Tours, exemple de RER pour agglomération intermédiaire
L’agglomération tourangelle compte 33 communes accueillant au total 356 000 habitants et son aire d'influence rayonne sur un périmètre plus large, peuplé de 411 000 habitants. Elle occupe une position assez centrale dans le réseau de villes du val de Loire, en complément d’Orléans, Angers et Nantes, du fait de sa position historique de carrefour avec l’axe Paris – Bordeaux, tant sur le plan routier que ferroviaire. C’est une des villes qui a eu le triste privilège d’avoir un maire favorable au passage de l’autoroute au plus près du centre, provoquant congestion et pollution.
Des chiffres de 2009, pas forcément très récents, mais qui donnent déjà une idée de la structure des flux pendulaires autour de Tours, confirmant la cohérence avec le réseau ferroviaire et l'existence de flux à rebours du sens dominant.
Réseau ferroviaire et densité de population sont étroitement liés en Indre-et-Loire puisqu'on voit immédiatement que les territoires non desservis par le rail sont nettement moins peuplés que les communes disposant d'une gare. Un atout pour le train et une opportunité d'organisation des rabattements.
Limeray - 31 juillet 2014 - Lévriers du TER, les Z21500 aptes à 200 km/h ne sont pas les plus adaptées pour une desserte périurbaine. En revanche, elles font merveille sur des relations Intervilles qui ont vocation à intégrer la réflexion sur le RER tourangeau par la spécificité de cette étude reposant sur un meilleur maillage de l'agglomération.
8 branches et 2 gares : un cas d’école
Sur le plan ferroviaire, c’est une étoile à large rayonnement puisqu’elle compte 8 branches. Le réseau est organisé autour de 2 gares : Tours, en impasse, avec un accès immédiat à l’hypercentre, et Saint Pierre des Corps, gare de passage dont l’activité principale est liée aux TGV et aux correspondances pour la gare centrale ou les différentes branches de l’étoile.
La position de la gare de Saint Pierre des Corps impose un choix cornélien de desserte pour les trains arrivant du nord, de l’ouest et du sud, entre l’accès au centre-ville et aux correspondances TGV : faut-il desservir Tours puis Saint Pierre ou l’inverse ? C’est en général la seconde option qui est privilégiée, du fait de la plus grande capacité d’accueil de la gare de Tours pour des missions en terminus.
La configuration ferroviaire du nœud tourangeau en fait un cas d’école assez intéressant dans notre série d’études sur le développement d’offres type RER dans les principales agglomérations françaises. Mais ce dossier débordera sur les liaisons Intervilles qui pourraient également profiter des aménagements proposés à l’origine pour la desserte périurbaine.
Une étoile avec des lignes en situation incertaine
La desserte sur l’étoile ferroviaire tourangelle est assez inégale d’autant que, autre particularité, plusieurs lignes ont le triste privilège d’être considérées secondaires, classées UIC 7 à 9, et souffrant par conséquent d’un déficit de maintenance grevant leurs performances et menaçant même leur pérennité à court terme. Sont ainsi concernées : Tours – Chinon et Tours – Loches au sud de l’agglomération, mais aussi Tours – Vendôme au nord, maillon de l’itinéraire bis vers Paris via Châteaudun. Pourtant, ces trois lignes ont un fort potentiel périurbain, occulté par une SNCF qui utilise un mauvais indicateur en guise de classification stratégique (mais si vous êtes lecteur régulier de transportrail, vous commencez à le savoir…).
Loches - 30 juillet 2014 - Ligne toujours menacée, Tours - Loches a pourtant de bons atouts à faire valoir à condition de renouveler l'infrastructure et surtout de mettre des trains : seuls 2 allers-retours touchent cette agréable cité touristique !
L’axe Tours – Le Mans est dans une situation intermédiaire, par conséquent inconfortable, avec une menace régulière de relégation du mauvais côté de la barrière qui remet en question la garantie de performance de cet axe. Ces quatre lignes ont un point commun : elles ne sont pas électrifiées, mais seule Tours – Le Mans est à double voie…. Pour un trafic somme toute modeste d’une douzaine d’allers-retours par jour et quelques rares trains de fret.
Traction électrique récente (2008) certes, mais perspective à peine meilleure pour la transversale Tours – Vierzon, que nous observerons sur la section de Tours à Saint Aignan : elle aussi dans un entre-deux malgré un trafic relativement conséquent, avec les mêmes doutes sur le maintien de ses aptitudes.
