si un block à 3 minutes avait été intégré au quadruplement. On imagine aisément les coûts le jour où il faudra aller « gratter » cette minute… à moins d’attendre ERTMS niveau 2…

Autre chose ? Les conditions d’exploitation de la gare. Il est tout de même étonnant que Bordeaux Saint Jean, avec 14 voies à quai dans une gare traversante réussisse à atteindre un taux de 40% de circulations techniques (non commerciales), c’est-à-dire un tiers de plus que Marseille Saint Charles, non seulement en impasse mais aussi réputée pour des pratiques pas vraiment optimisées. Illustration en heure de pointe, avec cette gare immense mais avec 2 voies sur 3 non utilisées. La pratique courante chez nos voisins du « deux trains sur même voie », qui n’est pas tout à fait la même chose que la réception sur voie occupée (à des fins de couplages), pourrait donc trouver ici enfin une application salutaire. Elle existe, mais dans des conditions « artisanales » pas vraiment simples ni fluides.

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Bordeaux Saint-Jean - 29 juin 2016 - Cisaillement pour cette composition - désormais révolue - d'X2200 sur une relation Bordeaux - Bergerac. La gestion de l'avant-gare reste fragile en raison du déséquilibre d'utilisation des deux itinéraires entre La Grave d'Ambarès et Bordeaux, qui sera amplifié par l'impossibilité d'utiliser l'itinéraire via Sainte Eulalie pour les TGV venant de SEA. © transportrail

Autre possibilité : diamétraliser les TER. Une solution courante chez nos voisins mais qui n’a pas que des avantages, surtout quand la demande est très dissymétrique (cela conduit à des trains à faible occupation en contrepointe) et quand le km-train est facturé au prix fort. Elle suppose aussi des investissements pour créer les terminus intermédiaires, voire des positions de garage. Par exemple, si les TER de Langon étaient diamétralisés avec ceux de Saint-Mariens, il serait alors nécessaire d’aménager des terminus mais aussi de permettre le stockage de rames aux deux extrémités plutôt que de redescendre en heures creuses sur Bordeaux.

Dernier point : le développement de la desserte périurbaine de Bordeaux reste très dépendant de la réalisation du tandem GPSO+AFSB (Grand Projet Sud-Ouest, Aménagements Ferroviaires Sud Bordeaux), notamment en libérant la section Bordeaux – Facture du trafic TGV au profit d’une desserte périurbaine au quart d’heure. Autant dire que les incertitudes ne sont pas totalement dissipées...

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Pessac Alouette - 5 février 2017 - L'accès sud de Bordeaux, par la ligne des Landes, supporte un trafic périurbain grandissant motivant l'exploitation des TER Bordeaux - Arcachon en Régio2N. La forte diversité du trafic entre TGV, Fret et TER ne facilite pas l'augmentation de l'offre périurbaine, ce qui permettrait la LGV entre Bordeaux et Dax... mais à quel prix ? © transportrail

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Bègles - Même enjeu sur l'axe Bordeaux - Montauban : avec la LGV, des aménagements sont prévus pour augmenter la capacité à l'approche de Bordeaux pour développer la desserte périurbaine sur la section Bordeaux - Langon. A Bègles, des investissements devaient en outre améliorer l'intermodalité, notamment avec le tramway qui tangente la gare. 28 juin 2016 - © transportrail

