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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

L'interconnexion sud TGV : un feuilleton francilien

L'idée initiale : sortir les TGV de la Grande Ceinture

En décembre 2010, le débat public sur le projet de barreau d'interconnexion des TGV au sud de Paris a été lancé. Le principe d'une ligne nouvelle entre les LGV Sud-Est et Atlantique est avancé depuis le début des années 1990, afin d'améliorer les liaisons intersecteurs et rendre la Grande Ceinture aux seuls RER et trains de fret entre Massy et Valenton. La zone de Massy constitue un point difficile dans l'exploitation du RER C, fortement contraint par l'insertion des TGV intersecteurs, en voie unique, ce qui motive une desserte à la demi-heure entre Pont de Rungis et Massy. Même contrainte du côté d'Orly avec le cisaillement à niveau pour rejoindre la LGV Sud-Est.

Entre 1999 et 2009, le nombre de voyageurs à bord de ces TGV a plus que doublé et la plupart de ces liaisons transitent par Massy - Valenton, ce qui ne contribue pas à la régularité et à la performance de ces relations reliant la façade Atlantique au nord, à l'est et au sud-est. Autre chiffre, seuls 8% des clients franciliens du TGV utilisent les gares de Roissy, Chessy et Massy. Pourtant, 10 des 12 millions d'habitants de la Région Ile de France résident hors de la ville de Paris.

Autre grand principe, une gare TGV dans la zone d'Orly : plusieurs sites sont explorés, à La Fraternelle, au pont de Rungis, dans la zone d'aménagement Coeur d'Orly ou au pied des aérogares. La proximité avec l'aéroport serait évidemment un atout afin de dynamiser le trafic TGV.

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Orly - 10 avril 2011 - Passage d'un TGV intersecteurs composé d'une rame Réseau et d'une rame Duplex en direction de Valenton. L'insertion de ces TGV sur des infrastructures partagées avec le RER C crée une interdépendance forte de ce dernier avec l'ensemble du réseau ferré national : si on tousse à Bordeaux, il y a de fortes chances qu'on s'enrhume sur le RER C... © ortferroviaire

Néanmoins, depuis 2009, ces liaisons ont été largement restructurées avec le développement de Ouigo, l'offre à grande vitesse et à bas coût de la SNCF, qui a d'abord misé sur la desserte des gares périphériques pour plusieurs raisons, dont le coût des péages dans les grandes gares parisiennes et l'attractivité commerciale du parc Disneyland directement accessibles. Une partie des liaisons intersecteurs a été reconvertie dans cette nouvelle formule, ce qui ne concourt pas à la lisibilité de ces offres déjà relativement peu nombreuses.

En outre, il n'est pas franchement avéré que le confort de Ouigosoit bien adapté dans la perspective d'augmentation de l'usage du train en amont ou en aval d'un parcours en avion : le contingentement des bagages, le confort précaire des sièges et les contraintes d'accès ne sont pas compatibles avec cette nécessaire complémentarité entre le train et l'avion.

Une ligne nouvelle au tracé essentiellement souterrain

Du point de vue du tracé, la section nouvelle Massy - Orly serait souterraine sur 85% de sa longueur. Une jonction avec la Grande Ceinture serait maintenue pour les TGV à destination de la Normandie (liaison Le Havre - Marseille). D'Orly à la LN1, plusieurs variantes sont exposées. La première consiste en la création de deux voies le long de la Grande Ceinture jusqu'à Valenton. La deuxième propose la prolongation du tunnel jusqu'à l'entrée de la LN1 dans la zone de Valenton. Ces deux pistes explorent la faisabilité d'une gare TGV dans le secteur de Villeneuve Saint-Georges en correspondance avec le RER D.

La troisième met le cap au sud et étudie la possibilité de rejoindre la LN1 par l'accès de Lieusaint, délaissé depuis 1994 et utilisé par seulement quelques circulations. Dans ce scénario, une seconde gare serait créée dans la zone de Sénart, probablement à Lieusaint-Moissy, à proximité de la gare du RER D.

