TGV - Etat - Alstom : on continue comme avant...
Y a pas à dire, ça claque bien dans les médias et cela tombe au bon moment après une journée de grève plutôt bien suivie à la SNCF. Dans la catégorie « Pendant que vous manifestez, moi je m'occupe de l'avenir », voici donc un nouvel épisode des relations ambiguës - sinon incestueuses - entre l'Etat, la SNCF et Alstom à propos du TGV.
Le ministre de l'Economie a pré-annoncé la commande par l'Etat de 100 rames - rien que ça ! - de la nouvelle génération de TGV dite TGV-M, idée portée par Alstom et la SNCF et soutenue en son temps par un éphémère ministre du Redressement productif. Et de préciser que cette commande sera présentée au Conseil d'administration de la SNCF pour approbation au plus tard en juin prochain.
Sur le fond, cette annonce est symptomatique d'un Etat incapable de considérer une entreprise publique autrement que comme un service administratif. C'est à se demander s'il ne faudrait pas au contraire d'autres voix en son conseil pour tempérer un peu les oukazes venant du gouvernement (on en profitera pour rappeler que jusqu'en 1982, il restait 25% de capitaux privés à la SNCF). Ce qui est sidérant dans ce nouvel épisode, c'est que le même Etat, dans le projet de réforme du système ferroviaire, souhaite transformer l'Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial SNCF en Société Anonyme... pour prémunir l'entreprise de cette forme d'ingérence de l'Etat. Surréaliste ? Mais nous sommes en France voyons, le pays du théorème « Faites ce que je dis et pas ce que je fais » !
Qui plus est, la SNCF planche sur la réorganisation industrielle de la production du service TGV, qui utilise actuellement près de 450 rames, avec un objectif de 300 rames, par l'élimination des dernières rames à un niveau (Sud-Est, Atlantique, Réseau) pour n'engager que les différentes séries Duplex.
Donc acheter 100 rames pour un coût estimé entre 2,5 et 3 MM€... pour en faire quoi ? Servir de vitrine à Alstom, lui garnir le carnet de commandes et faire oublier l'impasse française sur l'AGV qui n'a connu aucun autre débouché qu'en Italie ? Et 100 rames, est-ce la tranche ferme ou la totalité du marché ?
Parlons - quand même - un peu de cette nouvelle génération de matériel qui poursuit plusieurs objectifs techniques et économiques :
- un prix unitaire d'acquisition ramené de 30 à 25 M€ ;
- un coût d'exploitation réduit de 25 % par rapport aux rames actuelles ;
- une capacité portée à 750 places, probablement avec des rames formées de 9 voitures grâce à la réduction de la longueur des motrices et avec la création d'une salle basse sous l'actuelle voiture bar (si ce service est maintenu) mais avec quel niveau de confort et quelles conséquences sur l'exploitation pour absorber une telle capacité supplémentaire (temps de stationnement en gare) ? Si on suppose 9 portes par rame, cela donne 83 voyageurs / porte, à comparer aux 72 des rames Duplex série 200 et 80 des rames Océane. Pas fameux quand on connait le prix de la minute gagnée sur le TGV...
- un gain de 70 tonnes par l'évolution de la technologie sur la chaine de traction.
L'Etat annonce une mise en service dès 2022. On verra ce qu'en dit la SNCF... si on lui demande son avis !