Bléré La Croix - 6 avril 2006 - Les B81500 faisaient leurs premiers tours de roue en Région Centre, la ligne Tours - Vierzon n'était pas encore électrifiée et la voie de terminus n'était alors qu'un projet aujourd'hui concrétisé. Les temps ont changé sur la transversale longeant la vallée du Cher, qui constitue un axe important avec une succession de petites localités assez liées à la dynamique tourangelle.
Seules les branches vers Blois, Saumur et Poitiers bénéficient de perspectives assez stables, car elles utilisent des axes stratégiques nationaux et européens… mais avec tout de même des questions sur leur niveau de performance, en particulier le devenir de l’aptitude à 200 km/h, qui ne concerne pas directement notre sujet.
Des niveaux de desserte hétérogènes et souvent très faibles
L’étoile de Tours a également ceci d’exemplaire que le niveau de desserte périurbaine sur les différentes branches est pour le moins hétérogène mais généralement faible sinon indigent. L'offre Intervilles est un peu mieux lotie, mais intéressons-nous particulièrement aux omnibus. Situation extrême sur Tours – Loches, où, en dépit de plus de 13 000 véhicules par jour sur la RD943 à Loches et 35 000 à l’entrée dans l’agglomération, l’offre ferroviaire se borne à 2 allers-retours par jour pour Loches et un pour Reignac.
La capacité du réseau est très peu utilisée, comme en atteste cette comparaison entre la capacité théorique, en nombre de sillons omnibus par heure, et l'offre existante, en nombre de trains par... jour !
Plus globalement, de – trop – nombreuses gares ne sont desservies que très ponctuellement, symbole d’une politique régionale qui ne veut pas assumer de fermeture de points d’arrêts à faible potentiel (parce que souvent excentrés des bourgs), quitte à maintenir une desserte totalement inadaptée. Dans notre schéma, fin de l’hypocrisie, ces arrêts sont supprimés, ce qui suppose l'examen d'une desserte routière des bourgs en rabattement sur les gares principales. Un beau sujet intermodal pour la Région...
En outre, l’amplitude horaire est faible et les creux de desserte en journée peuvent être considérables. Bref, l’archétype de la desserte périurbaine en France qui est conçue a minima pour une clientèle captive (en caricaturant un peu : les scolaires et les cheminots) et qui ne cherche pas à attirer des flux aujourd’hui assurés en voiture.
Tourisme, RER et consistance du service
Singularité de l’étoile ferroviaire tourangelle, son fort potentiel touristique avec d’abord les châteaux de la Loire : Blois, Chaumont sur Loire, Amboise, Chenonceaux, Azay le Rideau, Chinon, Loches. A eux seuls, ils légitiment complètement un renforcement de la desserte en heures creuses et le week-end, pour peu que la Région, l’Office de Tourisme et la SNCF s’accordent en vue de proposer des tarifs couplés train + château.
Chenonceaux - 21 juillet 2006 - L'un des plus connus des châteaux de la Loire a sa gare, à deux pas de l'entrée. De quoi alimenter la fréquentation des trains et limiter le trafic routier... mais l'offre aujourd'hui squelettique en heures creuses et le week-end dissuade les plus volontaires !
Autre facteur touristique : la Loire et ses itinéraires cyclables, évidemment en lien assez étroit avec le patrimoine historique. La Loire à Vélo attire de nombreux amateurs qui utilisent le train sur une partie du parcours. Si le besoin semble principalement focalisé sur des parcours intervilles au-delà du champ périurbain, une offre type RER pourrait influer sur l’attractivité de cette solution couplée pour une clientèle plus locale, et diversifier les possibilités pour les cyclistes à long parcours.
Tarification
La Région a mis en place de longue date une formule d'abonnement Starter, couplant un trajet ferroviaire défini (de gare à gare) et l'accès au réseau urbain. Une solution minimale, qui a au moins le mérite d'exister mais qui reste insuffisamment connue dans le bassin de vie. La question d'une communauté tarifaire plus complète reste posée, comme dans la plupart des métropoles. Tout au plus, le train est accessible aux voyageurs détenant un titre urbain entre Tours et Saint Pierre des Corps.
Le sujet tarifaire reviendra probablement sur la table avec le développement du maillage des gares dans l'agglomération, qui est un sujet central de ce dossier.
Retour du tramway et nouvelles gares
Le retour du tramway à Tours depuis 2013 est également un ingrédient supplémentaire à cette réflexion. Il propose 2 correspondances avec le réseau ferroviaire, en gare de Tours mais aussi à Joué les Tours, qui est plus anecdotique compte tenu du niveau de desserte ferroviaire : c'est un peu par hasard qu'une correspondance existe plus qu'une réelle volonté.
