Les limites de l'autorail à hydrogène
Allemagne : feu vert pour l'exploitation, mais des commandes en moins
Le verkehrsbund Rhein-Rhur (VRR) a annulé le 11 mai dernier la commande d'autorails Alstom Coradia iLint fonctionnant à l'hydrogène avec pile à combustible. C'est un revers pour cette nouvelle technologie, qui fait beaucoup parler, y compris en France. Cependant, l'EBA, l'autorité de sécurité ferroviaire en Allemagne, a autorisé le 11 juin dernier ces rames à assurer un service commercial avec voyageurs. C'est en Basse-Saxe que débuteront les activités des autorails à hydrogène.
Néanmoins, les performances de ces autorails peuvent faire question : dotés de 2 piles à combustible de 180 kW, ils embarquent également des batteries d'une puissance moyenne de 221 kW pouvant atteindre 450 kW pendant 40 secondes. Les deux moteurs électriques développent 660 kW chacun, bien plus que ce que peuvent fournir les batteries et la pile. En résumé, le Coradia iLint n'est pas un foudre de guerre...
Le fonctionnement du train s'appuie d'abord sur les batteries, notamment au démarrage, et la pile à combustible viendrait en complément une fois le train lancé, pour le maintien en vitesse et la réalimentation des batteries, qui profiteraient également de la récupération au freinage. Cependant, un autre élément vient quelque peu timorer l'enthousiasme en faveur de ces trains : qu'en est-il sur des lignes à profil difficile avec des rampes de 20 à 30 / 1000 sur plusieurs dizaines de kilomètres ?
Hydrogène : pas si propre que cela ?
La comparaison du rendement énergétique entre la production et la consommation constitue un point de fragilité important pour les motorisations à hydrogène, surtout en incluant l'acheminement et le stockage de cette énergie : plus il est fait usage d'énergies fossiles, plus l'hydrogène a besoin d'être transporté, par tubes ou plus souvent par voie routière, moins l'hydrogène s'avère pertinente par rapport au gasoil. Et compte tenu des méthodes de production d'électricité en Allemagne, le sujet devient des plus sensibles.
En France, d'après l'ADEME, le rendement énergétique de l'hydrogène, du producteur au consommateur, est de 20%, si elle est produite de façon vertueuse à partir d'une énergie renouvelable : un résultat équivalent aux motorisations thermiques et inférieur aux véhicules à batteries. Outre les méthodes de production de l'hydrogène, entrent en jeu les conditions d'acheminement et de stockage, avec des cycles de compression / décompression lors du transfert et le recours aux poids-lourds pour convoyer cette énergie. L'hydrogène semble donc plus adaptée à une logique de circuits de production courts, en misant sur des sources existantes de production électrique : on pensera à l'hydro-électricité dans les régions de montagne, mais aussi pour le cas français à la gestion des plages d'utilisation des centrales nucléaires en période creuse (la nuit notamment), pour profiter de la capacité à stocker cette énergie primaire qu'est l'hydrogène.
Le dossier n'est pas clos, loin de là, mais on peut déjà retenir cette évidence : il n'y a pas de solution universelle. Pour s'affranchir autant que possible des énergies fossiles, la traction électrique ferroviaire doit donc concevoir de nouvelles méthodes. L'hydrogène peut en être une, mais il y a encore besoin d'en préciser le domaine de pertinence non seulement technique mais aussi économique et écologique. Pour l'ADEME, dans le domaine de la motorisation de véhicules lourds, la pile à combustible à hydrogène viendrait en complément des batteries pour prolonger substantiellement l'autonomie de ces dernières et optimiser les cycles de récupération de l'énergie au freinage. C'est finalement le schéma vers lequel se dirige le Coradia iLint, et on est donc loin d'un train entièrement autonome grâce à sa seule pile à hydrogène.