Genève : la gare souterraine en bonne voie
Même en Suisse, surtout en Romandie, il faut savoir faire preuve de prudence. Alors que les travaux de modernisation de la gare de Lausanne se prennent un peu les pieds dans le tapis, alors que dédoublement de la ligne Genève - Lausanne n'arrive pas à convaincre au point d'être sanctuarisé, la création de deux nouvelles voies souterraines en gare de Genève Cornavin semble en bonne voie puisque l'enquête publique pourrait avoir lieu en 2027. Sa mise en service n'est cependant pas envisagée avant 2038. Le coût est actuellement estimé à 1,9 milliards CHF.
Néanmoins, l'OFT en faisait un projet prioritaire dès 2013 et considérait sa réalisation nécessaire à horizon 2025. L'augmentation du trafic dans les 15 prochaines années devra donc se faire avec des installations genevoises quasiment constantes ce qui risque de fragiliser encore un peu plus l'exploitation de l'axe Genève - Lausanne.
documents CFF
Le projet a également évolué puisqu'il est également prévu d'améliorer le débit au sud de la gare Cornavin entre les trains venant de l'aéroport et ceux venant de France. Cependant, il faudra donc être assez patient et ne pas forcément trop attendre de ce projet, car l'axe Genève - Lausanne risque d'être dans les années à venir encore assez souvent à la une des médias suisses.
Genève – Lausanne accumule les mauvaises nouvelles (sauf une)
La Suisse Romande a souvent l’habitude de considérer qu’elle est la variable d’ajustement des politiques d’investissement en Suisse, notamment en matière ferroviaire, se considérant lésée par rapport aux cantons alémaniques. Ce n’est pas forcément exagéré.
Dernier épisode en date : la présentation de l’horaire 2025 entraîne une série de protestations, compte tenu de la suppression presque totale des dessertes entre Genève et la ligne du pied du Jura. Il faudra changer de train à Renens : les CFF ont d’ailleurs prévu d’arrêter la plupart des trains dans cette gare de la périphérie de Lausanne afin d’éviter une perte de temps supplémentaire et d’encombrer un peu plus la gare de Lausanne.
En effet, les trains seront réorientés vers Lausanne pour alléger le trafic vers Genève, compte tenu d’une importante dégradation de la régularité. Il y a de quoi relativiser : 89 % des trains arrivent à destination avec au maximum 3 minutes de retard.
Les temps de parcours seront augmentés de 4 minutes entre Genève et Lausanne, de 3 minutes entre Lausanne et Berne et de 8 minutes entre Lausanne et Bienne.
Une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule : les CFF rencontrent d’importantes difficultés dans la conduite des travaux de transformation de la gare de Lausanne, qui devaient s’achever en 2025 selon un calendrier déjà revu après la pandémie du projet Léman 2030. Cette fois, il est question de 12 années supplémentaires de travaux. En cause notamment, des problèmes structurels dans la mise en œuvre des différentes phases du chantier et l’Office Fédéral des Transports qui met en question la sécurité des voyageurs sur certains quais de largeur insuffisante par rapport à l’augmentation du trafic. On conseille au passage aux membres de l'OFT d'éviter tout transit en France par Lyon Part-Dieu...
Lausanne - 8 juin 2014 - La largeur des quais dans le remaniement de la gare de Lausanne est jugée insuffisante par l'OFT, préconisant 12 à 13 m quand le projet prévoit au mieux 10,5 m compte tenu des emprises mobilisables. © transportrail
Lausanne - 17 juin 2015 - La remise en cause des solutions techniques étudiées par les CFF pourrait bousculer de nombreux projets connexes à commencer par le développement de la troisième ligne de métro. © transportrail
Cette succession de mauvaises nouvelles renforcent les revendications, portées principalement par les cantons de Genève et de Vaud, pour une ligne nouvelle entre Genève et Lausanne, le seul grand axe du fait de la géographie de la pointe sud-ouest de la Suisse. Les perturbations provoquées par l’effondrement de la plateforme à Tolochenaz leur ont également redonné vigueur. Ce n’est pas la première fois : le débat est apparu dès les années 1970 et un premier tracé avait été réalisé en 1975.
L’intense trafic ferroviaire, à plus de 200 trains par jour, est emprunté en moyenne par 65 000 voyageurs par jour. Cependant, compte tenu de l’urbanisation, il y a fort à parier que les solutions possibles comprendront de longues parties souterraines. Dans les principes des nouvelles études, la ligne nouvelle chercherait à relier les deux agglomérations en contournant la succession de villes en bord de lac, avec des raccordements prévus de part et d’autre de Nyon et Morges. La ligne nouvelle pourrait se raccorder à l’infrastructure existante à hauteur de Renens. L’inscription de ce projet dans le cadre de Rail 2035 reste cependant encore peu probable, compte tenu des coups partis d’une part, des moyens supplémentaires à mobiliser ensuite et des clivages entre Suisse romande et Suisse alémanique enfin.