L'intérêt d'une deuxième gare réside en l'augmentation du nombre de franciliens qui auraient accès au réseau TGV sans avoir à monter vers les gares centrales (ce qui au passage ferait du bien au RER !). Le gain varierait selon les études socio-économiques entre 18 et 38 minutes. En revanche, la création de nouveaux arrêts coûteraient entre une et huit minutes sur les liaisons province - province.

Dans tous les cas, le raccordement à l'éventuelle ligne TGV POCL (Paris - Orléans - Clermont - Lyon) serait étudié.

Concernant la desserte d'Orly, si le choix d'une gare le long du RER C  a été énvisagé, le dossier du débat public a aussi ouvert la porte à un prolongement d'Orlyval jusqu'à nouvelle gare (dans le cas de Pont de Rungis) ou à la création d'une station à La Fraternelle.

Des vents contraires

Le premier, c'est naturellement le coût : en l'état actuel des connaissances, il oscille selon les scénarios entre 1,4 et 3,3 MM€ aux conditions économiques de 2009.

Il faut quand même rappeler qu'en 1991, le Schéma Directeur du TGV proposait une interconnexion plus au sud, en Essonne, dans une zone essentiellement résidentielle et maraîchère, qui avait été retoquée par les riverains. En 2004 avait alors été envisagée une amélioration de la Grande Ceinture, bloquée cette fois par les riverains du côté d'Antony : les travaux ont pu démarrer en 2009, du moins une première phase, avec le concours des Régions concernées par l'amélioration de ces relations.

Ce nouveau projet, et le débat public organisé, ont remis en scène les questions sur l'aménagement de la Grande Ceinture, avec l'opposition persistante des riverains d'Antony, soutenus par le Président du Conseil Général des Hauts de Seine, également opposés au principe d'une gare à Orly, soutenue par une majorité d'intervenants, également favorables à une seconde gare en correspondance avec le RER D à Lieusaint.

Enfin, deux éléments de contexte entrent en ligne de compte :

  • la chute du trafic sur les TGV Intersecteurs et le programme de réduction d'offre mis en oeuvre en 2014 par la SNCF afin de limiter le déficit d'exploitation ;
  • la raréfaction des budgets d'investissement.

Deux éléments qui ne militent pas pour en faveur d'un positionnement de l'interconnexion sud TGV parmi les projets prioritaires sur le réseau ferroviaire et qui, de facto, légitiment les aménagements sur la Grande Ceinture pour fluidifier la circulation des TGV, RER et trains de fret sans recourir à une infrastructure nouvelle.

Les TGV maintenus sur la Grande Ceinture ?

L'hypothèse d'une ligne nouvelle n'est plus vraiment à l'ordre du jour après la parution des rapports Mobilités 21 et du Conseil d'Orientation des Infrastructures. Le niveau d'offres Intersecteurs a particulièrement été affecté par le mouvement de contraction de l'offre TGV depuis 2008, qui atteint en moyenne 15% notamment sur la LGV Sud-Est, et avec de surcroît une conversion en Ouigo d'une partie des circulations.

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En outre, compte tenu du coût des scénarios de ligne nouvelle avec une acceptabilité locale limitée, un repli stratégique a été opéré sur la Grande Ceinture, renforçant l'intérêt des aménagements aux deux extrémités de la section Massy - Valenton. Malheureusement, les chantiers ont été retardés non seulement par une opposition localisée soutenue par le président du Conseil Général des Hauts de Seine, mais aussi par RFF puis SNCF Réseau pour de multiples raisons d'organisation, de financement, sans compter quelques imprévus (l'incendie du poste des Ardoines par exemple, en 2016) au point que cette opération pourrait battre bien de record de lenteur pour sa mise en service : un première tranche serait réalisée d'ici 2022 à l'est (secteur Orly - Valenton), mais on a perdu de vue l'échéance de réalisation complète des aménagements à l'ouest (Massy).