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Commentaires
R
J'aimerais juste faire remarquer que la gare de Bordeaux Saint-Jean comporte 12 voies à quai traversantes, et 3 voies à quai en heurtoir côté Facture-Biganos.
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A
Quelques questions et réflexions à la lecture de ce passionnant dossier et des commentaires, si des experts chevronnées peuvent répondre : <br /> <br /> Pourquoi le choix a t'il été fait de faire passer les TGV sur l'itinéraire PO alors que l'itinéraire Etat est plus court et a été modernisé (tunnel de Lormont, suppression des 3 PN de Ste Eulalie) ? Les raisons "BAL et caténaire mieux armée" me semblent bien légères, surtout après tous les aménagements faits en vue de l'arrivée de SEA.<br /> <br /> Pourquoi continuer à faire passer les trains de fret par PO plutôt que Etat ?<br /> <br /> Pourquoi être passer d'un espacement de 3 minutes à 4 minutes ? Si la sûreté des circulations était assurée à 3 minutes par le passé, pourquoi ne le serait elle plus aujourd'hui ?<br /> <br /> Concernant la diamétralisation, c'était un cheval de bataille du président de la région Alain Rousset il y a quelques années (le RER bordelais). Aujourd'hui, plus personne n'en parle.<br /> <br /> Il y a le bouchon nord, mais également le sud maintenant : tronc commun aux quais A, B et C, bifurcation de la Médoquine, toujours pas d'ICPS après Gazinet, toujours pas de troisième voie sur Bègles - St Médard d'Eyrans et Bordeaux - Gazinet. Tous ces aménagements sont suspendus à la décision de poursuite de GPSO. Comme la décision d'abandon ne sera pas prise avant 10, 20 ou 30 ans, rien ne se passera d'ici là et les difficultés continueront.<br /> <br /> Pour info, il y a un comité de ligne ce jeudi 1er juin 17h30 à Blanquefort concernant la ligne du Médoc, ce sera l'occasion de remonter ces points.
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T
Au final la question des dessertes périurbaines semblerait mieux se résoudre par une exploitation en recouvrement puisque les tout le monde ne travaille pas dans l'hypercentre, même si un quartier d'affaires est en cours d'achèvement autour de la gare Saint-Jean.<br /> <br /> Cependant il conviendrait de limiter les relations "régionales" à Saint-Jean (i.e. desserte de Mont-de-Marsan, Agen par TER, etc.), parce que l'aménagement de terminus "d'agglo" ne doit pas non plus coûter devenir un projet pharaonique.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans l'ouest le train pourrait être un outil de densification d'autant plus que les connexions "tram/train" semblent plutôt bonnes à l'ouest (tram A Fontaine d'Arlac), même s'il serait souhaitable de créer une connexion à proximité de l'hôpital du Bouscat (avec le tram D) voire avec le futur BHNS vers Saint-Aubin.<br /> <br /> Bref le potentiel ne manque pas, mais les infrastructures sont (volontairement ?) sous-dimensionnées...<br /> <br /> <br /> <br /> Pour en revenir à la question des situations perturbées, la banalisation des voies est-elle prévue/déjà existante ?
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K
"Dernier point : le développement de la desserte périurbaine de Bordeaux reste très dépendant de la réalisation du tandem GPSO+AFSB (Grand Projet Sud-Ouest, Aménagements Ferroviaires Sud Bordeaux), notamment en libérant la section Bordeaux – Facture du trafic TGV au profit d’une desserte périurbaine au quart d’heure."<br /> <br /> <br /> <br /> pour deux ou 3 trains périurbaines par heure en plus il faut obligatoirement réaliser une ligne LGV pour séparer les circulations?<br /> <br /> <br /> <br /> ajouter une 3ème voie et banaliser toutes les trois et c'est bon pour l'instant. En plus la ligne est tout droit et on peut intégrer cette 3eme voie dans une nouvelle ligne, si jamais construit.
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J
Avez-vous besoin de répéter deux fois le même message et de dévoyer le sens d'une argumentation ?<br /> <br /> <br /> <br /> SEA comprend un nombre important de raccordements au réseau classique dont certains sont d'une utilité toute discutable quant à l'occurrence de leur usage ou au gain de temps qu'ils peuvent procurer, notamment au nord et à l'ouest de Poitiers.<br /> <br /> <br /> <br /> Imaginons donc un train en panne sur l'itinéraire PO dans le secteur de Lormont. Evidemment, le trafic régional et le fret pourra transiter par l'itinéraire Etat en utilisant tant bien que mal le raccordement à niveau de La Grave d'Ambarès et en tenant compte du moindre débit du BAPR. <br /> <br /> Pour les TGV, ce sera la double peine puisqu'ils devront sortir à Luxé au nord d'Angoulême pour emprunter la ligne classique jusqu'à La Grave (ligne classique qui aura au passage en partie perdu son aptitude à 220 km/h : y a pas de petites économies) et se retrouver dans l'encombrement de l'arrivée à Bordeaux concentrée sur le seul itinéraire via Ste Eulalie qui n'est pas le plus performant pour les raisons évoquées ci-avant.<br /> <br /> <br /> <br /> Bref, on a peut-être fait des raccordements nombreux mais peut-être pas forcément aux endroits les plus utiles.<br /> <br /> <br /> <br /> Sans compter que dans la perspective GPSO, faire arriver les TGV "non terminus" par les voies Etat éviterait quelques cisaillements en aval de la gare...
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S
Est-ce vraiment un problème que la LGV ne soit pas raccordée à l'itinéraire Etat ?<br /> <br /> <br /> <br /> Le cas de blocage de l'itineraire ne peut justifier, en tout point d'avoir une solution de secours, car si on pousse le raisonnement, faudrait-il doubler toutes les lignes "au cas où" ?<br /> <br /> <br /> <br /> En terme d'équilibre des charges, dès lors qu'une partie du trafic de l'itinéraire PO (celui de la LC) peut se reporter sur l'itinéraire Etat, quel est le problème ?<br /> <br /> Dans le cas limite où tout le trafic de la LC irait vers l'itinéraire Etat, mais que le trafic Etat resterait inférieure à la moitié du trafic franchissant la Garonne, cela signifierait malgré tout que l'itinéraire PO est dédié aux TGV venant de la LGV. Et le débit sur 2 voies de la LGV, ne pourrait pas être maintenu sur les 2 voies permettant d'accéder à la gare St jean ?