Néanmoins, le fait que l’Office Fédéral des Transports soutienne la demande d’un crédit de 2 MMCHF auprès du Conseil Fédéral pour une première et courte section souterraine entre Morges et Perroy pourrait signifier que la revendication a été entendue… si ce n’est admise.
Début des travaux de transformation de la gare de Lausanne
Le 29 juin dernier, a été donné le coup d'envoi des travaux de transformation de la gare de Lausanne, qui vont durer 10 ans.
Juste après la fin des travaux en gare de Renens, cette fois-ci, les CFF s'attaquent à un gros morceau. L'été prochain, la 4ème voie venant de Renens sera mise en service ainsi que le saut-de-mouton reclassant le trafic, autorisant en décembre suivant la mise en place d'une desserte RER comprenant 4 trains par heure et par sens entre Cossonnay et Cully, sur le tronc commun du réseau. La section la plus chargée de Suisse romande sera ainsi - en principe ! - plus fluide.
Ensuite, la modernisation des quais sera engagée de sorte à proposer un accès de plain-pied à tous les trains depuis toutes les voies mais aussi abolir les contraintes de réception des trains de 400 m qui pourront utiliser en 2029 toutes les voies. Ensuite, en 2030, les voyageurs pourront disposer de nouveaux passages souterrains, et la ligne de métro M2 disposera d'un nouveau tracé, puisque l'actuel a vocation à être emprunté par la future ligne M3. Enfin, en 2031, c'est tout le sous-sol de la gare, y compris sous la place qui lui fait face, qui sera livré, intégrant le pôle d'échanges avec les 2 lignes de métro.
Le coût total de cette opération atteint 1,3 MMCHF, financé par la Confédération à hauteur de 900 MCHF, CFF Immo (250 MCHF), le Canton de Vaud (90 MCHF) et la ville de Lausanne (15 MCHF). C'est une des opérations majeures du projet Léman 2030.
Suisse : débats sur la répartition du FAIF
L'utilisation du FAIF, le fonds pour l'aménagement des infrastructures ferroviaires, sur la période 2020-2035, fait l'objet d'arbitrages fédéraux pour sélectionner les projets qui seront financés à cette échéance. Les premières orientations suscitent des critiques en Suisse romande, singulièrement dans les cantons de Genève et de Vaud. Les projets ne seront définitivement choisis qu'en 2019, ce qui laisse donc plus de 18 mois pour aboutir à une liste faisant consensus. L'OFT est chargé de proposer deux trajectoires, à 7MM CHF et à 12MM CHF.
Pour l'instant, la Suisse alémanique semble privilégiée dans la première maquette, avec environ 40% du budget concentré sur le secteur de Zurich. Les élus de l'arc lémanique demande l'affectation de 40% du budget à ce territoire pour obtenir les moyens nécessaires au financement d'aménagements pour les dessertes régionales et la poursuite du RER lémanique. Cependant, il faut toutefois souligner que les investissements permettant de mettre en oeuvre une liaison Intercity Genève - Lausanne tous les quarts d'heure et non plus toutes les demi-heures. En revanche, le cadencement au quart d'heure entre Genève et La Plaine est pour l'instant écarté.
Si les genevois sont aussi critiques, c'est surtout parce que cette non-sélection pourrait signifier que la participation fédérale à la gare souterraine de Genève Cornavin pourrait être remise en cause.
La Suisse alémanique est plutôt bien lôtie, et l'OFT justifie sa première moutoure par une analyse de la criticité de l'exploitation. Ainsi, Zurich pourrait obtenir les crédits pour le percement du tunnel du Brütten entre Zurich et Winterthur. Les liaisons Berne - Zurich, Lucerne - Zurich (avec le tunnel de base du Zimmerberg) et Bienne - Bâle bénéficieraient de nouvelles augmentations de capacité. Etrangement, même l'achèvement du second tube du tunnel du Lötschberg ne figure pas sur les tablettes de l'OFT. Les bâlois sont également critiques, puisque le RER trinational ne figure pas dans la version à 7MM CHF. Les jurassiens aussi, avec l'absence de la liaison rapide Neuchâtel - La Chaux de Fonds. Le projet de nouvelle gare à Lucerne pour supprimer le rebroussement n'est pas non plus retenu.
