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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Reims - Châlons-en-Champagne : une discrète efficacité

Géographie ferroviaire champenoise

Principale ville de Champagne, mondialement connue pour son vignoble et la basilique où Clovis fut sacré roi des Francs, Reims a, sur le plan ferroviaire, rapidement souffert de sa position à l’écart de l’axe Paris – Strasbourg, au contraire de celle qu’on appelait à l’époque Châlons-sur-Marne, aujourd’hui « en Champagne », successivement préfecture du Département de la Marne puis capitale régionale de Champagne-Ardenne.

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Reims - 4 juillet 2022 - Le B82507/8 engagé sur la relation entre les deux principales villes de Champagne : la fréquentation est plutôt bonne grâce à une offre régulière et un temps de parcours assez attractif. © transportrail

C’est la raison pour laquelle Reims bénéficia d’une étoile ferroviaire assez fournie à son apogée, sans compter les lignes secondaires des Chemins de fer de la Banlieue de Reims. Néanmoins, le passage plus au sud de la ligne Paris – Strasbourg se révéla au fil du temps un handicap, qu’il fallut surmonter par un maillage accru du réseau, pour rejoindre la Lorraine, mais aussi Paris, soit par Epernay, soit par La Ferté-Milon.

Si la LGV Est a choisi de ne pas choisir entre Metz et Nancy (avec l’incongruité de la localisation de la gare Lorraine à l’écart de la liaison ferroviaire entre ces deux villes), du moins a-t-elle eu le mérite de positionner l’agglomération rémoise sur l’axe Paris – Strasbourg, avec une bonne accessibilité grâce au raccordement ferroviaire (utilisé principalement par les trains venant de Charleville-Mézières) et le terminus d’une des lignes du tramway mis en service en 2012.

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D’abord des objectifs militaires

La liaison ferroviaire entre les deux villes procède d’une histoire particulière. Au départ de Reims, l’objectif était d’abord de constituer une liaison vers Metz via Verdun, puisque la ligne de Strasbourg – encore elle – privilégiait le passage par Nancy. Au départ de Châlons, il s’agissait de créer une antenne desservant le nouveau camp militaire de Mourmelon. Elle ouvrit la première, en 1857, précédant de 5 ans le versant rémois.

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En gare de Mourmelon, sans surprise, cette carte postale présente des soldats, probablement en exercice, d'autres voyageurs en tenue mais à l'écart des militaires, et la première gare construite en bois.

Desservant le camp de Mourmelon mais donnant accès à bien d’autres sites connus de ceux qui ont connu les « joies » de la conscription et de ses trains de bidasse du vendredi et du dimanche, la courte liaison de 53 km entre les deux principales villes de la Marne a longtemps vécu au rythme de ces relations particulières. Une intense activité, certes très ponctuelle, se déroulait sur le triangle de Saint-Hilaire-au-Temple, origine de la ligne en direction de Conflans-Jarny et Metz, desservant d’autres bases militaires comme celle de Suippes.

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Mourmelon - 22 février 2019 - Manoeuvres militaires et ferroviaires aux abords de la gare, par la BB75004, avec quelques chars et tractopelles (on laissera les spécialistes détailler les modèles dans les commentaires). © P. Sombourg

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La première gare de Sillery, telle qu'elle se présentait avant la première guerre mondiale, avait été construite dans le style classique des Chemins de fer de l'Est, avec sa halle aux marchandises, sa lampisterie et ses toilettes !

La ligne semble avoir été mise à double voie très tôt, du fait des besoins de transport des troupes. Elle a été aussi marquée par les dommages de la première guerre mondiale, avec la destruction de plusieurs gares, reconstruites à partir de 1918 selon un style dupliqué sur d’autres lignes également touchées, comme sur Laon - Reims par exemple.

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Les gares de Prunay et Sillery après leur reconstruction selon un type standardisé par les Chemins de fer de l'Est. Evidemment, les bourgs étaient encore assez peu développés.

Une ligne en partie rénovée grâce à la grande vitesse

Bénéficiant d’un profil favorable avec des rampes maximales de 7‰, l’infrastructure autorise une vitesse maximale de 140 km/h pour les automoteurs et de 120 km/h pour les autres circulations.

La LGV Est a été l’occasion de mettre à profit cette courte rocade champenoise : ayant choisi de passer par l’agglomération rémoise (on n’en dira pas tant du débat entre Metz et Nancy), il fallait intégrer Châlons-en-Champagne se dans le schéma de desserte à grande vitesse. La création d’un raccordement du côté de Saint-Hilaire-au-Temple a donc été réalisé, avec électrification en 25 kV jusqu’à Chalons de la ligne existante et modernisation de la signalisation en block automatique lumineux.

