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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Bourges – Montluçon se cherche une destination

Une radiale tronquée

Cette section est le dernier maillon actif d’une radiale de 312 km entre le Berry et le Cantal, de Bourges à Miécaze. Ce petit village est situé à l’ouest d'Aurillac, plus exactement de Viescamp-sous-Jallès, sur ligne rejoignant Saint-Denis-près-Martel (de quoi devenir en géographie ferroviaire...).

L’abandon de la ligne au sud de Montluçon procède tout à la fois :

  • d’une faiblesse démographique avérée ;
  • d’une politique de contraction du réseau ferroviaire liée au développement de l’automobile et un manque de moyens, avec la fermeture de la section Montluçon – Eygurande-Merlines en 2008 ;
  • et, fait particulier, de la réalisation du barrage hydro-électrique de Bort-les-Orgues, qui conduisit en 1952 à la mise en eau d’une partie de son parcours au sud d’Eygurande-Merlines.

Au chapitre historique, rappelons que la section Bourges - Montluçon faisait partie du périmètre de la très éphémère compagnie du Grand Central, qui fut récupérée après le scandale financier en 1857 par le Paris-Orléans. Le parcours au sud de Montluçon était pour sa part essentiellement lié au plan Freycinet de 1879.

Tracée essentiellement dans la vallée du Cher, la ligne débute par un tronçon à voie unique entre la sortie de la gare de Bourges et la bifurcation en triangle de Pont-Vert, comprenant un raccordement direct vers Vierzon. Elle est ensuite établie à double voie jusqu’à Saint-Florent-sur-Cher, avec BAPR, puis passe à une seule voie, en block manuel, jusqu’à Montluçon. Le profil est facile, avec des rampes n’excédant pas 7 ‰. Le profil en courbes admet des vitesses de 110 à 120 km/h.

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Saint-Florent-sur-Cher - Juillet 2005 - Les X73500 ont d'emblée investi la ligne, notamment pour assurer les liaisons de part et d'autre de Saint-Amand-Montrond où ils ont pu mettre à profit leurs bonnes performances. © transportrail

Le renouvellement d’abord, la modernisation ensuite ?

Considérée de desserte fine du territoire, la ligne souffre d’un déficit d’investissement qui va être en partie résorbé puisqu’elle a été interrompue le 26 juin 2023 pour réaliser durant 15 mois d’importants travaux de renouvellement. Jusqu’alors, il fallait composer avec plusieurs ralentissements et des restrictions d’utilisation de certaines gares dont les voies d’évitement présentaient un tel état qu’elles n’étaient plus utilisables, avec des conséquences sur l’organisation de l’exploitation.

Ces travaux d’un montant de 85 M€ vont renouveler 110 km de rails, 51 000 tonnes de ballast et 61 000 traverses, dont 32 km avec reprise préalable de la plateforme, et assainir de nombreux ouvrages. Néanmoins, il faudra une deuxième phase de travaux d’ici la fin de la décennie pour parachever cette étape.

Le block manuel, pourtant plus vraiment de première jeunesse, devra lui encore patienter avant d’être remplacé. Il reste donc une contrainte, à la fois pour les temps de parcours du fait des procédures de vérification de la complétude des trains lors des croisements, mais aussi en cas d’absence de personnel (la crise des ressources en agents de circulation perdure) pouvant entraîner des retards en attendant les croisements.

La modernisation passerait par un block automatique de nouvelle génération, à l’instar de celui déployé entre La Roche-sur-Yon et La Rochelle, avec télécommande et sur le principe « un seul canton entre deux gares de croisement ».

En revanche, le renouvellement de l’infrastructure ne fait pas apparaître d’opportunités de relèvements de vitesse, les valeurs nominales correspondant aux aptitudes du tracé.

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Saint-Amand-Montrond - 23 juin 2023 - A quelques jours de l'arrêt de l'exploitation pour cause de travaux, ces deux X73500 venant de Montluçon arborent la dernière livrée Auvergne - Rhône-Alpes, qui donne toujours une impression d'inachevé. L'état de la voie ne fait guère de mystère et sa forte végétalisation trahit une plateforme mal drainée. © transportrail

Une vie après le Paris – Montluçon ?

L’utilisation de la ligne pose en revanche plusieurs questions, mais est aussi dans une actualité des plus stratégiques.

De vains espoirs ont été alimentés par le projet de ligne nouvelle Paris – Orléans – Clermont – Lyon, laissant entrevoir l’arrivée de TGV à Montluçon moyennant électrification du parcours. Compte tenu du niveau du trafic, c’était tout de même peu probable, mais assurément suffisant pour obtenir quelques financements des collectivités locales.

La desserte voyageurs reste squelettique avec seulement 5 allers-retours, dont un en matinée continue – sans le dire ! – jusqu’à Clermont-Ferrand, avec 5 minutes d’arrêt à Montluçon, mais deux numéros différents : le 861103 Vierzon 10h23 – Montluçon 12h15 continue en 873108 Montluçon 12h20 – Clermont-Ferrand 13h54.

La concurrence routière est rude avec l’autoroute A71. Elle a perdu en 2018 la liaison directe Paris – Montluçon suite à la régionalisation des ex-TET du bassin parisien. Pour peu qu’elle soit bien coordonnée, la correspondance à Vierzon sur les trains de POLT procure les meilleurs temps de trajet en s’affranchissant de la desserte de Bourges : cette dernière dispose de liaisons directes depuis Paris et Vierzon apparaît aussi une correspondance pertinente en complément.

