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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
mission spinetta
24 février 2018

Rapport Spinetta : le diagnostic

Après notre premier article, place à une analyse plus fine du rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l'avenir du système ferroviaire. Notre premier volet est consacré au diagnostic. Il est essentiellement économique et financier, plutôt à charge pour SNCF Réseau, épargnant SNCF Mobilités, mais égratigne aussi l'Etat considéré comme piètre stratège. Grand absent de cette première partie du rapport : l'usager, voyageur, client (choisissez le terme).

A venir dans les prochains jour, l'étude des 43 recommandations. A vrai dire, après les avoir lues, notre premier avis se confirme. Tout ça pour ça !

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15 février 2018

Mission Spinetta : des conclusions - quasiment - sans surprises...

Le rapport du Conseil d'Orientation des Infrastructures avait été plutôt modéré sur le sujet. Les conclusions de mission confiée à Jean-Cyril Spinetta le sont moins. Sans surprise, ce rapport transpire une certaine défiance envers le chemin de fer et sa capacité à se moderniser.

En résumé : il faut réduire les dépenses, contracter le réseau, ouvrir à la concurrence, changer le statut des entreprises ferroviaires et du personnel. Dans le principe, le Spin doctor ferroviaire utilise une méthode aussi radicale que ne l'avait tenté le gouvernement d'Alain Juppé en 1995. Pour le même résultat ?

La saignée ferroviaire contre une reprise éventuelle de la dette

Le rapport propose sans surprise de réduire le réseau à son périmètre de pertinence, c'est à dire les grands axes et les dessertes périurbaines des grandes métropoles. Pour le reste, autocar, voiture ou la mode du moment, le véhicule autonome car « il est impensable de consacrer 2 MM€ par an à 2% du trafic voyageurs ». Effet réseau, contribution à la transition énergétique, report modal et sécurité routière, tout ceci n'est guère abordé. « Guillaumat is back ! » diront certains, peut-être à l'excès quand même. Cependant, l'admiration béate pour les nouveaux joujoux du moment est sans limite, bien au-delà de ce que pourrait être leut réelle pertinence. Les leçons de l'histoire ne sont pas tirées : l'aerotrain, le SK, ARAMIS, le monorail Safege... Autant de grandes idées qui se sont fracassées avant même toute exploitation commerciale. La navette autonome peut être une solution pour des besoins de très courte distance mais y voir un substitut au tramway en banlieue (on en parle sur Nantes - Carquefou qui justifierait amplement un tram au quart d'heure) ou au train sur des parcours interurbains confine à l'aveuglement.

Néanmoins, on n'échappe pas au discours classique qui veut que la saignée est un remède universel. Qu'importe si la saignée a fait plus de victimes que de miracles. Changer de traitement, ce serait reconnaitre qu'on s'est trompé jusqu'à aujourd'hui !

Tout de même, reconnaissons que le message finit par passer : il faut changer de méthode d'évaluation du réseau. Les groupes UIC sont un indicateur pour la maintenance mais ne peuvent caractériser usage, vocation et avenir d'une ligne. M. Spinetta aurait-il parcouru les dossiers de transportrail ?

Autre volet, le réseau TGV : discours là aussi très classique sur le domaine de pertinence, accordant une primauté à l'avion au-delà de 3 heures de trajet, dans une vision très jacobine. Sans prendre de gants, M. Spinetta considère que le réseau à grande vitesse actuel a atteint son niveau de maturité et qu'il n'est pas nécessaire de développer de nouvelles infrastructures. Après la première couche du COI, qui commence déjà à faire débat dans les Régions, voici la seconde.

Il rappelle la nécessité d'un encadrement des investissements pour éviter d'augmenter la dette, oubliant que l'Etat lui demande parfois de mener des investissements à perte (CDG Express par exemple), et appelle à une meilleure responsabilisation des Régions quant à leurs dépenses ferroviaires - à coup sûr considérées comme somptuaires - en suggérant de leur faire supporter directement la Redevance d'Accès, cette part du péage aujourd'hui acquitté par l'Etat.

Plus fort encore, la transformation des 3 EPIC en sociétés anonymes en fera tousser plus d'un. Si on peut considérer que SNCF Mobilités est une entreprise par le fait de l'histoire, SNCF Réseau est en revanche une entreprise publique par principe. La transformer en SA suppose le maintien d'une forte garantie de l'Etat faute de quoi ses emprunts risquent de s'envoler... la dette avec. Au passage, Jean-Cyril Spinetta préconise le transfert des gares à SNCF Réseau (depuis le temps que tout le monde le pense...) mais aussi les services de sécurité.

On passera sur le passage relatif à l'ouverture du marché ferroviaire, qui est un principe législatif et non une préconisation de ce rapport, pour s'intéresser aux modalités de transfert du personnel vers les nouveaux opérateurs, dans le cadre de DSP pour le marché (concurrence régulée), et au sort du statut cheminot, manifestement scellé dans la durée. Voilà qui devrait assurément réveiller des centrales syndicales déjà remontées...

En contrepartie, le rapport se dit ouvert au réexemen de la dette par l'Etat. Le ministère des finances tousse déjà !

Tout ça pour ça !