L'OFT considère que les 18 mois à venir permettront d'affiner les deux hypothèses, tout en soulignant que le cumul des investissements "souhaités" atteint 19MM CHF, soit 50% de plus que l'enveloppe maximale affectée à la période 2020-2035.
Les français sont indirectement concernés par ces débats car, pour l'instant, le projet de réouverture de la section Evian - Saint Gingolph n'est pas retenu dans la première maquette financière.
Suisse : Léman 2030 en travaux
Les premiers travaux d'aménagement de la liaison Genève - Lausanne ont débuté le 6 octobre dernier. Pour commencer Léman 2030, les CFF ont lancé les travaux de reprise du plan de voies à Mies et Chambésy dans le but d'assurer dès fin 2017 une cadence au quart d'heure des trains périurbains entre Genève et Coppet. Dans un premier temps, ce doublement de l'offre ne concernera que la pointe et dès décembre 2018, il sera étendu aux heures creuses. Il est prévu d'ajouter une quatrième voie dans ces gares, de sorte à ce que les trains omnibus, qui circulent aujourd'hui dans les deux sens sur une voie unique, puissent se croiser plus fréquemment. Il est aussi prévu de revoir les passages sous les voies pour adapter leur capacité à l'augmentation du trafic.
A Renens, les travaux ont également débuté pour redessiner la gare dont les voies seront ripées vers le nord de sorte à rendre possible la réception de trains de 400 m de long, et d'adapter la gare à l'évolution du trafic par la densification de l'offre tant vers Genève que vers Lausanne toute proche. Les travaux en gare de Lausanne, d'une ampleur exceptionnelle, débuteront l'année prochaine et aboutiront en 2019 à une gare transformée à la hauteur des enjeux de desserte.
Ces travaux se déroulent sans interrompre la circulation des trains sur un axe où le trafic moyen atteint 600 trains par jour.
Notre dossier sur Léman 2030.
Genève : une gare souterraine en 2025 ?
Genève Cornavin - 8 juin 2014 - Entrée en gare d'un Intercity composé de voitures Vu IV tractées par une Re 460. C'est à droite de l'image que la question des expropriations se posait pour étendre le faisceau de voies. Finalement, l'option d'un tunnel se confirme. © transportrail
En lien avec le projet Léman 2030, prévoyant une augmentation du trafic sur l'axe Genève - Lausanne, la question de la capacité de la gare de Genève Cornavin a été mise en discussion compte tenu des limites actuelles du site. L'hypothèse d'une extension en surface a été écartée : quoique potentiellement moins onéreuse, elle était beaucoup plus délicate à gérer du fait de nombreuses acquisitions foncières. La solution en tunnel est donc restée seule en piste. Plus chère, elle semble être aujourd'hui la seule en mesure de répondre à la demande capacitaire. Elle est estimée à 1,652 MM CHF avec une réalisation prévue entre 2024 et 2031. C'est à l'automne que la décision de réaliser cette gare souterraine devrait être confirmée.
Suisse : une votation décisive le 9 février 2014
Le 9 février 2014, les suisses seront appelés à voter pour adopter - ou non - le Fonds pour l'Aménagement des Infrastructures Ferroviaires - qui devrait atteindre dans un premier temps pour financer les premières réalisations de Rail 2030, à hauteur de 6,4 MM CHF. Ce fonds sera alimenté par
- la confédération à hauteur de 2,3 MM CHF
- les cantons à hauteur de 500 M CHF par an, contre 200 actuellement
- les fiscalités indirectes : la taxe sur les produits pétroliers, la TVA (augmentation de 0.001 % par an) et la redevance sur les poids lourds
- une diminution des niches fiscales, notamment le plafonnement à 3000 F par personne des abattements kilométriques pour raisons professionnelles
L'objectif est de généraliser sur les principales lignes le cadencement à la demi-heure, et d'atteindre une fréquence au quart d'heure autour des grandes agglomérations. La Suisse Romande est privilégiée dans ce plan, après les efforts importants consentis notamment autour de Zurich, Berne et Bâle. Le projet Léman 2030 sur l'axe Genève - Lausanne, sur lequel nous reviendrons prochainement, en constitue la pierre angulaire.
L'enjeu est donc crucial pour les CFF, qui devront faire face à une hausse du trafic de 60% d'ici 2030. Son Président a clairement indiqué qu'un vote négatif créerait d'importants dysfonctionnements sur un réseau déjà fortement sollicité. La conseillère fédérale Doris Leuthard est également montée au créneau avec pour slogan "Ne touchez pas à nos trains !" en rappelant que le réseau ferroviaire était un enjeu essentiel pour l'économie suisse.