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Vallon-en-Sully - 12 mars 2010 - Avec 7 voitures, la BB67576 n'est pas trop en difficultés sur ce profil relativement facile dans la vallée du Cher en tête de ce Paris - Montluçon. © transportrail

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Montluçon - 20 juin 2018 - Départ en direction de Paris avec une formation de 6 voitures. On peut noter la relative complexité du faisceau d'entrée sur les voies de service à droite du cliché. © Rail Composition

Dans le schéma directeur de POLT, Vierzon dispose de 10 arrêts. Une desserte de base pourrait être organisée avec 5 allers-retours Vierzon – Montluçon (2 le matin, 2 le soir, 1 en mi-journée), en correspondance une fois sur deux avec les Paris – Brive – Toulouse. La desserte de Bourges ne cible aujourd’hui que les flux scolaires en étant partagée de part et d’autre de Saint-Amand-Montrond. Ce schéma est pertinent pour les premiers et derniers trains, mais une liaison Bourges – Montluçon sans correspondance est essentielle pour capter d’autres voyageurs, notamment en journée, où elle fait défaut : Bourges est en effet le principal centre économique et de service de la haute vallée du Cher.

Une nouvelle desserte Bourges – Montluçon viendrait compléter les Vierzon – Montluçon, également avec 5 allers-retours, intercalés car répondant à des besoins un peu différents. Ces relations pourraient être fusionnées avec des Montluçon – Clermont-Ferrand pour améliorer le maillage entre le sud du Berry et le nord de l’Auvergne. Des services Bourges – Saint-Amand-Montrond viendraient en appui en début et en fin de journée.

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Montluçon - 23 juin 2023 - Décidément, les herbes folles prennent de plus en plus leurs aises sur les voies du réseau, et surtout sur les lignes les moins circulées.Ambiance à la mi-journée avec les 2 X73500 venus de Vierzon et qui continuent - sans le dire - à Clermont-Ferrand. © transportrail

Une nouvelle gare au nord de Montluçon ?

L’ajout d’une nouvelle gare au nord de la halte de La Ville Gozet et au sud de la RN145 créerait une desserte de la zone industrielle voisine. Sa création justifierait le prolongement des navettes Montluçon – Commentry (sur la ligne de Gannat), si elle était conçue pour des terminus. Ce service périurbain – peut-on parler de RER montluçonnais ? -  pourrait alors se contenter d’une rame pour assurer une cadence horaire, moyennant l’aménagement de la nouvelle gare pour effectuer des terminus.

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Un futur axe structurant pour motif énergétique ?

Le trafic de marchandises n’est aujourd’hui pas négligeable sur la ligne. Environ 275 000 tonnes de céréales sont acheminées par cette ligne, avec deux embranchements particuliers. Le troisième est plus ferroviaire, puisqu’il s’agit du site d’entretien et de rénovation de wagons à Orval (INVEHO).

Imerys expédie en moyenne 120 000 tonnes de feldspath depuis le site de Lavaufranche, à l’ouest de Montluçon, vers l’Italie, via Modane : le train transite par Bourges afin d’éviter les parcours difficiles. Ainsi, on compte en moyenne 2 trains de fret par jour sur la ligne, mais le plus souvent sur la partie nord de celle-ci.

Le projet d’extraction de lithium dans l’Allier, concernant au premier rang la ligne Montluçon – Gannat, intéresse très probablement la branche nord de l’étoile de Montluçon pour l'expédition du minerai raffiné vers l’usine de production de batteries près de Dunkerque dont la construction a débuté mi-2023. Il serait question de 2 à 3 trains par jour en moyenne.

Un tel trafic devrait donc réveiller Bourges – Montluçon et pourrait provoquer un changement de statut. Elle fait partie des 14 lignes dont les investissements de renouvellement sont financés à compter de 2024 non plus par le Contrat de Plan Etat – Région mais par SNCF Réseau, du moins si l’Etat transforme en espèces sonnantes et trébuchantes ses annonces sur l’augmentation des investissements ferroviaires. La nature de ces nouveaux trafics pourrait conférer un rôle stratégique à une partie de l'étoile de Montluçon.

La modernisation de la signalisation

Ces hypothèses de desserte viendraient alimenter un projet de modernisation de la signalisation, puisque le block manuel n’est plus de première jeunesse. L’automatisation et la télécommande (probablement mutualisée avec l’axe POLT et la transversale Tours – Saincaize) faciliterait l’écoulement du trafic en s’affranchissant des contraintes d’exploitation liées aux non-tenues de poste, qu’elles soient inopinées ou liées aux difficultés persistantes de recrutement dans de nombreux métiers ferroviaires, et de surcroît loin des grands centres urbains.

Une exploitation sans gasoil ?

L’électrification complète avait été esquissée en lien avec la ligne nouvelle POCL. Avec une zone de rechargement autour de Saint-Amand-Montrond et en gare de Montluçon, le service voyageurs pourrait être confié à des automotrices munies de batteries, sur la base des autonomies actuellement atteignables. Pour le fret, la locomotive bimode classique avec motorisation thermique (convertie à un biogaz voire à l’hydrogène sous forme de carburant) conserve de solides atouts.

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