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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Laon - Reims : gommer les effets de frontière

Longue de 52 km, la ligne de Laon à Reims traverse une contrée principalement consacrée à l’agriculture, majoritairement céréalière. Les localités intermédiaires desservies sont essentiellement des villages de taille modeste : le rôle de cette ligne est donc d’abord de connecter Laon et Reims.

C’est un maillon du contournement de l’Ile-de-France, par le nord, physiquement existant, mais de consistance inégale, puisque majoritairement non électrifié. Laon – Reims la section la moins utilisée de l’arc nord, non seulement par le fret mais aussi par les services de voyageurs puisqu’elle se situe à cheval entre les Régions Grand Est et Hauts-de-France.

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Un échange de concessions

Initialement, cette ligne avait été confiée en 1852 aux Chemins de fer du Nord, dans le cadre de la liaison Tergnier – Reims, avant d’être échangée avec la ligne Creil – Beauvais, initialement concédée aux Chemins de fer des Ardennes. Mise en service le 31 août 1857, elle passa dans le giron des Chemins de fer de l’Est le 1er janvier 1864.

 

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Intéressons-nous à la gare de Saint-Erme au travers des temps : voici la première construction dans ce village, de facture très minimaliste, mais représentatif des constructions de la ligne.

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Le franchissement de l’Aisne entre Aguilcourt et Guignicourt procure à la ligne son principal ouvrage d’art qui fut bordé d’un autre, non pas entièrement maçonné mais recourant au tablier métallique, pour les Chemins de fer de la Banlieue de Reims.

Laon – Reims compta parmi les liaisons ferroviaires les plus importantes durant la première guerre mondiale lors de l’offensive sur le Chemin des Dames. L’offensive Nivelle reposa sur un rétablissement rapide des étoiles de Laon et de Reims, quitte à dégarnir d’autres lignes, parfois loin du front, pour accélérer leur remise en état le plus rapidement possible.

Plusieurs gares ont évidemment souffert des bombardements durant le conflit, et furent reconstruites selon un plan dupliqué à l’ensemble des bâtiments touchés.

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La gare de Saint-Erme après sa reconstruction : le bâtiment a changé d'ampleur, en lien avec un développement des activités industrielles dans le bourg. La gare accueille en outre l'embranchement vers le camp militaire de Sissonnes.

Une infrastructure – encore – correcte, des gares à reconsidérer

Etablie à double voie et munie du block automatique à permissivité restreinte (BAPR), son équipement couvre largement le besoin, au sens où elle dispose d’une capacité résiduelle importante. C’est un atout de cette rocade en puissance pour favoriser le développement du fret en lien avec les ports de la Manche et de la Mer du Nord. Son profil est en outre très facile avec des rampes n’excédant pas 5 ‰ et un parcours dépourvu d’ouvrages d’art majeurs (notamment l’absence de tunnels).

Apte à 130 km/h, elle se révèle assez performante. Les temps de parcours varient selon la politique d’arrêt entre 38 et 46 minutes. En voiture, il faut compter près d’une heure. Cependant, l’état de la voie montre des signes de faiblesse et il semble difficile de rejeter l’idée de futurs ralentissements, probablement à 100 km/h pour commencer, en l’absence d’investissements de renouvellement.

Les points d’arrêt font preuve d’une grande diversité, notamment l’état des quais, du mobilier et des bâtiments. Le rehaussement à 550 mm des quais reste à achever, et mériterait d’être accompagné d’un mobilier plus accueillant pour ces points d’arrêt, le plus souvent non gérés. On pourra aussi ajouter la signalétique et une réflexion aussi sur le fléchage de l’accès aux gares ou encore l’intermodalité en voiture et en vélo.

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Saint-Erme - 4 juillet 2022 - La gare dans son état actuel. L'accès aux quais s'effectue sur sa droite : on aperçoit l'abri et le distributeur automatique de billets. © transportrail

Au-delà de l’accès à Reims…

La desserte en 2022 propose 9 allers-retours en semaine principalement omnibus, mais on compte 2 semi-directs Reims – Laon contre 4 dans le sens inverse, déséquilibrant l’offre dans les localités intermédiaires. Le sens dominant, le matin vers Reims et le soir vers Laon, est le mieux traité car la grille horaire est à peu près cadencée à la demi-heure pendant les pointes. Le dernier départ reste assez hâtif, à 19h44 de Reims, à 20h40 de Laon, ce qui est assez étonnant compte tenu d’un flux dominant le soir de Reims vers Laon.