La confirmation en 2018 du projet de seconde ligne comporte deux certitudes : elle desservira le carrefour de Verdun et rejoindra La Riche, à proximité du tronc commun entre les lignes du Mans et de Vendôme.
Le site du carrefour de Verdun occupe les débats ferroviaires tourangeaux depuis au moins 30 ans. Pourtant, le projet de création d’une nouvelle gare est toujours reparti dans les archives à chaque tentative d’exhumation, généralement au moment des élections… sans avoir connu le moindre début de réalisation.
Avec deux lignes de tramway, cette nouvelle gare mériterait d’être enfin réalisée. Elle est au cœur de notre projet de RER tourangeau.
Elle permettrait de ne plus avoir à choisir entre les deux gares actuelles, en permettant une diamétralisation des dessertes selon un axe est-ouest maintenant le principe d’un accès rapide au centre-ville (par correspondance avec le tramway) et aux correspondances de Saint Pierre des Corps.
Deuxième gare nouvelle dans l’agglomération, également en correspondance avec le tramway, il serait souhaitable d’envisager une gare à La Riche, juste au sud de la Loire, puisque c’est dans ce secteur qu’arrivera la nouvelle ligne de tramway, au Prieuré Saint Côme. Cette nouvelle opportunité procurerait un bon quadrillage de l’agglomération tourangelle par des correspondances efficaces entre train et tramway.
Un schéma de desserte mixant trafics périurbains et intervilles
Assez naturellement, une diamétrale Blois – Tours – Saumur formerait le premier axe périurbain tourangeau, avec desserte des gares de Saint Pierre des Corps et du Carrefour de Verdun avec une desserte à l'heure, capacité déjà disponible dans la structure actuelle de la desserte. Il faudra s'interroger sur le maintien de certains arrêts desservis une seule fois par jour, qui plus est assez éloignés des bourgs. La majeure partie des flux est concentrée sur les TER Intervilles semi-directs, sur lesquels nous revenons un peu plus loin.
La perspective d'une cadence à la demi-heure sur les dessertes omnibus semble tout de même relativement lointaine, d'autant plus que la politique d'arrêts des TER Intervilles Orléans - Tours y pourvoit de fait.
Le second axe relierait Vendôme à Saint Aignan, desservant les gares de Fondettes, La Riche, du Carrefour de Verdun et de Saint Pierre des Corps, pour un maillage maximal de l’agglomération. La structure de base serait cadencée à l'heure, mais il serait aussi envisageable de profiter des possibilités de terminus intermédiaires à Château-Renault et à Bléré - La Croix. Au passage, la desserte Intervilles pourrait être repensée avec desserte systématique de Chenonceaux (pour le château), Montrichard et Saint Aignan.
Bourré - Mai 2005 - Autre symbole d'une époque révolue, les RIO modernisées assuraient non seulement des navettes périurbaines mais se retrouvaient aussi parfois en tête de liaisons semi-directes Tours - Vierzon.
Du fait de la configuration du réseau ferroviaire, les branches de Châtellerault, Loches et Chinon resteraient classiquement orientées vers la gare centrale de Tours, en appliquant également une logique de cadence horaire.
En revanche, au regard de la faible densité de population au nord de Tours et d’un positionnement médiocre des gares, il ne semble pas vraiment pertinent d’envisager une offre périurbaine sur la ligne du Mans, d’où notre proposition élargie aux liaisons Intervilles.
Les relations Le Mans – Tours pourraient donc desservir les deux nouvelles gares de La Riche et du Carrefour de Verdun pour proposer d’intéressantes correspondances par tramway. Il serait alors possible de desservir systématiquement Saint Pierre des Corps avec l’examen des opportunités de diamétralisation vers Vierzon ou Bourges.
Vendôme - avril 2006 - Compte tenu des densités de population assez moyennes, peuvent être intégrées dans le système RER tourangeau des dessertes relativement éloignées, mais aujourd'hui paupérisées par une offre indigente. L'enjeu à Tours réside aussi dans l'amélioration du maillage train - tramway y compris pour les liaisons Intervilles.
Sur l’axe ligérien, les liaisons Orléans – Tours – Angers – Nantes pourraient aussi desservir Saint Pierre des Corps et le Carrefour de Verdun, ainsi que les liaisons Intercités Lyon – Nantes : à la clé, un gain de temps important en s’affranchissant du rebroussement à Tours, mais une double desserte efficace. Et pour être complet, des Paris – Orléans – Tours – Angers – Nantes par fusion des Intercités Paris - Tours désormais gérés par la Région Centre et des TER Interloire pourraient également adopter ce schéma de desserte.
