Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Mommenheim – Sarreguemines, à peine transfrontalière

Serpentant au travers du nord du massif vosgien, la ligne de Mommenheim à Sarreguemines est, avec Strasbourg – Lauterbourg, Vendenheim – Haguenau – Wissembourg et Haguenau – Niederbronn, l’une des quatre dernières lignes desservant cette Alsace vallonnée et encore relativement rurale qui n’a pas grand-chose à voir avec la plaine du Rhin, urbaine et plus industrielle.

010715_67464frohmuhl_tev

Fromuhl - 1er juillet 2015 - C'est probablement la carte postale de la ligne et de cette partie vallonnée de l'Alsace : le train coupe en deux le petit village de Fromuhl et serpente dans la vallée. La fin des rames Corail avec BB67400 sur la ligne a attiré de nombreux photographes. © Trains-en-Voyage

De l’Alsace à la Sarre, un intérêt contrasté selon les époques

Elle se débranche à Mommenheim de l’axe historique Paris – Strasbourg dont il fut envisagé à l’origine une variante de tracé privilégiant Metz à Nancy pour transiter par Sarreguemines au prix d’un important détour.

Après l’annexion de l’Alsace-Moselle en 1870, l’intérêt d’une liaison ferroviaire entre la plaine d’Alsace et la Sarre fut réaffirmé. Le tracé définitif fut adopté en 1892. La ligne est donc née allemande le 1er octobre 1895 rejoignant à Kalhausen la ligne de Sarreguemines à Sarralbe ouverte 5 mois plus tôt. Née allemande, les trains roulèrent donc à droite comme dans le reste de l’Empire.

Tracée pour partie dans la vallée de la Moder sur le versant sud et dans la vallée de l’Eicher sur son versant nord, la ligne serpente entre les collines avec un profil favorable qui n’excède jamais 5 / 1000, dans le tunnel du Puberg long de 1626 m.

Longue de 75 km, la ligne fut d’abord établie à voie unique puis rapidement doublée, pour faire face à l’important trafic de marchandises qui pouvait transiter facilement du fait d’un profil assez favorable. Obermodern devint une gare d’importance particulière, à l’intersection de la ligne Saverne – Haguenau, facilitant les échanges entre les différentes lignes du nord de l’Alsace, en évitant Strasbourg : il était ainsi possible de rejoindre le Rhin via Schweighouse sur Moder, Haguenau et Roeschwoog, et même de traverser le Rhin pour atteindre directement Rastatt sur l’axe principal en rive droite du Rhin.

020317_73903wingen-sur-moder2

Winger sur Moder - 2 mars 2017 - 30 secondes d'arrêt, stationnent réduit ! Le photographe est prié de se dépêcher ! A noter, la disposition des quais pour réduire la traversée des voies : une disposition très alsacienne, mais qu'on retrouve aussi sur le réseau Midi... © transportrail

Le trafic voyageurs n’était pas seulement local : la ligne accueillait aussi des trains Strasbourg – Cologne – Dortmund et Metz – Rastatt – Nurnberg.

En 1919, elle redevient française, mais conserve, comme tout le réseau Alsace-Lorraine, son principe de circulation à droite et sa signalisation spécifique. Le trafic voyageurs s’effondra. L’annexion de la Sarre par la France maintenait un trafic marchandises conséquent. Néanmoins, l’électrification de l’axe Paris – Strasbourg entraina le report des trafics, délaissant l’axe Sarrebruck – Sarreguemines – Strasbourg. La ligne conserva néanmoins sa double voie compte tenu de son utilisation épisodique comme itinéraire de délestage pour les trains de marchandises, afin d’éviter l’itinéraire par Rémilly. En revanche, elle résista à la vague de démantèlement massif qui toucha le réseau particulièrement dense dans le nord de l’Alsace.

Notons aussi que Sarreguemines fut le départ du dernier train à vapeur en service commercial de la SNCF, le 31 mars 1974, avec la 141R73, alors pensionnaire du dépôt sarrois. La vapeur allemande avait pour sa part été remplacée par des locomotives Diesel un an plus tôt. La gare de Sarreguemines fut partiellement électrifiée en 1983 pour recevoir les trains de la DB assurant alors la navette avec Sarrebruck.

0271_141R149sarreguemines_rwright

Sarreguemines - Février 1971 - La 141R149 attend l'ordre de départ de ce trains de marchandises du Régime Ordinaire. Une autre époque, remarquablement saisie par ce photographe anglais ! © R. Wright

Un axe régional résistant

La Région Alsace a été l’une des pionnières de la régionalisation et parmi les plus actives en matière de relance du trafic voyageurs dès le début des années 1990, d’abord avec les moyens disponibles, notamment les autorails EAD X4300 et X4750 largement présents sur le service omnibus dans les dépôts de Metz et de Strasbourg.

Support des dessertes régionales entre Strasbourg et Sarreguemines, et plus rarement jusqu’à Sarrebruck, la ligne de Mommenheim à Sarreguemines peut toutefois s’enorgueillir d’être une ligne régionale transfrontalière.

La deuxième voie subsiste toujours sur l’intégralité du parcours, tout comme le recours à la traction Diesel. Ligne de desserte fine du territoire, elle est gérée de façon bigarrée puisque le BAPR gère les sections Mommenheim – Obermodern et Kalhausen – Sarreguemines, tandis que la section centrale reste exploitée en Block Manuel, mais de conception relativement récente, puisqu’il s’agit du type Unifié de 1969 qui a succédé à la signalisation d’origine AL. Il n'est pas vraiment un obstacle capacitaire à ce stade.