Autre facteur influant sur un retour en grâce de la Grande Ceinture, le prolongement de la ligne 14 du métro à l'aéroport d'Orly, qui a ouvert la voie à une étude sur la transformation de la gare de Pont de Rungis pour accueillir l'arrêt des TGV, afin de renforcer la desserte du sud francilien par le réseau à grande vitesse. S'il y a pour partie redondance avec la gare de Massy-Palaiseau, les nouvelles connexions proposées semblent intéressantes, à commencer par l'usage du métro pour accéder à l'aéroport en un temps bien plus réduit que par l'autobus de navette actuel.

La circulation du RER C avec une cadence au quart d'heure fait évidemment partie des incontournables de ce projet... mais cette évolution attendue de longue date de ses utilisateurs actuels et potentiels semble avoir été perdue de vue par les détracteurs de l'opération Massy-Valenton.

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Orly Ville - 10 avril 2011 - Massy-Valenton, ce n'est pas que pour les TGV. La desserte à la demi-heure entre Pont de Rungis et Massy-Palaiseau est une incongruité qui doit disparaître avec la réalisation des aménagements entre Massy et Antony. Il en résulterait une tangentielle sud entre Massy et Choisy plus performante et améliorant l'accès à la zone d'emplois d'Orly - Rungis, notamment par la correspondance avec T7 à la gare de La Fraternelle. © ortferroviaire

Quelle stratégie pour la desserte de l'Ile de France ?

Les opérations décidées depuis le debut du 21ème siècle sur la Grande Ceinture sont utiles, car on voit bien que la ligne nouvelle d'interconnexion au sud reste un dossier des plus virtuels depuis environ 30 ans. En revanche, le nouvel ingrédient que constitue la possible transformation de la gare de Pont de Rungis pour y faire arrêter les TGV serait de nature à changer quelque peu la donne compte tenu du coût potentiel de cette opération.

On peut donc conclure que les opérations sur Massy - Valenton complétées par la gare du Pont de Rungis pourraient définitivement - du moins très durablement - enterrer le projet de ligne nouvelle.

Qui plus est, la situation de l'offre province-province est aujourd'hui à la fois morose et confuse entre faible nombre de circulations et cannibalisation par Ouigo. Il faudrait donc un changement assez profond dans la conception des dessertes assurées par TGV. Paris n'est pas l'Ile de France : l'emprunt des trains depuis les gares centrales n'est réellement commode que pour les parisiens et les habitants de la petite couronne. Plus on s'éloigne du centre de Paris, plus la durée de pré/post-acheminement devient importante.

On le constate pourtant depuis leur développement dans les années 1990 : ces TGV contournant Paris sont presque autant utilisés pour des déplacements de longue distance (un Lille - Lyon par exemple) que pour des trajets entre l'Ile de France et les différentes Régions : le cadran nord-est de l'Ile de France dispose des gares de Roissy et de Chessy, qui peuvent être une bonne alternative, moyennant une consistance et une lisibilité accrues de la desserte. Au sud, Massy est un peu solitaire, mais les connexions proposés sont intéressantes : un habitant du sud des Hauts de Seine a par exemple intérêt à viser autant que possible ces trains plutôt que de commencer son voyage par environ 40 minutes de RER...

Par conséquent, le scénario utilisant la Grande Ceinture apparaît aujourd'hui le plus logique, car il minore l'investissement (coût initial 180 M€ sans la décennie de retard...) et la prise de risque face à un opérateur historique assez moyennement intéressé par des TGV qui ne vont pas au centre de Paris : ses challengers commencent à affûter leur stratégie, mais le contexte économique avec la crise sanitaire de 2020 ne facilite pas l'établissement d'une position claire sur l'évolution de la desserte de l'Ile de France au-delà des gares parisiennes. Le centralisme français se répercture aussi à l'échelle de la région capitale...

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