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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Paris – Dijon : l'impériale en petite forme

L’artère impériale a perdu de sa splendeur. Cette crise de régime ne peut se résumer aux seules conséquences de l’ouverture de la ligne à grande vitesse en 1981-1983. Certes, les liaisons longues distances ont été reportées sur celle-ci et le besoin de desserte du nord de la Côte-d’Or et de l’Yonne est beaucoup plus modeste, d’autant que les densités de population sont faibles et les petites villes (Tonnerre et Montbard notamment) dans une situation économique difficile.

Laroche-Migennes – Aisy : elle a tout d’une grande…

Commençons par cette section située après l’influence directe francilienne, et avant que les TGV vers la Dijon, la Franche-Comté et la Suisse ne la rejoignent : un parcours de 81 km dont 18 à 4 voies, aptes à 160 km/h jusqu’à Tonnerre et à 155 km/h (les paliers de 5 km/h font de la résistance sur cette ligne) au-delà. Le profil est facile, les rampes n’excédant pas 5 ‰.

Cet équipement riche doit être mis en regard de ce que fut cet axe jusqu’en 1981, à la mise en service de la première section de la LGV Sud-Est.

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… un peu endormie

Un constat : l’observateur ferroviaire a intérêt à se munir d’un bon bouquin (ou de lire transportrail), car l’appareil photo risque de ne pas être très sollicité.

Le trafic régional est à peu près stable, avec une moyenne annuelle de 22 circulations par jour, deux sens confondus, avec :

  • 5,5 Paris – Lyon (5 vers Lyon et 6 vers Paris) ;
  • 1 Paris – Dijon ;
  • 1 aller Sens – Lyon ;
  • 3 Auxerre – Dijon ;
  • 2 Laroche-Migennes – Dijon.

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Près de Sens - 12 août 2022 - Les rames Corail réversibles bourguignonnes ont assuré pendant un peu plus de 15 ans les dessertes Paris - Dijon - Lyon et la majorité des Paris - Sens - Laroche avec des formations de 9 voitures. © transportrail

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Ancy-le-Franc - 2 août 2023 - Les Régiolis prennent possession des Paris - Lyon. Le choix de ce matériel suscite de nombreuses remarques : exploitation en UM2 impérative sur tous les trains compte tenu de la fréquentation, suppression de la première classe et confort encore frustre. Il y a quand même des avantages : de meilleures accélérations et freinage, un niveau sonore bien maîtrisé, une accessibilité nettement améliorée et des prises de courant pour tous. © transportrail

Il existe un creux de desserte de 5 heures le matin en sens impair, sans service au-delà de Laroche-Migennes entre 9h02 et 14h02. En sens pair, il est plus restreint, puisqu’aucun train ne quitte Dijon entre 8h33 et 12h07.

La ligne est aussi empruntée par les trains de nuit vers Nice et Briançon. En 2024, la relation vers Cerbère abandonne le sud-ouest, du fait des travaux liés aux aménagements à Bordeaux et Toulouse préparant GPSO. En outre, SNCF Voyageurs a engagé 2 allers-retours Ouigo classique entre Paris et Lyon. Soit 5 circulations longue distance en 2022 contre 7 en 2015 : la disparition des trains de nuit vers la Savoie et du Paris – Venise n’a pas été totalement compensée.

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Perrigny-sur-Armençon - 11 août 2016 - Sortons de l'ordinaire, avec cette liaison disparue en 2020 : le train de nuit Paris - Venise, aux couleurs de Thello, avec une BB36000 en tête. Paris - Dijon est évidemment l'axe de prédilection des trains de nuit vers le sud-est : la renaissance des liaisons vers la Savoie et vers l'Italie pourrait redonner un peu de prestige à cet itinéraire. © F. Brisou

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Ancy-le-Franc - 2 août 2023 - Le Ouigo Paris - Lyon avec ses 8 voitures à la livrée rompant avec les nuances de gris auxquelles nous habitue SNCF Voyageurs. La locomotive y échappe : une BB7200 supplée la BB22200 habituellement utilisée. L'avenir de ce service est nébuleux puisque le modèle économique repose sur un matériel largement amorti. © transportrail

Evidemment, la chute du trafic fret est la plus sensible : on comptait en moyenne annuelle 41 trains en 2015 – ce qui est déjà peu sur un corridor européen – et seulement 33 en 2022. Soit une baisse de 20 %.

