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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

La desserte de la métropole niçoise par les CP

Des efforts pour attirer le trafic… mais un potentiel encore sous-valorisé

La liaison entre la vallée du Var et le centre de Nice s’effectue aujourd’hui de façon limitée avec les Chemins de fer de Provence avec une desserte comprenant 24 allers-retours par jour, mais une faible connexion au réseau urbain. L’arrivée de la ligne 3 des tramways à Saint-Isidore crée une correspondance d’environ 300 mètres du fait du dénivelé. A terme, elle ira à Lingostière, pour créer un vrai pôle multimodal. La gare niçoise des CP est à l’écart de la ligne 1 : on mesure à quel point l’abandon de la gare historique, pour en faire un parking d’abord, un centre commercial plus récemment, a été une erreur.

Pour la basse plaine du Var, l’usage du tramway impose non seulement un détour par le pôle Saint Augustin mais aussi une correspondance puisque la ligne 3 va à l’aéroport, avec l’emprunt de la ligne 2 déjà bien chargé.

Pourtant, la desserte des CP est assez performante : Colomars est au maximum à 24 minutes de Nice, Saint-Martin à 33 minutes et Plan-du-Var à 39 minutes.

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Nice - Gare CP - 19 janvier 2020 - Reculée de son emplacement historique pour éliminer un passage à niveau, la gare des CP est à l'écart du réseau urbain et son rôle dans la desserte de la métropole en est affecté. Pourtant, le potentiel existe et pourrait compléter efficacement les 3 lignes de tramway. © transportrail

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Nice - Rue Dabray - 29 décembre 2015 - Le passage à niveau en sortie de la gare et le début de parcours au milieu des immeubles entre lesquels se faufile la rame Soulé. Un point de fragilité supplémentaire pour les CP dans leur potentiel rôle urbain. © transportrail

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Saint-Martin-du-Var - 29 décembre 2015 - Les petits SY de 1972 sont toujours présents et leur succession patine... Pour amplifier le rôle urbain, il faudrait une capacité accrue, comparable à celle des tramways. © transportrail

L’usage de la ligne des CP reste pour l’instant handicapé par la fréquence : même avec 24 allers-retours, cela reste peu en milieu urbain. En outre, la faible capacité du matériel roulant limite le potentiel de développement. La transformation des 8 autorails de Majorque par Arterail, a échoué : ce matériel avait certes l'avantage de la capacité et de la disponibilité, mais il était à plancher haut (1 m) donc inaccessible. La création de marchepierds extérieurs n'a pas trouvé de solutions acceptables. La Région a donc lancé un appel d'offres pour 8 autorails (+ 3 en option). En attendant, les CP doivent faire tourner à flux tendus les petits SY de 1972.

Alors comment mieux tirer profit de cette ligne en site propre dont les performances restent tout de même très intéressantes dans le contexte de congestion de la métropole niçoise ?

Une cadence aux 20 minutes théoriquement possible : est-ce suffisant ?

Entre Nice et Plan-du-Var, la ligne dispose de 4 évitements à La Madeleine, Lingostière, Colomars et Saint-Martin, qui sont espacés de 8 à 9 minutes. L’ajout d’arrêts supplémentaires est donc limité non seulement par cette contrainte de temps entre les croisements et par la succession de tunnels de Nice jusqu’à La Madeleine.

La configuration actuelle de la ligne autorise donc théoriquement un cadencement aux 20 minutes : si le gain par rapport à la situation actuelle est intéressant, il faut quand même constater que cela reste peu pour un service à caractère urbain, mais atteindre une cadence aux 10 minutes supposerait des travaux beaucoup plus conséquents pour créer de nouveaux points de croisement.

En outre, les stations existantes sont exiguës avec des quais d’une largeur particulièrement réduite, peu compatibles avec un service urbain et des échanges plus nombreux.

Plaine du Var : une implantation à repenser ?

La ligne est implantée en rive gauche du Var, alors que l’urbanisation est plutôt développée sur la rive droite. Or il n’existe qu’un seul pont à La Manda, à hauteur de la halte de Colomars. Il faudrait donc étudier la possibilité de lancer des passerelles piétonnes au-dessus du Var pour améliorer l'accès à la rive gauche. Remarque similaire pour le cheminement piéton vers le centre commercial Saint-Sauveur, accessible par un passage sous la voie ferrée et la route

Qui plus est, la voie ferrée est coincée le long de la voie rapide entre Lingostière et Saint-Martin, ce qui ne facilite pas l’aménagement des rabattements par autobus, et ne procure pas les conditions d’attente les plus agréables. Un réaménagement de cet axe routier semble donc nécessaire si on veut imaginer améliorer l’accès aux équipements en rive gauche du Var, tout comme la réalisation de nouvelles traversées du fleuve pour faciliter l’accès depuis la rive droite. Reporter la voie ferrée côté colline semble trop complexe. Il faudrait donc peut-être miser sur une requalification de la M6202 pour améliorer l'accès aux stations du train.