Cette intégration est pour le moins symbolique puisqu’elle ne concerne qu’un seul aller-retour par jour : le coût de la minute-voyageurs gagnée grâce au raccordement de Saint-Hilaire-au-Temple est assurément élevé : Châlons-en-Champagne se retrouve à 1h04 de Paris contre 1h39 par la ligne classique (mais avec 3 arrêts intermédiaires à Château-Thierry, Dormans et Epernay).

Une desserte régionale revigorée

Plus récemment, en décembre 2019, la desserte a été renforcée avec un cadencement à la demi-heure en heure de pointe, à la rigueur inégale. On compte ainsi 20 allers-retours en semaine dont 7 à caractère omnibus, en 52 minutes : la majorité des trains ne dessert que Mourmelon avec un trajet en 42 minutes. Si on ne compte que 9 rotations le samedi, le service en aligne 10 le dimanche.

En semaine, 7 allers-retours vont au-delà de Reims, au moins à Chaumont voire Dijon pour l’un d’entre eux. Particularité : la liaison Reims – Dijon, dernier vestige de ce qui fut une liaison Grandes Lignes entre Lille et Dijon, dessert toutes les gares en semaine de Reims à Châlons, mais devient semi-direct le dimanche (avec un trajet en 3h44).

Sans surprise, le trafic est dominé par la relation entre les deux principales villes. Les communes intermédiaires desservies par les omnibus sont encore desservies selon le rythme traditionnel matin – midi – soir qui ne profite guère qu’aux scolaires et une partie des salariés. Ici aussi, l’état des gares présente d’importants contrastes quant à l’état des quais, du mobilier, du confort et de l’information. En revanche, la signalétique a été renforcée pour mieux repérer les gares et haltes.

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Prunay - 4 juillet 2022 - La gare de Prunay n'est plus utilisée et a été vendue. C'est aujourd'hui une simple halte avec deux abris et des écrans d'information des voyageurs. La Région a installé un totem à hauteur du passage à niveau pour faciliter le repérage de l'arrêt. © transportrail

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Prunay - 4 juillet 2022 - Le B82503/4 assure une relation Reims - Châlons omnibus en milieu de journée : seule la desserte express est régulière tout au long de la journée, ces services ne circulent en revanche que matin, midi et soir. © transportrail

L’intégration au réseau de villes de la Région Grand Est demeure cependant limitée car s’il y a bien 7 allers-retours allant au moins vers Vitry-le-François, Saint-Dizier et Chaumont, la liaison vers les villes de Lorraine demeure tributaire de correspondances. Pour aller de Reims à Nancy, la correspondance par TGV est assez rapide et propose des trajets en moins de 1h45 contre 2h35 par correspondance entre trains régionaux à Châlons-en-Champagne.

Une meilleure desserte de l’agglomération rémoise

Le tracé de la ligne contourne la ville de Reims par l’est et borde plusieurs quartiers, équipements et activités économiques. La création de points d’arrêt supplémentaires est assez régulièrement évoquée, notamment à l’approche des élections locales. L’un d’eux pourrait être aménagé à proximité du pôle universitaire scientifique au sud-est, pouvant aussi desservir deux zones commerciales. Cependant, il faudrait réinterroger la desserte principalement constituée de liaisons intervilles à un seul arrêt.

Un futur axe de prédilection pour le fret 

Avec Rouen - Amiens, Amiens - Laon et Laon - Reims, Reims – Châlons est le dernier maillon d’un large contournement ferroviaire de l’Ile-de-France par le nord depuis les ports de la Manche et de la mer du Nord, avant de rejoindre l’axe Paris – Strasbourg, intégré au corridor européen Allemagne – Espagne. Le développement du transport combiné mer – fer pourrait en tirer profit compte tenu du nombre limité – même avec l’opération Serqueux–Gisors – de sillons sur les radiales menant à la Grande Ceinture francilienne.

Ces perspectives sont cependant tributaires de la garantie dans la durée des performances de l’infrastructure : faisant partie de cet ensemble de lignes de catégorie intermédiaire (les « UIC 5-6 »), la prudence reste de mise au regard des moyens notoirement insuffisant alloués aux investissements de renouvellement. Pourtant, avec 40 trains de voyageurs par jour, il y a situation moins enviable en France…

Un usage accru de cette grande rocade pour le fret justifierait l’électrification du maillon Amiens – Laon - Reims – Saint-Hilaire-au-Temple. En attendant, moyennant l’usage de rames bimodes, les trains régionaux pourraient profiter de la traction électrique à l’approche de Châlons avec signalisation adaptée pour un changement de mode dynamique, en pleine ligne. Cependant, le service est du ressort d’X76500 purement thermiques : il faudra donc acquérir de nouvelles rames électriques. Quant au fret, alors que plusieurs opérateurs européens comprennent l’intérêt des locomotives bimodes, aujourd’hui disponibles sur le marché.

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