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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

France - Suisse : gouvernance et situation du fret

Gouvernance de long terme et planification

C’est probablement là que l’écart est le plus déterminant. La Suisse a une politique en matière de transport. Elle est multimodale et structure un projet de territoire, jusqu’aux règles d’urbanisme. Elle est principalement étudiée par 3 Offices Fédéraux chargés des Transports, des Routes et du Développement Territorial. Le projet de territoire définit les objectifs d'urbanisation et de coordination entre aménagement du territoire et transport dans un modèle spatial polycentrique intégrant les objectifs à horizon 2040 en matière de mobilité. Cette démarche est une garantie d'accessibilité, tant spatiale que temporelle.

Autre élément fort de la politique suisse : une forte décentralisation puisque 48% des moyens consacrés au transport ferroviaire sont gérés au niveau cantonal. En France, cette décentralisation est en partie implicite puisque l’Etat se défausse sur les collectivités pour financer le renouvellement d’une partie du réseau.

La force de la politique des transports et d'aménagement repose sur une certaine constance depuis les années 1990 et sa légitimité indiscutable fondée sur la démocratie directe et les votations portant sur les objectifs, mais aussi sur les moyens. La taxe sur les produits pétroliers, la redevance poids lourds, la limitation du transit international de poids lourds sont autant de mesures d’autant plus acceptées qu’elles ont été validées par votation.

Cette constance favorise la planification des investissements. La gestion de la capacité relève en Suisse d’une combinaison entre le train et l’infrastructure, ce qui permet de gérer la progressivité des investissements : ainsi, ne seront engagés des travaux lourds, comme la création d’une voie supplémentaire ou d’une refonte de plan de voie en gare qu’après des opérations d’augmentation de capacité par l’optimisation des trains. Il faut cependant reconnaître que le gain de ces mesures a été rapidement consommé et que le système ferroviaire est devenu largement sous pression sur les grands axes, d’où les réalisations comme la DML à Zurich ou le projet Léman 2030 entre Genève et Lausanne.

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Zurich - Gare souterraine Lowenstrasse - 18 juin 2015 - Une photo symbole de l'évolution du RER zurichois : une rame DTZ avec sa Re450, livrées pour la mise en service du RER en 1990 dans la nouvelle gare à 4 voies destinée à amplifier encore la desserte autour de la capitale économique suisse. © transportrail

Côté français, il suffit de constater les crispations à la moindre idée d’augmenter de quelques centimes la TIPP pour financer le réseau ferroviaire, et évidemment le drame politico-médiatique de l’écotaxe pour comprendre que la France est encore loin de cette maturité. Or sans budget, difficile d’avoir des projets !

Il n’est pas exagéré de considérer que la politique des transports en France a d’abord été destinée au développement du réseau autoroutier : ce n’est pas fini car des projets demeurent à l’instruction, et parfois très contestés. Au-delà, le doublement des dernières routes classiques demeurant dans le giron national fait l’objet d’une planification bien plus poussée que celle visant à moderniser le réseau ferroviaire, ce qui s’est longtemps résumé à créer des lignes à grande vitesse. Il ne faut pas négliger une propension avérée à privilégier la visibilité politique (le ruban qu’on coupe) à l’efficience réelle

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Malataverne - 4 août 2012 -Le fleuron ferroviaire français, ici sur la LGV Méditerranée, souffre d'une érosion du trafic due aux tarifs pratiquées et à la concurrence de plus en plus forte de la route largement soutenue par le gouvernement, déstabilisant un modèle économique déjà bousculé par la forte évolution des péages ferroviaires. © transportrail

Les crispations existent : les suisses romands reprochent toujours un déséquilibre profitant aux cantons alémaniques et il peut exister une tentation électoraliste. Cependant, en France, le SNIT de 2011 avait brillé par sa capacité à empiler des « projets » destinés à satisfaire le plus grand nombre de figures politiques locales ayant quelques visées nationales. C’était en soi une prouesse !