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Saint-Erme - 4 juillet 2022 - Les quais de la gare sont dans un état plus que moyen et surtout d'une très faible hauteur. L'abri sur le quai vers Reims est encore en bon état et offre une capacité importante par rapport à la fréquentation de la gare (le cliché a été pris il est vrai à la mi-journée). © transportrail

Il est intéressant de souligner que l’usage des trains ne se limite pas aux flux de bout ou bout ou aux liaisons entre les gares intermédiaires et les deux villes extrêmes : en particulier sur l’aller-retour de mi-journée, un trafic de cabotage entre villages existe, avec toujours quelques voyageurs utilisant le train sur de très courtes distances, même quand les haltes sont assez éloignées des bourgs. Ces voyageurs sont généralement déposés et récupérés par une autre personne, en voiture, au passage ou moyennant un court crochet par les gares. Il semble que l’augmentation du coût d’usage de l’automobile incite quelques habitants riverains à l’usage du train, même pour 10 km.

Le samedi, 5 allers-retours sont proposés et seulement 4 le dimanche.

Une courte liaison intervilles : quelles correspondances ?

Pour aller au-delà de Laon ou de Reims, les correspondances en 2022 restent de qualité inégale, que ce soit avec le reste de la rocade ou avec l’axe Paris - Laon. Pour un trajet Laon – Châlons, le délai d’attente varie de 16 à 46 minutes, procurant un temps de trajet de 1h38 à 2h11.

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Reims - 4 juillet 2022 - La halle de la gare de Reims est toujours aussi atypique. L'X76801/2 stationne dessous avant de repartir vers Laon. Cette relation n'est pas prolongée jusqu'à la gare TGV remoise. © transportrail

A Laon, les connexions pour prolonger le parcours en direction d’Amiens fluctuent aussi beaucoup, allant de 5 à 27 minutes. Sans surprise, le trajet Reims – Amiens est – un peu – plus rapide via Laon (2h21) contre au mieux 2h38 via Paris, avec changement de gare (Est – Nord) à la clé. (voir le dossier de transportrail sur la section Amiens - Laon)

Toujours à Laon, les correspondances sur les trains Laon – Paris sont généralement bonnes (une dizaine de minutes tout au plus), sauf en milieu de matinée.

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Laon - 4 juillet 2022 - Le TER Reims - Laon est ici assuré par le B82501/2, stationnant à côté d'un cousin picard pour la relation Laon - Amiens. Un accord entre les deux Régions serait utile pour proposer une liaison entre Amiens et la Champagne avec connexion au réseau à grande vitesse : cette rocade n'a donc pas uniquement une vocation fret. © transportrail

Un futur axe de prédilection pour le fret ?

Laon - Reims est un maillon d’un large contournement ferroviaire de l’Ile-de-France par le nord depuis les ports de la Manche et de la mer du Nord, avant de rejoindre l’axe Paris – Strasbourg, intégré au corridor européen Allemagne – Espagne. Le développement du transport combiné mer – fer pourrait en tirer profit compte tenu du nombre limité – même avec l’opération Serqueux-Gisors – de sillons sur les radiales menant à la Grande Ceinture francilienne.

Ces perspectives sont cependant tributaires de la garantie dans la durée des performances de l’infrastructure : faisant partie de cet ensemble de lignes de catégorie intermédiaire (les « UIC 5-6 »), la prudence reste de mise au regard des moyens notoirement insuffisant alloués aux investissements de renouvellement. Laon – Reims est assurément l’un des maillons « faibles » de cet itinéraire alternatif.

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Athies-sous-Laon - 24 juin 2013 - Cette Class 77 d'ECR emmène un train porte-autos vide, retournant vers un site de production. Une tâche plutôt facile pour ces besogneuses du rail. © L. Knop

L’électrification du maillon Amiens – Laon - Reims – Saint-Hilaire-au-Temple renforcerait son attractivité, avec un phasage possible grâce à l’usage de locomotives bimodes aujourd’hui disponibles sur le marché. Les services régionaux en profiteraient également, pouvant eux aussi passer à la traction électrique, ce qui supposerait quand même d'acquérir du matériel puisque dans le secteur, les engins purement thermiques (X76500 AGC) sont encore largement majoritaires

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