Mais au-delà du constat « c'est trop cher », qui domine les 127 pages, que propose ce rapport ? Quelle est la stratégie suggérée au gouvernement ? Finalement, pas grand chose de nouveau. Le rapport charge la barque sur SNCF Réseau et sa dette, mais l'impéritie de SNCF Mobilités, la dérive de ses coûts et sa passivité en matière d'adaption du service au marché des déplacements sur les axes sont quelque peu étouffées.

Alors est-ce que ce rapport n'a pas pour objectif d'agiter un chiffon rouge, « le scénario du pire » pour donner à Matignon le rôle de modérateur ? Peut-être, mais dans ce cas, on a perdu du temps !

Et surtout, où sont les territoires, où sont les usagers / voyageurs / clients (rayez la mention inutile) ?

On soulignera enfin que M. Spinetta, lorsqu'il dirigeait Air France, avait raté le virage du low-cost. Il faudrait éviter le virage de la transformation du système ferroviaire...

Bref pour en arriver là, on aurait pu acheter La vie du rail : on en aurait appris plus, plus rapidement et pour moins cher !

25 octobre 2017

Mission Spinetta : quels objectifs ?

La mission confiée par le gouvernement à Jean-Cyril Spinetta, l'ancien PDG d'Air France, relève presque d'un épisode des aventures de James Bond.

La lettre de mission confirme la remise en cause de la priorité accordée aux investissements sur la grande vitesse ferroviaire au profit du renouvellement du réseau existant : celui-ci paie les conséquences des orientations politiques ayant conduit à financer la construction de LGV à budget transport constant, avec au point le plus aigu seulement 400 km de renouvellement au lieu d'un rythme nominal autour de 1000.

La faiblesse de l'usage du train autour des grandes métropoles, notamment pour les flux pendulaires, est pointée, tout comme l'effondrement du trafic fret depuis le début du siècle. Deux enjeux centraux émergent très nettement : le déséquilibre financier persistant, tant sur l'investissement que l'exploitation, et la perspective de mise en oeuvre du 4ème paquet ferroviaire c'est à dire principalement l'ouverture du marché intérieur.

M. Spinetta devra d'abord présenter à l'Etat une stratégie de desserte du territoire à horizon 2030, en intégrant les solutions alternatives au train, les ruptures technologiques et l'état du réseau ferroviaire. Il est en particulier attendu sur le schéma de desserte TGV, alors que revient une fois de plus la question du nombre de gares desservies.

Sur ce premier volet, on ne manquera pas de noter que M. Spinetta devra "informer" les Régions des conclusions de ses travaux et de l'impact sur l'organisation des TER. Mais les Régions ne sont-elles pas pleinement autorités organisatrices ? En insistant sur les alternatives, la situation du réseau et avec le désormais couplet classique sur les nouvelles mobilités, on ne peut être que très inquiet sur ce volet de la mission.

Ensuite, M. Spinetta est chargé de proposer un plan de remise à plat du modèle économique de gestion du réseau, afin de résorber le déséquilibre du système sans contribution supplémentaire de l'Etat, donc par une performance industrielle et une productivité accrues, mais aussi par de nouvelles propositions de tarification de l'usage du réseau, puisque l'ARAFER continue de retoquer les propositions de SNCF Réseau

Enfin, il devra "préciser les conditions de la réussite" de la mise en appels d'offres des dessertes subventionnées (TER et TET) tant sur l'organisation du transport, le volet social, les aspects patrimoniaux (devenir du matériel roulant) mais aussi sur l'organisation du groupe public ferroviaire : il est explicitement fait mention du devenir des gares (rattachées à SNCF Réseau ou EPIC indépendant ?) et de façon à peine voilée à l'EPIC de tête SNCF.

On peut donc se demander comment M. Spinetta pourrait répondre à ces objectifs dans un délai aussi court face à l'ampleur de la tâche. L'Etat lui demande de réaliser en 3 mois ce qui n'a pas été fait pendant au moins 30 ans ! La mission est d'autant plus rude que l'Etat n'a manifestement pas les moyens ni l'envie de développer son engagement dans le transport ferroviaire.

Par conséquent, on peut redouter, sous couvert d'amélioration de la situation financière et d'émergence des "nouvelles mobilités", le recours aux expédients utilisés depuis 80 ans avec pour commencer "une bonne saignée" dans le réseau (à commencer par les UIC 7 à 9) dont on pressent déjà qu'elle pourrait être massive, peut-être même digne de la période 1937-1939 quand 11 000 km de lignes ont été éradiqués, dans le but de traiter - en apparence et très provisoirement - le volet économique. Verra-t-on un chapitre consacré au transfert d'une partie des lignes locales aux Régions, ce qui pourrait être la dernière planche de salut avant l'autocar ?

Au-delà, le devenir des gares est indissociable de celle de l'ouverture à la concurrence et l'Etat ne peut plus reculer compte tenu de l'imminence de l'échéance. Quant à la stratégie de desserte, notamment l'offre TGV, la situation reste floue car la contraction de la dessertes aux seules LGV, maintes fois évoquée, présente probablement plus de risques que d'avantages, sans compter qu'elle ne manquerait pas d'agiter les élus locaux concernés, tout en conférant à la démarche l'allure d'une reprise en mains par l'Etat d'une compétence décentralisée depuis 20 ans.

Alors, élixir de jouvence ou bouillon de onze heures ? Rendez-vous en janvier, à la remise des conclusions de M. Spinetta, à qui nous disons cependant "bon courage" !

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