Conséquence de ce schéma : une utilisation beaucoup plus faible de la gare historique de Tours, mais une nette amélioration du maillage de l’agglomération par de bonnes connexions avec le réseau de tramways.
Tours - 31 août 2013 - Le matériel Pays de la Loire est aussi mis à contribution dans la desserte tourangelle avec ici un X72500 sur une relation Tours - Le Mans et une Z9600 pour Saumur. Avec les nouvelles gares proposées, le trafic en gare de Tours pourrait être substantiellement allégé.
Des besoins complémentaires en infrastructures
Pour accueillir ces évolutions de desserte, outre les gares, des adaptations de l'infrastructure sont nécessaires.
A l'ouest, entre Tours et Saumur, le développement de l'offre suppose l'évolution de la signalisation : le BAPR devra être remplacé, et sur cet axe, l'hypothèse ERTMS niveau 2 n'est pas à écarter, en continuité de l'axe ligérien, entre un corridor Allemagne - Espagne et la perspective d'équipement de l'axe Le Mans - Angers - Nantes en continuité de la LN2. La diagonale Tours - Angers pourrait donc éligible au nouveau système.
Au nord, entre Tours et Vendôme, la situation est franchement précaire, et il faudra donc en passer par une vraie signalisation adaptée aux lignes à trafic modeste, objectif de la démarche NEXT Regio de SNCF Réseau, partant du BAPR existant converti aux technologies numériques pour tendre vers un ERTMS régional encore en développement.
Sur Tours - Vierzon, la création d'un terminus intermédiaire à Saint Aignan sera justifiée d'autant que la transversale pourrait connaître un regain d'attractivité pour le fret comme pour les voyageurs, incompatible avec les modalités de terminus en ligne.
Sur les deux lignes en impasse au sud de Tours (Chinon et Loches), la situation est assez différente selon les cas : la ligne de Chinon a déjà bénéficié d'investissements importants avec une commande centralisée de voie banalisée qui pourrait accueillir 12 allers-retours, soit 4 de plus qu'actuellement. Ce serait déjà un bon début, mais il faudra envisager à terme une desserte à cadence horaire toute la journée. En revanche, vers Loches, la ligne reste en Voie Unique à Signalisation Simplifiée et il faudra donc l'équiper d'une signalisation (NEXT Regio) jusqu'à Cormery seulement : au-delà, avec une cadence horaire vers Loches, la section terminale pourrait être exploitée sous le régime de la navette.
Au-delà, la contrainte capacitaire entre la bifurcation de Joué et la gare de Tours reste, malgré la LGV SEA, assez prégnante et un nouveau palier de desserte, avec une cadence à la demi-heure de la mission Cormery, impliquerait des travaux dans le noeud de Tours pour augmenter le débit de l'infrastructure, pour mieux intégrer ces deux lignes dans le système RER. Il semble possible de créer une 3ème voie entre la bifurcation de Joué et l’amorce de la voie donnant accès à la gare de Tours, moyennant la pose d’un nouveau tablier indépendant sur les 2 bras du Cher. Le raccordement d’accès à la gare de Tours pourrait être mis à double voie, limitant les sujétions liées à la voie unique. Ce nouvel itinéraire dédié pourrait accueillir une halte à hauteur du lycée Grandmont (avec possibilité de correspondance Bus vers l’université).
Un cas particulier
L'étoile de Tours est donc un cas particulier dans notre série d'études sur les dessertes périurbaines autour des grandes agglomérations. D'abord parce que nous avons pris l'exemple d'un bassin de taille intermédiaire, doté d'une vaste étoile ferroviaire, mais qui ne justifie pas un haut niveau de desserte comme dans un bassin d'un million d'habitants. Ensuite, parce que la capacité disponible pour la desserte omnibus est très peu utilisée, ce qui au passage neutralise le sujet du matériel roulant : les séries existantes sont suffisantes et on évitera juste d'engager des Z21500 sur des missions omnibus. Enfin, par la spécificité d'une étoile ferroviaire sur laquelle de nouveaux points d'arrêts maillés avec le réseau urbain - et ici avec le tramway ou ses extensions - peut être mis à profit pour revoir la conception de la desserte du réseau de villes régionales, bien au-delà du seul bassin de vie tourangeau.