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S
La non connexion de la LGV à l'itinéraire Etat ne parait pas si rédhibitoire. <br /> <br /> Si on imagine un "blocage" de l'itinéraire PO, bon déjà, on pourrait aussi imaginer un blocage de n'importe quelle ligne, et dans ce cas, n'importe quelle ligne devrait toujours être doublée, en cas d'incident... (il y a ce genre d'argument à Nice pour justifier de doubler la ligne à l'entrée de la ville, malgré que l'opération soit quasi impossible)<br /> <br /> Si vraiment, il y a une sérieux blocage, alors il y aura une solution pour les TGV, certes avec perte de temps, mais qui pourrait croire qu'il n'y en aurait pas quand tous les trafics prévus sur 4 voies devraient se contenter de 2 ?<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin pour ce qui est de l'équilibre des charges, puisque une partie des trains du PO peuvent emprunter l'itinéraire Etat (ceux provenant de la ligne classique), est-ce vraiment un problème ?<br /> <br /> Car d'une certaine façon, dans le cas limite ou tout le trafic de la ligne classique venant d'Angoulême passait par l'itinéraire Etat (et qu'au total, ça ne ferait toujours pas la moitié du trafic franchissant la Garonne), cela signifierait que les TGV venant de la LGV auraient un itinéraire dédié jusqu'à Bordeaux : on voit mal pourquoi le débit sur la LGV ne pourrait pas être maintenu sur les 2 voies emmenant les TGV jusqu'à St Jean
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K
Diamétriser un système des trains autour d'une gare n'est pas seulement pour augmenter les capacités des quais, c'est aussi une question de la qualité de l'offre.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans une grande ville comme Paris c'est peut-être plus évident que dans une ville comme Bordeaux, mais je crois, diamétriser emporte surement quelque chose pour les passagères.<br /> <br /> <br /> <br /> Je vous donne un exemple parisien : imaginez la ligne B, c'est vraie, la moitie des voyageurs quittent les trains à Châtelet pour une correspondance, mais il y'a comme-même pas mal des passagères qui veulent continuer à St. Michel et a l'université. Ou qui quittent déjà à la gare du Nord.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans l'autre direction vous avez des gens qui montent a la Gare du Nord, Châtelet et St. Michel...<br /> <br /> <br /> <br /> Imaginez, toutes ces gens sont forcés de changer train à Châtelet. Ça aurait une bêtise, j’espère vous étiez d'accord.<br /> <br /> <br /> <br /> Et maintenant demandons-nous : Il n'y'a personne, qui veut aller de Libourne à Pessac? De Portet à Cenon? ... ?<br /> <br /> <br /> <br /> La rupture de circulation dans une gare centrale est une rupture pour les flux des transports. Et si quelque dit au jour d'hui, non, il n'y'a personne qui va de Portet à Cenon au jour d'hui, c'est peut-être simplement parce-qu'il doit attendre 20 minutes pour sa correspondance à St. Jean, ou il ait trop de peur de la rater (retard...) donc, l'offre est insuffisante et il prends plutôt la voiture.<br /> <br /> <br /> <br /> Donc, on peut prolonguer le TER de Dax vers Libourne et le TER de Angoulème vers Pessac... la ligne de Toulouse vers Gauriaguet, et la ligne de La Rochelle vers Langon, etc... Ca augmente aussi l'offre dans le centre de l'agglomération.<br /> <br /> <br /> <br /> Ces exemples sont des exemples sans connaitre la réalité, et merci de ne pas commencer de discuter ça en détail, je ne veux seulement expliquer le principe.
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T
Tout à fait d'accord avec @KkStB. Quand bien même l'électrification représenterait une dépense non négligeable elle aurait toute son utilité.<br /> <br /> Et puis cela peut intéresser les TER et IC de la ligne État. <br /> <br /> <br /> <br /> Au niveau de l'exploitation de la gare c'est tout à fait impressionnant. Comment peut-on arriver à un tel gâchis ?<br /> <br /> Sinon le principe de "deux trains par voie" semble plus approprié vu les dissymétries entre les différents axes. Et ça permet de conserver une bonne régularité...
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K
La solution plus flexible : électrifier la ligne ETAT jusqu'au nord de Gauriaguet, raccorder la avec ici et au sud de la gare de Aubie -St. Antoine. Comme ça les trains de la LGV peuvent aller vers toutes les voies en cas des incidents diverses. Comme ça on évite de toucher le raccordement à La Grave d'Ambarès, qui me sembel déjà assez complexe et serré.<br /> <br /> <br /> <br /> Une autre chose qui m'étonne (si openrailwaymap est correcte) : les TGV ne peuvent pas éviter de passer directement aux quais de la gare de Cenon. C'est une question de sécurité pour moi. Donc, à mon avis, ça manque aussi un raccordement de la PO/LGV vers l'ETAT au nord du Cenon pour dévier les LGV. Ou encore mieux : un raccordement dans les deux directions. Comme ça la ligne entre la bifurcation à Cenon et la gare de St. Jean est une ligne à 4 voies (banalisées, naturellement)
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M
L'itinéraire du PO est plus "noble" ? C'est sympa pour tous ceux qui viennent de l'autre côté !!! Il faudrait peut être arrêter avec ce genre de discours meprisant. Sans tomber dans la demagogie et la bien-pensence le choix des mots est important même si internet nous a habitués a la vulgarité .
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