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Le PN de Colomars. A droite du cliché se situe le pont de La Manda, sur le Var, qui était jadis emprunté par les CP pour rejoindre Grasse. L'implantation le long de la voie rapide est un handicap pour l'organisation de l'intermodalité et la desserte locale. (Google Street View)

La desserte de Nice et la complémentarité avec le tramway

La desserte de la basse vallée du Var est déjà un volet consistant de cette réflexion. Celle du centre de Nice le sera tout autant ! Aux grands maux, les grands remèdes : un nouveau tracé, souterrain, à partir de la station du Parc Impérial, avec pour objectif évident la desserte de la gare centrale de Nice, pour enfin intégrer la ligne des CP au réseau ferroviaire régional, créer la correspondance avec l’axe Marseille – Vintimille qui fait aujourd’hui défaut. Il serait intéressant d’ajouter dans le tunnel une station au croisement du boulevard Gambetta La station de la gare serait plutôt à implanter sur le flanc Est, près de l’avenue Médecin pour faciliter l’accès au tramway.

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Une perspective certes onéreuse… mais un changement de dimension pour la ligne, qu'on peut comparer dans le principe au projet en cours de réalisation en Espagne à San Sebastian, créant une liaison souterraine entre les lignes de Hendaye et de Bilbao avec 3 gares souterraines. Toujours en Espagne, on pourra aussi largement comparer avec les lignes des FGC à Barcelone, aboutissant dans 2 gares souterraines, place d'Espagne et place de Catalogne, et qui sont totalement intégrées à la desserte urbaine, ou encore à celles de Valence, qui assurent le rôle d'un métro dans le coeur d'agglomération.

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Barcelone - Place de Catalogne - 14 février 2012 - Le terminus des lignes 6 et 7 du métro, assurées par les FGC, se situe au coeur de la ville, dans cette gare souterraine assez exiguë, mais dont on remarque la décoration de la voûte. © transportrail

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Barcelone - Reina Elisenda - 14 février 2012 - Initialement chemin de fer régional, les FGC ont été rattrapé par l'ubanisation catalane et l'essor de Barcelone, d'où ce rôle urbain accru. © transportrail

Matériel roulant : une indispensable réflexion croisée avec la Corse

Il va de soi que dans cette réflexion, le matériel existant n’est pas considéré comme le premier facteur de choix. Les SY sont de toute façon en fin de vie. L'affaire des autorails de Majorque a tourné court. Restent donc les AMP800, cousins continentaux des AMG800 corses.

Envisager une desserte accrue et a fortiori avec un prolongement de la ligne dans un tunnel sous la ville de Nice, imposera le recours à la traction électrique : fort heureusement, lors des travaux des années 2010, le gabarit de ces ouvrages a été modifié dans la perspective d'une électrification en 1500 V.

Il faut aussi prendre en considération que la ligne nécessite un effectif relativement modeste et qu'il faudrait éviter de se retrouver avec un parc trop hétérogène. Si les cousins corses étaient excédentaires dans les premières années d'exploitation, le succès de la relance des dessertes nécessite désormais des UM2 en heures de pointe. Il serait donc potentiellement préférable de transférer les AMP800 en Corse de sorte à rééquiper complètement Nice - Digne. En 2023, la Région a voté un crédit de 56 M€ pour l'acquisition de 8 nouvelles rames (et 3 en option).

L'analyse de transportrail aboutit aux conclusions suivantes :

  • la desserte Nice - Digne nécessite un matériel en traction autonome, et les solutions par batteries semblent assez difficiles à mettre en oeuvre sur ce parcours. Des moteurs thermiques fonctionnant au biocarburant ou au biogaz semblent préférables. L'installation de batteries pour un fonctionnement hybride, avec récupération de l'énergie au freinage et démarrage (au moins jusqu'à 30 km/h) en mode électrique serait un bon compromis acceptable. Ce matériel devrait aussi être équipé d'un pantographe pour la section urbaine et a fortiori pour notre proposition de prolongement en tunnel ;
  • la desserte de l'agglomération implique un matériel électrique, capacitaire et disposant d'une bonne capacité d'échanges, avec des portes plus nombreuses et si possibles la réduction du nombre de marches : il serait alors à explorer l'hypothèse de matériels plus proches du tramway, avec une longueur maximale de 40 m et au gabarit 2,65 m.

Pour le premier type, l'effectif dépendra du schéma de desserte : sur la base d'un cadencement aux 2 heures entre Nice et Digne, le besoin serait - sur la base du temps de trajet de référence de 3h14 auxquelles s'ajouteraient 6 minutes liées au prolongement souterrain niçois  - de 4 rames en ligne, soit 5 ou 6 à l'effectif. Pour le second, en considérant une hypothèse haute de desserte systématique de Plan-du-Var (trajet en 45 minutes jusque place Garibaldi), le besoin serait de 5 rames en ligne, soit 6 ou 7 à l'effectif.

Evidemment, avec un parc unique, il serait possible de gagner 2 rames par la mutualisation des réserves mais à condition de faire un choix, entre le confort de la liaison Nice - Digne et les nécessités d'un service urbain.

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