Enfin, on peut tenter de relier l’approbation de la politique suisse par votation et la densité d’usage du réseau, la plus élevée d’Europe et devancée dans le monde uniquement par le Japon. Dès lors qu’il y a approbation d’un projet d’investissement lié à un objectif de service, la relation entre le citoyen et le service ne change-t-elle pas ? Elle semble cependant bousculée par la perspective de projets de grande ampleur, comme entre Genève et Lausanne, pour lesquels les appréciations pourraient être mitigées et le soutien populaire tempéré par le coût prévisionnel (sans compter, diront les romands, que les cantons alémaniques n’y seront pas forcément très favorables…). En France, une telle implication apparaît difficile à mettre en œuvre, ne serait-ce que par un déclin aussi puissant qu’inquiétant de l’intérêt pour la chose publique et le bien commun.

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Lausanne - 17 juin 2015 - Avec la hausse continue du trafic, les CFF doivent augmenter la capacité de la ligne Genève - Lausanne et transformer la gare de Lausanne pour gérer les flux de voyageurs. En revanche, le nombre de voies restera constant. © transportrail

Fret : le grand fossé

La position de la Suisse est certes compliquée par les Alpes. Mais elle est assurément au cœur de l’axe industriel majeur d’Europe de l’ouest. Même avec l’essor économique des anciens pays du COMECON aujourd’hui intégrés à l’Union Européenne, elle conserve un atout assez net. Elle constitue, avec l’Autriche, l’un des points de passages majeurs sur les liaisons nord-sud (voir notre reportage à Liestal, au sud de Bâle), moins sur un axe est-ouest.

La chute du trafic fret en France depuis 1974 tient tout à la fois de la fin des principales industries lourdes (mines et sidérurgie), de la conversion à une économie de services et de vagues de délocalisations à l’échelle mondiale. La libéralisation du transport routier a donné à avantage économique du marché à partir de 2005 n’a permis qu’une stabilisation des tonnages transportés. Les incantations politiques n’ont eu aucun effet. En revanche, la pénurie de main d’œuvre dans le transport routier à partir de 2018 et surtout après la pandémie de 2020-2021 a pu avoir un effet – modeste – favorable au transport de marchandises.

En Suisse, la planification des grands investissements, les Nouvelles Liaisons Ferroviaires Alpines, réalisées sur près de 30 ans, a été couronnée de succès, alors que la France n’en finit pas de ne pas prendre de décision d’ensemble sur Lyon – Turin, avec un tunnel de base en construction débouchant côté français sur un réseau aux performances inadaptées… Ces investissements colossaux ont été accompagnés d’une politique de restrictions à l’égard du transport de marchandises par la route.

2010-06-10 16h17 Hausbergen PK496,0 (40380 Orbassano-Ronet, locos 1323+1326)

Hausbergen - 10 juin 2010 - Le nord-est de la France conserve un trafic fret encore conséquent, quoique en net recul par rapport aux années 1960 et 1970 du fait de la disparition des activités minières. Convoyé par deux types 13 de la SNCB, proches des BB36000 françaises, ce train Orbassano - Ronet traverse la zone du triage strasbourgeois. © R. Douté

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Melide - 27 septembre 2014 - Un pays qui fait des choix : les traversées alpines sont fortement incitées à transiter par le rail donnant au réseau suisse un intense trafic de marchandises. Le BLS en capte une large partie en étant l'exploitant de base du tunnel du Lötschberg. © A. Knoerr

2014-07-17 16h58 Reuilly (51) ECR 41211 Bayonne - Sbk (+30mn)

Reuilly - 17 juillet 2014 - ECR a pris place en France au point de représenter désormais 20% de l'activité fret, soit plus de la moitié des flux gérés par ceux qu'on appelle encore les nouveaux entrants. Une BR 186 assure une relation entre Bayonne et Sarrebruck. © R. Douté

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