Au total, en 7 ans, cette section a perdu en moyenne une circulation par an, passant de 71 à 62 trains, deux sens cumulés.

Au sud d’Aisy, l’écrémage des TGV

Poussons un peu plus au sud à Aisy, pour observer le trafic TGV s’échappant de la LGV Sud-Est pour rejoindre Dijon. Le fleuron ferroviaire français suivrait-il le mouvement du transport de marchandises ? 38 circulations en 2015 et seulement 30 en 2022. De quoi bousculer – s’il le fallait – l’image conquérante de la grande vitesse ferroviaire en France et relativiser le discours sur la saturation de la LGV Sud-Est.

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Gissey-sous-Flavigny - 22 juillet 2017 - Hommage aux disparues : filant vers Paris, les rames Sud-Est 17 et 44 filent sur la section à 4 voies située à l'ouest de la rampe de Blaisy. La réduction de desserte Paris - Dijon et au-delà a été sévère : plus de 22 % en 8 ans ! © transportrail

Dans le rétro…

Dans un grand dossier paru en 1999, l’excellente (mais disparue) revue Voies Ferrées mentionnait 180 circulations par jour entre Laroche-Migennes et Aisy, soit un niveau voisin de l’apogée du trafic de la ligne en 1966, malgré le report du trafic Grandes Lignes sur la ligne à grande vitesse. Un résultat plus qu’honorable.

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Laroche-Migennes - 22 août 1955 - Qu'elle est belle la CC7133, rutilante, en tête d'un express en direction de Dijon. Si la ligne a véhiculé une certaine mythologie du fait des grands rapides de prestige, Mistral en tête, il faut aussi rendre hommage à ces trains un peu moins prestigieux, mais pas moins utiles. © J. Bazin

Au tournant du siècle, l’observateur n’avait guère le temps de s’ennuyer. Les 4 voies entre Montereau et Saint-Florentin puis Laumes à Blaisy-Bas étaient réellement justifiées et la banalisation était fréquemment utilisée à plein régime, sur les 4 voies, notamment les fins de semaine au moment des grandes vacances d’été et d’hiver.  La ligne écoulait 17 trains MA100, 43 ME120, 13 ME140 et 2 ME160 serpentaient le long de l’Armançon. Soit 75 trains de fret. Plus que le trafic 2022 toutes activités confondues !

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Fain-lès-Montbard - 21 juillet 2017 - On a beau être sur un corridor fret majeur, le trafic reste quand même sporadique : la BB26221 et sa longue composition de transport combiné s'étale dans cette courbe juste avant Montbard. © transportrail

Quelles causes ?

L’érosion du trafic sur l’artère impériale procède de plusieurs facteurs. La chute du trafic fret est assurément la plus importante, du fait d’un décalage croissant entre les prestations ferroviaires et les attentes des chargeurs, mais aussi d’effets exogènes, notamment liés à la régression de l’industrie en France et à la concurrence sans cesse plus vive du transport routier. La libéralisation en 2005 a probablement évité une chute plus forte encore.

La généralisation des rames Duplex est la principale cause de contraction de la desserte nationale, motivée par le « culte » voué au coefficient de remplissage des trains, qui a mécaniquement chuté lors du remplacement des rames Sud-Est. Il est difficile de ne pas pointer aussi la responsabilité des modalités de financement du réseau : entre les péages élevés et l’augmentation du « fonds de concours » (la part de bénéfices de SNCF Voyageurs partant alimenter le budget de SNCF Réseau), les orfèvres de la rationalisation de la desserte ont de beaux jours devant eux.

Les stratégies de maintenance et de renouvellement du réseau sont également en cause : elles consomment de plus en plus de capacité, interceptant les deux voies de façon simultanée (même quand la ligne est banalisée) sur 4 voire 6 heures, conséquence d’une approche avant tout fondée sur les coûts de réalisation : les circulations – et donc les recettes associées – semblent un critère secondaire. C’est un peu dommage, surtout sur un axe aussi essentiel, dont le seul itinéraire alternatif amène à passer par l’axe Paris – Strasbourg jusqu’à Toul avant de mettre cap au sud pour rejoindre Dijon. Encore une valeur ajoutée au projet VFCEA sur l’axe Nevers – Chagny (électrification, amélioration du gabarit…), qui peine malheureusement à être considéré à son juste niveau.

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