020317_73905mommenheim1

Mommenheim - 2 mars 2017 - A Mommenheim, la ligne 9 rejoint la ligne 1 du réseau Est pour gagner Strasbourg. Les TER sont directs pour répartir le trafic entre les différentes missions et desservir la première couronne périurbaine de Strasbourg par des rames plus capacitaires. © transportrail

L’itinéraire est relativement performant puisque les vitesses nominales sont de 100 km/h entre Sarreguemines et Wingen sur Moder et de 110 km/h au-delà. Cependant, en 2017, un ralentissement à 60 km/h sur 21 km, occasionnant un allongement du temps de parcours de 8 minutes. Il a été levé à la faveur de travaux réalisés en urgence.

Le service en 2017

La desserte comprend 13 allers-retours en semaine, 6 le samedi et le dimanche. S’y ajoutent quelques courses complémentaires par autocar, pour assurer un appoint de capacité pour les scolaires et une desserte de soirée (vers Diemeringen et Wingen sur Moder). Sarreguemines est à 1h26 de Strasbourg.

020913_67521obermodern_hoffmannn

Obermodern - 2 septembre 2013 - Oh la jolie bleue ! Les BB67400 ont tracté les dernières rames Corail jusqu'à l'arrivée des Régiolis. Certes confortables et appréciées des amateurs de la chose ferroviaire, ces voitures n'en étaient pas pour le moins inadaptées aux dessertes régionales à arrêts fréquents... © N. Hoffmann

La liaison directe Strasbourg – Sarrebruck est assurée par seulement 3 allers-retours du lundi au samedi, en heures creuses essentiellement, prolongés depuis Sarreguemines, et une seule relation le dimanche. Le tram-train Sarrebruck – Sarreguemines, proposant a minima un service à la demi-heure, occupe donc le terrain, et la liaison directe entre Strasbourg et Sarrebruck ne vient assurer qu’un petit appoint. Les TER directs relient les deux villes en 1h43.

020317_73905+TTsarreguemines2

Sarreguemines - 2 février 2017 - La différence de gabarit entre le tram-train et les X73900 saute aux yeux. Accusant 25 minutes de retard, le TER 29303 Sarrebruck - Strasbourg entre en gare, après avoir franchi le PK 0 situé en bout de quai. Notez qu'une seule voie est électrifiée en 15 kV pour accueillir le tram-train. © transportrail

En comparaison, Sarreguemines est à 1h10 environ de Strasbourg par l’autoroute, profitant du détour de l’A4 Paris – Strasbourg via Metz… mais à condition que l’autoroute soit fluide. En revanche, la route parallèle à la voie ferrée est nettement moins performante puisqu’il faut 1h41 pour assurer la liaison Strasbourg – Sarreguemines. Le train reste donc plus attractif pour le territoire desservi et ne cède du terrain que sur le bout en bout… et encore, de façon conjoncturelle compte tenu des ralentissements. Déduction faite des 8 minutes actuellement perdues, l’écart rail – route ne serait plus que de 8 minutes, c’est-à-dire peu de choses par rapport aux difficultés récurrentes à l’entrée nord de Strasbourg.

Quant à l’autocar, il suffit d’évoquer le temps de parcours de 1h51 entre Mommenheim et Sarreguemines à desserte équivalente pour être convaincu de sa non-compétitivité !

180515_73901_minversheim_ahackenjos

Minversheim - 18 mai 2015 - Les X73900 sont équipés pour rouler en Allemagne, mais les incursions sur le réseau DB sont plutôt limitées. Ce matériel offre un bon niveau de confort sur la ligne, y compris sur les sections présentant un défaut de renouvellement. © A. Hackenjos

Si les relations pour Sarreguemines sont de plus en plus assurées par des Régiolis, les trains pour Sarrebruck restent l’apanage des X73900 aptes à circuler en Allemagne. La ligne fut aussi l’une des dernières desservies par des rames tractées Diesel, soit avec des voitures Corail, franchement inadaptées au service omnibus, soit par des RRR, plus commodes mais certes moins confortables, le tout confié à des BB67400 elles aussi pas de première jeunesse.

Comme sur la plupart des lignes alsaciennes, la régularité est de bon niveau. Cependant, lors de notre voyage sur la ligne en mars 2017, le TER Sarrebruck – Strasbourg accusait 25 minutes de retard « pour cause d’incident sur un réseau étranger », réduit à moins d’un quart d’heure par une conduite énergique tirant profit des aptitudes du matériel et des arrêts réduits à 30 secondes : tout juste le temps de faire une photo !

Et pour demain ?

La ligne a fait partie des axes prioritaires du plan de rénovation des lignes régionales : la Région Grand Est a négocié âprement un plan de financement de ces travaux pour lever le ralentissement déjà cité.

Au-delà, l’enjeu pour cet axe porte sur la consistance de l’offre car le trafic se porte plutôt bien : la trame actuelle propose au moins un train toutes les 2 heures. On notera cependant dans le sens Sarreguemines – Strasbourg une succession rapprochée entre le 23903 (départ 14h21 de Sarreguemines, origine Sarrebruck) et le 30927 (départ 15h07 de Sarreguemines). Une structure plus régulière avec un train toutes les 2 heures en journée et toutes les heures en pointe devrait constituer un objectif assez aisément atteignable, développant le maillage transfrontalier dans la nouvelle Région Grand Est, qui a signé des accords de coopération avec les Länders voisins.

Dans ces conditions, l’intérêt de la double voie pourrait être mis en question, du moins lorsqu’il s’agira de programmer un renouvellement plus consistant de la voie et/ou de moderniser la signalisation, en particulier la section en Block Manuel.

Publicité
Publicité
Publicité